CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 456 F-D
Pourvoi n° R 20-21.415
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 AVRIL 2022
M. [Aa] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-21.415 contre l'ordonnance n° RG : 19/04140 rendue le 2 septembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Toulouse, dans le litige l'opposant à Mme [Ab] [S], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [R], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Toulouse, 2 septembre 2020), Mme [S] a confié à M. [R], avocat, la défense de ses intérêts dans diverses procédures entre 2012 et 2019. A cette occasion une convention d'honoraires a été signée entre les parties le 19 mai 2016.
2. Le 23 avril 2019, Mme [S] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Toulouse en contestation du montant des honoraires réclamés par M. [R].
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [R] fait grief à l'ordonnance de dire que Mme [S] n'était redevable d'aucun honoraire à son égard pour les dossiers de 2012 à 2018 alors « que même en l'absence de convention d'honoraires, le premier président de cour d'appel, saisi d'une contestation d'honoraires d'avocat, ne peut rejeter intégralement la demande en fixation d'honoraires en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties dès lors qu'il constate l'existence de diligences réalisées par l'avocat pour le compte de son client ; que la preuve de la réalité des diligences étant libre, elle peut être rapportée au seul moyen de factures établies par l'avocat ; qu'en l'espèce, en considérant que, faute de comporter l'en-tête de M. [R], le montant HT et TTC des honoraires et une numérotation, les factures produites n'étaient pas de nature à rapporter la preuve des diligences accomplies par l'avocat et qu'il aurait dû verser aux débats d'autres éléments permettant d'apprécier la réalité de ces diligences, le premier président a violé l'
article 1315 devenu 1353 du code civil🏛 ensemble l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛. »
Réponse de la Cour
4. C'est sans encourir le grief du moyen que le premier président a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'à défaut d'éléments suffisants pour apprécier la réalité des diligences accomplies pour chaque dossier, M. [R] ne rapportait pas la preuve des diligences réalisées dans les dossiers.
5. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. M. [R] fait le même grief à l'ordonnance, alors « que si les juges du fond apprécient souverainement d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés comme le démontrent le paiement partiel des honoraires et la demande d'un délai de paiement pour le solde par le client et ce, même en l'absence d'une convention d'honoraires ou d'éléments justificatifs ; qu'en l'espèce, M. [R] faisait valoir, pour les dossiers menés au profit de Mme [S] à partir de 2012, que cette dernière avait accepté d'en payer une partie en envoyant, à cet effet, un chèque de 300 euros à l'ordre de M. [R] le 14 novembre 2016 et en demandant concomitamment un délai de paiement pour régler le solde et il en justifiait par la production de pièces ; qu'en ne recherchant pas si Mme [S] n'avait pas accepté le principe et le montant des honoraires demandés par M. [R] pour les diligences accomplies à partir de 2012, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des
articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 et
L. 441-3 du code de commerce🏛 que ne peuvent constituer des honoraires librement payés après service rendu ceux qui ont été réglés sur présentation de factures ne répondant pas aux exigences du second d'entre eux, peu important qu'elles soient complétées par des éléments extrinsèques.
8. L'ordonnance relève que les factures produites sont présentées sur une feuille libre sans entête, qu'elles mentionnent un montant sans préciser s'il est HT ou TTC, qu'elles ne permettent pas d'apprécier la réalité des frais facturés par dossier et qu'en outre, elles ne présentent pas de numérotation de nature à permettre leur traçabilité et garantir leur authenticité.
9. Il en découle que la somme versée par Mme [S], accompagnée d'une demande de délai de paiement, ne pouvait emporter acceptation de sa part sur le principe et le montant des honoraires demandés.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
11. M. [R] fait grief à l'ordonnance de fixer, pour les dossiers de 2016 à 2019, « Société nationale immobilière », « Caisse d'épargne Ile-de-France » et « Team Concept », à la somme de 39 506,94 euros TTC seulement les honoraires dus par Mme [S] en refusant de dire Mme [S] redevable de la somme de 2 000 euros au titre des frais prévus par la convention d'honoraires du 19 mai 2016 et de la somme de 5 290 euros au titre de la procédure d'appel dans le dossier « Team Concept », alors :
« 1°/ que la convention d'honoraires conclue entre M. [R] et Mme [S] prévoyait expressément à l'article 2, au profit de M. [R], une « participation forfaitaire pour frais de téléphone, correspondance, photocopie, assistance, recherche, consultations, etc. » de « 3 000 euros » et mentionnait que « Madame [S] a versé un acompte de 1 000 euros » ; qu'en retenant, toutefois, que les frais dont M. [R] estimait que Mme [S] lui était redevable à hauteur de 2 000 euros ne seraient pas pris en considération en l'absence de justification des frais engagés, le premier président a violé l'
article 1134 devenu 1103 du code civil🏛, ensemble l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;
2°/ que la convention d'honoraires prévoyait, en page 2, qu'en cas d'appel du jugement du tribunal de grande instance de Meaux, « les frais et honoraires de Me [R] lui sont acquis. Les deux parties doivent s'entendre sur les frais et honoraires d'appel (s'agissant d'un nouveau procès) » ; qu'il en résultait que Mme [S] avait accepté le principe d'un honoraire en cas d'appel dont il appartenait au premier président de la cour d'appel de fixer le montant au vu des éléments du dossier ; que M. [R] se prévalait de l'accord donné par Mme [S] pour lui verser 5 290 euros au titre de la procédure d'appel après l'avoir finalement confiée à un autre avocat ; qu'en exigeant la preuve préalable par M. [R] de l'effectivité de ses diligences et en disant que Mme [S] n'était redevable d'aucun honoraire au titre de la procédure d'appel dont elle n'a pas contesté l'existence, le premier président a violé l'
article 1134 devenu 1103 du code civil🏛, ensemble l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛. »
Réponse de la Cour
12. Sous couvert de griefs non fondés de violation des
articles 1134 du code civil🏛 et 10 de la
loi du 31 décembre 1971🏛, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au premier président qui, interprétant les termes de la convention selon lesquels les honoraires seraient dûs dès la fin du procès et qu'en cas d'appel les frais et honoraires dûs à M. [R] lui seraient acquis, en a déduit qu'il appartenait à ce dernier de rapporter la preuve d'une avance de frais ainsi que des diligences réalisées en appel.
13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour M. [R]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [R] FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir dit que Mme [S] n'était redevable d'aucun honoraire à l'égard de M. [Aa] [R] pour les dossiers de 2012 à 2018 ;
1°) ALORS QUE, même en l'absence de convention d'honoraires, le premier président de cour d'appel, saisi d'une contestation d'honoraires d'avocat, ne peut rejeter intégralement la demande en fixation d'honoraires en se fondant sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties dès lors qu'il constate l'existence de diligences réalisées par l'avocat pour le compte de son client ; que la preuve de la réalité des diligences étant libre, elle peut être rapportée au seul moyen de factures établies par l'avocat ; qu'en l'espèce, en considérant que, faute de comporter l'en-tête de M. [R], le montant HT et TTC des honoraires et une numérotation, les factures produites n'étaient pas de nature à rapporter la preuve des diligences accomplies par l'avocat et qu'il aurait dû verser aux débats d'autres éléments permettant d'apprécier la réalité de ces diligences, le premier président a violé l'
article 1315 devenu 1353 du code civil🏛 ensemble l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;
2°) ALORS QUE, si les juges du fond apprécient souverainement d'après les conventions des parties et les circonstances de la cause le montant de l'honoraire dû à l'avocat, il ne leur appartient pas de le réduire dès lors que le principe et le montant de l'honoraire ont été acceptés comme le démontrent le paiement partiel des honoraires et la demande d'un délai de paiement pour le solde par le client et ce, même en l'absence d'une convention d'honoraires ou d'éléments justificatifs ; qu'en l'espèce, M. [R] faisait valoir, pour les dossiers menés au profit de Mme [S] à partir de 2012, que cette dernière avait accepté d'en payer une partie en envoyant, à cet effet, un chèque de 300 euros à l'ordre de M. [R] le 14 novembre 2016 et en demandant concomitamment un délai de paiement pour régler le solde et il en justifiait par la production de pièces ; qu'en ne recherchant pas si Mme [S] n'avait pas accepté le principe et le montant des honoraires demandés par M. [R] pour les diligences accomplies à partir de 2012, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛.
SECOND MOYEN DE CASSATION
M. [R] FAIT GRIEF à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé, pour les dossiers de 2016 à 2019, « Société nationale immobilière », « Caisse d'épargneIle-de-France » et « Team Concept », à la somme de 39 506,94 euros TTC seulement les honoraires dus par Mme [Ab] [S] à M. [R] en refusant de dire Mme [S] redevable de la somme de 2 000 eu titre des frais prévus par la convention d'honoraires du 19 mai 2016 et de la somme de 5 290 euros au titre de la procédure d'appel dans le dossier « Team Concept » ;
1°) ALORS QUE la convention d'honoraires conclue entre M. [R] et Mme [S] prévoyait expressément à l'article 2 (voir Prod. n° 4), au profit de M. [R], une « participation forfaitaire pour frais de téléphone, correspondance, photocopie, assistance, recherche, consultations, etc. » de « 3 000 euros » et mentionnait que « Madame [S] a versé un acompte de 1 000 euros » ; qu'en retenant, toutefois, que les frais dont M. [R] estimait que Mme [S] lui était redevable à hauteur de 2 000 euros ne seraient pas pris en considération en l'absence de justification des frais engagés, le premier président a violé l'
article 1134 devenu 1103 du code civil🏛, ensemble l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;
2°) ALORS QUE la convention d'honoraires prévoyait, en page 2, qu'en cas d'appel du jugement du tribunal de grande instance de Meaux, « les frais et honoraires de Me [R] lui sont acquis. Les deux parties doivent s'entendre sur les frais et honoraires d'appel (s'agissant d'un nouveau procès) » ; qu'il en résultait que Mme [S] avait accepté le principe d'un honoraire en cas d'appel dont il appartenait au premier président de la cour d'appel de fixer le montant au vu des éléments du dossier ; que M. [R] se prévalait de l'accord donné par Mme [S] pour lui verser 5 290 euros au titre de la procédure d'appel après l'avoir finalement confiée à un autre avocat ; qu'en exigeant la preuve préalable par M. [R] de l'effectivité de ses diligences et en disant que Mme [S] n'était redevable d'aucun honoraire au titre de la procédure d'appel dont elle n'a pas contesté l'existence, le premier président a violé l'
article 1134 devenu 1103 du code civil🏛, ensemble l'
article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛.