Jurisprudence : Cass. civ. 2, 07-07-2022, n° 20-21.294, F-D, Rejet

Cass. civ. 2, 07-07-2022, n° 20-21.294, F-D, Rejet

A72198AM

Référence

Cass. civ. 2, 07-07-2022, n° 20-21.294, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/86516445-cass-civ-2-07072022-n-2021294-fd-rejet
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Abstract

► Il résulte de l'article L. 431-2 du Code de la Sécurité sociale, que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations ou indemnités prévues au titre de la faute inexcusable se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; Il résulte de l'article 2241 du Code civil que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; ainsi, l'action prud'homale engagée par la victime interrompt la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, lorsqu'elle tend, au moins partiellement, à un même but.


CIV. 2

CM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2022


Rejet


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 831 F-D

Pourvoi n° J 20-21.294


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022


La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Haut-Rhin, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-21.294 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à Mme [G] [Y], domiciliée [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La société [3] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vigneras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société [3], de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [Y], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vigneras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 10 septembre 2020), Mme [Y] (la victime), salariée de la société [3] (l'employeur), a été victime, le 16 septembre 2008, d'un accident pris en charge du titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse).

2. Après avoir saisi, le 20 janvier 2009, un conseil des prud'hommes d'une demande d'indemnisation au titre d'un harcèlement moral, la victime a sollicité, le 16 août 2012, la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche et sur les deux moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la victime en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, de dire que l'accident survenu le 16 septembre 2008 est dû à la faute inexcusable de la société [3], de lui déclarer l'arrêt commun et opposable, de réserver les prétentions des parties sur la liquidation des préjudices, les dépens et les frais irrépétibles et de renvoyer les débats sur la liquidation des préjudices personnels de la victime à une prochaine audience, alors « que l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre que lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que tel n'est pas le cas de l'action prud'homale introduite devant le conseil de prud'hommes par la victime pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail liée à des faits de harcèlement subi au sein de l'entreprise, et l'action introduite devant le tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, les deux actions ne tendant pas à un seul et même but ; qu'en décidant néanmoins que l'action prud'homale avait interrompu le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, la cour d'appel a violé l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale🏛. »


Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale🏛, que les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations ou indemnités prévues au titre de la faute inexcusable se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière.

6. Il résulte de l'article 2241 du code civil🏛 que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

7. L'arrêt retient que l'action engagée devant le conseil des prud'hommes par la victime, en ce qu'elle tend, même en partie, à l'indemnisation d'un préjudice résultant du même fait dommageable, à savoir l'incident en date du 16 septembre 2008, qualifié par ailleurs d'accident du travail, tend au même but que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, qui tend à l'indemnisation des préjudices complémentaires subis par la victime à l'occasion de cet accident. Il en déduit que la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable a été interrompue par l'action prud'homale introduite par la victime le 20 janvier 2009.

8. De ces constatations et énonciations, dont il résultait que les deux actions tendaient, au moins partiellement, à un seul et même but, la cour d'appel a exactement déduit que l'action prud'homale engagée par la victime avait interrompu la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE tant le pourvoi principal que le pourvoi incident ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par la société [3] et par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et condamne cette dernière à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin

La Caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin fait grief à la décision attaquée d'AVOIR déclaré recevable l'action de Mme [G] [Y] en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, d'AVOIR dit que l'accident survenu le 16 septembre 2008 est dû à la faute inexcusable de la société [3], d'AVOIR déclaré le présent arrêt commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, d'AVOIR réservé les prétentions des parties sur la liquidation des préjudices, les dépens et les frais irrépétibles et d'AVOIR renvoyé les débats sur la liquidation des préjudices personnels de Mme [G] [Y] à l'audience de plaidoirie du jeudi 20 mai 2021 ;

1) ALORS QUE le délai de prescription d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable ne peut être interrompu que pour autant qu'une autre action tendant à un seul et même but ait été exercée dans ledit délai ; qu'en constatant que l'action prud'homale avait été introduite par Mme [Y] le 20 janvier 2009 et que le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de Mme [Ab] avait commencé à courir à compter du 28 février 2010, pour néanmoins considérer que la première action avait pu interrompre la seconde, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale🏛, ensemble l'article 2231 du code civil🏛 ;

2) ALORS QU'en toute hypothèse, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre que lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ; que tel n'est pas le cas de l'action prud'homale introduite devant le conseil de prud'hommes par Mme [Y] pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail liée à des faits de harcèlement subi au sein de l'entreprise, et l'action introduite devant le TASS en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, les deux actions ne tendant pas à un seul et même but ; qu'en décidant néanmoins que l'action prud'homale avait interrompu le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, la cour d'appel a violé l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale🏛. Moyens produits au pourvoi incident par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société [3]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société [3] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit opposable la décision de la Caisse primaire d'assurance-maladie du Haut-Rhin concernant la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 16 septembre 2008 à Mme [Y].

1) alors d'une part qu'en retenant le témoignage des collègues de la victime tout en écartant celui de monsieur [B] [V] "alors prestataire de la société et aujourd'hui salarié de la SAS [3] " dont 1'" impartialité est sujette à caution pour ce motif", et en écartant les témoignages de " contexte " produits par l'employeur pour retenir en revanche ceux de la victime, la cour d'appel a rompu l'égalité des armes en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 ;

2) alors d'autre part qu'en qualifiant d'accident du travail des " propos humiliants " qui auraient été tenus par l'employeur en réaction à la transgression d'une consigne sans en faire la citation, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de motivation, a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛 ;

3) alors enfin qu'en l'état d'un incident au temps et lieu du travail déclaré cinq mois plus tard au titre d'un accident du travail, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien de causalité entre ces faits et les lésions, a violé l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION éventuel

La société [3] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'accident survenu le 16 septembre 2008 à Mme [Ab] est dû à sa faute inexcusable ; d'avoir réservé les prétentions des parties sur la liquidation des préjudices, les dépens et les frais irrépétibles et d'avoir renvoyé les débats sur la liquidation des préjudices personnels de Mme [Y] à l'audience de plaidoirie du jeudi 20 mai 2021.

alors qu'en qualifiant de faute inexcusable des " propos humiliants et insultants " qui auraient été tenus par l'employeur sans en faire la citation, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle d'application de la règle de droit, a violé l'article 455 du code de procédure civile🏛.

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