Jurisprudence : TA Lyon, du 03-08-2022, n° 2105090


Références

Tribunal Administratif de Lyon

N° 2105090

8ème chambre
lecture du 03 août 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 24 juin 2021 et le 29 avril 2022, le syndicat CFDT Interco du Rhône demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler partiellement la délibération du 26 avril 2021 de la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon relative au télétravail en tant que celle-ci ne prévoit pas de donner aux agents concernés les moyens nécessaires à l'exercice de leurs fonctions ;

2°) d'enjoindre à la métropole de Lyon d'adopter une nouvelle délibération relative au télétravail prévoyant la prise en charge des frais inhérents au télétravail dans un délai de six mois, et de modifier en conséquence la convention relative au télétravail ;

3°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 50 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération critiquée est entachée d'incompétence négative et d'un vice de procédure dès lors qu'elle renvoie à une convention ad hoc la fixation des modalités de prise en charge des frais inhérents au télétravail ;

- la délibération en litige est insuffisamment motivée ;

- la délibération critiquée méconnaît le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 en exigeant des agents en télétravail de fournir des moyens personnels, dans un espace dédié, sans avoir la possibilité de bénéficier des titres-restaurant et sans compensation des frais fixes inhérents au télétravail ;

- cette délibération est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 février et 17 mai 2022, la métropole de Lyon, représentée par la Selarl Carnot Avocats, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

L'instruction a été close le 31 mai 2022 par une ordonnance du même jour prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu la délibération attaquée et les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- l'ordonnance n° 67-830 du 27 novembre 1967 relative à l'aménagement des conditions du travail en ce qui concerne le régime des conventions collectives, le travail des jeunes et les titres-restaurant ;

- le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de M. Gros, rapporteur public,

- et les observations de Me Litzler pour la métropole de Lyon.

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée par la métropole de Lyon, enregistrée le 6 juillet 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CFDT Interco du Rhône conteste la délibération du 26 avril 2021 par laquelle la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon a approuvé les conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail des agents de cette collectivité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 2 du décret du 11 février 2016 visé ci-dessus : " Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l'information et de la communication. / Le télétravail peut être organisé au domicile de l'agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel ". Aux termes de l'article 5 de ce même décret : " L'exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l'agent. Celle-ci précise les modalités d'organisation souhaitées. Lorsque le télétravail est organisé au domicile de l'agent ou dans un autre lieu privé, une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques, établie conformément aux dispositions prises en application du 9° du I de l'article 7, est jointe à la demande. / Le chef de service, l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination apprécie la compatibilité de la demande avec la nature des activités exercées et l'intérêt du service () ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient des mêmes droits et obligations que les agents exerçant sur leur lieu d'affectation. / L'employeur prend en charge les coûts découlant directement de l'exercice des fonctions en télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. L'employeur n'est pas tenu de prendre en charge le coût de la location d'un espace destiné au télétravail. / () ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : I. - (Une) délibération de l'organe délibérant () fixe : / 1° Les activités éligibles au télétravail ; / 2° La liste et la localisation des locaux professionnels éventuellement mis à disposition par l'administration pour l'exercice des fonctions en télétravail, le nombre de postes de travail qui y sont disponibles et leurs équipements ; / 3° Les règles à respecter en matière de sécurité des systèmes d'information et de protection des données ; / 4° Les règles à respecter en matière de temps de travail, de sécurité et de protection de la santé ; / 5° Les modalités d'accès des institutions compétentes sur le lieu d'exercice du télétravail afin de s'assurer de la bonne application des règles applicables en matière d'hygiène et de sécurité ; / 6° Les modalités de contrôle et de comptabilisation du temps de travail ; / 7° Les modalités de prise en charge, par l'employeur, des coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment ceux des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ; / 8° Les modalités de formation aux équipements et outils nécessaires à l'exercice du télétravail ; () ".

3. La délibération en litige, qui présente un caractère réglementaire, n'est pas au nombre des décisions dont les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration imposent la motivation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

4. A l'appui de sa contestation, le syndicat requérant soutient que la commission permanente du conseil de la métropole de Lyon a méconnu l'étendue de sa compétence et entaché sa décision d'un vice de procédure en renvoyant à une convention conclue avec l'agent concerné la fixation des modalités de prise en charge des coûts découlant de l'exercice du télétravail mentionnés au 7° de l'article 7 précité du décret du 11 février 2016. Toutefois, s'il renvoie à une telle convention le soin de préciser les modalités de sa mise en œuvre, le 7° du II de la délibération critiquée prévoit la fourniture par la métropole de Lyon elle-même des équipements nécessaires à l'exercice de ses missions par l'agent en télétravail ainsi que le principe d'une maintenance de ceux-ci. Par suite, les moyens invoqués doivent être écartés.

5. Les agents qui ont demandé à exercer leurs fonctions en télétravail doivent notamment justifier, pour y être autorisés, qu'ils disposent d'un espace dédié au travail et d'une connexion internet, et les agents en télétravail ne sont pas placés, s'agissant des conditions d'exercice de leur activité professionnelle, dans la même situation que ceux qui travaillent dans les locaux où ils sont affectés. Par suite et alors qu'il appartient à l'assemblée délibérante de la métropole de Lyon de définir les modalités de prise en charge des coûts liés au télétravail, la délibération critiquée a pu, sans méconnaître les dispositions précitées du décret du 11 février 2016 ou le principe d'égalité, ne pas envisager la prise en charge des coûts liés à l'impression de documents à domicile, qui n'est pas autorisée, la prise en charge matérielle ou financière de l'aménagement du poste de travail de chaque agent ou, s'agissant de coûts indirects, le remboursement des frais liés à la présence de celui-ci à son domicile. Dans ces conditions et alors que l'article L. 2321-2 du code général des collectivités territoriales dont le syndicat requérant invoque la méconnaissance n'est en tout état de cause pas applicable à la métropole de Lyon, les moyens tirés sur ce point de la violation des dispositions précitées du décret du 11 février 2016 ou du principe d'égalité doivent être écartés.

6. Aux termes de l'article 19 de l'ordonnance du 27 novembre 1967 visée ci-dessus : " Les collectivités publiques () peuvent attribuer le titre-restaurant : / dans le cas où ils n'ont pas mis en place de dispositif propre de restauration collective, aux agents qu'ils ne peuvent pas faire bénéficier, par contrat passé avec un ou plusieurs gestionnaires de restaurants publics ou privés, d'un dispositif de restauration compatible avec la localisation de leur poste de travail ; / dans le cas où ils ont mis en place un dispositif propre de restauration collective, aux agents qu'ils ne peuvent faire bénéficier, compte tenu de la localisation de leur poste de travail, ni de ce dispositif, ni d'un dispositif de restauration mis en place par contrat passé avec un ou plusieurs gestionnaires de restaurants publics ou privés ".

7. Pour soutenir que les dispositions précitées de l'ordonnance du 27 novembre 1967 ont été méconnues, le syndicat requérant se prévaut de ce que la délibération en litige ne prévoit pas la fourniture de titres-restaurant aux agents en télétravail qui bénéficiaient précédemment du service de restauration collective. Toutefois, si, lorsqu'une administration décide d'attribuer le titre-restaurant à ses agents, les agents exerçant leurs fonctions en télétravail bénéficient du même droit à l'attribution de ce titre que s'ils exerçaient leurs fonctions sur leur lieu d'affectation, la délibération en litige n'a ni pour objet ni pour effet de priver les agents de la métropole de Lyon qui pourraient y prétendre du bénéfice de ce dispositif, qui relève de l'action sociale. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

8. Si le syndicat CFDT Interco du Rhône soutient que les modalités retenues pour la prise en charge des frais inhérents au télétravail par la délibération en litige poursuivent en réalité un objectif purement financier, le détournement de pouvoir allégué n'est toutefois pas établi.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CFDT Interco du Rhône n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération du 26 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent jugement, qui rejette les conclusions de la requête dirigées contre la délibération du 26 avril 2021, n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la métropole de Lyon, qui n'est pas partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat CFDT Interco du Rhône est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié au syndicat CFDT Interco du Rhône et à la métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Segado, président,

Mme Niquet, première conseillère,

Mme de Mecquenem, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 août 2022.

La rapporteure,

A. A

Le président,

J. Segado

La greffière,

L. Khaled

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier

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