Jurisprudence : CA Toulouse, 05-07-2013, n° 11/05217, Confirmation



05/07/2013
ARRÊT N°
N° RG 11/05217
FCC / MH
Décision déférée du 17 Octobre 2011 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN (F10/378)
S. ...
Marielle Z épouse Z
C/
SAS POULT
CONFIRMATION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4eme Chambre Section 2 - Chambre sociale *** ARRÊT DU CINQ JUILLET DEUX MILLE TREIZE ***

APPELANTE
Madame Marielle Z épouse Z

CASTELSARRASIN
représentée par Me Olivier ISSANCHOU, avocat au barreau du TARN-ET-GARONNE
(Bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 31555-2013-006649 du 01/07/2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉE
SAS POULT
Parc d'Activité Albasud
82000 MONTAUBAN
représentée par Me Laurent SEYTE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2013, en audience publique, devant F. CROISILLE-CABROL, vice-président placé, chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de
C. LATRABE, président
N. BERGOUNIOU, conseiller
F. CROISILLE-CABROL, vice-président placé
Greffier, lors des débats C. NEULAT
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. LATRABE, président, et par C. NEULAT, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE
Mme Z épouse Z, née le 28 mai 1975, a effectué 200 missions d'intérim auprès de la SAS POULT (biscuiterie) entre le 17 juin 2002 et le 20 décembre 2009 en qualité de manutentionnaire.
Le 24 juin 2010, Mme ... a saisi le conseil de prud'hommes de MONTAUBAN aux fins de requalification de ses contrats d'intérim depuis le 29 juillet 2002 en CDI, de paiement de l'indemnité de requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement abusif, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, et de délivrance des documents sociaux sous astreinte.

Par jugement du 17 octobre 2011, le conseil de prud'hommes de MONTAUBAN a
- débouté les parties de leurs demandes ;
- condamné si besoin était Mme ... aux dépens.

Par lettre simple reçue le 3 novembre 2011, Mme ... a interjeté appel du jugement.
* * *
Reprenant oralement ses conclusions écrites, Mme ... fait valoir que
- sa demande de requalification introduite le 24 juin 2010 n'est pas prescrite pour les contrats antérieurs au 24 juin 2005 car la disposition de la loi du 17 juin 2008 modifiant l'article 2224 du code civil réduisant le délai de prescription à 5 ans ne s'applique qu'à compter de son entrée en vigueur ;
- entre le 1er septembre 2003 et le 30 septembre 2004, Mme ... a effectué 54 missions d'intérim qui se sont succédé sans autre interruption que les fins de semaine ; les contrats ont été ensuite plus épisodiques en 2005, puis inexistants du 25 janvier 2006 au 16 mai 2008, période où Mme ... était en congé maternité puis en congé parental d'éducation ; à partir du 17 mai 2008, les missions sont revenues systématiques, essentiellement pour les fins de semaine ; le nombre et la régularité des missions démontrent que le recours à l'intérim n'était pas motivé par un accroissement temporaire d'activité ou un remplacement de salariés absents, mais par la nécessité de pourvoir durablement un emploi, en contravention avec l'article L 1251-5 du code du travail ; d'ailleurs, Mme ... avait des bulletins de paie mensuels sans considération des durées de ses missions, et ne percevait pas l'indemnité de fin de mission à l'issue de chaque mission mais seulement tous les 3 ou 4 mois ;
- suite à la demande de la salariée d'embauche en CDI faite par LRAR du 16 décembre 2009, la SAS POULT a cessé de la solliciter pour de l'intérim et elle s'est retrouvée sans emploi.
Elle demande
- l'infirmation du jugement ;
- la requalification des contrats de mission conclus entre le 1er septembre 2003 et le 20 décembre 2009 en un CDI ;
- la condamnation de la SAS POULT à lui payer les sommes suivantes * 5.000 euros d'indemnité de requalification ;
* 3.444,64 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois), outre 344,46 euros de congés payés y afférents ;
* 1.711,54 euros d'indemnité de licenciement ;
* 20.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 5.000 euros de dommages-intérêts pour conditions brusques de la rupture ;
* 1.700 euros de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement ;
- la condamnation de la SAS POULT à lui remettre les bulletins de paie, le certificat de travail et l'attestation POLE EMPLOI conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 31e jour suivant la notification de l'arrêt, et ce pendant 3 mois ;
- la condamnation de la SAS POULT à payer au conseil de Mme ... une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou subsidiairement sa condamnation à payer à Mme ... la même somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- la condamnation de la SAS POULT aux dépens.
Reprenant oralement ses conclusions écrites, la SAS POULT réplique que
- des décisions du conseil de prud'hommes et de la cour d'appel relatives à d'autres salariés intérimaires ont rejeté les demandes de requalification formées par ces salariés ;
- la demande de requalification introduite par Mme ... le 24 juin 2010 est prescrite pour les contrats antérieurs au 24 juin 2005, le délai de prescription de 5 ans s'appliquant aux instances introduites après le 19 juin 2008 ;
- entre le 19 juillet 2005 et le 15 mai 2008, il n'y a pas eu de succession ininterrompue de contrats d'intérim en 2005, il n'y a eu que 17 contrats en 5 mois ; en 2006, il n'y a eu que 2 contrats pendant 5 jours ; en 2007 et jusqu'au 15 mai 2008, il n'y a eu aucun contrat ;
- entre le 18 mai 2008 et le 20 décembre 2009, le recours à l'intérim était conforme à la réglementation il n'avait pas vocation à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et était causé soit par l'accroissement temporaire d'activité sans succession ininterrompue de contrats, les délais de carence ayant été respectés, soit par le remplacement de salariés absents, et aucun délai de carence n'avait à être respecté ; enfin, Mme ... ne peut pas invoquer les mentions sur les bulletins de paie, qui n'étaient pas établis par la SAS POULT mais par la société de travail temporaire AXE ;
- depuis, Mme ... a retrouvé un emploi.
Elle sollicite, au visa des articles 2224 du code civil, L 1242-12 et suivants, L 1251-5 et suivants du code du travail
- la confirmation du jugement et le débouté de Mme ... en ses demandes ;
- la condamnation de Mme ... à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

SUR CE
Sur les demandes principales
Mme ... a saisi le conseil de prud'hommes le 24 juin 2010 ; devant la cour d'appel, elle réclame la requalification des contrats d'intérim conclus entre le 1er septembre 2003 et le 20 décembre 2009 en CDI ainsi que l'indemnité de requalification correspondante. La SAS POULT lui oppose la prescription quinquennale pour la période antérieure au 24 juin 2005 en application de l'article 2224 du code civil relatif aux actions personnelles ou mobilières issu de la loi du 17 juin 2008. Néanmoins, jusqu'à la loi du 17 juin 2008, l'action était soumise à la prescription trentenaire de droit commun ; en vertu de l'article 26 II de cette loi, relatif aux dispositions transitoires, les dispositions de la loi qui réduisent la durée d'une prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi (18 juin 2008) sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; il en résulte que le délai dont disposait Mme ... pour agir expirait au 18 juin 2013 ; elle n'est donc pas prescrite et la fin de non recevoir sera rejetée.
Aux termes des articles L 1251-40 et L 1251-41 du code du travail, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié en méconnaissance des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12, L 1251-30 et L 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un CDI prenant effet au 1er jour de sa mission et prétendre à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Mme ... reproche à la SAS POULT d'avoir recouru à ses services à compter du 1er septembre 2003 pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise en violation de l'article L 1251-5 et non pour accroissement temporaire d'activité ou remplacement de salariés absents conformément à l'article L 1251-6 ; de tels manquements, s'ils étaient avérés, seraient effectivement de nature à entraîner la requalification des contrats d'intérim en CDI ; en revanche, le non paiement de l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L 1251-32 et le non respect du délai de carence prévu à l'article L 1251-36 ne sont pas sanctionnés par la requalification des contrats d'intérim en CDI de sorte que les discussions engagées par les parties à ces sujets sont sans intérêt.
Mme ... a effectivement accompli des missions d'intérim entre septembre 2003 et janvier 2006 puis entre mai 2008 et décembre 2009. Compte tenu de l'interruption totale des missions pendant 27 mois entre février 2006 et avril 2008, Mme ... ne peut pas prétendre à une requalification des contrats d'intérim en CDI à effet du 1er septembre 2003. A partir de mai 2008, le nombre important de contrats (114) et le fait qu'ils aient été réguliers ne suffisent pas à établir qu'ils auraient eu pour but de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; cela montre simplement que la SAS POULT souhaitait privilégier l'embauche en intérim de Mme ..., qui connaissait bien son travail et dont elle était satisfaite, plutôt que l'embauche d'un salarié intérimaire inconnu qu'elle allait devoir former. Tous les contrats de mission temporaire mentionnaient un motif
- soit accroissement temporaire d'activité, avec les références de la commande (nom du client, n° de commande, date de livraison) ;
- soit remplacement d'un salarié absent, avec le nom du salarié et le motif de son absence (maladie, congés payés, repos...).
Mme ... ne conteste pas la réalité des commandes et des absences de salariés. Les contrats pour accroissement temporaire d'activité étaient entrecoupés par les contrats pour remplacement de salarié absent de sorte que les surcroîts d'activité étaient bien ponctuels et non permanents.
Quant au fait que les bulletins de paie étaient établis mensuellement et non pas après chaque mission, Mme ... ne peut en tirer argument dès lors que ces bulletins étaient établis par l'entreprise de travail temporaire AXE, et non par l'entreprise utilisatrice la SAS POULT ; Mme ... n'établit pas une concertation entre les deux entreprises lors de l'établissement de ces bulletins.
Il convient donc de dire que le recours à l'intérim était régulier, et n'y avoir lieu à requalification des contrats d'intérim en CDI ; par suite, à l'issue de la dernière mission d'intérim le 20 décembre 2009, la SAS POULT était libre de ne plus faire appel à Mme ... et n'avait pas à mettre en oeuvre une procédure de licenciement ; Mme ... sera donc déboutée de ses demandes en paiement de l'indemnité de requalification, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour conditions brusques de rupture, et de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, ainsi que de sa demande de remise sous astreinte des documents sociaux rectifiés, et le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les dépens et l'application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991
La salariée succombant au principal sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. L'équité commande de laisser à la charge de l'employeur ses propres frais.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en appel ;
Condamne Mme ... aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés selon la loi applicable en matière d'aide juridictionnelle .
Le présent arrêt a été signé par C. ..., président, et par C. ..., greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C. ... C. ...
.

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