Jurisprudence : CE 6 ch., 25-07-2022, n° 462681



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 462681

Séance du 07 juillet 2022

Lecture du 25 juillet 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème chambre jugeant seule)


Vu les procédures suivantes :

La société civile immobilière (SCI) Les Marchés méditerranéens a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté n° 2017-06 du 27 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de l'établissement public d'aménagement (EPA) Euroméditerranée, les immeubles nécessaires aux travaux de réalisation de la zone d'aménagement concerté " littorale " sur le territoire de la commune de Marseille. Par un jugement n° 1709342 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un premier arrêt n° 19MA05604 du 8 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille⚖️ a, sur appel de la SCI Les Marchés méditerranéens, ordonné un supplément d'instruction tendant à la production, dans un délai de six mois, de l'avis de l'autorité environnementale. Par un autre arrêt n° 19MA05604 du 22 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille⚖️ a annulé le jugement du 18 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté préfectoral du 27 février 2017.

1° Sous le n° 462681, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 et 30 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ces arrêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Les Marchés méditerranéens la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

2° Sous le n° 462773, par une requête enregistrée le 30 mars 2022, l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée demande au Conseil d'Etat d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ces arrêts.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée et à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la SCI Les Marchés Méditerranéens ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 février 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré d'utilité publique les travaux de réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC), dite " littorale ", sur le territoire de la commune de Marseille. Par un autre arrêté du même jour, il a déclaré cessibles, au profit de l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée, les immeubles nécessaires à cette opération. La société civile immobilière (SCI) Les Marchés méditerranéens, propriétaire de parcelles concernées, a fait appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 octobre 2019 qui a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté de cessibilité. Par un arrêt avant-dire droit du 8 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, relevant que la déclaration d'utilité publique avait été adoptée à la suite d'une procédure irrégulière en raison d'un vice entachant l'avis émis par l'autorité environnementale, a ordonné un supplément d'instruction tendant à la production, par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, d'un nouvel avis environnemental. Par un arrêt du 22 février 2022, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté de cessibilité attaqués, en relevant que si le nouvel avis de l'autorité environnementale émanait d'une autorité disposant d'une autonomie réelle par rapport au préfet, l'irrégularité constatée dans l'arrêt avant-dire droit devait être regardée comme ayant été de nature à exercer une influence sur le sens de la déclaration d'utilité publique et à priver les intéressés d'une garantie. L'établissement public d'aménagement Euroméditerranée se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts.

Sur le pourvoi et la demande de sursis à exécution de l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée :

2. Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d'utilité publique et urgents des travaux, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.

3. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire-droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entaché l'arrêté attaqué. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de l'arrêté attaqué, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités, qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

4. Après avoir relevé que la déclaration d'utilité publique relative aux travaux de réalisation de la ZAC " littorale " était entachée d'un vice tiré de l'irrégularité de l'avis de l'autorité environnementale, la cour administrative d'appel de Marseille a, dans son arrêt avant-dire droit du 8 décembre 2020, ordonné un supplément d'instruction tendant à la production, par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, d'un nouvel avis de l'autorité environnementale et cela afin d'apprécier si l'irrégularité qui entachait l'avis initial avait été susceptible soit d'exercer une influence sur le sens de l'arrêté déclaratif d'utilité publique, soit de priver les personnes intéressées d'une garantie. Elle a considéré, dans son arrêt du 22 février 2022, que nonobstant la production d'un nouvel avis de l'autorité environnementale, émanant, cette fois, d'une autorité disposant d'une autonomie réelle par rapport à l'auteur de la déclaration d'utilité publique, l'irrégularité initialement constatée devait être regardée comme ayant été de nature à exercer une influence sur le sens de la déclaration d'utilité publique et à priver les intéressés d'une garantie. En procédant ainsi, alors qu'il lui appartenait, face à un vice susceptible d'être régularisé, de surseoir à statuer en prescrivant les modalités de la régularisation devant être opérée, puis, dans un second temps, de statuer en prenant en compte la régularisation qui lui avait été notifiée, la cour administrative d'appel de Marseille a entaché ses arrêts d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que les arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille des 8 décembre 2020 et 22 février 2022 doivent être annulés.

6. L'annulation de ces arrêts rend sans objet les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à leur exécution.

Sur le pourvoi incident de la SCI Les Marchés méditerranéens :

7. L'annulation des deux arrêts contestés de la cour administrative d'appel de Marseille prive d'objet le pourvoi incident de la SCI Les Marchés méditerranéens contre l'arrêt du 8 décembre 2020.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Marseille des 8 décembre 2020 et 22 février 2022 sont annulés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution des arrêts des 8 décembre 2020 et 22 février 2022 et sur les conclusions présentées par la SCI Les Marchés méditerranéens au titre de son pourvoi incident.

Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 4 : La SCI Les Marchés méditerranéens versera à l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 5 : Les conclusions présentées par la SCI Les Marchés méditerranéens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée et à la SCI Les Marchés méditerranéens.

Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 juillet 2022 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Airelle Niepce, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 25 juillet 2022.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Airelle Niepce

La secrétaire :

Signé : Mme Valérie Peyrisse

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