Jurisprudence : Cass. com., 29-06-2022, n° 21-11.674, F-D, Cassation

Cass. com., 29-06-2022, n° 21-11.674, F-D, Cassation

A061779Q

Référence

Cass. com., 29-06-2022, n° 21-11.674, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/86297053-cass-com-29062022-n-2111674-fd-cassation
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Abstract

► Si la décision de l'administrateur judiciaire de mettre fin à un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, lorsqu'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant, peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit du cocontractant, leur montant ne peut être déterminé en application des clauses du contrat qu'autant que celles-ci l'auront expressément prévu pour le cas de résiliation en cause.


COMM.

DB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 juin 2022


Cassation partielle


Mme VAISSETTE, conseiller le plus ancien
non empêché, faisant fonction de président


Arrêt n° 431 F-D

Pourvoi n° Y 21-11.674


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022


1°/ M. [B] [K], domicilié [… …],

2°/ M. [I] [H], domicilié [Adresse 2], agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de M. [B] [K],

ont formé le pourvoi n° Y 21-11.674 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre civile), dans le litige les opposant à la société BNP Paribas Lease Group, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de M. [K], et de M. [H], ès qualités, de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société BNP Paribas Lease Group, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents Mme Vaissette, conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 novembre 2020), M. [K] a conclu le 7 octobre 2017 avec la société Factum finance, un contrat de location, ensuite cédé à la société BNP Paribas Lease Group (la société BNP), portant sur du matériel de radiologie.

2. Par un jugement du 18 septembre 2018, M. [K] a été mis en redressement judiciaire, M. [H] et M. [T] étant respectivement désignés en qualité de mandataire et d'administrateur judiciaires.

3. Après en avoir dans un premier temps poursuivi l'exécution, l'administrateur a notifié à la société BNP la résiliation du contrat par une lettre recommandée du 29 novembre 2018.

4. Le 7 décembre 2018, la société BNP a déclaré une créance d'un montant de 58 836,58 euros au titre de l'indemnité de résiliation prévue au contrat, laquelle a été contestée par le mandataire judiciaire.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. [K] et le mandataire judiciaire font grief à l'arrêt d'admettre au passif la créance chirographaire de la banque à concurrence de la somme de 44 128,41 euros, alors « que l'article 7.2 du contrat de bail conclu entre [K] et la société BNP Paribas Lease Group dispose que "le contrat peut être résilié par le loueur de plein droit en cas de non-exécution par le locataire de ses obligations" et "le locataire devra une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir majorés des loyers échus impayés" ; qu'en décidant néanmoins d'admettre au passif de M. [K] la créance chirographaire de la société BNP Paribas Lease Group en application de l'article 7.2 du contrat de bail, après avoir pourtant constaté que le 29 novembre 2018, c'est l'administrateur judiciaire et non M. [K] qui avait informé la société BNP Paribas Lease Group de la résiliation du contrat conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce🏛, ce dont il résultait que la résiliation du contrat de location ne correspondait à aucune des hypothèses envisagées par la clause 7.2 du contrat, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 622-13 du code de commerce🏛 ensemble l'article 7.2 du contrat de bail ».


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-13 du code de commerce🏛, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code🏛, et l'article 1103 du code civil🏛 :

6. Selon le premier de ces textes, si la décision de l'administrateur judiciaire de mettre fin à un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, lorsqu'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant, peut donner lieu à des dommages-intérêts au profit du cocontractant, il résulte du troisième, que leur montant ne peut être déterminé en application des clauses du contrat qu'autant que celles-ci l'auront expressément prévu pour le cas de résiliation en cause.

7. Pour admettre la créance déclarée par la société BNP au titre de la résiliation du contrat et la déterminer en fonction de l'article 7.2 de cette convention l'arrêt retient, après avoir exactement relevé que la résiliation est intervenue à la demande de l'administrateur judiciaire, que cet article 7.2 prévoit que le contrat peut être résilié par le loueur de plein droit en cas de non-exécution par le locataire de ses obligations, ce qui entraîne l'obligation pour le locataire de restituer le matériel et de payer une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir majorée des loyers échus impayés et des intérêts à dater du jour de la résiliation. Il retient encore, que contrairement à ce qui est soutenu par M. [K], la non-continuation du contrat constitue une cause de résiliation anticipée, de sorte que ces dispositions s'appliquent du seul fait de la non-exécution par le locataire de ses obligations.

8. En statuant ainsi, alors que l'article 7.2 du contrat de location ne visait que l'hypothèse d'une résiliation de ce contrat décidée par le bailleur et non celle d'une résiliation décidée par l'administrateur judiciaire du locataire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet au passif de M. [K] la créance chirographaire de la société BNP Paribas Lease Group à hauteur de 44 128,41 euros, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société BNP Paribas Lease Group aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Lease Group et la condamne à payer à M. [K] et à M. [H], en sa qualité de mandataire du redressement judiciaire de M. [K], la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour M. [K] et M. [H], ès qualités.

M. [K] et M. [H], ès qualités, font grief à l'arrêt attaqué d'avoir admis au passif de M. [B] [K] la créance chirographaire de la société BNP Paribas Lease Group à hauteur de 44 128,41 euros et d'avoir ordonné l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective ;

Alors 1°) que l'article 7.2 du contrat de bail conclu entre M. [K] et la société BNP Paribas Lease Group dispose que « le contrat peut être résilié par le loueur de plein droit en cas de non-exécution par le locataire de ses obligations » et « le locataire devra une indemnité égale à la totalité des loyers restant à courir majorés des loyers échus impayés » ; qu'en décidant néanmoins d'admettre au passif de M. [K] la créance chirographaire de la société BNP Paribas Lease Group en application de l'article 7.2 du contrat de bail , après avoir pourtant constaté que le 29 novembre 2018, c'est l'administrateur judiciaire et non M. [K] qui avait informé la société BNP Paribas Lease Group de la résiliation du contrat conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce🏛, ce dont il résultait que la résiliation du contrat de location ne correspondait à aucune des hypothèses envisagées par la clause 7.2 du contrat, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 622-13 du code de commerce🏛 ensemble l'article 7.2 du contrat de bail ;

Alors 2°) que l'article 7.2 du contrat de bail conclu entre M. [K] et la société BNP Paribas Lease Group dispose que « Résiliation pendant le contrat : Le Contrat de location peut être résilié par le Loueur de plein droit, sans que celui-ci ait à remplir de formalité ou à adresser de mise en demeure dans les deux cas suivants : (…)
b) 5 jours après mise en demeure en cas de non-exécution par le Locataire d'une seule de ses obligations contractuelles ou en cas de retard de paiement à l'échéance d'un seul loyer » ; qu'en affirmant néanmoins que la non-continuation du contrat constitue une cause de résiliation anticipée, de sorte que ces dispositions s'appliquent du seul fait de la non-exécution par le locataire de ses obligations, bien que l'article 7.2 ait précisé que dans le cas de non-exécution par le locataire de ses obligations contractuelles, le loueur doit adresser au préalable une mise en demeure, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'article 7.2 du contrat de bail et a ainsi violé le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause.

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