Jurisprudence : CA Paris, 6, 9, 22-06-2022, n° 21/00102, Infirmation partielle

CA Paris, 6, 9, 22-06-2022, n° 21/00102, Infirmation partielle

A468078T

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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9


ARRÊT DU 22 JUIN 2022

(n° , 5 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00102 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC343


Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/02328



APPELANTE


S.A.S. TRENDLAB

[Adresse 4]

[Localité 1]


Représentée par Me Marie-Thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN282


INTIMÉE


Madame [S] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 2]


Représentée par Me Justine GODEY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487



COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller


Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats


ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛.

- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES


Par contrat de travail à durée indéterminée du 20 décembre 2007, Mme [Z] a été engagée par la société Trendlab en qualité d'attachée commerciale à compter du 22 décembre 2007 avec reprise d'ancienneté au 20 août 2007 moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 200 euros complétée d'une prime exceptionnelle de 50 euros bruts par cahier vendu sur les nouveaux clients en France.


Dans le dernier état des relations contractuelles entre les parties, Mme [Aa] était responsable clientèle France statut cadre.


Mme [Aa] a été licenciée pour faute grave par lettre du 9 novembre 2018.


Les parties ont volontairement comparu devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Paris à son audience du 28 novembre 2018 pour faire acter leur accord dans un procès-verbal de conciliation rédigé en ces termes :

' La Société TRENDLAB SAS accepte de verser à Madame [S] [Z] une indemnité forfaitaire déterminée dans la limite du barème prévu par les articles L.1235-1 et D.1235-21 du code du travail🏛, d'un montant de 22 500 € (vingt-deux-mille cinq cent euros) nets à titre d'indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive.

Cette indemnité sera versée dans un délai de huit jours ouvrables suivant la notification du procès-verbal.

Sous réserve du paiement de la somme convenue, l'accord de conciliation intervenu sur l'indemnité forfaitaire et le solde de tout compte qui vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités entraînent désistement d'instance et d'action pour tout litige née ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de Madame [S] [Z].

Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.'


Soutenant que le procès-verbal de conciliation ne porte que sur la rupture du contrat de travail et ne règle pas la question de la contre partie financière de la clause de non concurrence prévue à ce contrat, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 19 mars 2019 afin d'obtenir la condamnation de la société Trendlab au paiement des sommes de 9 806,40 euros au titre de la contre-partie de la clause de non concurrence prévue à son contrat de travail, de 980,64 euros au titre des congés payés afférents et de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Se référant expressément au procès-verbal de conciliation en ce qu'il porterait renonciation à toute action née ou à naître découlant du contrat de travail, la société Trendlab a conclu au débouté de Mme [Z] et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



Par jugement du 12 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a fait intégralement droit aux demandes de Mme [Z] au titre de la contre-partie de la clause de non concurrence prévue à son contrat de travail et des congés payés afférents, et a condamné la société Trendlab à verser à son ancienne salariée la somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



Le 15 décembre 2020, la société Trendlab a interjeté appel de la décision qui lui a été notifiée le 9 décembre 2020.


Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2021, elle demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à Mme [Aa] les sommes de 9 806,40 euros au titre de l'indemnité pour clause de non concurrence, de 980, 64 euros au titre des congés payés y afférent avec intérêts au taux légal et de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

Statuant à nouveau,

- Déclarer irrecevable, en considération de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction rédigée en termes généraux, pour inclure tout contentieux la demande en paiement de la contrepartie de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail de la salariée et, par voie de conséquence, infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande

reconventionnelle et l'a condamnée aux entiers dépens.

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [Z] du surplus de ses demandes.

- Condamner Mme [Z] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 outre les entiers dépens de première instance et d'appel.


Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 16 avril 2021, MAae [Z] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant :

- Condamner la société Trendlab au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 5 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 19 avril 2022.



MOTIFS


À l'appui de son appel, la société Trendlab fait valoir que, par la 'renonciation à toute action née ou à naître du contrat de travail', l'intention des parties, y compris de Mme [Z] telle que représentée par son avocate dans la négociation, était bien de renoncer à toute action ultérieure dérivant du contrat de travail en ce compris celle susceptible de naître de la clause de non-concurrence, autrement dit, que l'effet de la transaction rédigée en termes généraux atteignait un droit qui n'existait juridiquement pas encore au moment de la signature de ladite transaction. Elle précise que, dans l'esprit de ceux qui avaient négocié l'accord, en concluant cette transaction en des termes généraux visant toute action née ou à naître du contrat, la société se privait du droit de réclamer toute indemnité à Mme [Z] si celle-ci retrouvait, dans le délai visé, un emploi au sein d'une société concurrente et Mme [Aa] se privait du droit de réclamer, dans le cas contraire, toute contre-partie pécuniaire.


Elle ajoute que le fait que l'accord intervenu ait été acté par devant le bureau de conciliation et d'orientation ne saurait modifier la portée de cette même transaction rédigée en termes généraux, les parties ayant convenu de faire obstacle à toute action dérivant du contrat de travail.


Mme [Z] réplique qu'un procès-verbal de conciliation, pris sur le fondement de l'article L.1235-1 du code du travail🏛 ne peut couvrir que la rupture du contrat de travail, c'est-à-dire les indemnités pour licenciement irrégulier ou abusif et qu'ainsi, les autres sommes éventuellement dues au salarié, dont la contrepartie à la clause de non-concurrence, qui ne relèvent pas du même chapitre du code du travail, ne sont pas visées.


Elle soutient, dès lors, que le versement de l'indemnité forfaitaire de conciliation ne couvrait que la rupture du contrat de travail et ne pouvait entraîner renonciation de sa part à la contrepartie à sa clause de non-concurrence et ce, d'autant plus, qu'en l'espèce, le procès-verbal précise expressément qu'il s'agit d'un 'procès-verbal relatif à la rupture du contrat de travail', que l'indemnité versée est une 'indemnité forfaitaire déterminée dans la limite du barème prévu part les articles L. 1235-1 et D. 1235-21 du Code du travail🏛' et que, de nouveau en toute fin de procès-verbal, l'accord réitère le fait que 'le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail'.


Elle ajoute qu'au moment où elle a signé le procès-verbal de conciliation, elle ne savait pas que son employeur n'entendait pas appliquer cette clause de non-concurrence ni lui verser la contrepartie financière afférente dont la première échéance n'était pas encore échue, qu'elle ne pouvait donc pas y renoncer alors que son droit n'était même pas encore né et qu'elle ne savait pas qu'il lui serait refusé et qu'ainsi, ayant bien respecté cette clause pendant toute la durée de celle-ci puisqu'elle est restée au chômage, elle est fondée à en solliciter la contrepartie financière.


Cela étant, l'article L.1235-1 du code du travail🏛, dans sa version applicable à la présente affaire, dispose qu'en cas de litige, lors de la conciliation prévue à l'article L. 1411-1, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d'orientation proposer d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié. Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre.


L'article L.1411-1 du même code🏛 énonce que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.


L'article R.1454-10 prévoit que le bureau de conciliation et d'orientation entend les explications des parties et s'efforce de les concilier. Un procès-verbal est établi. En cas de conciliation totale ou partielle, le procès-verbal mentionne la teneur de l'accord intervenu. Il précise, s'il y a lieu, que l'accord a fait l'objet en tout ou partie d'une exécution immédiate devant le bureau de conciliation et d'orientation.


Enfin, l'article R.1454-11 dit qu'un extrait du procès-verbal, qui mentionne s'il y a lieu l'exécution immédiate totale ou partielle de l'accord intervenu, peut être délivré. Il vaut titre exécutoire.


Il résulte de l'application combinée de ces textes que le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, même s'il est saisi dans le cadre d'un litige lié à la rupture du contrat de travail en application de l'article L.1235-1 du code du travail🏛 régissant les contestations et les sanctions des irrégularités du licenciement , conserve un compétence d'ordre général pour régler tout différend né à l'occasion du contrat de travail et que, par voie de conséquence, les parties ayant volontairement comparu devant ce bureau sur le fondement du texte précité, peuvent librement étendre l'objet de leur conciliation à des questions dépassant celles des seules indemnités de rupture.


Ainsi, aux termes du procès-verbal de conciliation, les parties ont convenu du versement à la salariée d'une 'indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et définitive' en précisant que 'l'accord de conciliation intervenu sur l'indemnité forfaitaire et le solde de tout compte qui vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités entraînent désistement d'instance et d'action pour tout litige née ou à naître découlant du contrat de travail et du mandat de Madame [S] [Z]'.


La détermination du montant de l'indemnité décidée par les parties par référence aux articles L.1235-1 et D.1235-21 du code du travail🏛 ne modifie pas la nature de celle-ci telle que librement convenue, dès lors que les modalités de calcul d'indemnité et la nature de celle-ci sont deux notions distinctes.


En tout état de cause, la dernière phrase du procès-verbal de conciliation ('Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.') inclut bien la clause de non concurrence dans l'accord.


En effet, si la contre-partie financière d'une clause de non concurrence n'est pas une indemnité relative à la rupture du contrat de travail, une action en paiement de celle-ci est, par nature, une réclamation relative à la rupture du contrat de travail, puisqu'une clause de non concurrence n'est applicable qu'à la suite de celle-ci.


Ainsi, aux termes du procès-verbal de conciliation, les parties ont reconnu que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre global, transactionnel, forfaitaire et définitif afin de mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et ont déclaré, sous réserve de la parfaite exécution de l'accord, renoncer réciproquement à toute action en vue de réclamer quelque somme que ce soit découlant du contrat de travail et ce conformément à l'article 2044 du code civil🏛 selon lequel la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.


En conséquence, en application de l'article 2052 du même code, aux termes duquel la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les mêmes parties d'une action en justice ayant le même objet, le jugement entrepris sera infirmé et Mme [Aa] déboutée de ses demandes.


Conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile🏛, Mme [Aa], qui succombe en appel, sera condamnée à verser à la société Trendlab la somme de 500 euros au titre des frais exposés par l'appelante qui ne sont pas compris dans les dépens.



PAR CES MOTIFS


La Cour,


INFIRME le jugement entrepris,


Statuant à nouveau et y ajoutant,


DÉBOUTE Mme [Aa] de ses demandes en paiement de la contre-partie financière de la clause de non concurrence, des congés payés afférents et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


CONDAMNE Mme [Aa] à verser à la société Trendlab la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


CONDAMNE Mme [Aa] aux dépens de première instance et d'appel.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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