Jurisprudence : Avis, 14-09-2022, n° 22-70.006, FS-B

Avis, 14-09-2022, n° 22-70.006, FS-B

A14778IK

Référence

Avis, 14-09-2022, n° 22-70.006, FS-B. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88178682-avis-14092022-n-2270006-fsb
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Abstract

La Cour de cassation est d'avis que le président du tribunal judiciaire est compétent pour connaître des demandes formées en application de l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945. Il statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile, bien que l'article précité se réfère à la procédure en la forme des référés, abrogée depuis le 1er janvier 2020

Demande d'avis
n°Y 22-70.006

Juridiction : le tribunal judiciaire de Paris




IT2





Avis du 14 septembre 2022



n° 15011 B









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

COUR DE CASSATION
_________________________

Deuxième chambre civile

Vu les articles L. 441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile :

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu le présent avis sur le rapport de M. Delbano, conseiller, en présence de Mme [J], auditrice au service de documentation, des études et du rapport et les conclusions de M. Aparisi, avocat général référendaire, entendu en ses observations orales.

Énoncé de la demande d'avis

1. La Cour de cassation a reçu le 4 mai 2022, une demande d'avis formée le 22 avril 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris, dans une instance opposant la société civile Ateliers Chana Orloff, Mmes [X] [H] [R], [P] [R], [F] [R], [T] [R], MM. [K] [R], [A] [R], [M] [R], [W] [R] et [O] [R] aux sociétés Christie's France, Christie's Manson and Wood Limited, Christie's Inc et à M. [E].

2. La demande est ainsi formulée :

« 1°/ Le président du tribunal judiciaire saisi, selon la procédure accélérée au fond, d'un recours fondé sur l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 est-il compétent pour statuer alors que ce texte vise la procédure « en la forme des référés » décrite à l'ancien article 492-1 du code de procédure civile supprimé par le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 ?

2°/ En cas de réponse affirmative à la première question, le président du tribunal judiciaire saisi sur le même fondement, peut-il statuer selon la procédure « en la forme des référés » décrite à l'ancien article 492-1 du code de procédure civile supprimé par le décret n°2019-1419 du 20 décembre 2019 ou peut-il qualifier son jugement de « rendu selon la procédure accélérée au fond » ?

3°/ En cas de réponse négative à la première question, le président du tribunal judiciaire doit-il se déclarer incompétent et désigner le tribunal judiciaire en application de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire et de l'article 81 du code de procédure civile, opérer une redistribution de l'affaire au juge compétent selon l'article 82-1 du code de procédure civile, ou doit-il déclarer la demande irrecevable pour défaut de pouvoir juridictionnel ? ».

Examen de la demande d'avis

3. Selon l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945 portant deuxième application de l'ordonnance du 12 novembre 1943 sur la nullité des actes de spoliation accomplis par l'ennemi, dans les cas prévus par la présente ordonnance, la demande est portée devant le président du tribunal civil ou en matière commerciale devant le président du tribunal civil ou du tribunal de commerce au choix du demandeur, lesquels, statuant en la forme des référés, décident au fond sur toutes les questions soulevées par l'application de la présente ordonnance, quelles que soient les personnes mises en cause.

4. La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance « dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation […], les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires aux fins de les unifier et d'harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai. ».

5. Prise sur habilitation de cette loi, l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, applicable selon son article 30 aux demandes introduites à compter du 1er janvier 2020, a remplacé par l'appellation procédure accélérée au fond, les expressions faisant état de procédure « en la forme des référés », « dans la forme des référés », « comme en matière de référé », en précisant expressément les textes codifiés et non codifiés, certains relevant, dès lors, de la procédure accélérée au fond, d'autres étant désormais soumis à la procédure de droit commun au fond, sur requête ou en référé.

6. Le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance n° 2019-738 indique :

« Compte-tenu de la nature des dispositions modifiées, la réforme entreprise doit s'articuler en deux temps : un projet d'ordonnance qui concerne les dispositions légales et un projet de décret qui portera sur les dispositions réglementaires.
Cette réforme a pour ambition première de clarifier la procédure « en la forme des référés » en la renommant, de manière à mettre en évidence le fait qu'il s'agit d'une décision statuant au fond, obtenue rapidement, tout en supprimant la référence expresse au « référé », source d'erreurs. La terminologie de « procédure accélérée au fond » remplit cet objectif.
Le projet entend ensuite préserver la philosophie de la procédure « en la forme des référés » dans les matières dans lesquelles il est indispensable de pouvoir disposer d'une voie procédurale permettant d'obtenir un jugement au fond dans des délais rapides. Comme dans le cadre d'une procédure à jour fixe, le demandeur se verra indiquer une date d'audience à bref délai, sans qu'il n'ait à justifier préalablement d'une urgence particulière.
Il entreprend toutefois, dans la mesure du possible, d'harmoniser les déclinaisons existant dans les différentes matières. En effet, de nombreuses dispositions, tout en renvoyant à la procédure « en la forme des référés », s'écartent de manière plus ou moins significative du dispositif de droit commun tel que décrit par le code de procédure civile et nuisent ainsi à sa lisibilité. ».

7. Mais il apparaît qu'à l'exception de son article 28, qui généralise la procédure accélérée au fond dans les hypothèses de procédure « en la forme des référés » prévues par des conventions bilatérales, l'ordonnance du 17 juillet 2019 n'opère pas une substitution générale de la procédure « en la forme des référés » en la transformant automatiquement en procédure accélérée au fond, mais procède texte par texte, en écartant de la nouvelle procédure des textes qui étaient auparavant soumis à la procédure « en la forme des référés ».

8. L'article L 213-2 du code de l'organisation judiciaire, issu de la même ordonnance, dispose que dans les cas prévus par la loi ou le règlement, le président du tribunal judiciaire statue selon la procédure accélérée au fond.

9. Le décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 a abrogé l'article 492-1 relatif à la procédure en la forme des référés et a créé une sous-section consacrée à la procédure accélérée au fond, sous l'article 481-1. Il a, en outre, modifié les dispositions d'autres codes, en substituant, pour les procédures qui n'ont pas été intégrées au domaine du référé, des requêtes ou de la procédure contentieuse au fond, respectivement, aux termes « en la forme des référés », l'expression « selon la procédure accélérée au fond » et au terme « ordonnance » le mot « jugement » ou « décision ».

10. L'article 17 de l'ordonnance du 21 avril 1945, qui attribue compétence, notamment, au président du tribunal civil, devenu président du tribunal judiciaire, n'a été modifié ni par l'ordonnance du 17 juillet 2019, ni par le décret du 20 décembre 2019 et n'est visé par aucun de ces textes.

11. Selon l'exposé des motifs de l'ordonnance du 21 avril 1945, la nouvelle ordonnance qui s'inscrit dans le cadre de la déclaration de Londres du 5 janvier 1943, permet, par une procédure aussi rapide et peu coûteuse que possible, aux propriétaires dépossédés de rentrer légalement en possession de leurs biens, droits ou intérêts, par application du principe de la nullité des actes de transfert.

12. Dès lors, il est conforme aux objectifs et à l'esprit de l'ordonnance du 21 avril 1945 que le président du tribunal judiciaire, saisi sur le fondement de l'article 17 précité, statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile.

En conséquence, la Cour :

EST D'AVIS QUE :

En ce qui concerne la première et la deuxième questions réunies :

Le président du tribunal judiciaire, est compétent pour connaître des demandes formées en application de l'article 17 de l'ordonnance n° 45-770 du 21 avril 1945. Il statue selon la procédure accélérée au fond prévue à l'article 481-1 du code de procédure civile

En ce qui concerne la troisième question :

Il n'y a pas lieu à avis.

Par application de l'article 1031-6 du code de procédure civile, le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris et mis à disposition au greffe de la Cour le 14 septembre 2022, après examen de la demande d'avis lors de la séance du 13 septembre 2022 où étaient présents, conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire : M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, Vendryes, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Aparisi, avocat général référendaire et Mme Thomas, greffier de chambre ;


Le présent avis est signé par le conseiller rapporteur, le président et le greffier de chambre.

Le conseiller rapporteurLe président




Le greffier de chambre

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