Jurisprudence : CA Caen, 02-06-2022, n° 21/00831, Infirmation partielle

CA Caen, 02-06-2022, n° 21/00831, Infirmation partielle

A25148G9

Référence

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AFFAIRE : N° RG 21/00831

N° Portalis DBVC-V-B7F-GW3F

 Code Aff. :


ARRET N°


C.P


ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lisieux en date du 24 Février 2021 - RG n° 19/000259


COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 02 JUIN 2022



APPELANT :


MonsieurN[Z] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]


Représenté par Me Xavier BOULIER, avocat au barreau de CAEN


INTIMEE :


Madame [Y] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]


Représentée par Me Stéphanie ROYER-LIEBART, avocat au barreau de CAEN


DEBATS : A l'audience publique du 21 mars 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré


GREFFIER : Mme Aa



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :


Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,


ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 25 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l'article 450 du code de procédure civile🏛 et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier



Selon contrat de travail à durée indéterminée du 8 décembre 2015 à effet du même jour, Mme [Y] [M] a été engagée par M. [Z] [N], gérant d'un salon de coiffure, en qualité d'employée niveau 4 coefficient 135 pour assurer les fonctions d'esthéticienne, la convention collective nationale de la coiffure étant applicable ;


Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 31 mai 2016, Mme [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, se plaignant du comportement de son employeur à son égard, constituant « aussi bien du harcèlement sexuel que du harcèlement moral » ;


Entre temps, elle a le 9 mai 2016 déposé plainte pour ces faits, deux autres salariés de M. [N], Mme [O] et Mme [X] ont également déposé plainte pour des faits de harcèlement sexuel et moral, et un arrêt a été rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen le 15 mai 2019 ;


Estimant que la rupture de son contrat devait s'analyser en un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et se plaignant de ne pas avoir été remplie de ses droits, elle a saisi le 14 novembre 2019 le conseil de prud'hommes de Lisieux lequel par jugement rendu le 24 février 2021 a :

- rejeté la demande de péremption d'instance ;

- débouté Mme [M] de sa demande de travail dissimulé ;

- débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale préalable à l'embauche ;

- condamné M. [N] à lui payer la somme de 10 000 € pour faits de harcèlement sexuel et moral ;

-requalifié la prise d'acte en un licenciement nul ;

- condamné M. [N] à lui payer la somme de 8910 € à titre de dommages et intérêt, celle de 347 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 34.70 € à titre de congés payés afférents et celle de 2000 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991🏛 ;

- ordonné la remise des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés ;

- ordonné l'exécution provisoire, fixant la moyenne des salaires à la somme de 1485 € ;

- débouté M. [N] de ses demandes reconventionnelles ;



Par déclaration au greffe du 22 mars 2021, M. [N] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 2 mars 2021. Il a limité son appel à la disposition du jugement l'ayant condamné à la somme de 10 000 € pour faits de harcèlement moral et sexuel ;


Par conclusions remises au greffe le 30 août 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [N] demande à la cour de :

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamneé à payer à Mme [M] la somme de 10 000€ pour faits de harcèlement moral et sexuel ;

- de débouter Mme [M] de son appel incident relatif au travail dissimulé et l'absence de visite médicale d'embauche ;

- statuant à nouveau,

- débouter Mme [M] de sa demande indemnitaire pour faits de harcèlement moral et sexuel ;

- condamner Mme [M] à verser à M. [N] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ainsi qu'auxentiers dépens ;


Par conclusions remises au greffe le 30 juillet 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [M] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [N] à verser à Mme [M] la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice résultant des faits de harcèlements sexuel et moral subi

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes formulées à ce titre ;

Sur l'appel incident,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande d'indemnisation au titre du travail dissimulé ;


En conséquence,

- condamner M. [N] à verser à Mme [M] la somme de 8.910 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande d'indemnisation au titre du défaut de visite médicale ;

En conséquence,

- condamner M. [N] à verser à Mme [M] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale préalable à l'embauche ;

- En tout état de cause,

- condamner M. [N] à verser à Mme [M] la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile🏛 ;

- condamner M. [N] aux entiers dépens ;



MOTIFS


- Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et moral


La procédure pénale diligentée à la suite des plaintes déposées par Mmes [O], [M] et [X] pour des faits de harcèlement moral et sexuel commis pendant leur relation de travail par M. [N], a conduit à un arrêt rendu le 15 mai 2019 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Caen qui a notamment déclaré coupable et condamné M. [N] pour les faits de harcèlement sexuel et moral commis à l'encontre de Mme [M] et qui a, recevant la constitution de partie civile de Mme [M], condamné M. [N] à lui payer la somme de 1200 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi résultant directement de l'infraction à la somme de 1200 €, et a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour son préjudice matériel ;


M. [N] considère que la condamnation indemnitaire prononcée par la cour a autorité de chose jugée et que les premiers juges ne pouvaient prononcer une condamnation à des dommages et intérêts qui vise nécessairement les préjudices moraux et matériels déjà pris en compte par la juridiction pénale, cette demande formée par Mme [M] devant la juridiction prud'hommale est donc irrecevable ;

Mme [M] s'y oppose, faisant valoir que l'autorité de chose jugée au pénal sur le civil ne s'étend pas à l'indemnisation du préjudice résultant de l'infraction, le juge civil restant souverain dans l'appréciation de la réparation du préjudice dans la limite des faits constatés par le juge pénal ;


*****


L'autorité au civil de la chose jugée au pénal concerne l'existence du fait incriminé, sa qualification, la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L'arrêt de la chambre des appels correctionnels du 15 mai 2019 a autorité de chose jugée en ce qu'il a reconnu M. [N] coupable des faits de harcèlement sexuel et moral commis à l'encontre de Mme [M] pendant leur relation de travail, en relevant à l'encontre de cette dernière, des propos et comportements à connotations sexuelle, puis des attitudes et propos négatifs et dénigrants. C'est à juste titre que les premiers juges ont reconnu que les faits de harcèlement moral et sexuel étaient établis ;

Toutefois, les décisions de la juridiction pénale statuant sur l'action civile ont autorité de chose jugée sur le juge civil dans les conditions fixées par l'article 1355 du code civil🏛. Il faut ainsi que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ;

Les premiers juges ont pour fonder leur condamnation à des dommages et intérêts pour une somme de 10 000 €, relevé, après avoir rappelé l'arrêt pénal, que « Mme [M] a subi des actes de harcèlement sexuel et moral et fait droit à sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi ('.) » ;

Or, il résulte de l'arrêt pénal que la cour a indemnisé le préjudice moral subi par Mme [M] « résultant directement de l'infraction commise à son encontre parNM. [N] », soit en lien avec les faits de harcèlement sexuel et moral qu'elle avait retenus ;


Dans le cadre de la présente procédure, Mme [M] forme une demande de dommages et intérêts pour réparer l'impact sur sa vie privée et sur sa vie professionnelle (état de souffrance nécessitant un traitement médical alors qu'il s'agissait de sa première expérience professionnelle) le harcèlement sexuel et moral subi. Elle forme donc une demande de dommages et intérêts fondée sur la même cause et contre la même personne, qui se heurte à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 15 mai 2019 dès lors que Mme [M] a été indemnisée par celui-ci du préjudice résultant du comportement fautif de son employeur ;

Sa demande est donc, par infirmation du jugement, irrecevable ;


- Sur la demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé


Mme [M] fait valoir qu'elle a travaillé pour M. [N] dès le 3 décembre 2015 et non le 8 décembre comme le mentionne son contrat de travail et son bulletin de salaire, qu'elle a été payée en espèces, ce qui caractérise un travail dissimulé ;

Toutefois, elle ne produit aucun élément ou pièce de nature à caractériser une prestation de travail et/ou le paiement d'un salaire en espèces antérieurement au 8 décembre 2015 ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande ;


- Sur les dommages et intérêts pour absence de visite médicale préalable à l'embauche


La déclaration préalable à l'embauche de Mme [M] a été faite par M. [N] le 9 décembre 2015, et mentionne un enregistrement auprès de la médecine du travail ;

Pour autant M. [N] ne justifie pas la réalisation effective de la visite médicale préalable à l'embauche ;

Mme [M] invoque à juste titre que cette première visite auprès du médecin du travail lui aurait permis de le solliciter plus facilement lorsque qu'elle a subi au cours de la relation de travail subi des faits de harcèlement ;

Elle caractérise ainsi un préjudice en lien avec l'absence de visite médicale préalable à l'embauche qui sera indemnisé par des dommages et intérêts d'un montant de 250 € ;


- Sur les autres demandes


En cause d'appel, il n'y a pas lieu à indemnités de procédure mais M. [N] qui perd le procès sera condamné aux dépens d'appel ;



PAR CES MOTIFS


LA COUR


Dans la limite de l'appel ;


Confirme le jugement rendu le 24 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Lisieux sauf en ce qu'il a condamné M. [N] à payer à Mme [M] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour les faits de harcèlement sexuel et moral et sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande dommages et intérêts pour défaut de visite médicale préalable à l'embauche ;


Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;


Dit irrecevable la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les faits de harcèlement sexuel et moral ;


Condamne M. [N] à payer à Mme [M] la somme de 250 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale préalable à l'embauche ;


Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;


Dit n'y avoir lieu à indemnités de procédure ;


Condamne M. [N] aux dépens d'appel;


LE GREFFIER LE PRESIDENT


M. ALAIN L. DELAHAYE

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