Jurisprudence : Cass. civ. 1, 06-07-2022, n° 21-10.333, FS-B, Rejet

Cass. civ. 1, 06-07-2022, n° 21-10.333, FS-B, Rejet

A582479L

Référence

Cass. civ. 1, 06-07-2022, n° 21-10.333, FS-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/86442262-cass-civ-1-06072022-n-2110333-fsb-rejet
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Abstract

Une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'ordre, d'une part en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à la demande du procureur général ou du bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent, d'autre part en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'ordre à cet effet. Il en résulte que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 du code de procédure pénale, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971


CIV. 1

SG


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022


Rejet


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 565 FS-B

Pourvoi n° R 21-10.333


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022


Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 21-10.333 contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à M. [R] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Ab, Ac et Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2020), le 30 mars 2018, M. [H], avocat inscrit au barreau de Paris, a été mis en examen du chef d'abus de faiblesse et placé sous contrôle judiciaire.

2. Sur saisine des juges d'instruction en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale🏛, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le conseil de l'ordre) a, par un arrêté du 26 avril 2018🏛, prononcé à l'égard de M. [H] la mesure de suspension provisoire d'exercice.

3. A la demande du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le bâtonnier), le conseil de l'ordre a renouvelé cette mesure par arrêtés successifs des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019.

4. M. [H] a formé des recours contre ces trois dernières décisions.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt d'annuler les arrêtés des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971🏛, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004🏛, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, quand le bâtonnier pouvait saisir lui-même le conseil de l'ordre afin qu'il procède à ce renouvellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971🏛, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004🏛, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession tant que ce contrôle judiciaire est en cours ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, sans rechercher si, à la date à laquelle ils ont été adoptés, le contrôle judiciaire de M. [H] portant interdiction d'exercer la profession d'avocat était toujours en cours, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971🏛 et de l'article 138 du Code de procédure pénale🏛. »


Réponse de la Cour

6. Une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'ordre :

- en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, à la demande du procureur général ou du bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent ;

- en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale🏛, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'ordre à cet effet.

7. Il résulte de ces textes que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 précité, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 précité.

8. Ayant retenu à bon droit que seuls les juges d'instruction saisis et non le bâtonnier pouvaient saisir le conseil de l'ordre d'une demande de renouvellement de la mesure de suspension provisoire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, n'a pu qu'en déduire que les trois arrêtés renouvelant la mesure de suspension provisoire à la requête du bâtonnier devaient être annulés.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris

Le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les arrêtés disciplinaires des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019 prolongeant la mesure de suspension provisoire d'exercice ordonnée à l'encontre de M. [H] le 26 avril 2018 ;

1) ALORS QU'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971🏛, dans sa rédaction issue de la loi no 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, quand le bâtonnier pouvait saisir lui-même le conseil de l'ordre afin qu'il procède à ce renouvellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QU'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971🏛, dans sa rédaction issue de la loi no 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession tant que ce contrôle judiciaire est en cours ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, sans rechercher si, à la date à laquelle ils ont été adoptés, le contrôle judiciaire de M. [H] portant interdiction d'exercer la profession d'avocat était toujours en cours, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971🏛 et de l'article 138 du Code de procédure pénale🏛.

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