COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 25 JUIN 2013
N°2013/ 515
Rôle N° 12/21264
Giovanni Z
C/
Claude Y
Grosse délivrée
le
à
Monsieur Claude Y
Monsieur Giovanni Z
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de M. Claude Y rendue le 20 juin 2011
contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Grasse
DEMANDEUR
Monsieur Giovanni Z,
demeurant CASALE MONFERRATO - 99 ITALIE
comparant en personne, assisté de Mme Isabelle ..., ayant prêtée serment à l'audience
DÉFENDEUR
Monsieur Claude Y, avocat
demeurant CANNES
Dépôt de Me Patrick ..., avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 22 Mai 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats Madame Jessica FREITAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2013
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ
Vu le recours formé par Monsieur Giovanni Z par lettre recommandée expédiée le 30 octobre 2012 et enregistré au greffe le 08 novembre 2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Grasse, en date du 20 juin 2011, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 29 juin 2011, qui a fixé à la somme de 1.700,00 euros HT soit 2.033,20 euros euros TTC les honoraires dus à Maître Claude Y, constaté qu'une provision de 350,00 euros a été versée et dit en conséquence qu'un solde restait dû de 1.683,20 euros TTC ;
Vu ladite décision de taxe, rendue sur demande de Maître Claude Y formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 15 avril 2011, après tentative de recueil des observations des parties, par référence, à défaut de convention entre les parties, aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, c'est à dire, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences dans une affaire, en première instance puis en appel, de résiliation de bail commercial ;
Ouï Monsieur Giovanni Z en ses conclusions orales aux termes desquelles il indique que la société locataire commerciale de sept appartements destinés à des locations saisonnières, dont deux dont il est copropriétaire pour les avoir acquis en 1994 avec Monsieur ..., ayant méconnu les dispositions contractuelles, a été attraite en résiliation de bail devant le tribunal de grande instance de Grasse à la demande des cinq bailleurs ayant ensemble choisi (à frais communs pour quatre d'entr'eux dont lui-même), Maître Claude Y pour avocat, précise avoir, à la suite de la condamnation en paiement d'une indemnité d'éviction prononcée par ce tribunal, décidé en ce qui le concerne, après avoir interjeté appel, de changer d'avocat, estime avoir payé une quote-part trop importante des honoraires afférents à cette procédure, soutient ne pas devoir la somme réclamée de 1.683,20 euros TTC mais tout au plus celle de 1.000 euros TTC et sollicite en conséquence l'infirmation de la décision entreprise ;
Ouï Maître Claude Y en ses conclusions orales faisant valoir que la SELARL à laquelle il appartient est l'un des plus gros cabinets locaux spécialisé en matière immobilière mais pratique pourtant des honoraires raisonnables, prétendant avoir divisé les factures en cinq parts égales dont Monsieur Giovanni Z - qui est le seul contestant - n'a donc supporté que le cinquième, soutenant que les diligences effectuées justifient le montant réclamé et sollicitant en conséquence la confirmation de l'ordonnance querellée ;
SUR QUOI
- sur la recevabilité
Attendu que selon l'article 693 alinéa 2 du code de procédure civile doivent être (...) observées, à peine de nullité les dispositions des articles 4,6,7 et 8, paragraphes 1,2 4 et 5 du règlement (CE) n° 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 en cas d'expédition d'un acte vers un autre Etat membre de l'Union européenne ;
Que l'article 8 paragraphe 1 de ce texte, - rendu applicable aux modes de transmission et de signification ou de notification d'actes judiciaires prévus à la section 2, laquelle organise à l'article 14 la notification directe par l'intermédiaire des services postaux, par lettre recommandée avec accusé de réception ou envoi équivalent, - dispose que le destinataire doit être informé, au moyen d'un formulaire, qu'il peut refuser de recevoir l'acte notifié, au moment de la signification ou de la notification ou en retournant l'acte à son expéditeur dans un délai d'une semaine, si celui-ci n'est pas rédigé ou accompagné d'une traduction soit dans une langue comprise du destinataire soit dans la langue officielle ou l'une des langues officielles de l'État dans lequel il est procédé à la signification ou à la notification ;
Que l'article 694 du code de procédure civile précise que la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, c'est à dire, s'agissant des nullités pour vice de forme, par les articles 112 à 116 du même code ;
Attendu en l'espèce que le secrétariat de l'ordre des avocats au barreau de Grasse, qui fait office de greffe pour la notification des décisions du bâtonnier en matière de fixation d'honoraires, a notifié directement à Monsieur Giovanni Z, à son adresse en Italie, la décision querellée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 20 juin 2011 mais, alors que cette décision est rédigée en français, n'a joint à cet envoi ni une traduction en italien ni le formulaire type annexé au règlement CE sus-visé ;
Qu'il s'ensuit que cette notification, dont l'irrégularité fait grief à Monsieur Giovanni Z qui ne pouvait comprendre le sens et la portée de l'acte qu'il recevait et n'était pas informé de ses droits, est nulle et n'a pas fait courir le délai d'un mois prévu à l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 ;
Que le recours, exercé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 30 octobre 2012 sera en conséquence déclaré recevable ;
- sur le fond
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Que d'autre part l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires.
Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque ;
Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés ci-dessus ;
Qu'en revanche la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation, sans toutefois que l'avocat défaillant dans ce devoir d'information soit privé de son droit à honoraires ;
Attendu qu'en l'espèce aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ;
Que, par ailleurs Maître Claude Y ne justifie pas avoir satisfait à son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées au débat, en particulier du jugement du tribunal de grande instance de Grasse du 07 août 2009 et de la décision querellée du bâtonnier que Maître Claude Y a défendu les intérêts de Monsieur Giovanni Z et de quatre autres plaideurs (ALESSANDRONI, VERANO, COMPARE et BUHOFFER), auxquels se sont joints les époux ... tandis que M. ... changeait d'avocat entre la délivrance de l'assignation et la fin de la mise en état, dans le cadre d'un dossier ayant donné lieu à deux instances, l'une au premier degré, l'autre en appel ;
Que devant le bâtonnier comme dans la présente instance, Maître Claude Y a produit les pièces suivantes justifiant de ses diligences
' Dossier n° 7133003 ( Résiliation bail) ALESSANDRONI & autres / Résid Hôtel / Tribunal de grande instance
' assignation en date du 30 juin 2004 ;
' son courrier en date du 16 septembre 2009 ;
' son courrier en date du 30 septembre 2009 ;
' conclusions en réponse et récapitulatives avec demande de rabat de l'ordonnance de clôture ;
' facture de provision n°18253 en date du 17 février 2009, annulant et remplaçant celle du 06 janvier 2009 d'un montant de 400 euros HT, soit 478,40 euros TTC sur laquelle Monsieur Giovanni Z a réglé un acompte de 350,00 euros ;
' fiche de 'consultation des comptes',
' Dossier n° 7133020 ALESSANDRONI & autres/ Résid Hôtel / appel jugement du 07 août 2009
' jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 07 août 2009 ;
' facture de provision n° 19312 en date du 30 septembre 2009, d'un montant de 800 euros HT, soit 956,80 euros TTC ;
' son courrier en date du 14 octobre 2009 ;
' son courrier en date du 04 janvier 2010 ;
' son courrier en date du 27 janvier 2010 ;
' facture de provision (conclusions d'appel ) n° 19778 en date du 27 janvier 2010, d'un montant de 500 euros HT soit 598,00 euros TTC ;
' conclusions d'appel ;
' son courrier RAR en date du 18 février 2010 ;
' son courrier en date du 10 mai 2010 ;
' son courrier en date du 27 mai 2010 faisant état de la saisine de Me ... en ses lieu et place ;
' son courrier RAR en date du 05 octobre 2010 ;
' son courrier RAR en date du 02 décembre 2010 ;
' son courrier RAR en date du 03 février 2011 ;
' fiche de 'consultation des comptes'.
Qu'il résulte de l'examen des fiches de consultation des comptes que, pour chacun des dossiers, Monsieur Claude Y a facturé au total à ses divers clients co-demandeurs, les sommes suivantes, et a obtenu les paiements suivants
Dossier n° 7133003 ( Résiliation bail) ALESSANDRONI & autres / Résid Hôtel / Tribunal de grande instance
Nom du client
montant total appelé
montant
total payé
ALESSANDRONI
6.142,80 euros
6.142,80 euros
BUHOFER
5.076,40 euros
5.076,40 euros
VERANO
5.262,40 euros
5.262,00 euros
Z
4.544,80 euros
4.416,40 euros
COMPARE
3.117,60 euros
3.117,60 euros
BRIZIO
2.272,40 euros
2.272,40 euros
TOTAL
26.416,40 euros
26.287,60 euros
Dossier n° 7133020 ALESSANDRONI & autres/ Résid Hôtel /
appel jugement du 07 août 2009
Nom du client montant total appelé montant total
payé
ALESSANDRONI
1.554,80
euros
1.794,00
euros
BUHOFER
1.300,00
euros
1.296,50
euros
VERANO
1.554,80
euros
1.554,80
euros
Z
1.554,80
euros
0,00 euros
BRIZIO
1.554,80
euros
1.554,80
euros
TOTAL
7.519,20
euros
6.200,10
euros
Attendu que la demande de fixation d'honoraires était ainsi libellée et rappelée par le bâtonnier
'> ALLESSANDRONI & AUTRES / RESID HÔTEL / TGI RESILIATION BAIL TGI
à hauteur de 478,40 euros TTC dont il convient de déduire la somme de 350,00 euros versée à titre de provision, laissant un solde impayé de 128,40 euros TTC, selon facture du 17 février 2009 ;
> ALLESSANDRONI & autres / Resid Hôtel / appel jugement du 07 août 2009
à hauteur de 956,80 euros TTC selon facture du 30 septembre 2009 et de 598,00 euros TTC selon facture du 27 janvier 2010,' ;
Qu'il résulte tant des tableaux chiffrés ci-dessus que de la demande faite au bâtonnier, que Maître Claude Y réclame à Monsieur Giovanni Z paiement de la différence entre les sommes appelées et les sommes effectivement payées, soit ( en TTC)
[ (4.544,80 euros -4.416,40 euros ) + (1.554,80 euros - 0,00 euros) ] = 1.683,20 euros ;
Qu'il résulte de ces constatations que c'est sur l'ensemble des honoraires concernant les deux dossiers que portent, d'une part, la demande de fixation initiale, d'autre part, la contestation élevée par Monsieur Giovanni Z ;
Attendu, sur les honoraires afférents au dossier n° 7133003 relatif au contentieux soumis au bâtonnier, que c'est à juste titre que Monsieur Giovanni Z les considère comme excessifs ; que la circonstance que les autres clients de Maître Claude Y, co-demandeurs à l'instance, ne les aient pas contestés et aient chacun payé une quote part quasi identique, est indifférente au litige opposant Monsieur Giovanni Z à cet avocat ;
Qu'en effet au regard des diligences accomplies et rappelées ci-dessus (assignation en date du 30 juin 2004, conclusions en réponse et récapitulatives avec demande de rabat de l'ordonnance de clôture, divers courriers), qui ont certes concerné, à l'origine six demandeurs puis cinq seulement après que M. ... ait changé d'avocat, et auxquelles il faut ajouter le temps de réception, les frais d'ouverture de dossier et de secrétariat et les temps de plaidoirie, Maître Claude Y a perçu la somme globale de 26.287,60 euros qui est disproportionnée ;
Que, dans ces conditions, et en tenant compte de la notoriété de Maître Claude Y dont le cabinet est spécialisé en matière immobilière ainsi que l'indique son papier à entête, la quote part de Monsieur Giovanni Z dans ces honoraires ne saurait excéder 2.900,00 euros HT soit 3.468,40 euros TTC ;
Attendu, s'agissant de l'instance d'appel objet du dossier n° 7133020, que les diligences réalisées par Maître Claude Y pour le compte de Monsieur Giovanni Z et des autres clients concernés se sont limitées, entre août 2009 et mai 2010, moment où il a été dessaisi, à la déclaration d'appel et à la rédaction de conclusions ;
Que la somme réclamée de 1.300,00 euros HT soit 1.554,80 euros apparaît proportionnée et sera donc retenue ;
Attendu en définitive que les honoraires de Maître Claude Y doivent être fixés, pour les deux dossiers, à la somme de [ 2.900 euros + 1.300,00 euros ] = 4.200,00 euros HT, soit 5.023,20 euros TTC ;
Que Monsieur Giovanni Z ayant déjà réglé la somme de 4.416,40 euros TTC, reste donc devoir celle de [ 5.023,20 euros - 4.416,40 euros = ] 606,80 euros TTC ;
Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Monsieur Giovanni Z,
Infirmant la décision rendue le 20 juin 2011 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Grasse et statuant à nouveau,
Fixons à la somme de 4.200,00 euros HT, soit 5.023,20 euros TTC le montant total des honoraires dus par Monsieur Giovanni Z à Maître Claude Y pour les deux dossiers référencés au cabinet de Maître Y sous les n° 7133003 et n° 7133020 ;
Disons en conséquence que déduction faite de la somme de 4.416,40 euros TTC déjà versée, Monsieur Giovanni Z reste devoir à Maître Claude Y un solde de 606,80 euros TTC (six cent six euros et quatre vingt centimes ), et en tant que de besoin, le condamnons au paiement de cette somme ;
Condamnons Monsieur Giovanni Z aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT