Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 14-06-2022, n° 458555, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 14-06-2022, n° 458555, mentionné aux tables du recueil Lebon

A481277D

Référence

CE 3/8 ch.-r., 14-06-2022, n° 458555, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85629270-ce-38-chr-14062022-n-458555-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-03-01-02 L’article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 a défini de nouvelles modalités de détermination et de révision de la valeur locative cadastrale des locaux professionnels, en vue de l’établissement des impositions directes locales. Il résulte du XVI de cet article, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, codifié, à compter du 1er janvier 2018, aux I et III de l’article 1518 A quinquies du code général des impôts (CGI), du IV de ce dernier article et du XXII de l’article 34 de la loi du 29 décembre 2010, codifié, à compter du 1er janvier 2018, à l’article 1518 E du CGI, que la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 utilisée pour lisser les variations de cotisations d’impôts locaux résultant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels est déterminée conformément au CGI dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2016. ...1) Un contribuable peut invoquer l’illégalité du mode de détermination de cette valeur locative non révisée au 1er janvier 2017, y compris à raison de l’actualisation, par application des coefficients annuels de majoration prévus à l’article 1518 bis de ce code, d’une valeur locative déterminée antérieurement de manière irrégulière, pour solliciter, dans la mesure de l’application des mécanismes prévus au B du XVI de l’article 34 de la loi du 29 décembre 2010 et codifié au I de l’article 1518 A quinquies du CGI, au au D ce même XVI et codifié au III du même article et au XXII de l’article 34 de la loi du 29 décembre 2010 et codifié à l’article 1518 E du CGI, la réduction des cotisations d’impôts locaux résultant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels....2) Il résultait de l’article 1494 du CGI et de l’article 1505 du même code dans sa rédaction en vigueur en 2016 que la commission communale des impôts directs devait être saisie lors de chaque modification par l’administration de l’évaluation des propriétés bâties relevant de l’article 1498 de ce code, en dehors du cas où cette modification résultait exclusivement de l’actualisation de la valeur locative par application des coefficients annuels de majoration prévus à l’article 1518 bis de ce code. L’omission par l’administration de la saisine préalable obligatoire de cette commission, qui avait pour effet de priver les contribuables d’une garantie, constituait une irrégularité devant conduire le juge de l’impôt à écarter définitivement la valeur locative retenue par l’administration....Ainsi, un contribuable peut utilement invoquer, pour solliciter la réduction des cotisations d’impôts locaux dus à compter de l’année 2017 dans la mesure de l’application des dispositifs de lissage, lesquels tiennent compte des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017, l’illégalité du mode de détermination de cette valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 au motif que l’administration l’avait établie par application du coefficient annuel de majoration prévu à l’article 1518 bis du CGI à une valeur locative au 1er janvier 2016 irrégulièrement fixée en l’absence d’avis de la commission communale des impôts directs et devant par suite être définitivement écarté.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 458555

Séance du 01 juin 2022

Lecture du 14 juin 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Arema a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, au moins partielle, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles elle a été assujettie au titres des années 2016 et 2017 dans les rôles de la commune de Marseille (Bouches-du-Rhône) à raison des droits dont elle disposait sur le stade Vélodrome et le stade Delors. Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône a, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, transmis au même tribunal administratif, la réclamation de cette société tendant à la décharge des mêmes impositions au titre de l'année 2018.

Par un jugement nos 1806852, 1910990 du 15 octobre 2021, ce tribunal, après les avoir jointes et constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur des sommes ayant fait l'objet de dégrèvement en cours d'instance, a rejeté le surplus de ces demandes.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 novembre 2021, 6 janvier 2022 et 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Arema demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010🏛 ;

- la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Arema ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Arema s'est vu confier en 2010 la rénovation du stade Vélodrome de Marseille puis la gestion de la mise à disposition de ce stade par un contrat de partenariat conclu avec la commune de Marseille en 2014. Estimant que les importants travaux qui ont été réalisés entre 2011 et 2014 constituaient un changement de consistance, l'administration a, au cours de l'année 2017, modifié la valeur locative de ce stade pour la détermination de la taxe foncière due au titre de l'année 2016 en procédant par voie d'appréciation directe. L'administration a mis en conséquence en recouvrement un rôle supplémentaire de taxe foncière sur les propriétés bâties à la charge de la société Arema au titre de l'année 2016. Cette société a formé une réclamation contre cette imposition supplémentaire ainsi que, à raison de l'effet de la détermination de cette nouvelle valeur locative sur les années ultérieures, contre les rôles primitifs de taxe foncière mis à sa charge au titre des années 2017 et 2018. L'administration a admis un dégrèvement partiel au titre des différentes années en litige en acceptant de ne pas tenir compte, pour le calcul de la nouvelle valeur locative, d'équipements mobiliers et d'installations spécifiques liées aux activités sportives. En cours d'instance devant le tribunal administratif de Marseille, auquel les demandes de décharge de la société ont été transmises, l'administration a prononcé le dégrèvement des impositions supplémentaires mises à la charge de la société Arema au titre de l'année 2016 en admettant, ainsi que le soutenait la société requérante, que la nouvelle évaluation locative aurait dû être soumise à la commission communale des impôts directs. La société Arema se pourvoit en cassation contre le jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ces demandes à hauteur de ces dégrèvements, a rejeté le surplus des conclusions de la société Arema au titre des impositions primitives dues à raison du stade Vélodrome au titre des années 2017 et 2018.

2. L'article 34 de la loi du 29 décembre 2010🏛 de finances rectificative pour 2010 a défini de nouvelles modalités de détermination et de révision de la valeur locative cadastrale des locaux professionnels, en vue de l'établissement des impositions directes locales. Aux termes du XVI de cet article, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2015🏛 de finances rectificatives pour 2015 : " () B. 1. En vue de l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe d'habitation et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la valeur locative des propriétés bâties est corrigée par un coefficient de neutralisation. / Ce coefficient est égal, pour chaque taxe et chaque collectivité territoriale, au rapport entre, d'une part, la somme des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017 des propriétés bâties imposables au titre de cette année dans son ressort territorial, à l'exception de celles mentionnées au 2, et, d'autre part, la somme des valeurs locatives révisées de ces propriétés à la date de référence du 1er janvier 2013. / Le coefficient de neutralisation déterminé pour chacune de ces taxes s'applique également pour l'établissement de leurs taxes annexes. / Les coefficients déterminés pour une commune s'appliquent aux bases imposées au profit des établissements publics de coopération intercommunale dont elle est membre. / (). / D.- Pour les impositions dues au titre des années 2017 à 2025 : / 1° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du B du présent XVI est positive, celle-ci est majorée d'un montant égal à la moitié de cette différence ; / 2° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du même B est négative, celle-ci est minorée d'un montant égal à la moitié de cette différence. / Le présent D n'est applicable ni aux locaux mentionnés au 2 dudit B, ni aux locaux ayant fait l'objet d'un des changements mentionnés au I de l'article 1406 du code général des impôts🏛 après le 1er janvier 2017 ". Ces dispositions ont été codifiées, à compter du 1er janvier 2018, aux I et III de l'article 1518 A quinquies du code général des impôts🏛. Aux termes du IV de ce dernier article : " Pour la détermination des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017 mentionnées aux I et III, il est fait application des dispositions prévues par le présent code, dans sa rédaction en vigueur le 31 décembre 2016 ". Aux termes du XXII de l'article 34 de la loi précitée du 29 décembre 2010 : " A.- Des exonérations partielles d'impôts directs locaux sont accordées au titre des années 2017 à 2025 lorsque la différence entre la cotisation établie au titre de l'année 2017 et la cotisation qui aurait été établie au titre de cette même année sans application du XVI est positive () / B. - Les impôts directs locaux établis au titre des années 2017 à 2025 sont majorés lorsque la différence entre la cotisation qui aurait été établie au titre de l'année 2017 sans application du XVI et la cotisation établie au titre de cette même année est positive () ". Ces dispositions ont été codifiées, à compter du 1er janvier 2018, à l'article 1518 E du code général des impôts🏛. Il résulte de ces dispositions que la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 utilisée pour lisser les variations de cotisations d'impôts locaux résultant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels est déterminée conformément aux dispositions du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2016. Un contribuable peut invoquer l'illégalité du mode de détermination de cette valeur locative non révisée au 1er janvier 2017, y compris à raison de l'actualisation, par application des coefficients annuels de majoration prévus à l'article 1518 bis de ce code🏛, d'une valeur locative déterminée antérieurement de manière irrégulière, pour solliciter, dans la mesure de l'application des dispositifs cités au présent 2, la réduction des cotisations d'impôts locaux résultant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels.

3. Aux termes de l'article 1494 du code général des impôts🏛 : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties () est déterminée conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte ". Aux termes de l'article 1505 du même code🏛 dans sa rédaction en vigueur en 2016 : " Le représentant de l'administration et la commission communale des impôts directs procèdent à l'évaluation des propriétés bâties. / Après harmonisation avec les autres communes du département, les évaluations sont arrêtées par le service des impôts. Il en est de même en cas de désaccord entre le représentant de l'administration et la commission ou lorsque celle-ci refuse de prêter son concours. () ". Il résultait de ces dispositions que la commission communale des impôts directs devait être saisie lors de chaque modification par l'administration de l'évaluation des propriétés bâties relevant de l'article 1498 de ce code🏛, en dehors du cas où cette modification résultait exclusivement de l'actualisation de la valeur locative par application des coefficients annuels de majoration prévus à l'article 1518 bis de ce code🏛. L'omission par l'administration de la saisine préalable obligatoire de cette commission, qui avait pour effet de priver les contribuables d'une garantie, constituait une irrégularité devant conduire le juge de l'impôt à écarter définitivement la valeur locative retenue par l'administration.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Arema contestait les impositions locales mises à sa charge à raison du stade Vélodrome au titre des années 2017 et 2018 en soutenant que la modification par l'administration, pour l'établissement des impositions dues au titre de l'année 2016, de la valeur locative du stade Vélodrome pour cette année avait une incidence sur la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 utilisée pour lisser les variations de cotisations d'impôts locaux résultant de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels en application des dispositions citées au point 2. Pour écarter ce moyen, le tribunal administratif a, en premier lieu, jugé que la commission communale des impôts directs n'intervenait plus depuis le 1er janvier 2017 pour arrêter les valeurs locatives des immeubles et, en deuxième lieu, que la société ne pouvait utilement exciper de l'irrégularité de la modification de la valeur locative révisée du stade Vélodrome à l'encontre des impositions établies au titre des années 2017 et 2018. En statuant ainsi alors que, ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3, la société Arema pouvait utilement invoquer, pour solliciter la réduction des cotisations d'impôts locaux dus à compter de l'année 2017 dans la mesure de l'application des dispositifs de lissage cités au point 2, lesquels tiennent compte des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017, l'illégalité du mode de détermination de cette valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 au motif que l'administration l'avait établie par application du coefficient annuel de majoration prévu à l'article 1518 bis du code général des impôts🏛 à une valeur locative au 1er janvier 2016 irrégulièrement fixée en l'absence d'avis de la commission communale des impôts directs et devant par suite être définitivement écartée, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit. La société Arema est ainsi fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la société Arema, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera à la société Arema une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Arema et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, président de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Mathieu Herondart, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, Mme Françoise Tomé, M. Charles-Emmanuel Airy, conseillers d'Etat et M. Jonathan Bosredon, conseillers d'Etat-rapporteur.

Rendu le 14 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Jonathan Bosredon

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle- 3 -

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