COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 383 F-D
Pourvoi n° G 20-22.949
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 JUIN 2022
La société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° G 20-22.949 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [N] [Aa],
2°/ à Mme [E] [T], épouse [Aa],
domiciliés tous deux [Adresse 8],
3°/ à M. [R] [D], domicilié [… …],
4°/ à Mme [P] [B], épouse [W], domiciliée [Adresse 4],
5°/ à la société Lyonnaise de banque, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, dont le siège est chez M. [Ab], [Adresse 3],
6°/ au trésorier des ventes, domicilié [… …],
7°/ à la société SOP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7],
8°/ à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
9°/ à la société Prestige, dont le siège est chez M. [C], [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. et Mme [Aa], et l'avis de Mme Ac, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2020), par un acte notarié du 30 juillet 2008, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur (la banque) a consenti à la société Compagnie immobilière azuréenne (Comazur) un concours bancaire, garanti par une hypothèque sur un bien immobilier appartenant à M. et Mme [Aa]. L'acte authentique comportait la mention de leurs engagements de caution solidaire souscrits en garantie du même concours bancaire, qui avaient été régularisés par un acte sous seing privé du 29 juillet 2008.
2. Par un acte d'huissier du 16 mai 2018, la banque a fait délivrer à M. et Mme [Aa] un commandement de payer valant saisie immobilière puis, ce commandement étant resté vain, elle les a assignés devant le juge de l'exécution.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la déchéance du droit aux intérêts échus pour la période du 31 mars 2009 au 5 janvier 2017, de dire que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette, de l'inviter à communiquer, dans le mois suivant l'arrêt, un nouveau décompte de la somme due par les cautions expurgée des intérêts ayant courus depuis le 31 mars 2009 jusqu'au 5 janvier 2017, avec imputation sur le capital des paiements effectués depuis l'origine par le débiteur principal, et de dire que le dossier sera rappelé à l'audience rapporteur du 12 mars 2021, alors « qu'une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, les dispositions de l'
article L. 313-22 du code monétaire et financier🏛 ne sont pas applicables à une telle sûreté réelle ; que ces dispositions ne sont pas davantage applicables au créancier bénéficiant au surplus d'un engagement en qualité de caution personnelle de la part de celui qui a consenti la sûreté réelle, dès lors que le créancier a exercé ses poursuites sur le seul fondement de la sûreté réelle et que l'acte de cautionnement personnel ne résulte que d'un acte distinct ; qu'en prononçant néanmoins la déchéance des intérêts dus par M. et Mme [Aa] poursuivis sur le seul fondement d'un acte de garantie hypothécaire, après avoir elle-même constaté que ces derniers ne s'étaient engagés par ailleurs en qualité de cautions personnelles que par un acte distinct, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'
article L. 313-22 du code monétaire et financier🏛. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'
article 1134 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, de l'
article 2015, devenu 2292, du même code et de l'
article L. 313-22 du code monétaire et financier🏛 que, lorsqu'une personne, par un seul acte ou par des actes distincts, à la fois se rend caution personnelle des engagements d'un débiteur envers un établissement de crédit et affecte un ou des biens en garantie hypothécaire des mêmes engagements, l'établissement lui doit l'information annuelle prévue par le dernier texte. Le défaut d'accomplissement de la formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette, même si les poursuites contre la caution sont exercées sur le seul fondement de la sûreté réelle.
5. Ayant relevé que M. et Mme [Aa] avaient consenti à la banque à la fois une hypothèque sur un bien leur appartenant et un cautionnement solidaire en garantie du concours accordé par la banque à la société Comazur, et constaté que la banque avait manqué à son obligation annuelle d'information des cautions entre le 31 mars 2009 et le 5 janvier 2017, la cour d'appel a prononcé à juste titre la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel pour la période considérée et dit que les paiements effectués par la société Comazur sont réputés, dans les rapports entre M. et Mme [Aa] et la banque, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur et la condamne à payer à M. et Mme [Aa] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur.
La Caisse d'Epargne et de Prévoyance Cote d'Azur fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la déchéance des intérêts échus pour la période du 31 mars 2009 au 5 janvier 2017 et dit que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement de crédit, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette et d'AVOIR invité la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Cote d'Azur à communiquer dans le mois suivant le présent arrêt, un nouveau décompte de la somme due par les cautions expurgée des intérêts ayant courus depuis le 31 mars 2009 jusqu'au 5 janvier 2017, avec imputation sur le capital des paiements effectués depuis l'origine par le débiteur principal et dit que le dossier sera rappelé à l'audience rapporteur du vendredi 12 mars 2021 ;
ALORS QUE une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas, les dispositions de l'
article L. 313-22 du code monétaire et financier🏛 ne sont pas applicables à une telle sûreté réelle ; que ces dispositions ne sont pas davantage applicables au créancier bénéficiant au surplus d'un engagement en qualité de caution personnelle de la part de celui qui a consenti la sûreté réelle, dès lors que le créancier a exercé ses poursuites sur le seul fondement de la sûreté réelle et que l'acte de cautionnement personnel ne résulte que d'un acte distinct ; qu'en prononçant néanmoins la déchéance des intérêts dus par les époux [Aa] poursuivis sur le seul fondement d'un acte de garantie hypothécaire, après avoir elle-même constaté que ces derniers ne s'étaient engagés par ailleurs en qualité de cautions personnelles que par un acte distinct, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'
article L. 313-22 du code monétaire et financier🏛.