Jurisprudence : CA Amiens, 19-06-2013, n° 12/02687, Infirmation

CA Amiens, 19-06-2013, n° 12/02687, Infirmation

A7883KG3

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Abstract

Lorsque l'attestation destinée à l'assurance chômage, établie unilatéralement par l'employeur, fait état non d'une rupture conventionnelle telle que prévue par le Code du travail mais d'un "personnel accord des deux parties" pour expliquer la rupture du contrat de travail, il s'ensuit que la rupture notifiée, en dehors de toute démission du salarié, de tout accord de rupture conventionnelle dont il n'est pas justifié par l'employeur et de toute procédure de licenciement, constitue nécessairement un licenciement sans cause réelle et sérieuse.



ARRÊT N°
Z
C/
CGEA D'AMIENS
SELAS BERNARD ET NICOLAS SOINNE
L./BG.
COUR D'APPEL D'AMIENS 5ème chambre sociale cabinet B PRUD'HOMMES ARRÊT DU 19 JUIN 2013
*************************************************************
RG 12/02687
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES d'AMIENS en date du 14 juin 2012

PARTIES EN CAUSE
APPELANT
Monsieur Eddy Z

L'ETOILE
Représenté par M. ... Joël, délégué syndical ouvrier dûment mandaté.
ET
INTIMÉES
CGEA D'AMIENS

AMIENS CEDEX
SELARL BERNARD ET NICOLAS SOINNE, mandataire liquidateur de Monsieur Franck W exerçant sous l'enseigne E.F.R. 80
5 Place Notre Dame
80000 AMIENS
Représentées, concluantes et plaidant par Me RICARD de la SCP BOUQUET CHIVOT FAYEIN BOURGOIS WADIER, avocat au barreau d'AMIENS

DÉBATS
A l'audience publique du 10 Avril 2013, devant Mme PONS, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus
- Mme ... en son rapport,
- l'appelant en ses conclusions et observations et l'avocat en ses conclusions et plaidoirie.
Mme ... indique que l'arrêt sera prononcé le 19 Juin 2013 par mise à
disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
GREFFIER LORS DES DÉBATS Mme LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Mme ..., en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de
M. LOTTIN, Président de chambre
M. SCHEIBLING, Conseiller
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION
Le 19 Juin 2013, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. LOTTIN, Président de Chambre, désigné par ordonnance de M. le Premier Président en date du 06 décembre 2011 et Mme LEROY, Greffier.
*
* *
DÉCISION

Exposé du litige
M. Eddy Z a été engagé en qualité de monteur le 6 juin 2009, pour une durée de trois mois, par M. Franck W exerçant sous l'enseigne EFR 80, moyennant un salaire mensuel de 1321,02 euros pour 151 H 67 de travail.
Les relations se sont poursuivies en contrat à durée indéterminée selon avenant du 1er septembre 2009 par lequel M. Z est devenu chef d'équipe avec un salaire mensuel de 1600 euros brut pour 151 H 67.
La convention collective des travaux de montage de structures métalliques était applicable.
Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 24 février 2011 aux fins de voir reconnaître M. W comme auteur de la rupture du contrat de travail à la date du 31 janvier 2011pour non paiement des salaires et pour solliciter le paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, d'indemnités de fin de contrat et de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugements des 8 juillet 2011et 9 septembre 2011, le tribunal de commerce d'Amiens a placé M. W en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, M. ... étant désigné en qualité de mandataire liquidateur par cette dernière décision.

Par jugement rendu le 14 juin 2012, le conseil de prud'hommes d'AMIENS a
- débouté Monsieur Eddy Z de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Monsieur Eddy Z aux entiers dépens de la première instance.

M. Z a interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 22 juin 2012, par déclaration faite au greffe le 26 juin 2012.
Les parties ont été régulièrement convoquées par lettres recommandées avec demande d'avis de réception adressées par le greffe de la cour le 13 septembre 2012 pour l'audience du 10 avril 2013.
Prétentions et moyens des parties
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions de M. Z enregistrées au greffe le 13 février 2013, à celles de M. ... en qualité de mandataire liquidateur de
M. W enregistrées au greffe le 9 avril 2013 et à celles du CGEA d'Amiens enregistrées au greffe le 9 avril 2013, ces écritures ayant été soutenues oralement à l'audience par chacune de ces parties.
M. Z demande à la cour de juger que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et constitutive d'un licenciement irrégulier et abusif et de fixer comme suit ses créances au passif de la liquidation judiciaire de M. W
- 1600 euros au titre du salaire du mois de janvier 2011resté impayé
- 1600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans observation des formes légales
- 9600 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
- 1600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 320 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et sur rappel de salaire
- 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier
- 4293,42 euros au titre des heures supplémentaires à 25 %
- 12600,57 euros au titre des heures supplémentaires à 50 %
- 1689,39 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires
- 576 euros à titre d'indemnité de licenciement
- 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant sollicite en outre la condamnation de la Selarl Soinne à lui remettre les bulletins de paie des mois de septembre-octobre-novembre et décembre 2010 et de janvier-février 2011, ainsi que son certificat de travail et l'attestation Pole Emploi.
M. ... en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. W sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. Il demande à la cour de débouter M. Z de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer es-qualités la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA d'Amiens, qui s'associe aux observations développées par M. ... es-qualités, sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de débouter M. Z de l'intégralité de ses demandes.
Il fait valoir qu'il ne peut en aucun cas garantir les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et qu'il ne peut être condamné et ne peut être amené à avancer le montant des créances dues en exécution du contrat de travail que dans la limite des textes légaux et décret définissant l'étendue de sa garantie prévue.

Sur ce, la Cour,
Sur les circonstances de la rupture
Pour débouter M. Z de sa demande tendant à voir imputer la rupture à son employeur, les premiers juges ont retenu que le salarié ne rapportait pas la preuve de la rupture du contrat de travail par M. W et qu'il ne produisait pas le contrat de rupture conventionnelle auquel font référence l'attestation Pole Emploi et le certificat de travail, documents ayant fixé la rupture au 18 février 2009.
M. ... es-qualités et le CGEA d'Amiens soutiennent d'une part que M. Z ne saurait invoquer la rupture du contrat de travail par son employeur alors que c'est lui qui a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire et d'autre part que le salarié ne peut prétendre que son salaire de janvier 2011est resté impayé alors qu'il produit lui-même aux débats le chèque correspondant au montant de ce salaire, daté du 18 février 2011, qui lui a été remis par M. W, de sorte que le paiement était intervenu lorsque le conseil de prud'hommes a été saisi.
Toutefois, M. Z n'a pas saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire mais aux fins de voir constater la rupture irrégulière de son contrat de travail par son employeur.
Seule l'attestation destinée à l'assurance chômage, établie unilatéralement par l'employeur, fait état non d'une rupture conventionnelle telle que prévue par le code du travail mais d'un 'personnel accord des deux parties' pour expliquer la rupture du contrat de travail, dont il résulte des pièces versées aux débats (attestation Assedic, certificat de travail, bulletins de paie) qu'elle est intervenue le 18 février 2011.
Il s'ensuit que la rupture notifiée à cette date, en dehors de toute démission du salarié, de tout accord de rupture conventionnelle dont il n'est pas justifié par l'employeur et de toute procédure de licenciement, constitue nécessairement, sans qu'il importe à ce stade que le salaire du mois de janvier ait été ou non payé, un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera en conséquence infirmé et il sera fait droit à la demande de l'appelant tendant à ce que la rupture du contrat de travail soit déclaré imputable à l'employeur.
Sur les demandes de rappels de salaire et d'heures supplémentaires - salaire de janvier 2011
S'il est produit aux débats un chèque émanant de M. W à l'ordre de M. Z en paiement du mois de janvier 2011, cette pièce est insuffisante à démontrer un paiement effectif, dont la preuve incombe à l'employeur.
M. ... es-qualités ne verse aucune pièce à cet égard.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de l'appelant à ce titre, pour un montant de 1600 euros bruts au titre du salaire et pour un montant de 160 euros au titre des congés payés afférents.
-Heures supplémentaires
Pour débouter le salarié de ses demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, les premiers juges ont retenu que le planning produit aux débats par M. Z, ne comportant pas de référence quant aux identités du salarié et de l'entreprise, pouvait s'appliquer indifféremment à tous les salariés de l'entreprise.
Toutefois, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Il appartient au salarié de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande et à l'employeur de fournir les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié.
Cette preuve est faite par tous moyens, sans forme particulière et il est en conséquence indifférent que le décompte présenté par M. Z ne mentionne pas son nom ni celui de l'entreprise dès lors qu'il reprend semaine par semaine et jour par jour, avec mentions des dates à partir de la page 2, les horaires de travail précis avec mention des chantiers concernés.
S'agissant du montage de structures souples et mobiles (stands, chapiteaux métalliques), ainsi qu'il résulte du contrat de travail, et de chantiers tous éloignés du siège de l'entreprise, M. Z en sa qualité de chef d'équipe devait être présent en permanence lors des opérations de montage jusqu'à leur achèvement.
Il est étonnant et révélateur à cet égard que, compte tenu de la nature de ces chantiers, aucune heure supplémentaire ne soit mentionnée sur l'ensemble des bulletins de paie de M. Z versés aux débats.
L'employeur, qui était parfaitement en mesure de vérifier la conformité du planning présenté par M. Z, ne formule aucune contestation précise des horaires invoqués par ce dernier.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef et il sera fait intégralement droit aux demandes de l'appelant au titre du rappel relatif aux heures supplémentaires et aux congés payés afférents.
Sur les conséquences du licenciement
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Justifiant d'une ancienneté inférieure à deux ans,
M. Z peut prétendre à l'indemnisation de l'illégitimité de son licenciement sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui lui est due à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt.
- Dommages et intérêts pour préjudice financier et moral
M. Z, qui est indemnisé des conséquences de la rupture par les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct d'ordre moral et financier sur lequel il ne donne aucune précision. Il sera en conséquence débouté de sa demande de ce chef.
- Indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement
En application de l'article L 1235-2 du code du travail, le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, M. Z sera débouté de sa demande spécifique d'indemnité pour irrégularité de la procédure, étant observé que le préjudice invoqué est réparé par la somme allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Indemnité de préavis
La créance au titre de l'indemnité de préavis, dont le montant n'st pas contestée par les intimés, sera fixée à la somme de 1600 euros, outre les congés payés afférents pour 160 euros.
- Indemnité de licenciement
M. ... es-qualités soutient que M. Z a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement puisque ce dernier verse lui-même aux débats la copie du chèque de versement correspondant.
Toutefois, cette pièce est insuffisante à démontrer un paiement effectif, dont la preuve incombe à l'employeur.
Cette indemnité n'est d'ailleurs pas mentionnée sur le reçu pour solde de tout compte produit aux débats, lequel n'a pas en toute hypothèse été signé par le salarié.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de l'appelant au titre de l'indemnité de licenciement, dont le montant n'est pas contesté.
Sur les autres demandes
Il sera fait droit à la demande de M. Z tendant à la remise de ses bulletins de paie pour les mois de septembre à décembre 2010, qui n'ont pas été délivrés, mais aussi des bulletins de janvier et février 2011 et de l'attestation Pole Emploi rectifiés pour être mise en conformité avec le dispositif du présent arrêt.
L'appelant, qui ne précise pas en quoi le certificat de travail produit aux débats serait inexact ou incomplet, sera débouté de sa demande de remise d'un nouveau certificat de travail.
M. ... es-qualités sera débouté de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné à payer à ce titre à M. Z une indemnité dont le montant est précisé au dispositif.
L'arrêt sera déclaré opposable au CGEA d'Amiens.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 14 juin 2012 par le conseil de prud'hommes d'Amiens en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail de M. Eddy Z intervenue le 18 février 2011 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Ordonne l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de
M. Franck W des créances suivantes de M. Eddy Z
- 1600 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2011 ;
- 160 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le mois de janvier 2011 ;
- 4293,42 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à
25 % ;
- 12600,57 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires à
50 % ;
- 1689,39 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur les rappels d'heures supplémentaires
- 6000 euros, nets de CSG et CRDS, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1600 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 160 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis ;
- 576 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
- 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. Eddy Z de ses demandes de dommages et intérêts faites au titre de l'inobservation des règles de la procédure de licenciement et au titre de son préjudice moral et financier,
Ordonne à M. ... es-qualités de mandataire liquidateur de M. Franck W de remettre à M. Eddy Z ses bulletins de paie pour les mois de septembre à décembre 2010 ainsi que ses bulletins de paie des mois de janvier et février 2011 rectifiés pour être mis en conformité avec le dispositif du présent arrêt et de l'attestation Pole Emploi rectifiée aux même fins,
Déboute M. Eddy Z de sa demande de remise d'un nouveau certificat de travail, Déboute M. ... es-qualités de mandataire liquidateur de
M. Franck W de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déclare le présent arrêt opposable au Centre de Gestion et d'Études AGS (CGEA) d'Amiens, qui sera tenu à garantie dans les limites prévues aux articles L 3253-6 à L 3253-18 du code du travail, et ne sera notamment pas tenu à garantie au titre de la somme allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. ... en qualité de mandataire liquidateur de
M. Franck W aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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