Jurisprudence : Cass. soc., 25-05-2022, n° 20-20.389, F-D, Cassation

Cass. soc., 25-05-2022, n° 20-20.389, F-D, Cassation

A41837YL

Référence

Cass. soc., 25-05-2022, n° 20-20.389, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85180469-cass-soc-25052022-n-2020389-fd-cassation
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SOC.

CDS


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 mai 2022


Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président


Arrêt n° 635 F-D

Pourvoi n° A 20-20.389


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022


La société Tapis Saint-Maclou, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 20-20.389 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2020 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [K] [D], domicilié [… …],

2°/ à Pôle emploi Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la société Tapis Saint-Maclou, de la SARL Corlay, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 juillet 2020), M. [D] a été engagé par la société Tapis Saint-Maclou, le 31 mars 2014, en qualité de directeur régional.

2. Après avoir été, le 11 juillet 2016, convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, le salarié a été licencié pour faute grave le 25 juillet suivant.

3. Le 15 septembre 2016, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette mesure et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et sur le second moyen, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, de le condamner à lui verser diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnités de rupture, de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et de lui ordonner le remboursement à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de six mois, alors « que si aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail🏛, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai par la commission de manquements de même nature ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le dernier manquement imputé au salarié au titre de remboursement indu des frais professionnels, concernait la demande de remboursement d'une somme de 3 euros correspondant au règlement de l'occupation d'une place de stationnement du vendredi 3 juin 2016 qui, n'étant pas prescrite, permettait de réexaminer les faits de même nature antérieurs à cette période, « dans la même limite temporelle et ainsi de suite », à la condition qu'ils soient établis ; que la cour d'appel en a déduit qu'il était permis à l'employeur de reprocher au salarié la demande de remboursement relative à la pizza acquise à 19h34 le 4 avril 2016, mais qu'en revanche, l'employeur n'était pas fondé à lui reprocher les demandes de remboursement de nuitées d'hôtel à proximité de son domicile dix-neuf mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'en statuant ainsi, lorsque l'employeur, établissant une faute commise moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, était en droit de se prévaloir de tout fait de même nature commis par le salarié remontant à plus de deux mois, quelle que soit sa date, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-4 du code du travail🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-4 du code du travail🏛 :

6. Si aux termes de ce texte, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dès lors que le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.

7. Pour déclarer le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir estimé que ni le grief relatif à l'usage abusif du véhicule à des fins personnelles, ni celui d'une consommation de carburant sans rapport avec les déplacements professionnels n'étaient établis, retient que seuls peuvent être imputés à faute au salarié les manquements relatifs au remboursement des frais de stationnement de 3 euros commis le 3 juin 2016 et d'achat d'une pizza pour un montant de 13,80 euros commis le 4 avril 2016. Il ajoute qu'en l'absence d'antécédent disciplinaire et de production de la mise en garde de janvier 2015 alléguée, la sanction infligée au salarié, auquel il est vainement reproché les demandes de remboursement de nuitées d'hôtel à proximité de son domicile dix-neuf mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, par l'employeur qui disposait d'une hiérarchie de sanctions adaptées, apparaît disproportionnée, de sorte que le licenciement intervenu dans ces circonstances est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les demandes de remboursement afférentes à des nuitées d'hôtel datant des 5 et 17 décembre 2014, visées par la lettre de licenciement, constituaient des manquements de même nature que les demandes de remboursement des frais de stationnement et de nourriture des 14 avril et 3 juin 2016, ce dont il résultait que le comportement du salarié s'était réitéré moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile🏛, la cassation prononcée sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif condamnant l'employeur à remettre au salarié les documents sociaux rectifiés, sous astreinte, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

10. En revanche, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de M. [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Tapis Saint-Maclou à lui payer les sommes de 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 545,36 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, 22 597,20 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 259,20 euros de congés payés afférents, 2 824,98 euros au titre de la mise à pied conservatoire outre 282,50 euros de congés payés afférents et à lui remettre les documents sociaux rectifiés sous astreinte, et ordonne le remboursement, par la société Tapis Saint-Maclou à l'organisme social concerné, des indemnités de chômage dans la limite des six mois de l'article L. 1235-4 du code du travail🏛, l'arrêt rendu le 3 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Tapis Saint-Maclou

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Saint-Maclou FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le licenciement de M. [K] [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à verser au salarié diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnités de rupture, rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, et de lui avoir ordonné le remboursement à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [D] dans les limites des six mois

1/ ALORS QUE si aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail🏛, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération de faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai par la commission de manquements de même nature ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le dernier manquement imputé à M. [D] au titre de remboursement indu des frais professionnels, concernait la demande de remboursement d'une somme de 3 € correspondant au règlement de l'occupation d'une place de stationnement du vendredi 3 juin 2016 qui, n'étant pas prescrite, permettait de réexaminer les faits de même nature antérieurs à cette période, "dans la même limite temporelle et ainsi de suite", à la condition qu'ils soient établis ; que la cour d'appel en a déduit qu'il était permis à l'employeur de reprocher à M. [D] la demande de remboursement relative à la pizza acquise à 19h34 le 4 avril 2016, mais qu'en revanche, l'employeur n'était pas fondé à lui reprocher les demandes de remboursement de nuitées d'hôtel à proximité de son domicile dix-neuf mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires ; qu'en statuant ainsi, lorsque la société établissant une faute commise moins de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement, était en droit de se prévaloir de tout fait de même nature commis par le salarié remontant à plus de deux mois, quelle que soit leur date, la cour d'appel a violé l'article L 1332-4 du code du travail🏛 ;

2/ ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'il était reproché au salarié d'avoir sollicité le remboursement de 31 frais de parking exposés entre le 3 avril 2015 et le 3 juin 2016 déjà pris en charge par la société au moyen de d'une carte de paiement Total mise à la disposition du salarié ; que pour l'établir, la société versait aux débats l'état récapitulatif des paiements de frais de parking effectués avec la carte Total (sa pièce d'appel n° 17) et le tableau des frais de parking remboursés au salarié sur note de frais (sa pièce d'appel n° 18) dont la confrontation faisait apparaitre qu'avaient été remboursés au salarié des frais de parking réglés avec la carte Total ; que M. [D] ne contestait pas avoir sollicité le remboursement de ces frais de parking ; que dès lors, en retenant que l'employeur ne produisait aucun document établissant la réalité des demandes de remboursement de frais correspondant à des sommes exposées par la société, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile🏛 ;

3/ ALORS QU'il appartient au salarié de prouver l'existence des frais professionnels qu'il déclare avoir exposés ; qu'en retenant, pour les pleins de carburants effectués les vendredi 29 janvier et lundi 1er février 2016 pour 218 km parcourus et les vendredi 1er avril 2016 et lundi 4 avril 2016 pour 573 km parcourus, que ces chiffres n'étaient pas en eux-mêmes significatifs d'une utilisation de carburant le week-end aux frais de la société, car pouvant dépendre d'autres facteurs tels que la nature et des conditions de la conduite et les quantités antérieurement présentes dans le véhicule, et, pour les pleins de carburants des 24 février, 4 mars, 18 et 20 avril 2016, que la distorsion entre les quantités acquises et le kilométrage parcouru faisait abstraction des faibles quantités acquises avant et après, pour en déduire que le grief relatif à l'usage abusif du véhicule à des fins personnelles et celui d'une consommation de carburant sans rapport avec ses déplacements professionnels n'étaient pas établi, lorsqu'il appartenait au salarié de justifier de l'utilisation à des fins professionnelles des pleins de carburants qu'il avait effectués, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 devenu l'article 1353 du Code civil🏛.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Saint-Maclou FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à verser à M. [D] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire

ALORS QUE les juges ne peuvent accorder des dommages et intérêts distincts de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition de caractériser un comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture ayant causé au salarié un préjudice distinct du licenciement ; qu'en l'espèce, pour accorder au salarié des dommages et intérêts pour rupture brutale, la cour d'appel s'est fondée sur "l'impact" de l'annonce faite au salarié à l'issue de l'inauguration des locaux de l'hôtel Ibis où il séjournait à la suite de la réalisation qu'il avait pilotée, "même abstraction faite des circonstances matérielles décrites par l'intéressé" ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser les conditions vexatoires dans lesquelles lui aurait été faite cette annonce, mais uniquement le préjudice du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil🏛.

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