Jurisprudence : TA Paris, du 18-07-2022, n° 2213906


Références

Tribunal Administratif de Paris

N° 2213906


lecture du 18 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 28 juin et 13 juillet 2022, la société Pfizer, représentée par Me Roquette-Pfister, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-13 du code de justice administrative🏛, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de suspendre l'exécution du contrat conclu le 17 juin 2022 entre le Réseau des acheteurs hospitaliers et la société Accord Healthcare France pour la fourniture de Daptomycine pendant la durée de l'instance ;

2°) à titre principal, d'annuler ce marché spécifique ou, à titre subsidiaire, de le résilier ;

3°) de mettre à la charge du Réseau des acheteurs hospitaliers la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- les critères de sélection prévus par le système d'acquisition dynamique n'ont pas été respectés ;

- l'appréciation portée sur les mérites respectifs des offres est entachée d'une erreur manifeste ;

- les obligations d'égalité de traitement entre les soumissionnaires ont été méconnues.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 11 et 13 juillet 2022, le Réseau des acheteurs hospitaliers, représenté par Me Hourcabie, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Pfizer sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

- les deux derniers moyens soulevés sont inopérants ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique,

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme A B pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue le 13 juillet 2022 à 15h00, en présence de Mme Séverine Dick, greffière d'audience, Mme A B a lu son rapport et entendu :

- les observations de Me Roquette-Pfister, représentant la société Pfizer, qui maintient ses conclusions et développe les moyens soulevés dans la requête ;

- les observations de Me Hourcabie, représentant le Réseau des acheteurs hospitaliers, qui maintient ses conclusions.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Une note en délibéré, présentée pour la société Pfizer, a été enregistrée le 15 juillet 2022 et n'a pas été communiquée.

Une note en délibéré, présentée pour le Réseau des acheteurs hospitaliers, a été enregistrée le 15 juillet 2022 et n'a pas été communiquée

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel des annonces de marchés publics le 26 juin 2020, le Réseau des acheteurs hospitaliers (RESAH) a lancé un procédure d'appel d'offres restreint relatif à un système d'acquisition dynamique (SAD 2020-127) pour l'obtention de marchés spécifiques de fourniture de médicaments aux établissements de santé. La société Pfizer a été admise dans le système d'acquisition dynamique au titre de plusieurs catégories de produits. Dans le cadre des marchés spécifiques MSP11, plusieurs marchés ont été attribués le 28 mars 2022 à la société Pfizer, notamment le marché n° 463 pour la fourniture d'une spécialité injectable, le Daptomycine. Toutefois, le RESAH a résilié ces marchés spécifiques le 7 avril 2022 pour un motif d'intérêt général. Le 15 avril 2022, le RESAH a lancé une nouvelle procédure de passation pour ces marchés spécifiques dénommés désormais MSP16. L'offre de la société Pfizer pour le marché n° 436, relatif à la fourniture de Daptomycine injectable, a été rejetée par le RESAH dans un courrier du 17 juin 2022 qui lui indiquait que le marché a été attribué à la société Accord Healthcare France et signé le 17 juin 2022. La société requérante demande la suspension de l'exécution du contrat, l'annulation du marché spécifique portant sur la fourniture de Daptomycine ou, à défaut, la résiliation de ce marché.

Sur les conclusions aux fins d'annulation et de suspension :

2. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative🏛 : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Aux termes de l'article L. 551-17 du même code🏛 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué peut suspendre l'exécution du contrat, pour la durée de l'instance, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de cette mesure pourraient l'emporter sur ses avantages. " L'article L. 551-18 de ce code🏛 précise : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite./ La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. () ".

3. En premier lieu, l'article R. 2162-51 du code de la commande publique🏛 dispose : " Le marché spécifique est attribué au soumissionnaire qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base des critères d'attribution définis dans l'avis de marché (). Ces critères peuvent, le cas échéant, être précisés dans l'invitation à soumissionner. "

4. L'avis de marché publié le 26 juin 2020 indique que " tous les critères sont énoncés uniquement dans les documents du marché ". Au titre de ces derniers, le règlement de la consultation de la procédure relative au système d'acquisition dynamique SAD 2020-127 prévoit deux grilles de critères selon que les médicaments faisant l'objet des marchés spécifiques se trouvent ou non, lors de la procédure de passation, en situation de tension d'approvisionnement. La première de ces grilles, lorsqu'il n'y a pas de situation de tension, comporte trois critères : le critère technique (40 à 60 %), le critère prix (30 à 60 %) et le critère relatif à la logistique et aux prestations techniques associées (10 à 40 %). La seconde grille, applicable en cas de tension d'approvisionnement, définit quatre critères : technique (40 à 60 %), prix (30 à 60%), logistique et prestations techniques associées (10 à 20 %) et engagements pour éviter les ruptures d'approvisionnement (10 à 20 %). L'invitation à soumissionner, adressée le 15 avril 2022 par le RESAH, liste trois critères de sélection des offres : technique (50%), prix (30%) et logistique et prestations associées (20%). Ce dernier critère est analysé au regard de sept prestations, parmi lesquelles figure un engagement pris pour éviter les ruptures d'approvisionnement.

5. L'invitation à soumissionner conserve l'une des deux grilles de notation prévue par le règlement de la consultation et fixe la pondération des critères dans la fourchette élaborée par ce dernier. Si elle écarte la possibilité de toute tension d'approvisionnement des médicaments objets des marchés spécifiques, elle ne remet pas en cause les critères initialement prévus pour rentrer dans le système d'acquisition dynamique. En outre, la circonstance que le dernier critère prenne en compte l'engagement du soumissionnaire pour éviter les ruptures d'approvisionnement ne caractérise pas l'élaboration d'une nouvelle grille de critères. Dans ces conditions, l'invitation à soumissionner se borne à préciser la nature, la pondération et la manière d'évaluer les critères prévus dans le règlement de la consultation. Dès lors, le RESAH n'a pas méconnu les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation du système d'acquisition dynamique.

6. En deuxième lieu, il n'appartient pas au juge du référé contractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'acheteur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'acheteur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

7. La société Pfizer se borne à critiquer l'appréciation portée par le RESAH sur les mérites respectifs des offres en présence, sans démontrer ni même alléguer que le contenu de son offre aurait été dénaturé. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit donc être écarté comme inopérant.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 2181-1 du code de la commande publique🏛 : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. ". L'article R. 2181-3 de ce même code🏛 précise : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : 1°) Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre (). "

9. A l'issue de la procédure de passation du marché spécifique MSP11 relatif à la fourniture de Daptomycine, le RESAH a communiqué aux candidats évincés la note obtenue par la société Pfizer, déclarée attributaire. Il n'a en revanche pas révélé à la société Pfizer les notes obtenues par les autres sociétés candidates. Si la société Pfizer fait valoir que cette situation a entraîné une asymétrie d'information entre les candidats au marché spécifique MSP16 relatif à la fourniture de Daptomycine, elle se borne à affirmer que les premiers candidats évincés ont pu reconstituer aisément le prix proposé par la société Pfizer. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la seule communication de la note obtenue par la société Pfizer dans le cadre de la première procédure de passation ait permis aux premiers candidats évincés de détenir une telle information. En tout état de cause, le RESAH s'est borné à respecter les obligations pesant sur l'acheteur à l'issue de l'attribution d'un marché et rappelées au point précédent. Dans ces conditions, le RESAH n'a pas méconnu le principe d'égalité de traitement entre candidats et n'a pas, de ce fait, méconnu ses obligations de remise en concurrence.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pfizer n'est fondée à demander ni la suspension, ni la résiliation, ni l'annulation du marché spécifique MSP16 relatif à la fourniture de Daptomycine.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du RESAH, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais de l'instance.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Pfizer la somme de 1 500 euros, à verser au RESAH, au titre de ces mêmes dispositions.

ORDONNE

Article 1er : La requête de la société Pfizer est rejetée.

Article 2 : La société Pfizer versera au RESAH la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Pfizer, au Réseau des acheteurs hospitaliers et à la société Accord Healthcare France.

Fait à Paris, le 18 juillet 2022.

Le juge des référés,

J. MENEMENIS

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°2213906/3-1

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