Jurisprudence : TA Amiens, du 12-07-2022, n° 2201959

TA Amiens, du 12-07-2022, n° 2201959

A70798BS

Référence

TA Amiens, du 12-07-2022, n° 2201959. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/86647578-ta-amiens-du-12072022-n-2201959
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Abstract

► Les dépenses relatives à la conception, l'impression et la diffusion d'un bilan de mandat n'ont pas à figurer dans le compte de campagne d'un candidat si ce bilan avait été diffusé aux habitants de la commune avant l'annulation des précédentes élections par le Conseil d'État et donc avant le début de la nouvelle période de campagne électorale.




N° 2201959

COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES c/
Mme Sandrine Dauchelle

Mme Dhiver, Présidente rapporteure

Mme Minet, Rapporteure publique

Audience du 7 juillet 2022

Décision du 12 juillet 2022

**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
**
Le tribunal administratif d'Amiens

(3ème chambre)



Vu la procédure suivante :

Par une saisine, enregistrée le 17 juin 2022, la Commission nationale des
comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a transmis au
tribunal, en application de l'article L. 52-15 du code électoral🏛, sa décision
du 13 juin 2022 rejetant le compte de campagne de Mme Aa Ab,
candidate tête de liste à l'élection municipale partielle des 10 et 17 octobre
2021 de la commune de Noyon (Oise).

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2022, Mme Ab,
représentée par Me Grand d'Esnon, conclut au rejet de la saisine de la
Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et
à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- le motif tiré de ce qu'elle a bénéficié d'un avantage en nature de la part
de la ville de Noyon du fait de l'utilisation d'un logiciel de la commune pour
sa propagande électorale en méconnaissance de l'article L. 52-8 du code
électoral🏛
, n'est pas fondé ;

- le motif tiré de ce que la dépense relative à la conception et à
l'impression d'un bilan de mandat devait figurer dans son compte de campagne
n'est pas fondé ;

- en tout état de cause, au regard du faible montant en jeu concernant la
diffusion du bilan de mandat, ce motif ne pourrait conduire à la déclarer
inéligible.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver, présidente rapporteure,

- les conclusions de Mme Minet, rapporteure publique,

- et les observations de Me Grand d'Esnon, avocat de Mme Ab.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral🏛 : « La commission
nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et,
après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne.
Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L.
52-11-1 (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a
pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas
échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des
dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ».

2. A la suite de l'annulation des opérations électorales qui se sont
déroulées les 15 mars et 28 juin 2020 dans la commune de Noyon, de nouvelles
élections en vue de la désignation des conseillers municipaux et
communautaires se sont tenues dans la commune les 10 et 17 octobre 2021. Par
une décision du 13 juin 2022, la Commission nationale des comptes de campagne
et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme
Ab, candidate tête de liste à ces élections, au motif qu'elle avait
bénéficié d'avantages consentis par la ville de Noyon en méconnaissance des
dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral🏛, d'une part, en utilisant
un logiciel de la commune pour sa propagande électorale, d'autre part, en
ayant recours aux moyens de la commune pour la conception, l'impression et la
diffusion d'un bilan de mandat. La Commission nationale des comptes de
campagne et des financements politiques a saisi le tribunal de cette décision,
en application de l'article L. 52-15 du code électoral🏛.

Sur le rejet du compte de campagne :

3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du
code électoral
: « Les personnes morales, à l'exception des partis ou
groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne
électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que
ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs
ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.
(...) ».

4. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements
politiques a estimé que Mme Ab avait utilisé un logiciel de traitement
de données acquis par la commune auprès de la société Athena le 10 novembre
2020 pour adresser des courriers personnalisés aux seniors de la commune. Il
résulte toutefois des éléments fournis par Mme Ab que les accès
informatiques à cette base de données, dénommée « Athena collectivité », ont
été bloqués à partir de juillet 2021 et qu'aucune extraction n'en a été faite
pendant toute la durée de la campagne électorale de 2021. En outre, il résulte
de l'instruction que, avant l'acquisition du logiciel « Athena collectivité »
par la commune, Mme Ab avait, pour les besoins de la campagne
électorale en vue des élections des 15 mars et 28 juin 2020, eu recours à un
logiciel fourni par la même société Athena, dénommé « Athena candidate », et
que la facture correspondant à cette prestation, d'un montant de 594 euros,
figurait dans son compte de campagne de 2020. Si elle a de nouveau utilisé une
base de données lors de la campagne électorale de 2021, Mme Ab a en
réalité réactivé, pour une période de deux mois, le dispositif dont elle
s'était précédemment dotée lors de la campagne de 2020. La facture de la
société Athena du 20 septembre 2021 correspondant à cette nouvelle prestation,
d'un montant de 480 euros, figure dans son compte de campagne. Ainsi, Mme
Ab n'a pas bénéficié de la part de la commune de Noyon d'un avantage en
nature prohibé par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du
code électoral
.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral🏛 : «
(...) / Le mandataire recueille, pendant les six mois précédant le premier
jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne
du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / (...) / En
cas d'élection anticipée ou partielle, ces dispositions ne sont applicables
qu'à compter de l'événement qui rend cette élection nécessaire. / (...) ». Aux
termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 52-12 du même code🏛 : « Pour la
période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne
retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur
nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection
par le candidat ou le candidat tête de liste ou pour son compte, à l'exclusion
des dépenses de la campagne officielle. » Aux termes de l'article L. 250 de ce
code : « Le recours au Conseil d'Etat contre la décision du tribunal
administratif est ouvert soit au préfet, soit aux parties intéressées. / Les
conseillers municipaux proclamés restent en fonctions jusqu'à ce qu'il ait été
définitivement statué sur les réclamations. »

6. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 22 juillet 2021, le
Conseil d'Etat a définitivement statué sur la réclamation portée à l'encontre
des opérations électorales qui s'étaient déroulées les 15 mars et 28 juin 2020
à Noyon en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires et a
confirmé leur annulation prononcée par un jugement du tribunal du 10 février
2021. Cette décision du Conseil d'Etat constitue l'évènement ayant rendu
l'élection municipale partielle des 10 et 17 octobre 2021 nécessaire, au sens
des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 52-4 du code électoral🏛. Or,
le bilan de la première année de mandature de Mme Ab a été distribué
aux habitants de la commune de Noyon à partir du 9 juillet 2021, soit avant le
début de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Par suite, les frais de
conception et d'impression de ce bulletin n'avaient pas à figurer dans le
compte de campagne de Mme Ab et pouvaient être supportés par la commune
sans méconnaître l'article L. 52-8 du code électoral🏛.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la Commission nationale
des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de
campagne de Mme Ab. Par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de se
prononcer sur l'inéligibilité de Mme Ab.

Sur le montant du remboursement forfaitaire de l'Etat dû en application de
l'article L. 52-11-1 du code électoral🏛 :

8. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 52-6 du code électoral🏛 : « Au
terme de son mandat, le mandataire remet au candidat un bilan comptable de son
activité. Lorsqu'un solde positif ne provenant pas de l'apport du candidat
apparaît, il est dévolu, sur décision du candidat, soit à une association de
financement ou à un mandataire financier d'un parti politique, soit à un ou
plusieurs établissements reconnus d'utilité publique déclarées depuis trois
ans au moins et dont l'ensemble des activités est mentionné au b du 1 de
l'article 200 du code général des impôts🏛 ou inscrites au registre des
associations en application du code civil local applicable dans les
départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, soit au fonds pour le
développement de la vie associative. A défaut de décision de dévolution dans
les conditions et délais prévus au présent article, l'actif net est versé au
fonds pour le développement de la vie associative. Il en va de même lorsque la
dévolution n'est pas acceptée. » Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même
code : « Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles
l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire
de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce
remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport
personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne./ Le
remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins
de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas
conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur
compte de campagne dans le délai prévu au II de l'article L. 52-12 ou dont le
compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs ou qui n'ont pas déposé
leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le
scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation. / Dans les cas où
les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision
concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en
fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités. ».

9. Il résulte de ces dispositions que le remboursement forfaitaire de 47,5 %
du plafond légal des dépenses électorales est accordé aux candidats aux
élections auxquels l'article L. 52-4 du code électoral🏛 est applicable, d'une
part, lorsqu'ils ont obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés et, d'autre
part, lorsque le solde de leur compte, s'il est positif, n'est pas supérieur
au montant de leur apport personnel.

10. Il résulte de l'instruction que le compte de campagne de Mme Ab
fait apparaître un solde positif de 3 474 euros résultant de la différence
entre le total des recettes égal à 15 700 euros et le total des dépenses égal
à 12 226 euros. Ce solde est supérieur de 2 024 euros au montant de l'apport
de Mme Ab, qui a représenté 1 450 euros. Il résulte des dispositions de
l'article L. 52-6 du code électoral🏛 que, dans ces conditions, aucun
remboursement forfaitaire ne peut être accordé à Mme Ab.

11. Par ailleurs, il y a lieu pour Mme Ab, en application de l'article
L. 52-6 du code électoral, de procéder à une dévolution de l'excédent de son
compte de campagne qui, après soustraction du montant de son apport personnel
de 1 450 euros, s'élève à 2 024 euros, dans les conditions prévues par cet
article.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de
l'Etat la somme de 1 500 euros que Mme Ab demande au titre des frais
exposés par elle et non compris dans les dépens.


DECIDE :

Article 1er : La saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et
des financements politiques est rejetée.

Article 2 : Il y a lieu pour Mme Ab de procéder à la dévolution de
l'excédent de son compte de campagne pour un montant de 2 024 euros dans les
conditions prévues par l'article L. 52-6 du code électoral🏛.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Ab une somme de 1 500 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la Commission nationale des
comptes de campagne et des financements politiques et à Mme Aa
Ab.


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