Jurisprudence : TA Amiens, du 26-07-2022, n° 2202346

TA Amiens, du 26-07-2022, n° 2202346

A97098NW

Référence

TA Amiens, du 26-07-2022, n° 2202346. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88936719-ta-amiens-du-26072022-n-2202346
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Références

Tribunal Administratif d'Amiens

N° 2202346


lecture du 26 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 et 24 juillet 2022, la société SNCF Réseau, représentée par Me Hansen, demande au juge des référés, statuant par application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'arrêté n° 148 du 20 juin 2022 par lequel le maire de la commune de Tergnier lui a enjoint de mettre en place des mesures conservatoires de mise en sécurité de la passerelle piétonne surplombant les voies ferrées ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Tergnier la mise en œuvre

de toutes mesures conservatoires visant à assurer la sécurisation de la passerelle piétonne surplombant les voies ferrées à Tergnier, dans l'attente de la prochaine démolition de ladite parcelle ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Tergnier la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'urgence est caractérisée compte tenu du délai de seulement quinze jours qui lui est imparti pour réaliser les travaux ordonnés et que l'arrêté litigieux met à sa charge des obligations de mise en sécurité, alors même qu'elle n'est pas propriétaire du bien en cause ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse ;

- la passerelle litigieuse est de la propriété de la commune, en application des articles L. 2111-1 et L. 2111-2 du code général de la propriété des personnes publiques et de la jurisprudence ; elle doit la sécuriser et l'entretenir elle-même ;

- sa dégradation résulte de ses modalités de construction et de son ancienneté et pas d'un défaut d'entretien qui serait de son fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2022, la commune de Tergnier, représentée par Me Mokhtar, conclut au rejet de la requête et demande au juge des référés de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme dénuée d'objet du fait que l'arrêté litigieux a été entièrement exécuté ;

- à titre subsidiaire, l'urgence n'est pas constituée faute de préjudice grave et immédiat pour la société SNCF Réseau ;

- il n'y a pas de doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse dès lors que la passerelle appartient au domaine public ferroviaire.

Vu :

- la requête n° 2202282 par laquelle la société SNCF Réseau demande l'annulation de l'arrêté n° 148 du 20 juin 2022 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Derlange, vice-président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience.

Au cours de l'audience publique du 25 juillet 2022 à 11 heures, en présence de Mme Wrobel, greffière, ont été entendus :

- le rapport de M. Derlange, juge des référés ;

- les observations de Me Marx, substituant Me Hansen, pour SNCF Réseau ;

- et les observations de Me Dumont, substituant Me Mokhtar, pour la commune de Tergnier.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Tergnier :

3. La commune de Tergnier soutient que la requête de SNCF Réseau serait irrecevable dès lors que l'arrêté litigieux a été entièrement exécuté à la date de la présente ordonnance ou d'enregistrement de la requête. Toutefois, si le délai de quinze jours qui avait été alloué par la commune de Tergnier pour exécuter les obligations mises à la charge de SNCF Réseau est effectivement expiré à ces dates, un certain nombre desdites obligations, restées à la charge financière de cette société mais dépendant de l'appréciation de la commune de Tergnier, compte tenu de l'objet de l'arrêté litigieux, a vocation à s'étendre sur une période longue et indéterminée, notamment s'agissant du contrôle mensuel de l'état des voies circulables et de la réparations dès l'apparition d'un trou ou d'un affaissement du revêtement de surface et du contrôle semestriel et à la sortie de la période de gel de l'état des bétons. L'arrêté litigieux ne pouvant ainsi être regardé comme entièrement exécuté, la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Tergnier sur ce point doit être écartée.

Sur l'urgence :

4. Eu égard au fait que par l'arrêté litigieux, le maire de la commune de Tergnier a, ainsi qu'il a été dit précédemment, mis unilatéralement et sans terme déterminé, à la charge de SNCF Réseau, des obligations financière liées à l'entretien et à la mise en sécurité de la passerelle piétonne surplombant les voies ferrées de la gare de Tergnier, alors que la propriété de cette passerelle est contestée et que des impératifs de sécurité publique sont invoqués, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

Sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux :

5. Eu égard au fait qu'il est jugé que les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des cours d'eau ou des voies ferrées qu'ils traversent mais sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage et qu'il en ressort donc qu'une passerelle supportant une voie faisant, comme en l'espèce, la jonction entre une voie communale et une voie départementale, ne peut donc pas appartenir à SNCF Réseau, le moyen soulevé par cette société tiré de ce qu'elle n'est pas propriétaire de la passerelle litigieuse est de nature, à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté litigieux par lequel le maire de la commune de Tergnier lui a enjoint de mettre en place des mesures conservatoires de mise en sécurité de cette passerelle et les a mises à sa charge en cas d'inexécution.

6. Les deux conditions de l'article L. 521-1 précité du code de justice administrative étant satisfaites, il convient de suspendre l'exécution de l'arrêté n° 148 du 20 juin 2022 du maire de la commune de Tergnier jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il n'appartient pas au juge des référés, comme le demande la société SNCF Réseau, de mettre à la charge de la commune de Tergnier la mise en œuvre de toutes mesures conservatoires visant à assurer la sécurisation de la passerelle piétonne surplombant les voies ferrées à Tergnier, dans l'attente de la prochaine démolition de ladite parcelle, ses obligations résultant, le cas échéant, de ce qui a été dit ci-dessus sur la question de la propriété de la passerelle litigieuse.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Tergnier le versement de la somme de 2 000 euros à la société SNCF Réseau. Par ailleurs, la commune de Tergnier étant partie perdante, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : L'exécution de l'arrêté n° 148 du 20 juin 2022 du maire de la commune de Tergnier est suspendue jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Article 2 : La commune de Tergnier versera la somme de 2 000 euros à la société SNCF Réseau en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de SNCF Réseau et les conclusions de la commune de Tergnier sont rejetés.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SNCF Réseau et à la commune de Tergnier.

Fait à Amiens, le 26 juillet 2022.

Le juge des référés,

Signé :

S. DerlangeLa greffière,

Signé :

N. Wrobel

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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