05/07/2013
ARRÊT N°
N° RG 12/03491
CL / MH
Décision déférée du 08 Juin 2012 - Tribunal d'Instance de TOULOUSE - 11-12-954
Me Z, mandataire liquidateur de la SARL SGE
SCP PELLIER MOLLA, mandataire liquidateur de la SARL TDE
SA PRO CME
SARL INNOVTEC
SARL NGS (NEW GENERATION SISTEMS)
SARL CME
C/
Hacène S
Syndicat UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT ET TOULOUSE SUD
Syndicat LOCAL CONSTRUCTION BOIS ET AMEUBLEMENT CG T 31
CONFIRMATION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2 - Chambre sociale
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ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE TREIZE
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APPELANTS
Maître Z, mandataire liquidateur de la SARL SGE
TOULOUSE
représenté par la SELARL GUYOMARCH SEYTE, avocats au barreau de TOULOUSE, Me Gilles ..., avocat au barreau de TOULOUSE
SCP PELLIER MOLLA, mandataire liquidateur de la SARL TDE
représentée par la SCP CAMILLE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de TOULOUSE, Me ..., avocat au barreau de NICE
SA PRO CME prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège
Rua Rui Teles Palhinha 4 Leiao 2740 278 PORTO SALVO (PORTUGAL)
représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE, Me Jean Patrice ..., avocat au barreau de MARSEILLE
SARL INNOVTEC prise en le personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
GEMENOS
représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE, Me Jean Patrice ..., avocat au barreau de MARSEILLE
SARL NGS (NEW GENERATION SISTEMS) prise en le personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
MONTPELLIER
représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE, Me Jean Patrice ..., avocat au barreau de MARSEILLE
SARL CME prise en la personne de son gérant ès qualité domicilié
MONTPELLIER
représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE, Me Jean Patrice ..., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS
Monsieur Hacène S
VALENCE D'AGEN
représenté par la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocats au barreau de TOULOUSE
Syndicat UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT ET TOULOUSE SUD
LABEGE
représentée par la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocats au barreau de TOULOUSE
Syndicat LOCAL CONSTRUCTION BOIS ET AMEUBLEMENT CGT 31
Bourse du Travail 19, Place ... Sernin
TOULOUSE CEDEX 7
représentée par la SCP MALET FRANCK ET ELISABETH, avocats au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
C. LATRABE, président
L.-A. MICHEL, conseiller
C. KHAZNADAR, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats C. NEULAT
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. LATRABE, président, et par C. NEULAT, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. Hacène S a été salarié de la SA PRO CME, société de droit portugais spécialisée dans la rénovation des canalisations de gaz et la rénovation des lignes HTA, cette société comprenant 160 salariés de nationalité portugaise pour l'essentiel et travaillant sur la totalité du territoire national.
Il exerçait, alors ses fonctions au sein d'un établissement situé à Ramonville St Agne et il était délégué du personnel, membre du comité d'entreprise et délégué syndical.
Le 6 janvier 2012, les contrats de travail des salariés de la société PRO CME ont été transférés au sein de quatre sociétés géographiquement différentes, les S.A.R.L. TDE (siège social Nice), SGE
(siège social Ramonville St Agne), NGS (siège social Montpellier) et INNOVTEC ( siège social GEMENOS 13420).
Considérant qu'il s'agissait là d'une manoeuvre destinée à éluder la mise en place d'une représentation du personnel, M. Hacène S, le Syndicat CGT Local Construction Bois et Ameublement 31 ainsi que l'Union Locale des Syndicats CGT de Toulouse Sud, intervenants volontaires ont, selon acte du 22 mars 2012, saisi le Tribunal d'Instance de Toulouse d'une demande aux fins de reconnaissance d'une unité économique et sociale entre les sociétés TDE, SGE, NGS et INNOVTEC.
Suivant jugement en date du 8 juin 2012, le Tribunal d'Instance de Toulouse
- a débouté les sociétés PRO CME et CME de leur demande de mise hors de cause,
- a reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés NGS, TDE, SGE et INNOVTEC,
- a débouté les sociétés NGS, TDE, SGE et INNOVTEC de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum les sociétés NGS, TDE, SGE et INNOVTEC à payer à M. Hacène S la somme de 35 euros au titre de la contribution à l'aide juridique.
Les sociétés PRO CME, CME, TDE, SGE, NGS et INNOVTEC ont relevé appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui n'apparaissent pas critiquables.
M. Hacène S est décédé le 23 janvier 2013 et la présente procédure a été reprise par ses héritiers Madame Danièle S, M. William S, Madame Carole S et M. David S.
Suivant jugement en date du 26 juillet 2012, le Tribunal de Commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. TDE, la SCP PELLIER MOLLA, mandataire judiciaire, étant désigné en qualité de liquidateur.
Suivant jugement en date du 2 août 2012, le Tribunal de Commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. SGE, Maître Z, mandataire judiciaire, étant désigné en qualité de liquidateur.
Par conclusions du 5 octobre 2012, la société PRO CME et la société CME demandent à la Cour de prononcer leur mise hors de cause et de condamner M. Hacène S au titre des frais exposés par les deux sociétés pour leur défense à 1.500 euros au tire de l'article 70 du code de procédure civile.
Elles font valoir, pour l'essentiel, qu'aucune demande n'est formée à leur encontre, M. S sollicitant la reconnaissance d'une unité économique et sociale entre les sociétés TDE, SGE, NGS et INNOVTEC.
Dans leurs écritures du 7 mai 2013, les S.A.R.L. INNOVTEC et NGS demandent, pour leur part, à la Cour de dire que tant l'unité économique que l'unité sociale ne sont pas caractérisées entre les quatre sociétés TDE, SGE, NGS et INNOVTEC, de rejeter la demande de reconnaissance d'une unité économique et sociale entre les quatre sociétés, d'infirmer le jugement déféré et de condamner M. Hacène S au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles soutiennent, notamment, que chacune d'entre elles a une activité propre sur un secteur géographique spécifique, qu'il n'existe pas de permutabilité de personnel entre elles, que les transferts des contrats de travail ont été effectués en application de l'article L.1224-1 du code du travail et que l'inspection du travail a validé les transferts des contrats de travail des salariés représentants du personnel dans le cadre de transfert partiel d'entreprise et qu'il n'y a pas d'unité de direction, chaque entité juridique ayant son propre gérant.
Par conclusions déposées le 9 octobre 2012, la SCP PELLIER MOLLA, es qualités de liquidateur de la société TDE demande à la Cour de prendre acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la Cour quant aux demandes formulées par les appelants.
Par conclusions déposées le 7 novembre et le 13 décembre 2012, Maître Z, es qualités de liquidateur à la liquidation de la S.A.R.L. SGE demande à la Cour de prendre acte de son intervention volontaire à l'instance et de qu'il s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel interjeté.
Dans leurs écritures du 16 avril 2013, les consorts S, es qualités d'ayants droit de M. Hacène S, l'Union Locale des Syndicats CGT Toulouse Sud et le syndicat local construction bois et ameublement CGT 31 demandent, quant à eux, à la Cour, de confirmer les dispositions du jugement querellé, de dire qu'il existe une unité économique et sociale à compter du 22 mars 2012, date de la requête introductive d'instance entre les quatre sociétés SGE, TDE, NGS et INNOVTEC, de débouter les sociétés PRO CME et CME de leur demande de mise hors de cause et de condamner solidairement les sociétés SGE, TDE, NGS, INNOVTEC, PRO CME et CME à leur verser la somme de 4.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir, en particulier, qu'il existe une unité économique entre ces quatre sociétés, composées chacune d'entre elles d'un associé unique détenant la totalité des parts sociales et dont le capital est détenu par une même entité, à savoir la S.A. CME, les sociétés dont il s'agit exerçant de plus des activités identiques.
Sur le plan de l'unité sociale, ils soulignent que les contrats de travail sont identiques, avec identité des avantages relatifs aux frais de déplacement et d'hébergement en France, avec protocole de fin de conflit du 17 février 2012 rédigé en termes identiques pour les quatre sociétés.
Il estiment, enfin, que l'identité de l'objet social permet une permutabilité des salariés, puisque ceux-ci exercent une même activité.
L'ordonnance de cloture est en date du 17 mai 2013.
SUR CE
Pour qu'une unité économique et sociale soit reconnue, deux conditions cumulatives sont nécessaires à savoir d'une part, la présence d'une unité économique constituée par l'unité ou la concentration du pouvoir de direction découlant de l'exercice effectif du pouvoir par la personne ou la société qui dirige l'ensemble et l'identité ou la complémentarité des activités ainsi que d'autre part, la présence d'une unité sociale se définissant comme une communauté de travailleurs liés par les mêmes intérêts et se caractérisant pas l'existence d'éléments d'un statut social identique ou en partie identique ainsi que d'une permutabilité du personnel.
Par ailleurs, pour apprécier l'existence d'une unité économique et sociale le juge doit se placer à la date de la requête introductive d'instance, soit en l'espèce à la date du 22 mars 2012.
Or, il est suffisamment établi qu'à cette date, la société PRO CME est l'associée unique de la S.A. CME qui elle même est l'associée unique de chacune des quatre sociétés NGS, TDE, SGE et INNOVTEC, le capital de ces dernières étant détenu en totalité par cette même entité c'est-à-dire la société CME et celle ci étant détentrice de la totalité des parts sociales.
Il ressort, par ailleurs, clairement des statuts de chacune de sociétés NGS, TDE, SGE et INNOVTEC, tous établis au demeurant par la société CME, que toutes les décisions importantes relatives à la vie des quatre sociétés précitées relèvent de la seule décision de l'associé unique qu'il s'agisse du transfert du siège social ailleurs en France en dehors du même département ou d'un département limitrophe, de l'augmentation ou de la réduction du capital social, de la nomination, de la rémunération et de la révocation du gérant ou de la durée de son mandat, de l'approbation des comptes et de la modification des statuts.
Dans de telles conditions, il ne peut être que reconnu à la société CME la qualité de dirigeant commun des quatre sociétés en cause et il convient de retenir que les pouvoirs de direction des dites sociétés sont effectivement concentrés entre les mains de la société CME avec laquelle elles forment, dès lors, une communauté d'intérêts, étant relevé, en outre, que la société européenne CME est effectivement implantée sur le territoire national puisqu'elle dispose d'une succursale française dont le siège social est à Ramonville St Agne.
Au surplus, les statuts constitutifs de chacune des quatre sociétés en cause fait apparaître qu'elles ont toutes le même objet puisqu'il est mentionné dans chacun de ces statuts
' la société a pour objet directement ou indirectement en France et à l'étranger
- toutes activités d'études, de recherches, de développements, dans les domaines liés directement ou indirectement à l'exécution et la maintenance d'installations électriques, électromécaniques, télécommunications, bâtiment, climatisation, gaz et eau
- et plus généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher, directement ou indirectement à l'objet social et susceptibles d'en faciliter l'expansion et le développement.'
La complémentarité des activités de rénovation des 'canalisations de gaz' et des 'lignes haute tension' aériennes et souterraines résulte des pièces mêmes produites aux débats par les appelantes puisqu'il ressort, en particulier, du rapport de la société PRO CME en date du 13 décembre 2011 que celle ci développait les deux activités avec les mêmes interlocuteurs et donneurs d'ordre relevant des directions régionales communes à ERDF et à GRDF.
Les activités ERDF et/ou GRDF reconnues à chacune des sociétés concernées qui visent une clientèle identique ou du moins complémentaire relèvent, donc, a minima, d'une complémentarité d'activités, ce qui en l'état de la concentration du pouvoir de direction ci dessus rappelée est de nature à caractériser la réalité d'une unité économique.
S'agissant de l'unité sociale, il convient de relever que les contrats de travail des salariés des différentes sociétés dont il s'agit sont identiques puisqu'ayant la même origine, que les salariés en cause qui exercent les mêmes métiers ou des métiers complémentaires bénéficient d'avantages spécifiques identiques en ce qui concerne, en particulier, les frais de déplacement, le retour au pays toutes les cinq semaines ou encore l'hébergement en France assuré par l'entreprise, qu'une seule et même convention collective est applicable à tous les salariés et que le conflit social qui a donné lieu à des grèves sur la période du 30 janvier au 15 février 2012 qui ont concerné, dans les mêmes termes, les quatre sociétés en cause a donné lieu à un protocole de fin de conflit établi dans des termes strictement identiques, le 17 février 2012, par chacune des sociétés, chaque société acceptant notamment de 'proposer une rupture conventionnelle à chaque salarié qui en fait la demande par écrit au plus tard le 20 février 2012, à la condition expresse que le nombre total de salariés bénéficiant de ce dispositif n'excède pas 84 personnes pour les quatre sociétés SGE, INNOVTEC, TDE et NGS ' Il s'en déduit une communauté de travailleurs liés par les mêmes intérêts et relevant d'un statut social identique.
Enfin, la permutabilité des salariés entre les différentes sociétés concernées découle suffisamment du fait que ces derniers sont tous issus du personnel de la même société, la société PRO CME, qu'ils exercent des métiers identiques ou complémentaires et qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. TDE, le mandataire liquidateur a proposé aux salariés licenciés de cette entreprise des postes de reclassement au sein des sociétés NGS et INNOVTEC, un des salariés de la société TDE ayant, d'ailleurs, accepté la proposition qui lui avait été ainsi faite d'un emploi de chef de chantier au sein de la société INNOVTEC.
Il convient, par conséquent, de retenir l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés SGE, INNOVTEC, TDE et NGS.
Les sociétés PRO CME, actionnaire unique de la société CME et cette dernière, associée unique des sociétés SGE, INNOVTEC, TDE et NGS, ne sauraient être mise hors de cause, compte tenu des liens essentiels tant directionnels que financiers qui les unissent précisément aux sociétés pour lesquelles la reconnaissance d'une unité économique et sociale est sollicitée et admise.
Le jugement déféré sera, dès lors, confirmé en toutes ses dispositions.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts S, es qualités d'ayant droits de M. Hacène S, de l'Union Locale des Syndicats CGT Toulouse Sud et du syndicat local construction bois et ameublement CGT 31, la totalité des frais non compris dans les dépens qu'ils ont pu être amenés à exposer dans le cadre de la présente procédure.
Les sociétés PRO CME, CME, NGS et INNOVTEC, la SCP PELLIER MOLLA es qualités de liquidateur de la société TDE et Maître Z es qualités de liquidateur de la société SGE seront, par conséquent, condamnés solidairement à leur verser la somme globale de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés PRO CME, CME, NGS et INNOVTEC étant elles mêmes, par voie de conséquence, déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Enfin, les dépens de l'appel seront mis à la charge solidaire des sociétés PRO CME, CME, NGS et INNOVTEC, la SCP PELLIER MOLLA es qualités de liquidateur de la société TDE et Maître Z es qualités de liquidateur de la société SGE.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant
Condamne solidairement les sociétés PRO CME, CME, NGS et INNOVTEC, la SCP PELLIER MOLLA es qualités de liquidateur de la société TDE et Maître Z es qualités de liquidateur de la société SGE à payer aux consorts S, es qualités d'ayant droits de M. Hacène S, à l'Union Locale des Syndicats CGT Toulouse Sud et au syndicat local construction bois et ameublement CGT 31 la somme globale de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les sociétés PRO CME, CME, NGS et INNOVTEC de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne solidairement les sociétés PRO CME, CME, NGS et INNOVTEC, la SCP PELLIER MOLLA es qualités de liquidateur de la société TDE et Maître Z es qualités de liquidateur de la société SGE aux dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par C. ..., président, et par C. ..., greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. ... C. ...