COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 30 JUIN 2022
F N° RG 21/03761 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF7G
Société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY
c/
Monsieur [Aa] [A]
S.A. CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE) VENANT AUX DROITS D E LA SOCIÉTÉ CNA INSURANCE COMPANY LIMITED
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 15 juin 2021 (R.G. 20/01672) par le Juge de la mise en état de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 30 juin 2021
APPELANTE :
Société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY société de
droit irlandais ayant son siège social [Adresse 4] (République d'Irlande), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité à la succursale en France 484 373 295
appelant dans la déclaration d'appel du 30.06.21 et intimé dans la déclaration d'appel du 06.07.21
[Adresse 1]
Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Chloé DI MARCO substituant Me Anne-Sophie PIA avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
[J] [A]
intimé dans les déclarations d'appel des 30.06.21 et 06.07.21
né le … … … à
de nationalité Française
Cadre …, … [… …]
Représenté par Me Julie-Anne BINZONI, avocat au barreau de BORDEAUX assisté de Me Baptiste BURESI substituant Me François DE CAMBIAIRE de la SELARL SEATTLE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.A. CNA INSURANCE COMPANY (EUROPE) VENANT AUX DROITS D E LA SOCIÉTÉ CNA INSURANCE COMPANY LIMITED venant au droit de la Société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED
intimé dans la déclaration d'appel du 30.06.21 et appelant dans la déclaration d'appel du 06.07.21
[Adresse 3]
Représentée par Me Philippe ROGER de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Founda SAYBAK substituant Me Claire-Marie QUETTIER avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Président,
Madame Catherine LEQUES, Conseiller,
Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛.
EXPOSE DU LITIGE
M. [J] [A] a effectué, par l'intermédiaire de M. [M] [K], représentant de la société AJ Conseil, un investissement dans une collection d'oeuvres d'art commercialisées par la société Aristophil, sous forme d'indivision.
A ce titre, il a fait l'acquisition auprès de la société Aristophil, le 14 avril 2014, dans le cadre d'un contrat de vente intitulé 'Corpus Scriptural Prestige', de 20 parts en indivision de la collection 'Le rouleau de la Bastille du Marquis de Sade' pour un montant de 100 000 euros .
Par ailleurs, le 16 avril 2014, M. [A] a également acquis dans le cadre d'une convention intitulée 'Amadeus Collector' la pleine propriété de la collection d'œuvres d'art 'Musique' pour un montant de 300 000 euros.
En qualité de coindivisaire, il a régularisé à l'occasion de chaque souscription une convention d'indivision prévoyant le dépôt, la garde et la conservation, par la société Aristophil, des œuvres d'art acquises pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, jusqu'à cinq années s'agissant des œuvres d'art acquises en indivision.
Ces contrats incluaient également une promesse de vente selon laquelle l'investisseur promettait unilatéralement de vendre la collection investie à la société Aristophil à un prix majoré par année de garde de 8,95 % s'agissant de la collection acquise en pleine propriété, et de 44,75 % par période entière de cinq ans s'agissant des parts en indivision, la société Aristophil se réservant le droit de lever ou non l'option consentie.
Le 16 février 2015, la société Aristophil a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation le 5 août 2015, et le 8 mars 2015, M. [O] [D], son président, était mis en examen pour escroquerie en bande organisée, blanchiment, présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux, abus de confiance et pratiques commerciales trompeuses.
Le 13 février 2020, estimant avoir été mal informé et conseillé par M. [K], au titre de l'investissement réalisé par son intermédiaire auprès de la société Aristophil, M.[A] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux les sociétés CNA Insurance Company Limited (ci-après 'la société CNA') et la Zurich Insurance Public limited Company, société de droit irlandais (ci-après 'la société Zurich'), en leur qualité d'assureurs responsabilité civile de M. [K], par l'intermédiaire duquel il a investi en 2014 une somme de 400 000 euros, en paiement d' une somme principale de 370 000 euros à titre de réparation de son préjudice financier causé à l'occasion de l'investissement précité dénommé Aristophil, dont la société du même nom a été placée en liquidation judiciaire en 2015, pour manquement par M. [M] [K] et de la société AJ conseil à leur obligation d'information, de conseil, de mise en garde et de vigilance à l'occasion de la commercialisation du produit précité, ainsi qu'en paiement d'une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par conclusions d'incident en date du 24 septembre 2020, la société Zurich, a saisi le juge de la mise en état de deux fins de non recevoir tenant à la prescription de l'action et au défaut d'intérêt à agir de M. [A] à son encontre.
Par ordonnance en date du 15 juin 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a:
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société CNA Insurance Company (Europe) et SA, au lieu et place de la société CNA Insurance Company Limited qui sera mise hors de cause,
- déclaré recevable la demande de M. [J] [A],
- dit qu'à ce stade de la procédure chaque partie conserve à sa charge les frais engagés non compris dans les dépens,
- renvoyé l'affaire à la mise en état continu du 29 septembre 2021, et invité les défendeurs à conclure au fond aux fins d'une fixation à l'audience de plaidoirie dans des délais raisonnables,
- condamné in solidum la société Zurich Insurance publique limited company et la société CNA Insurance compagnie (Europe) SA aux dépens de l'incident.
Par déclaration électronique en date du 30 juin 2021, la société Zurich a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions. L'appel a été enregistré sous le numéro RG 21/0371.
Par déclaration électronique en date du 30 juin 2021, la société CNA a relevé appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions. L'appel a été enregistré sous le numéro RG 21/0389.
La société Zurich, dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 2 mai 2022, demande à la cour, au visa des
articles 9, 1315 ancien, 2224, 2234 et 2241 du code civil🏛, et 30, 31 et 32 du
code de procédure civile, de :
A titre liminaire,
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries,
A titre principal,
- déclarer Zurich recevable et bien fondé en son appel,
Infirmer l'ordonnance du 15 juin 2021 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'elle a :
- déclaré recevable la demande de M. [A],
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 29 septembre 2021 et invité les défendeurs à conclure au fond,
- condamné in solidum Zurich Insurance Plc et CNA Insurance Compagny aux dépens de l'incident,
Et, statuant à nouveau :
- déclarer irrecevable car prescrite l'action de M. [A],
- déclarer irrecevable car dénuée d'intérêt à agir l'action de M. [A],
En conséquence,
- débouter M. [A] de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'égard de Zurich Insurance Plc
En tout état de cause,
- condamner M. [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel,
- condamner M. [A] à verser à Zurich PLC 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
La société CNA Insurance Company (Europe) SA venant aux droits de la société CNA Insurance Company Limited, dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 29 avril 2022, demande à la cour, au visa des
articles 1315, 2224 et 2241 du code civil🏛, ainsi que des
articles 30, 31, 32, 122 et 789 du code de procédure civile🏛, de :
- la déclarer bien fondée en son appel ;
Infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux le 15 juin 2021 en ce qu'elle a :
' déclaré recevable la demande de M. [J] [A],
' dit qu'à ce stade de la procédure chaque partie conserve à sa charge les frais engagés non compris dans les dépens,
' renvoyé l'affaire à la mise en état continue du 29 septembre 2021, et invité les défendeurs à conclure au fond aux fins d'une fixation à l'audience de plaidoirie dans des délais raisonnables,
' condamné in solidum la société Zurich Insurance Public Limited Company et la société CNA Insurance Company Europe SA aux dépens de l'incident.
Et, statuant à nouveau :
- déclarer l'action initiée par M. [A] à son encontre irrecevable, faute pour M. [A] d'établir la preuve de la qualité d'assurée de la société AJ Conseil ;
- déclarer subsidiairement l'action initiée par M. [A] irrecevable car prescrite;
En conséquence,
- déclarer l'action initiée par M. [A] irrecevable ;
- débouter M. [A] de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;
En tout état de cause,
- débouter M. [A] de sa demande d'évocation par la cour ;
- condamner M. [A] à lui verser la somme de 3 000 euros titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
- condamner M. [A] aux dépens.
M. [A], dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 1er février 2022, demande à la cour, au visa des
articles 31 code de procédure civile🏛 et 2224 du
code civil, de :
- le recevoir en ses présentes conclusions,
Y faisant droit :
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendu le 15 juin 2021 par M. le Juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Bordeaux ;
En conséquence :
- débouter les sociétés CNA et Zurich de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;
- renvoyer cette affaire à une audience ultérieure pour permettre aux parties de conclure utilement sur le fond ;
En tout état de cause :
- condamner les sociétés CNA et Zurich chacune à lui payer une somme de 3 500 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2022.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'action étant ouverte à tous ceux qui ont intérêt au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas où la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, la logique veut au contraire de s'interroger préalablement sur les fins de non recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir de M. [A] et du défaut de qualité à défendre de la CNA Insurance Company avant celle tirée de la recevabilité de l'action de M.[A] au regard de la prescription.
Cependant le juge n'ayant que la faculté de relever d'office le défaut de qualité ou d'intérêt à agir, il convient ainsi que le sollicite la société CNA de statuer préalablement sur la fin de non recevoir tirée de son défaut de qualité à défendre qu'elle soulève prioritairement, puis sur la prescription ainsi que le sollicitent les parties et de statuer enfin subsidiairement en tant que de besoin sur le défaut d'intérêt à agir de M. [A], qui n'est soulevé que subsidiairement par la société Zurich.
- Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de la société CNA:
Le juge de la mise en état a écarté la fin de non recevoir soulevée par la société CNA, tirée de ce qu'elle n'était pas l'assureur de la société AJ Conseil et n'avait donc pas qualité à défendre dans le cadre de la présente instance en indemnisation dirigée directement contre l'assureur de cette société ayant retenu que M. [K] ainsi que la société AJ Conseil, représentée par ce dernier, étaient assurés au titre de la police souscrite par la société Art Courtage en tant que 'distributeurs exclusifs des contrats Aristophil' distribués par la société Art Courtage, alors que les courtiers intervenaient 'obligatoirement' par l'intermédiaire du distributeur exclusif, la société Art Courtage au bénéfice de ses mandataires M. [M] [K] et sa société AJ conseil.
M. [A] demande la confirmation de la décision soutenant que la société CNA était bien l'assureur de M. [K] et de la société AJ conseil au titre d'une police n0° FN 1925 souscrite auprès de la CNA Limited Company et en veut pour preuve les éléments retenus par le premier juge outre une 'fiche d'information' adressée par M. [K] à M. [A] rappelant que dans toutes les affaires 'Aristophil' soumises aux différentes juridicition la société CNA était bien l'assureur des courtiers distributeurs des contrats Aristophil.
La société CNA soutient que l'action à son encontre est irrecevable au motif qu'elle est engagée contre un défendeur qui n'a pas la qualité pour se défendre, n'étant pas l'assureur RC d'AJ Conseil, qualité en laquelle elle a été assignée alors qu'il appartient à M. [A] d'établir sa qualité d'assureur, ce en quoi il serait défaillant. Elle rappelle qu'il appartient à M. [A] d'établir la qualité d'assurés de la société AJ Conseil et de M. [K] ce qui ne saurait résulter des seuls termes de la police FN 1925 alors qu'aucun des éléments versés aux débats n'établit que AJ Conseil ou M. [K] avaient la qualité de 'mandataire express' de la société Art Courtage.
Les dispositions de l'
article 789-6° du code de procédure civile dans sa rédaction résultant du
décret du 11 décembre 2019🏛 applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 et à la présente affaire, prévoient que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Par ailleurs, il relève du pouvoir du juge de la mise en état de se prononcer sur toute question de fond dont dépend la fin de non recevoir régulièrement soulevée devant lui.
Selon l'article 122, constitue une fin de recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l'article 31, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé' et l'article 32 prévoit qu' est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
En réalité l'intérêt à agir confère la qualité à agir, sauf disposition spécifique, et doit s'apprécier de la même manière en demande comme en défense.
En l'espèce, le premier juge n'a pas considéré que le défaut de qualité à défendre objecté par la CNA au motif qu'elle n'était pas l'assureur de la société AJ conseil ne constituait pas une fin de non recevoir ayant rejeté cette fin de non recevoir après études des éléments produits de part et d'autre dont elle a au contraire évincé que la CNA avait bien cette qualité d'assureur et c'est ce que M. [A] demande de confirmer.
Il convient par ailleurs de rappeler que les intimés soutiennent que la société CNA a qualité à défendre pour avoir la qualité d'assureur au terme d'une Police FN 1925 souscrite par Art Courtage, distributeur exclusif des produits Aristophil.
C'est cependant à bon droit que la société CNA rappelle qu'il appartient à celui qui agit de rapporter la preuve de la qualité à défendre de celui contre lequel il agit et à celui qui revendique la garantie d'un assureur de rapporter la preuve de l'existence de cette garantie en sorte qu'il appartient en l'espèce à M. [A] d'établir que la société CNA est bien l'assureur de la société AJ Courtage, qualité en laquelle elle a été assignée.
Pour prétendre que la société AJ Conseil à la qualité d'assurée de la société CNA, M. [A] produit notamment aux débats un article de presse (sa pièce n°14) reprenant les déclarations d'un employé de la société Aristophil faisant état d'une assurance responsabilité civile professionnelle souscrite auprès de la compagnie CNA couvrant les distributeurs, notamment 'pour défaut de conseil', fait qui, en l'absence de production de la dite police ne saurait raisonnablement constituer la preuve de l'existence d'une telle police et qui de toutes façons ne concernerait qu'Aristophil.
Il soutient encore que celle-ci résulterait de la police FN 1925 souscrite par la société Art Courtage, en charge de l'organisation du réseau de distribution, au bénéfice de ses mandataires dont la société AJ Conseil fait partie. Cependant il ressort des dites conditions particulières, qu'ont la qualité 'd'assurés' au titre de ladite police (conditions particulières, page 2, pièce n°49 de la CNA) :
-le souscripteur
-les agents commerciaux ayant reçu 'mandat express' d'Art Courtage
Alors qu'il n'est pas discutable que la société AJ Conseil n'est pas le souscripteur de cette assurance, force est de constater qu'il n'est pas davantage établi qu'elle ait reçu 'mandat express' du souscripteur de la police, la société Art Courtage, de commercialiser ses produits, ce qui ne saurait résulter de la seule productions d'un modèle de contrat type de mandat de la société Art Courtage versé aux débats par M. [A] ( sa pièce n° 44).
Or, la société CNA, sur laquelle ne repose pas la charge de la preuve d'établir que la société AJ Conseil n'était pas liée par un mandat exprès avec la société Art Courtage, observe, sans être utilement contredite sur ce point que la société AJ conseil n'est pas 'nécessairement' intervenue dans le cadre d'un mandat exprès mais a pu intervenir notamment en qualité de sous-mandataire, justifiant de ce que certains des mandataires exprès d'Art Courtage, ont ensuite était sous mandatés par les mandataires exprès.
Il n'est dès lors pas établi que si la société AJ Conseil a été amenée à distribuer les produits de la société Art Courtage, elle l'a nécessairement fait dans le cadre d'un mandat exprès de la part de cette dernière de sorte qu'elle bénéficierait de la garantie souscrite auprès de la société CNA.
Dans le cadre de ses dernières conclusions, M. [A] a produit une avant dernière pièce constituée par un document intitulé « fiche d'informations légales» qui établirait finalement que tant M. [M] [K] que la société AJ Conseil étaient assurés auprès de la société CNA Insurance Company Limited (pièce [A] n°69) mais ce document qui constitue un courrier émanant de la société AJ Conseil elle-même ne saurait lui constituer la preuve qu'elle et M. [K] étaient assurés auprès de la CNA en l'absence de toute production de la police, alors même que la CNA conteste que le numéro de police mentionné corresponde à l'une quelconque de ses polices ne correspondant pas en tout état de cause à la police FN 1925 sur la base de laquelle elle a été assignée, ce document n'ayant sur ce point aucune force probante.
N'étant en définitive pas établi que la société CNA a la qualité d'assureur de la société AJ Conseil et partant qualité à défendre, il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise et de déclarer irrecevable l'action de M. [A] à l'encontre de la CNA.
- Sur la prescription de l'action à l'encontre de M. [K]:
Les dispositions de l'
article 789-6° du code de procédure civile dans sa rédaction résultant du
décret du 11 décembre 2019🏛 applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 et à la présente affaire, prévoient que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Selon l'
article 122 du code de procédure civile🏛 constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l'
article 2224 du code civil🏛, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.
L'application à l'espèce de la prescription quinquennale résultant des dispositions de l'
article 2224 du code civil🏛, dans sa rédaction issue de la
loi du 17 juin 2008🏛, applicable au présent litige, n'est pas contestée, n'étant en litige que le point de départ de la prescription et l'interruption de son cours.
Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage et non de la commission de la faute.
Il est admis qu'en matière de manquement à une obligation précontractuelle d'information incombant à un conseiller en investissement le dommage consistant en une perte de chance de ne pas conclure se caractérise en principe à la date de conclusion du contrat sauf à la victime de rapporter la preuve de ce qu'elle n'a pas pu en avoir connaissance antérieurement.
En l'espèce, l'action entreprise par M. [A] est une action en responsabilité contre la société AJ Conseil et son conseiller, M. [K], pour manquement à leur obligation précontractuelle de conseil et de mise en garde à l'occasion de la souscription de placements sous forme d'acquisition d'oeuvres d'art en indivision gérées par la société Aristophil, elle même bénéficiaire de promesses de vente sur ces mêmes oeuvres et M. [A] se plaint d'une perte de chance de ne pas contracter.
L'arrêt de la
cour de cassation du 6 janvier 2021, cité par l'intimé, n'est pas transposable à la présente espèce car s'il a retenu que la prescription de l'action engagée contre la banque pour manquement à son devoir de conseil avait pour point de départ la date de réalisation du dommage, soit le moment du refus de garantie opposé par l'assureur, il était en l'espèce reproché à la banque, dans le cadre de l'adhésion de l'emprunteur à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le banquier dispensateur de crédit à l'effet de garantir en cas de survenance de divers risques l'exécution de tout ou partie de ses engagements, d'avoir manqué à son obligation de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur et d'être responsable de l'absence de prise en charge par l'assureur du remboursement du prêt au motif que le risque invoqué n'était pas couvert.
Dès lors en effet, le dommage invoqué s'analysait en une perte de chance de bénéficier d'une telle prise en charge, c'est à dire de conclure à de meilleurs conditions, et non pas de ne pas conclure, et le point de départ de la prescription différait nécessairement en conséquence à la date du refus de garantie, date à laquelle l'adhérent avait pris connaissance du fait lui permettant d'agir à savoir qu'il n'était pas couvert alors qu'il aurait pu l'être mieux. Par ailleurs, le manquement au devoir de conseil consistait en l'espèce à ne pas avoir avisé le client de l'inadéquation de la souscription envisagée à sa situation personnelle, en sorte que ce n'était pas la souscription en elle même qui était viciée mais son ajustement aux besoins du client, qui ne se révèle effectivement qu'au jour de la réalisation du risque entraînant le refus de prise en charge.
Or, ce que soutient M. [A] c'est que le contrat en litige était dès le départ vicié, les oeuvres d'Art ayant été sur évaluées dès l'acquisition et qu'il ne disposait finalement d'aucune garantie de rachat à l'échéance, en sorte qu'il prétend qu'il n'aurait pas conclu s'il avait été mieux informé car il n'aurait aucun sens de prétendre dans ce cas qu'il aurait pu conclure à de meilleures conditions. Or, M. [A], s'agissant de la valeur des oeuvres d'art, pouvait et aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir au jour de la conclusion du contrat, date à laquelle il était à la fois en droit et en mesure de faire procéder à une évaluation des oeuvres qu'il projetait d'acquérir et aurait dû le faire au regard de l'importance de l'investissement consacré et de la particulière volatilité du marché de l'Art qu'il n'était pas sans savoir.
De même, il pouvait ou aurait dû se convaincre dès la signature du contrat de ce qu'il n'existait aucune garantie de rachat des oeuvres à l'échéance alors qu'il est parfaitement clair qu'il ne s'agissait que d'une possibilité, en sorte que le point de départ du manquement à l'obligation de conseil sur ce point ne peut être autre que la conclusion du contrat qui n'avait pas le caractère de complexité qui lui est attribué.
Si M. [A] rappelle en effet que 'la prescription ne peut courir contre celui qui était dans l'impossibilité d'agir car il ignorait être titulaire du droit à exercer', les droits de M. [A] étaient en l'espèce tout entier contenus dans le contrat qu'il a signé.
Même à retenir la possibilité de différer en l'espèce le point de départ de la prescription à une date ultérieure à celle de la signature du contrat, du fait d'un empêchement à agir résultant de l'ignorance des faits lui permettant d'agir, il appartient à M. [A] de justifier du jour où il a effectivement pu connaître les faits lui permettant d'agir et sur ce point l'événement ne saurait émaner que de sa seule volonté, en sorte qu'il ne saurait être retenu la date où il a fait procéder à l'évaluation de ses oeuvres.
M. [A] prétend enfin qu'il n'aurait découvert les pratiques commerciales trompeuses d'Aristophil qu'avec l'ouverture d'une information contre les dirigeants d'Aristophil en mars 2015. S'il ne saurait sur ce point lui être opposée la publication d'articles dans la presse, même nationale, en fin d'année 2014, qu'il n'est effectivement pas obligé d'avoir lue ou l'existence d'une lettre circulaire qu'Aristophil aurait adressée à tous ses clients le 4 décembre 2014 dès lors qu'il n'est pas établi que M. [A] en ait été personnellement destinataire, la découverte de ces pratiques commerciales ne sont pas de nature à occulter le fait qu'il aurait dû connaître dès la conclusion du contrat les faits lui permettant d'agir.
Au surplus, même à retenir que la prescrition n'aurait pu courir à son encontre antérieurement car il était alors dans l'impossibilité d'agir, force est d'observer que même à cette date, M. [A] disposait encore du temps nécessaire pour agir dans les 5 ans du contrat dès lors que conclu les 14 et 16 avril 2014, la prescription expirait les 14 et 16 avril 2019, laissant encore quatre années à M. [A] pour agir,dès lors que le grief porte sur la valeur des oeuvres et la 'compléxité' du contrat.
Par ailleurs, en aucun cas la plainte avec constitution de partie civile déposée contre les dirigeants d'Aristophil du fait des malversations commises par celle ci ne saurait avoir eu valeur interruptive de prescription de l'action intentée contre M. [K] à laquelle elle est étrangère.
L'action intentée par M. [A] à l'encontre de M. [K], mais également surabondamment à l'encontre de la société AJ Conseil s'il était considéré que cette société avait qualité ou intérêt à défendre, pour manquement son obligation précontractuelle d'information, le 13 février 2020, est en conséquence prescrite et l'ordonnance entreprise infirmée en ce qu'elle a en a autrement décidé.
Il n'y a par voie de conséquence pas lieu de statuer sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [A] devenue sans objet.
Au vu de l'issue du présent recours, M. [A] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer respectivement à la société Zurich PLC et la CNA Insurance Company une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Infirme l'ordonnance entreprise:
Statuant à nouveau:
Dit que la société CNA Insurance Company n'est pas l'assureur de la société AJ Conseil.
Déclare en conséquence irrecevable l'action intentée par M. [A] à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe).
Déclare irrecevable comme prescrite l'action de M. [J] [A] à l'encontre de la société Zurich Insurance Public Limited Company et le cas échéant à l'encontre de la société CNA Insurance Company (Europe).
Déclare en conséquence sans objet la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. [A] soulevée par la société Zurich Insurance Public Limited Company..
Condamne M. [J] [A] à payer à la société Zurich Insurance Public Limited Company et à la société CNA Insurance Company (Europe), chacune une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
Condamne M. [Aa] [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE