N° Z 21-85.321 FS-B
N° 00828
ODVS
28 JUIN 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 JUIN 2022
M. [B] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre,en date du 2 septembre 2021, statuant sur renvoi après cassation (Crim., 4 juin 2019, n° 18-85.042), qui, pour menaces aggravées, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [B] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, Mme Labrousse, M. Dary, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Michon, conseillers référendaires, M. Quintard, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'
article 567-1-1 du code de procédure pénale🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le père de M. [B] [D] a été hospitalisé à l'hôpital de [Localité 2] où il est décédé le [Date décès 1] 2017 ; le comportement de l'intéressé au cours des visites à son père a conduit le directeur de l'établissement à déposer plainte, puis à solliciter l'intervention de la police dans l'établissement.
3. Cité pour apologie d'actes de terrorisme du 5 au [Date décès 1] 2017, M. [D], par jugement du tribunal correctionnel du 29 juin 2017, a été relaxé de ce chef sur la période du 5 au 7 février 2017 et déclaré coupable des faits commis le [Date décès 1] ; il a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis.
4. M. [D], puis le procureur de la République, ont relevé appel de cette décision.
5. Par arrêt du 3 juillet 2018, la cour d'appel, infirmant le jugement contesté sur la relaxe, a déclaré M. [D] coupable dans les termes de la poursuite et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis.
6. Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable de menaces de commettre un crime ou un délit à l'encontre de professionnels de santé, alors :
« 1°/ que la menace n'est punissable que pour autant qu'elle annonce la commission d'une infraction contre les personnes ; que les propos de M. [D] consistant à dire « je crois que vous n'avez pas compris, je travaille pour Daesh moi », « je repars en Syrie, je fais partie de Daesh si vous n'avez pas compris » et « je vais reprendre du service et reprendre contact avec Daesh », lesquels ne font que déclarer une appartenance à l'organisation terroriste, ne constituent pas à eux seuls l'annonce d'un mal que l'on veut faire à autrui ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas constaté par ailleurs que les propos du prévenu relatif à la ceinture d'explosifs étaient établis, n'a pas justifié son arrêt au regard des
articles 433-3 du code pénal🏛 et 593 du
code de procédure pénale ;
2°/ que la menace lancée en l'air, sans être adressée à une personne déterminée ou déterminable, n'est pas punissable ; qu'après avoir constaté que les propos tenus par M. [D], l'avaient été à haute voix, en vociférant, dans un contexte personnel douloureux lié à la mort de son père, la cour d'appel, qui n'a pas constaté qu'ils avaient été adressés spécialement à un ou plusieurs membres identifiés du personnel de l'hôpital, n'a pas justifié son arrêt au regard des
articles 433-3 du code pénal🏛 et 593 du
code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour requalifier les faits poursuivis sous la qualification d'apologie du terrorisme en menaces de commettre un crime ou un délit, et en déclarer M. [D] coupable, l'arrêt attaqué énonce que les propos « je crois que vous n'avez pas compris, je travaille pour Daesh moi », « je repars en Syrie, je fais partie de Daesh si vous n'avez pas compris », « je vais reprendre du service et reprendre contact avec Daesh », ont été tenus par le prévenu devant des professionnels de santé dans l'exercice de leurs fonctions, qu'il désigne nommément.
9. Les juges énoncent qu'en se prévalant de son appartenance personnelle à une organisation terroriste responsable de plusieurs attentats récemment commis en France et de son intention de la rejoindre, le prévenu avait pour objectif d'intimider et de menacer ses interlocuteurs par l'annonce de possibles actions de la nature de celles que cette organisation conduit et promeut habituellement, constitutives de crimes ou de délits contre les personnes ou les biens, s'agissant d'homicides ou de destructions.
10. Ils ajoutent que le prévenu a agi en pleine connaissance de la qualité de professionnels de santé des personnes devant qui il proférait ces menaces.
11. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui a exactement déduit des propos tenus la caractérisation des crimes ou délits contre les personnes ou les biens que le prévenu menaçait de commettre et a souverainement apprécié qu'il résultait des éléments du dossier que tous ces propos avaient été tenus devant des professionnels de santé nommément désignés, a justifié sa décision.
12. Le moyen doit dès lors être rejeté.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit juin deux mille vingt-deux.