Jurisprudence : Cass. civ. 1, 07-09-2022, n° 21-12.263, FS-B, Rejet

Cass. civ. 1, 07-09-2022, n° 21-12.263, FS-B, Rejet

A18888HE

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Cass. civ. 1, 07-09-2022, n° 21-12.263, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88077045-cass-civ-1-07092022-n-2112263-fsb-rejet
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Abstract

Il résulte de l'article 45 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, qu'une cour d'appel, saisie d'un recours formé en application de l'article 43, ne peut que soit le rejeter, soit refuser de déclarer exécutoire la décision, soit révoquer la déclaration délivrée par le greffier, son office étant limité à la vérification de l'applicabilité au litige du règlement et à l'examen des critères définis aux articles 34 et 35 de celui-ci. A l'occasion de ce recours, aucun autre moyen que ceux prévus par le règlement ne peut être soulevé et le droit commun de l'exequatur ne peut pas être invoqué. Dès lors, l'introduction par un créancier d'une nouvelle action en exequatur fondée sur le droit commun ne se heurte pas à l'autorité de la chose jugée


CIV. 1

SG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022


Rejet


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 612 FS-B

Pourvoi n° P 21-12.263


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022


M. [K] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-12.263 contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la Commission européenne, dont le siège est [Adresse 1]), défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N], de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de la Commission européenne, et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M.Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel et Bruyére, Mme Guihal, conseillers, M. Vitse, Mme Champ, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 décembre 2020), le 8 juillet 2015, saisi à la requête de la Commission européenne, sur le fondement du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, le greffier en chef d'un tribunal de grande instance a déclaré exécutoire en France un jugement d'une juridiction croate ayant condamné M. [N] à lui payer une certaine somme.

2. Statuant sur le recours formé par M. [Ab] contre cette déclaration, un arrêt du 21 octobre 2016 a dit que le règlement n'était pas applicable, infirmé la décision du greffier en chef et déclaré irrecevable la requête de la Commission européenne en ce qu'elle était fondée sur ce règlement.

3. Celle-ci a ensuite introduit une action en exequatur fondée sur le droit commun.


Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [N] fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de la Commission européenne recevable, alors :

« 1°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que la cour d'appel a retenu, pour écarter la fin de non-recevoir fondée sur le principe de concentration des moyens, que l'arrêt du 21 octobre 2016 avait seulement déclaré irrecevable la demande de la Commission européenne tendant à voir reconnaître la force exécutoire du jugement du tribunal d'instance de Buje du 2 avril 2012, sans se prononcer sur le fond de la demande de celle-ci ; qu'en statuant par ce motif inopérant, cependant qu'elle avait constaté que les demandes successives de la Commission européenne, opposant les mêmes parties et fondées sur les mêmes faits, certes reposant sur un fondement juridique différent, étaient identiques dans leur objet en ce qu'elles tendaient l'une comme l'autre à obtenir en France la reconnaissance du caractère exécutoire du jugement rendu le 2 avril 2012 par le tribunal d'instance de Buje, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1355 du code civil🏛 et 480 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que le demandeur à l'exequatur, dans le cadre du recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire prévu à l'article 43 du règlement CE n° 44/2001⚖️ du 22 décembre 2000, peut solliciter, à titre subsidiaire, l'exequatur de droit commun ; qu'en retenant, pour exclure l'application du principe de concentration des moyens, que la Commission européenne n'aurait pas pu utilement formuler, dès l'instance relative à la première demande, des moyens fondés sur le droit commun de l'exequatur, lorsqu'elle pouvait le faire, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil🏛, 480 du code de procédure civile, ensemble les articles 43 et 45 du règlement précité. »


Réponse de la Cour

6. En application de l'article 41 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une décision rendue dans un Etat membre est d'abord déclarée exécutoire dès l'achèvement des formalités prévues à l'article 53, sans examen des critères prévus aux articles 34 et 35.

7. L'article 43 prévoit que l'une ou l'autre partie peut former un recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire.

8. Selon l'article 45, la juridiction saisie de ce recours ne peut refuser ou révoquer une déclaration constatant la force exécutoire que pour l'un des motifs prévus aux articles 34 et 35.

9. Par arrêt du 13 octobre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que ce texte doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que le juge saisi d'un recours prévu aux articles 43 ou 44 de ce règlement refuse ou révoque une déclaration constatant la force exécutoire d'une décision pour un motif autre que ceux indiqués aux articles 34 et 35 de celui-ci, tels que l'exécution de celle-ci dans l'État membre d'origine (C-139/10).

10. Enfin, l'article 509-2, alinéa 1er, du code de procédure civile🏛, dans sa version issue du décret n° 2011-1043 du 1er septembre 2011🏛, donne compétence au greffier en chef du tribunal de grande instance pour déclarer exécutoire les décisions rendues dans les Etats membres de l'Union européenne. En vertu de l'annexe III du règlement, le recours prévu à l'article 43 est porté, en France, devant les cours d'appel.

11. Il résulte de l'article 45 de ce règlement, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, que la cour d'appel, saisie d'un recours formé en application de l'article 43, ne peut que soit le rejeter, soit refuser de déclarer exécutoire la décision, soit révoquer la déclaration délivrée par le greffier, son office étant limité à la vérification de l'applicabilité au litige du règlement et à l'examen des critères définis aux articles 34 et 35 de celui-ci.

12. Ayant ainsi exactement énoncé qu'aucun autre moyen que ceux prévus par le règlement ne pouvait être soulevé devant la cour d'appel qui avait été saisie d'un recours en révocation de la déclaration du caractère exécutoire en France de la décision croate et que le droit commun de l'exequatur ne pouvait pas être invoqué à l'occasion de ce recours, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'introduction par la Commission européenne d'une nouvelle action en exequatur fondée sur le droit commun ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. [N]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Monsieur [N] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'action de la commission européenne recevable ;

Alors, d'une part, qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que la cour d'appel a retenu, pour écarter la fin de non-recevoir fondée sur le principe de concentration des moyens, que l'arrêt du 21 octobre 2016 avait seulement déclaré irrecevable la demande de la Commission européenne tendant à voir reconnaître la force exécutoire du jugement du tribunal d'instance de Buje du 2 avril 2012, sans se prononcer sur le fond de la demande de celle-ci ; qu'en statuant par ce motif inopérant, cependant qu'elle avait constaté que les demandes successives de la Commission européenne, opposant les mêmes parties et fondées sur les mêmes faits, certes reposant sur un fondement juridique différent, étaient identiques dans leur objet en ce qu'elles tendaient l'une comme l'autre à obtenir en France la reconnaissance du caractère exécutoire du jugement rendu le 2 avril 2012 par le tribunal d'instance de Buje, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1355 du code civil🏛 et 480 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci ; que le demandeur à l'exéquatur, dans le cadre du recours contre la décision relative à la demande de déclaration constatant la force exécutoire prévu à l'article 43 du règlement CE n° 44/2001⚖️ du 22 décembre 2000, peut solliciter, à titre subsidiaire, l'exéquatur de droit commun ; qu'en retenant, pour exclure l'application du principe de concentration des moyens, que la Commission européenne n'aurait pas pu utilement formuler, dès l'instance relative à la première demande, des moyens fondés sur le droit commun de l'exéquatur, lorsqu'elle pouvait le faire, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil🏛, 480 du code de procédure civile, ensemble les articles 43 et 45 du règlement précité ;

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Monsieur [N] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le jugement du tribunal de Buje du 2 avril 2012, modifié par jugement rectificatif du 16 juillet 2012, exécutoire sur l'ensemble du territoire de la République ;

Alors, d'une part, que pour accorder l'exequatur à un jugement étranger, le juge français doit, en l'absence de convention internationale, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure ainsi que l'absence de fraude ; qu'il appartient au juge français d'apprécier par lui-même si les trois conditions précitées sont réunies ; qu'en s'en tenant aux énonciations du juge croate faisant état d'une remise effective à monsieur [N] par voie électronique de l'acte introductif d'instance, sans apprécier par elle-même si une telle remise avait bien eu lieu, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile🏛 ;

Alors, d'autre part, que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'il résulte des termes clairs et précis du courrier adressé par maître [C] au tribunal municipal de Buje le 7 juin 2011 que seulement certains actes de la procédure ont été transmis par ce notaire à monsieur [N] ; qu'en estimant, au contraire, qu'il ressortait de cette correspondance que monsieur [Ab] avait eu connaissance de tous les actes de la procédure au cours de l'instance devant la juridiction croate, par l'intermédiaire du représentant qui lui avait été désigné par la juridiction, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du courrier précité, a violé l'article 1192 du code civil🏛, ensemble le principe susvisé ;

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