Jurisprudence : Cass. civ. 2, 13-06-2013, n° 12-21.300, F-D, Cassation

Cass. civ. 2, 13-06-2013, n° 12-21.300, F-D, Cassation

A5735KGI

Référence

Cass. civ. 2, 13-06-2013, n° 12-21.300, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8831856-cass-civ-2-13062013-n-1221300-fd-cassation
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Abstract

L'indemnité d'un montant égal à 75 % des honoraires forfaitaires normalement dus jusqu'au terme d'un contrat de conseil et d'assistance juridique pluriannuel, contrat rompu toutefois avant son échéance, est jugée excessive par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 13 juin 2013 (Cass. civ. 2, 13 juin 2013, n° 12-21.300, F-D ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat").



CIV. 2 LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 13 juin 2013
Cassation
M. BIZOT, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt no 968 F-D
Pourvoi no A 12-21.300
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Frédéric Z, domicilié Poitiers,
contre l'ordonnance rendue le 26 avril 2012 par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, dans le litige l'opposant à la société Cuisson et réfrigération, société à responsabilité limitée, dont le siège est Ruffec,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 2013, où étaient présents M. Bizot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Breillat, conseiller rapporteur, Mme Aldigé, conseiller, Mme Genevey, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Breillat, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. Z, l'avis de M. Maître, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que M. Z, avocat, et la société Cuisson et réfrigération ont, le 1er juillet 2008, conclu une convention intitulée " Lettre annuelle de mission d'intérêt commun de documentation, veille et conseils juridiques " aux termes de laquelle la société confiait à l'avocat, pour cinq exercices à compter de celui ouvert le 1er janvier 2008, une mission de conseil et d'assistance juridique moyennant un émolument annuel hors taxes de 960 euros (soit 1 148,16 euros TTC), frais de convocation et de reprographie en sus ; qu'il était stipulé à l'article 6 de la convention que la partie qui entendrait y mettre fin avant le terme prévu devrait verser une indemnité " compensatrice forfaitaire du temps passé sur la préparation des dossiers, notamment par le suivi de l'actualité juridique et fiscale [...] pour couvrir l'ensemble des frais forfaitaires de veille juridique de documentation et d'expertise de la législation en matière de droit des sociétés et de droit fiscal appliqué aux sociétés ", égale à 75 % des émoluments qui seraient dus jusqu'au terme du contrat ; que la société Cuisson et réfrigération a résilié la convention le 7 avril 2010 ; que n'ayant pas été réglé de ses honoraires, M. Z a saisi le bâtonnier de son ordre aux fins de fixation de ceux-ci à la somme de 2 964 euros HT, soit 3 544,94 euros TTC ;

Attendu que pour limiter à 1 686,36 euros TTC le montant des honoraires dus par la société Cuisson et réfrigération et condamner celle-ci à payer cette somme à M. Z, l'ordonnance énonce que, même en présence d'une convention d'honoraires qui a prévu un honoraire forfaitaire à la charge du client, comme c'est ici le cas, le juge a la faculté de réduire les honoraires convenus initialement lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu ; qu'au regard des critères énoncés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et du caractère très limité du service rendu par M. Z pour les exercices futurs 2010 à 2012 inclus, la rémunération demandée, égale à 75 % du montant annuel jusqu'au terme du contrat, apparaît ainsi exagérée ; que la juste rémunération due à M. Z pour cette période peut être fixée à 450 euros HT ; que la société doit en outre la somme de 960 euros HT au titre de la rémunération forfaitaire totale afférente à l'année 2010 (exercice 2009), année où a eu lieu la résiliation et pour laquelle elle ne conteste pas avoir bénéficié des prestations de M. Z ; que l'honoraire dû à l'avocat sera donc fixé à la somme globale de 1 410 euros HT, soit 1 686,36 euros TTC ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité prévue au contrat en cas de résiliation unilatérale de la convention par le client et dessaisissement de l'avocat constitue une clause de dédit non susceptible de réduction judiciaire, le premier président a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 avril 2012, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Cuisson et réfrigération aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cuisson et réfrigération à payer à M. Z la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. Z
IL EST FAIT GRIEF A l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir fixé à la somme seulement de 1.686,36 euros TTC le montant des honoraires dus à Monsieur Frédéric Z par la société CUISSON ET REFRIGERATION et d'avoir condamné la société CUISSON ET REFRIGERATION à payer ladite somme à Monsieur Z.
- AU MOTIF QUE qu'aucune disposition légale ou réglementaire ni aucun principe ne s'oppose à ce qu'un avocat se voie confier par un client une mission pour plusieurs années moyennant une rémunération forfaitaire déterminée en fonction de la durée ainsi prévue, élément déterminant du consentement des parties ; qu'en pareil cas, la clause prévoyant qu'une indemnité compensatrice est due par le client qui résilierait avant son terme la convention conclue entre l'avocat et son client ne fait que tirer les conséquences de ce que l'économie du contrat, qui doit être appréciée globalement, se trouverait bouleversée par cette résiliation anticipée ; Attendu que, dès lors que la société, qui n'invoque aucun vice du consentement et ne peut donc être admise à se prévaloir de ce qu'elle n'aurait pas pris garde au fait qu'elle avait contracté pour cinq ans, ne conteste pas avoir elle-même résilié la convention avant son terme, elle ne peut s'exonérer de l'obligation mise à sa charge en pareil cas par l'article 6 ; que cependant ainsi que l'admet nécessairement M. Z, dès lors qu'il a saisi le bâtonnier d'une réclamation tendant à obtenir fixation des sommes qu'il estime lui être dues, celles-ci ont le caractère d'honoraires ; qu'elles sont en conséquence soumises aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et sont, comme telles, réductibles ; qu'en effet, même en présence d'une convention d'honoraires qui a prévu un honoraire forfaitaire à la charge du client, comme c'est ici le cas, le juge a la faculté de réduire les honoraires convenus initialement lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu ; Attendu que, si la fourniture de documentation et la veille juridique auxquelles s'était obligé Monsieur Z sont, par leur nature, des prestations dont le bénéfice aurait pu s'étendre au-delà de l'année où a eu lieu la résiliation, de sorte qu'il est raisonnable de considérer que le travail effectué par l'avocat au cours de l'année 2010 (exercice 2009) était aussi destiné pour partie à l'accomplissement de la mission confiée par le client pour l'exercice suivant (exercice 2011), il n'en va pas de même pour les autres années ; que n'est en effet produit aucun élément qui soit de nature à démontrer que des investissements auraient été consentis par Monsieur Z pour fournir la prestation promise au-delà de la première année, pour les années restant à courir sur la durée totale du contrat, ou que le forfait demandé au client au titre de chaque armée d'exécution aurait été insuffisant au regard des frais et du temps passé si la prestation de l'avocat avait été limitée à une année ; que la résiliation ayant mis fin aux obligations de l'avocat, celui-ci n'a pas eu à passer du temps sur la préparation des dossiers de la société ni sur la veille juridique et fiscale au cours des années 2011 et 2012, qui ont suivi la résiliation ; Attendu qu'au regard des critères énoncés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et du caractère très limité du service rendu par M. Z pour les exercices futurs 2010 à 2012 inclus, la rémunération demandée, égale à 75 % du montant annuel jusqu'au terme du contrat, apparaît ainsi exagérée au regard du service rendu ; que la juste rémunération due à Monsieur Z pour cette période peut être fixée à 450 euros HT ; que la société doit en outre la somme de 960 euros HT au titre de la rémunération forfaitaire totale afférente à l'année 2010 (exercice 2009), année où a eu lieu la résiliation et pour laquelle elle ne conteste pas avoir bénéficié des prestations de Monsieur Z ; qu'au demeurant, ne critiquant pas la décision déférée, elle ne conteste pas devoir cette somme, à laquelle le bâtonnier a limité le montant de l'honoraire dû à Monsieur Z ; que l'honoraire dû à l'avocat sera donc fixé à la somme globale de 1.410 euros HT, soit 1.686,36 euros TTC ;
- ALORS QUE les dispositions de l'article 2004 du Code civil aux termes duquel le mandant peut révoquer le mandat quand bon lui semble ayant un caractère supplétif, il en résulte que l'indemnité contractuelle prévue en cas résiliation constitue un simple aménagement des conditions de rupture du contrat et, dès lors, ne représente que le prix de la faculté de résiliation unilatérale, en dehors de toute notion d'inexécution, de sorte qu'elle n'a pas le caractère d'une clause pénale susceptible d'être modifiée par le juge mais d'une clause de dédit, laquelle n'est pas soumise à réduction judiciaire ; qu'en décidant cependant que même en présence d'une convention d'honoraires qui a prévu un honoraire forfaitaire à la charge du client, comme c'est ici le cas, le juge de la taxe a la faculté de réduire les honoraires convenus initialement lorsque ceux-ci apparaissent exagérés au regard du service rendu, le premier président de la cour d'appel de POITIERS a violé par refus d'application les articles 1134 et 2004 du code civil et par fausse application l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971.

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