Jurisprudence : Cons. const., décision n° 92-316 DC, du 20-01-1993

Cons. const., décision n° 92-316 DC, du 20-01-1993

A8276ACI

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CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Décision n°92-316 DC du 20-01-1993


Publié au Journal officiel du 22 janiver 1993, p. 1118
Rec. p. 14

Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 21 décembre 1992, par MM Bernard Pons, Alain Cousin, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, François Grussenmeyer, Bernard Schreiner, Arnaud Lepercq, Mme Suzanne Sauvaigo, MM Jean-Louis Masson, Jean-Marie Demange, Gérard Léonard, Pierre Raynal, Pierre-Rémy Houssin, Jean-Louis Goasduff, Mme Christiane Papon, MM Roland Nungesser, René Galy-Dejean, Mme Michèle Alliot-Marie, MM Jean de Lipkowski, Robert-André Vivien, Georges Tranchant, Arthur Dehaine, Pierre Pasquini, Pierre Bachelet, Jacques Boyon, René Couveinhes, Gérard Chasseguet, Pierre Mauger, Jean Kiffer, Olivier Dassault, Gautier Audinot, Jean-Claude Mignon, Richard Cazenave, Jean Ueberschlag, Mme Roselyne Bachelot, MM Jean-Louis Debré, Eric Raoult, Guy Drut, Charles Paccou, Jean-Paul Charié, Robert Galley, Dominique Perben, Didier Julia, Roland Vuillaume, Jacques Toubon, Patrick Ollier, Mme Françoise de Panafieu, MM Bernard Debré, Jean-Paul de Rocca-Serra, Michel Giraud, Mme Nicole Catala, MM Jean-Luc Reitzer, Christian Estrosi, Gabriel Kaspereit, Charles Millon, André Santini, Jean-Yves Haby, Mme Louise Moreau, MM Roger Lestas, Raymond Marcellin, Jean Brocard, Michel Meylan, Alain Moyne-Bressand, Marc Laffineur, Jean-Luc Préel, Jean Rigaud, Francisque Perrut, Maurice Ligot, Jean Begault, Georges Mesmin, Pierre-André Wiltzer, Yves Coussain, Francis Saint-Ellier, René Garrec, Michel Pelchat, Jean-Marc Nesme, Francis Delattre, Alain Griotteray, Jean Briane, Germain Gengenwin, Gérard Grignon, Michel Jacquemin, Christian Kert, Adrien Durand, Adrien Zeller, Jean-Jacques Hyest, Pierre Mazeaud, députés, et le 22 décembre 1992, par MM Etienne Dailly, Pierre Jeambrun, François Giacobbi, Georges Mouly, Jacques Bimbenet, Ernest Cartigny, Raymond Soucaret, Paul Girod, François Lesein, Pierre Laffitte, Max Lejeune, Jean Bernard, Paul Blanc, Jean-Pierre Camoin, Jean Chamant, Désiré Debavelaere, Philippe François, Daniel Goulet, Adrien Gouteyron, Roger Husson, Lucien Lanier, René-Georges Laurin, Jean-François Le Grand, Guy Lemaire, Joseph Ostermann, Soséfo Makapé Papilio, Alain Pluchet, Roger Romani, Jean Simonin, Martial Taugourdeau, Serge Vinçon, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, Bernard Barraux, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, André Bohl, Paul Caron, Louis de Catuélan, Marcel Daunay, André Egu, Jacques Golliet, Daniel Hoeffel, Claude Huriet, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Edouard Le Jeune, Marcel Lesbros, Daniel Millaud, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Xavier de Villepin, Marcel Lucotte, Christian Bonnet, Roger Chinaud, Bernard Barbier, Jean-Pierre Fourcade, Jean Clouet, Henri de Raincourt, André Bettencourt, Joël Bourdin, Jacques Larché, Pierre Louvot, Henri Revol, Mme Anne Heinis, MM James Bordas, Michel Poniatowski, Charles Jolibois, Michel Crucis, Jean-Paul Chambriard, Joseph Caupert, Guy Poirieux, Jean-Pierre Tizon, Charles-Henri de Cossé-Brissac, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée portant création et organisation des régions ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée d'orientation du commerce et de l'artisanat ;

Vu la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 modifiée relative à la protection des occupants de locaux à usage d'habitation, notamment son article 6 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ;

Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 modifiée relative aux sociétés d'économie mixte ;

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence ;

Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;

Vu la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 modifiée relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques ;

Vu la loi n° 90-614 du 12 juillet 1990 modifiée relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic de stupéfiants ;

Vu la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 modifiée relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence ;

Vu le code électoral ;

Vu le code des douanes ;

Vu le code des communes ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire ampliatif présenté au nom des députés, auteurs de la première saisine, enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 décembre 1992 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Considérant que les députés auteurs de la première saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques en critiquant les dispositions des articles 1er à 6, 9, 11, 13, 20 à 22, 25, 32, 38, 40, 41, 49, 53, 54, 72, 73 et 86 ;
que les sénateurs auteurs de la seconde saisine allèguent l'inconstitutionnalité des articles 20 à 22, 24 à 26, de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 40 et des articles 53, 54 et 76-II de ladite loi ;

Sur la procédure législative :
En ce qui concerne les conditions d'adoption de l'article 11 :
Considérant que les députés auteurs de la première saisine font valoir que les dispositions de l'article 11 ont été introduites par voie d'amendement, en seconde délibération et en nouvelle lecture, alors qu'elles n'ont été ni examinées ni rapportées par la commission saisie au fond non plus que présentées et examinées en première délibération ;

Considérant d'une part qu'aucune disposition de la Constitution, notamment ses articles 43 et 44, ne proscrit, en l'absence d'opposition du Gouvernement, la discussion et le vote en séance publique d'amendements qui n'auraient pas été examinés préalablement en commission ;

Considérant d'autre part que le droit d'amendement est susceptible de s'exercer selon les mêmes modalités en première et en seconde délibération qui constituent deux phases de la même lecture ;
qu'ainsi n'est pas contraire à la Constitution, sous réserve des limitations prévues par les troisième et quatrième alinéas de l'article 45, lesquelles n'ont pas été méconnues en l'espèce, la présentation en seconde délibération d'un amendement qui n'a pas été examiné en première délibération ;

Considérant que, dès lors, l'article 11 de la loi n'a pas été adopté selon une procédure contraire à la Constitution ;

En ce qui concerne les conditions d'adoption des articles 53, 54, 72, 73 et 86 :
Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que les articles 53, 54, 72, 73 et 86 ont été adoptés en méconnaissance des limites inhérentes au droit d'amendement ;
que les sénateurs auteurs de la seconde saisine font valoir le même grief à l'égard des seuls articles 53 et 54 ;

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ;
que, toutefois, les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;

Considérant qu'a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 10 septembre 1992, un projet de loi relatif à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ;
que, dans son titre Ier, ce texte comportait des dispositions relatives à la création d'un service interministériel de lutte contre la corruption ;
que le titre II comprenait des dispositions relatives au financement des partis politiques et des campagnes électorales ;
que le titre III comportait des dispositions relatives à la transparence des activités économiques des personnes tant publiques que privées ;
que le titre IV regroupait des dispositions relatives aux collectivités locales destinées à assurer la transparence de procédures qui leur sont propres ainsi que des adaptations de différentes formes de contrôle auxquelles elles sont soumises ;
qu'il était loisible au Parlement, à l'initiative soit du Gouvernement soit d'un parlementaire, d'apporter au texte des amendements se rattachant à ces matières ;

Considérant que peuvent être regardées comme ayant un lien avec le texte en discussion destiné à prévenir la corruption et à favoriser la transparence des activités économiques les dispositions des articles 72 et 73 ayant pour objet d'étendre la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants au blanchiment des capitaux provenant de l'activité d'organisations criminelles, et modifiant les modalités des déclarations auxquelles ces organismes sont tenus ;

Considérant en revanche que l'article 53 de la loi a trait aux obligations des propriétaires dans leurs relations avec les preneurs de locaux d'habitation en cas de résiliation d'un bail ou d'un droit d'occupation en cours de validité ;
que l'article 54 aménage par plusieurs modifications l'ensemble du régime juridique du permis de démolir ;
que ces dispositions, qui n'ont trait ni à la prévention de la corruption ni à la transparence des activités économiques et concernent des matières qui n'ont pas fait l'objet de dispositions du texte soumis à la délibération des assemblées sont dépourvues de lien avec ce texte ;

Considérant également que l'article 86, qui a trait aux conditions d'examen devant le juge d'instance au regard de la charge de la preuve des contestations par le préfet des inscriptions sur les listes électorales, ne se rattache à aucune des matières faisant l'objet du projet de loi ;
qu'ainsi, cet article est dépourvu de lien avec le texte soumis à la délibération des assemblées ;

Considérant que dès lors les articles 53, 54 et 86 ont été adoptés selon une procédure irrégulière ;

Au fond :
Sur les articles 1er à 6 relatifs au service central de prévention de la corruption :
Considérant que les députés auteurs de la première saisine invoquent à l'encontre de ces articles qui, créant un service central de prévention de la corruption, régissent son organisation et son fonctionnement, plusieurs griefs d'inconstitutionnalité ;
qu'ils soutiennent que dès lors que les missions et les pouvoirs de ce service administratif l'assimilent à la police judiciaire, le principe de séparation des pouvoirs affirmé par l'article 16 de la Déclaration des droit de l'homme et du citoyen est méconnu ainsi que la liberté individuelle faute d'intervention de l'autorité judiciaire ;
qu'en outre les modalités prévues de communication de documents de toute nature à ce service portent atteinte au droit de propriété ;

Considérant que si, en vertu des trois premiers alinéas de l'article 1er de la loi, il revient au service de centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention de certaines infractions limitativement énumérées, il ne ressort pas de ces dispositions qu'il est habilité à opérer lui-même la constatation desdites infractions ;
qu'en lui confiant cette mission, le législateur n'a pas entendu déroger aux dispositions protectrices de la liberté individuelle prévues par la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
qu'en vertu de l'article 2 de la loi, le service est tenu de saisir le procureur de la République dès que les informations qu'il aurait ainsi réunies mettraient en évidence des faits susceptibles de constituer des infractions ;
que l'article 3 prescrit son dessaisissement dès qu'une procédure judiciaire d'enquête ou d'information relative à de tels faits est ouverte ;
que dès lors et sous réserve des interprétations qui précèdent, les dispositions ci-dessus analysées ne portent atteinte ni à la séparation des pouvoirs ni à la liberté individuelle ;

Considérant cependant qu'en prévoyant par le cinquième alinéa de l'article 1er que le service peut recourir à des personnes qualifiées pour des " investigations ", le législateur, même en qualifiant ces mesures de techniques, ne les a pas définies de manière suffisamment claire et précise en les limitant à celles qui relèvent d'enquêtes administratives ;
que dès lors cette formulation est susceptible d'entraîner des atteintes à la liberté individuelle sans garantie de l'autorité judiciaire ;
que, par suite, le cinquième alinéa de l'article 1er de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution ;

Considérant en outre que l'article 5 de la loi confère à ce service le droit d'obtenir communication de tout document sans l'assortir d'une obligation de motivation et sans aucune restriction non seulement quant à la nature mais aussi quant à l'ancienneté de ces documents ;
que ce droit n'étant pas limité à une prise de connaissance et, le cas échéant, de copie, peut autoriser des rétentions dont le terme n'est pas fixé ;
que le droit de convocation de toute personne dont dispose le service peut être assorti d'un délai limité à quarante-huit heures, sans égard aux déplacements qu'il implique ni à d'éventuelles circonstances particulières ;
qu'il n'est pas précisé que la personne convoquée peut se faire accompagner du conseil de son choix ni qu'un procès-verbal doit être dressé contradictoirement ;
que le service peut ainsi, y compris de sa propre initiative, intervenir dans des domaines très divers de la vie professionnelle et privée ;
que le refus de délivrer les documents demandés ou de se prêter aux auditions provoquées par le service est punissable d'une amende correctionnelle de 50 000 F ;

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