PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2019 et la clôture de l'instruction au 3 octobre 2019, statue à nouveau du chef des dispositions infirmées et dit que l'injonction prononcée par le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de sa signification l'arrêt rendu le 24 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. [Aa] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la RATP à payer à M. [W] [Aa] une somme de 10 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par
jugement du 15 mars 2018 du conseil de prud'hommes de Paris et d'avoir fixé une nouvelle astreinte provisoire ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l'astreinte. L'
article L. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution🏛 dispose que tout juge peut même d'office ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision, que le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. Aux termes de l'
article L. 131-2 du même code🏛, l'astreinte est provisoire ou définitive et doit être considérée comme provisoire à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif. Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire. Selon l'
article L. 131-4 du même code🏛, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge de la liquidation d'interpréter la décision assortie de l'astreinte afin de déterminer les obligations ou les injonctions assorties d'une astreinte et que le montant de l'astreinte liquidée ne peut être supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge l'ayant ordonnée. Lorsque l'astreinte assortit une obligation de faire, il incombe au débiteur de cette obligation de rapporter la preuve de son exécution dans le délai imparti par la décision la prononçant. Le premier juge a retenu que le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 enjoint à la RATP de remettre des «'fiches de paie conformes'» et non une seule, que le bulletin remis à M. [Aa] mentionne la somme globale figurant dans le jugement sans préciser les mois concernés par le rappel, alors que la décision le permet, que la RATP ne justifie pas des délais nécessaires pour établir les fiches de paie objet de l'injonction judiciaire et qu'au regard de sa bonne volonté partielle l'astreinte doit être liquidée à la somme de 10 000 euros. Au regard de la résistance de la RATP, le premier juge a estimé nécessaire de prononcer une nouvelle astreinte provisoire plus comminatoire. La RATP soutient avoir respecté l'injonction judiciaire qui lui était faite par le conseil de prud'hommes de Paris. Elle expose avoir adressé à M. [Aa] un bulletin de paie rectificatif, daté de mai 2018, correspondant à la totalité du rappel de salaire mentionné dans le jugement du 15 mars 2018. Elle estime qu'elle a ainsi respecté l'injonction judiciaire, dès lors que ses obligations au regard des cotisations sociales l'empêchaient d'éditer des bulletins de paie rétroactifs et que, le bulletin de paie étant remis au salarié lors du paiement du salaire ou de toutes autres rémunérations, le rappel de salaires dus sur plusieurs mois pouvait figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de leur paiement.
L'appelante fait valoir que, le 31 janvier 2019, elle a transmis à M. [Aa] les bulletins de paie modifiés des mois d'avril 2011 à juillet 2016, en exécution du jugement entrepris. Elle considère que la seule mention par le jugement du conseil de prud'hommes de la somme globale due au titre de rappel de salaires l'a obligé à diviser cette somme par le nombre de mois et à porter chaque fraction de cette somme sur chacun des bulletins. S'agissant de la mention des cotisations sur ces bulletins de paie, la RATP soutient que le bulletin de mai 2018 mentionne toutes les cotisations sociales dues par l'employeur, qu'aucune modification rétroactive des cotisations sociales n'est possible et que l'injonction émise par le conseil de prud'hommes ne porte que sur le rappel de salaires et non sur les cotisations. M. [Aa] soutient que l'injonction judiciaire oblige la RATP à lui remettre des fiches de paie conformes à la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Paris et non un seul bulletin de paie rectificatif. L'intimé fait valoir que le bulletin de paie de mai 2018 mentionne la somme de 21 160,27 euros à titre de rappel de salaire, la date de novembre 2016 et la référence à la décision du
conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 sans indiquer qu'il s'agit d'un bulletin de paie rectificatif, sans préciser les mois concernés par ce rappel de salaire, sans mentionner les cotisations sociales, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur le calcul de sa retraite. S'agissant des bulletins de paie d'avril 2011 à juillet 2016 remis le 31 janvier 2019, M. [Aa] fait valoir qu'ils ne mentionnent pas les cotisations sociales, ce qui nuit au calcul de ses droits à retraite et au chômage, et que la RATP s'est contentée de diviser le montant de rappel de salaire par le nombre de mois, ce qui ne tient pas compte de l'augmentation de son salaire, de ses avancements de carrière et de son changement d'échelon. Il résulte des dispositions de l'
article L. 3243-2 du code du travail🏛 comme du jugement interprétatif du
conseil des prud'hommes de Paris du 27 septembre 2019 que, l'obligation de délivrer un bulletin de paie étant liée au paiement du salaire, le règlement d'une somme unique résultant d'une condamnation peut être constaté dans un unique bulletin de paie, pourvu qu'il comporte les mentions prescrites par les
articles R. 3243-1 et suivants de ce code. Comme le soutient à juste titre l'intimé, le salarié a intérêt à pouvoir déterminer à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l'objet d'un versement unique ainsi que le montant des retenues, ces renseignements pouvant être fournis dans un bulletin récapitulatif détaillé, sans qu'il soit nécessaire qu'un bulletin soit établi pour chaque mois. En l'espèce, le bulletin de paie relatif au mois de mai 2018, dont il n'est pas contesté qu'il a été remis à cette même date par la RATP à M. [Aa], mentionne notamment «'rappel de salaire 11/2016'», la somme de 21 160,27 euros et «
CPH Paris 15 mars 2018'». Ce bulletin de paie, dont le caractère récapitulatif n'est pas mentionné, comprend une somme unique, non détaillée mois par mois, et ne précise pas chacune des retenues et cotisations sociales, cette absence de détail ayant des conséquences sociales et fiscales pour le salarié. Ainsi que le soutient à juste titre l'intimé, les bulletins de paie couvrant la période d'avril 2011 à juillet 2016, transmis par la RATP le 31 janvier 2019, ne mentionnent pas les cotisations sociales dues pour chaque mois. Contrairement à ce qui est soutenu par la RATP, elle est parfaitement en mesure de détailler ces sommes mois par mois, sur la période d'avril 2011 à juillet 2016. En revanche, dès lors que le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 a prononcé une condamnation à une somme unique de 21 160,27 euros au titre du rappel de salaire sur la période d'avril 2011 à juillet 2016, il ne saurait être reproché à la RATP de diviser cette somme globale par le nombre de mois que compte la période de rappel de salaire. Ainsi, la RATP n'ayant pas valablement exécuté l'injonction judiciaire qui lui était faite par le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018, que ce soit par la communication du bulletin de paie unique de mai 2018 ou par la transmission, le 31 janvier 2019, de bulletins de paie couvrant la période d'avril 2011 à juillet 2016, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a liquidé à la somme de 10 000 euros pour la période du 20 avril au 19 juin 2018 l'astreinte initiale compte tenu du comportement de la RATP et en ce qu'il a fixé une nouvelle astreinte plus comminatoire de 50 euros par jour de retard, pendant trois mois, à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la notification de sa décision. Le jugement entrepris n'est pas autrement critiqué. Faute pour M. [Aa] de justifier de la notification du jugement entrepris, il convient de rejeter sa demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge. L'injonction prononcée par le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018 n'étant toujours pas exécutée par la RATP, il y a lieu de prononcer une nouvelle astreinte plus comminatoire assortissant cette injonction, de 100 euros par jour de retard, pendant deux mois, commençant à courir à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt. La solution du litige conduit à rejeter les autres demandes formées par la RATP » ;
1. ALORS QUE selon l'
article L. 3243-2 du code du travail🏛, le bulletin de paie est remis au salarié lors du paiement du salaire ou de toute autre rémunération ; qu'il en résulte qu'un rappel de salaires dus sur plusieurs mois peut figurer sur un unique bulletin de paie remis lors de leur paiement ; que, s'il doit comporter l'ensemble des mentions prescrites par l'
article R. 3243-1 du même code et notamment faire état des cotisations sociales, ce bulletin n'a pas, en cas de rappel de salaires dus sur plusieurs mois à détailler les salaires et cotisations dues, mois par mois, au cours de cette période ; qu'au cas présent, la RATP exposait qu'elle avait, à l'occasion du règlement de la condamnation à un rappel de salaire d'un montant global de 23 511,42 €, prononcée par le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018, remis un bulletin de paie qui mentionnait le montant brut du rappel de salaires, les cotisations sociales afférentes à ce montant et la somme nette versée au salarié ; que, par jugement interprétatif du 27 septembre 2019, le conseil de prud'hommes a précisé que l'injonction du jugement du 15 mars 2018 relative à l'établissement de « fiches de paie conformes » devait s'interpréter comme tendant à la remise d' « un bulletin de paie récapitulatif mentionnant les régularisations effectuées conformément à la condamnation prononcée au titre des rappels de salaires, bulletin qui sera établi et daté au moment du versement desdits rappels de salaire » ; qu'en estimant que le bulletin de paie remis par la RATP ne respectait pas cette injonction aux motifs inopérants que son caractère récapitulatif ne serait pas mentionné, qu'il comprendrait une somme unique, non détaillée mois par mois, et qu'il ne précise pas, pour chaque mois, le montant des retenues et cotisations sociales, la cour d'appel a violé les
articles L. 3243-2 et R. 3243-1 du code du travail🏛 ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que la RATP, condamnée à une somme globale à titre de rappel de salaire, ait été tenue de préciser, pour chaque mois de la période concernée par ce rappel de salaire, le montant du rappel correspondant et celui des cotisations afférentes, la RATP faisait valoir qu'elle avait régularisé la situation en remettant au salarié, postérieurement au jugement du juge de l'exécution, des bulletins rectificatifs établis pour chaque mois de la période courant d'avril 2011 à juillet 2016 ; que ces bulletins, produits aux débats, mentionnent les sommes versées et les cotisations sociales afférentes ; qu'en énonçant, pour écarter toute régularisation et prononcer une nouvelle astreinte, que ces bulletins de paie ne mentionnent pas les cotisations sociales dues pour chaque mois, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents, en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents produits aux débats ;
3. ALORS QUE le montant de l'astreinte liquidée ne peut être supérieur à celui de l'astreinte fixée par le juge qui l'a ordonnée ; qu'au cas présent, l'astreinte ordonnée par le
jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2018, interprété par le jugement du 27 septembre 2019, était relative à l'injonction de remettre « un bulletin de paie récapitulatif mentionnant les régularisations effectuées conformément à la condamnation prononcée au titre des rappels de salaires, bulletin qui sera établi et daté au moment du versement desdits rappels de salaire » et était de « de 10 euros par jour de retard et par document, pendant une période de 60 jours » ; que, selon les propres constatations de l'arrêt, l'astreinte portait donc sur la remise d'un unique bulletin de paie ; que, dans ces conditions, la liquidation de l'astreinte ordonnée par le jugement du 15 mars 2018 ne pouvait excéder la somme de 600 € ; qu'en condamnant néanmoins la RATP à une somme de 10 000 € au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par
jugement du 15 mars 2018 du conseil de prud'hommes de Paris, la cour d'appel a fixé à l'astreinte liquidée un montant supérieur à celui de l'astreinte prononcée par le juge qui l'avait ordonnée et violé l'article L. 131-4 du code des procédures d'exécution.