Jurisprudence : CA Dijon, 14-05-2013, n° 11/02007, Infirmation

CA Dijon, 14-05-2013, n° 11/02007, Infirmation

A1987KEC

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HJ/BD
La société CUNNINGHAM LINDSEY EXPERT ... ... & SPECIAUX ( CLERIS)
Les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES
C/
Y DERIVET
Y X
Dominique Guy Daniel W
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE DIJON
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 MAI 2013

RÉPERTOIRE GÉNÉRAL N° 11/02007
Décision déférée à la Cour AU FOND du 06 JUIN 2011, rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE DIJON
RG 1ère instance 06/01771

APPELANTES
La société CUNNINGHAM LINDSEY EXPERT ... ... & SPECIAUX (CLERIS)
dont le siège social est LEVALLOIS-PERRET cedex
représentée jusqu'au 31 décembre 2011 par la SCP FONTAINE - TRANCHAND & SOULARD, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 et ultérieurement par Me Florent ..., avocat au barreau de DIJON
assistée de Me Sarah XERRI-HANOTTE, avocat au barreau de PARIS La S.A.S. Les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES dont le siège social est 8/10 rue Lamennais
75008 PARIS
représentée jusqu'au 31 décembre 2011 par la SCP FONTAINE - TRANCHAND & SOULARD, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 et ultérieurement par Me Florent ..., avocat au barreau de DIJON
assistée de Me Sarah XERRI-HANOTTE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS
Monsieur Michel YX
né le 22 Janvier 1938
domicilié
CORCELLES LES MONTS
Madame Denise YX
née le 22 Mai 1940
domiciliée
DIJON
représentés jusqu'au 31 décembre 2011 par la SCP ANDRE & GILLIS, avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 et ultérieurement par la SCP MERIENNE-RIGNAULT, avocat au barreau de DIJON
assistés de Me Gérard LEGRAND, avocat au barreau de LYON
Monsieur Dominique Guy Daniel W
domicilié
CHENOVE
représenté jusqu'au 31 décembre 2011 par Me Philippe ..., avoué à la Cour ayant cessé ses fonctions au 1er janvier 2012 par l'effet de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011 et ultérieurement par Me Claire ..., avocat au barreau de DIJON
assisté de Me Pierre-François VEIL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2013 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame ... chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de
Madame JOURDIER, Président de chambre, Président,
Monsieur PLANTIER, Conseiller,
Monsieur BESSON, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS Mme DETANG, ARRÊT rendu contradictoirement,
PRONONCE publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
SIGNE par Madame JOURDIER, Président de chambre, et par Madame DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
En avril 2002 et en mars 2004 Monsieur Michel YX et Madame Denise YX, commerçants approchant de leur retraite, ont investi par l'intermédiaire de Monsieur Dominique DEFENDI, conseiller en gestion de patrimoine, dans un placement collectif dénommé 'PHOENIX Managed Account, géré par la banque de droit allemand PHOENIX Kapitaldienst GmbH, une somme totale 161.980euros .
Le 15 mars 2005 l'office fédéral allemand de surveillance des prestataires de services financiers a dressé un constat de sinistre concernant cet établissement bancaire, en raison d'une vaste escroquerie découverte à la suite du décès accidentel de son actionnaire principal en avril 2004. Étant dans l'impossibilité de rembourser les investisseurs du fonds 'PHOENIX Managed Account', la banque PHOENIX Kapitaldienst GmbH a fait l'objet d'une procédure d'insolvabilité ouverte le 1er juillet 2005 par le Tribunal de Francfort (Allemagne). Dans ce cadre M. et Mme YX ont perçu une indemnisation partielle en vertu de la garantie plafonnée souscrite parallèlement aux contrats de placement.
Reprochant à Monsieur Dominique W d'avoir par des manquements à ses obligations d'information et de conseil, causé la perte du solde de leur placement, M. et Mme YX l'ont assigné devant le tribunal de grande instance de Dijon en paiement de la somme de 138.299,22euros outre intérêts. Le défendeur a appelé en garantie la société CUNNINGHAM LINDSEY EXPERTS RISQUES INDUSTRIELS ET SPECIAUX (ci-après la société CLERIS) recherchée comme assureur de sa responsabilité civile professionnelle. La société 'Les souscripteurs du LLOYD'S de LONDRES' (ci-après la société LLOYD'S ) est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur, exposant que la société CLERIS avait été assignée à tort.

Par jugement du 6 juin 2011 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Dijon a, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil
- Dit que Monsieur Dominique W a manqué à ses obligations d'information et de conseil à l'égard de Monsieur et Madame YX,
- Condamné Monsieur Dominique W à payer à Monsieur et Madame YX la somme de 121.980 Euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2005,
- Ordonné la capitalisation des intérêts,
- Dit bien fondé l'appel en garantie formé par Monsieur Dominique W à l'encontre des SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES,
- Condamné les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES à garantir Monsieur Dominique W de l'ensemble des condamnations prononcées contre lui dans le cadre de la présente procédure,
- Condamné Monsieur Dominique W à payer à la Compagnie SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES la somme de 6.098 Euros au titre de la franchise contractuelle,
- Rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- Condamné Monsieur Dominique W à payer à Monsieur et Madame YX la somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné Monsieur Dominique W aux dépens.

Par acte du 3 novembre 2011, la société LLOYD'S et la société CLERIS ont formé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 13 novembre 2012, les appelantes demandent à la Cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, et de
- prononcer la mise hors de cause de la société CLERIS,
- juger que la responsabilité de Monsieur Dominique W n'est pas engagée vis-à-vis de M. et Mme YX, en conséquence, débouter Monsieur W de sa demande de garantie,
- à titre subsidiaire juger que le plafond de garantie de 250.000euros par sinistre a déjà été consommé à hauteur de 143.103,02euros pour des garanties déjà accordées à deux autres personnes dans la même affaire,
- condamner Monsieur W à payer à la société LLOYD'S le montant de sa franchise contractuelle soit la somme de 6.098euros,
- condamner Monsieur W aux dépens et à lui payer la somme de 10.000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- enfin débouter M. et Mme YX de toutes leurs demandes à l'encontre de la société LLOYD'S.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 17 décembre 2012, Monsieur Dominique W, intimé et appelant à titre incident, demande à la cour d'infirmer le jugement du 6 juin 2011, de dire qu'aucune faute ne saurait être retenue à son encontre et de débouter M. Michel YX et Mme Denise YX de l'ensemble de leurs demandes, à titre subsidiaire de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les souscripteurs du Lloyd's de Londres à le garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en tout état de cause de condamner in solidum M. et Mme YX à payer à Monsieur Dominique W une somme de 10.000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner de même la société LLOYD'S et de condamner in solidum M. et Mme YX ainsi que la société LLOYD'S aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 26 octobre 2012, M. Michel YX et Mme Denise YX demandent à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, et statuant à nouveau de juger que Monsieur Dominique W a manqué à ses obligations de conseil et d'information à leur égard, en conséquence de condamner Monsieur Dominique W à payer 128.519,21euros à M. Michel YX et 19.723,95euros à Mme Denise YX, montant de leurs pertes, outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2005 et avec capitalisation, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les souscripteurs du Lloyd's de Londres à garantir Monsieur Dominique W de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en tout état de cause de condamner solidairement Monsieur Dominique W et les souscripteurs du Lloyd's de Londres aux dépens et à payer à M. Michel YX et à Mme Denise YX la somme de 5.000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 20 décembre 2012.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION
sur la mise hors de cause de la société CLERIS
Attendu tout d'abord qu'aucune des parties ne s'oppose à la demande de mise hors de cause de la société CLERIS, simple intermédiaire dans la gestion du sinistre, et assignée à tort par Monsieur Dominique W dont l'assureur est la société LLOYD'S ;
sur les fautes reprochées à Monsieur Dominique W
Attendu que dans le cadre de contrats d'adhésion signé par chacun d'eux en avril 2002, M. et Mme YX ont confié des fonds à la banque PHOENIX Kapitaldienst GmbH pour les placer dans le fonds commun 'PHOENIX Managed Account' conseillé par Monsieur Dominique W qui les assistait dans la gestion de leur patrimoine depuis plusieurs années
- Monsieur YX 69.980euros le 13 avril 2002 puis 70.000euros le 10 mars 2004, - Madame Denise YX 31.000euros le 22 avril 2002 ;
Que rien ne démontre que M. et Mme YX avaient demandé à Monsieur Dominique W un placement sûr de leur épargne de façon à se procurer un complément de retraite ; qu'au contraire dans les documents signés lors du premier versement de chacun, consistant en des imprimés à l'en-tête de la banque PHOENIX et intitulés 'rapports d'entretien', mention a été faite que leur objectif était la diversification de leurs placements, qu'ils avaient déjà conclu des opérations sur des marchés à terme (point 2) et déjà effectué d'autres investissements en valeurs mobilières (point 3), qu'ils possédaient des connaissances théoriques sur le fonctionnement des marchés à terme (point 4) et qu'ils avaient conscience des risques encourus, qu'enfin leurs attentes étaient 'plutôt normales' c'est-à-dire ni 'de nature spéculative', ni 'traditionnelles (favorisant la sécurité)' ;
Que même si comme le prétendent M. et Mme YX, ces 'rapports d'entretien' ont été remplis par leur conseiller, en y apposant leur signature, ils en ont approuvé le contenu et ne peuvent imputer à faute à Monsieur Dominique W les erreurs que ces questionnaires contiendraient ;
Attendu que dans les contrats d'adhésion que M. et Mme YX ne dénient pas avoir signés, ils ont reconnu dans un paragraphe spécialement approuvé, avoir reçu, lu et compris les documents suivants la brochure PHOENIX intitulée 'Managed Account', les conditions commerciales générales et les indications sur les risques ; qu'au point 5 des questionnaires précités ils ont aussi expressément répondu 'oui' à la question 'avez-vous bien pris conscience des risques encourus tels qu'expliqués dans la brochure 'PHOENIX 'Managed Account' ;
Attendu que dans les conditions commerciales sus-visées, la nature de l'opération est ainsi décrite 'placement de capitaux sur les marchés à terme ('futures' et options) pour le compte commun des clients à des fins spéculatives, en accordant la priorité à des ventes d'options';
Que la brochure (pièce 24 de Monsieur Dominique W ) décrit de façon détaillée les opérations de vente d'options, privilégiées par le fonds PHOENIX Managed Account, et contient une information claire et apparente sur le risque de perte partielle ou totale des capitaux investis, risque d'ailleurs inhérent à tout placement dès qu'il comporte une part de spéculation sur les cours boursiers ;
Qu'ainsi M. et Mme YX, qui avaient déjà des placements immobiliers (plus d'un million d'euros pour M. YX) et mobiliers (par exemple 150.000euros pour M. YX en assurances vie AXA 'figures libres' c'est-à-dire répartis sur différents supports en unités de compte donc comportant aussi une part de risque) sont mal fondés à soutenir qu'ils n'ont pas été informés des risques encourus en plaçant une partie de leur épargne sur le fonds PHOENIX ;
Attendu qu'à la date des versements de M. et Mme YX (avril 2002 et mars 2004), ni la banque allemande, ni son produit ne donnait lieu à des suspicions particulières ; que ce placement affichait depuis plusieurs années des rendements intéressants, de l'ordre de 12% comme annoncé par Monsieur Dominique W selon M. et Mme YX, ce qui n'est pas en soi révélateur de fraude ; que la note d'avertissement de la COB parue en 1998 mettait en garde les investisseurs non sur des risques anormaux concernant le fonds PHOENIX Managed Account, mais seulement sur le défaut d'agrément en France de l'intermédiaire Alpha Capital Service GmbH ; que de plus Monsieur Dominique W établit (pièce 26) que le 11 janvier 2002 l'office fédéral de contrôle de la profession bancaire écrivait à la Banque de France que les sociétés PHOENIX Kapitaldienst et Alpha Capital ... étaient des établissements d'investissement agréés en République fédérale d'Allemagne et qu'elles avaient l'intention de proposer en France leurs services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières en application de l'article 18 de la directive 93/22/CEE ; qu'aucune imprudence ne peut donc être reprochée à Monsieur Dominique W pour avoir proposé ce placement à ses clients ;
Que par conséquent il n'est démontré, ni que Monsieur Dominique W n'a pas respecté les attentes de ses clients, ni qu'il a manqué à son devoir d'information et de conseil ;
Attendu qu'au surplus la perte subie par M. et Mme YX a pour origine les malversations d'au moins un dirigeant de la banque PHOENIX Kapitaldienst ; qu'il ne peut pas être reproché à Monsieur Dominique W de ne pas avoir détecté la fraude que même les autorités de contrôle allemandes n'avaient pas découverte avant l'année 2005 ;
Attendu que dans ces conditions le jugement déféré doit être infirmé, et les demandes de M. et Mme YX rejetées, et avec elles toutes les autres demandes fondées sur une reconnaissance de la responsabilité de Monsieur Dominique W ;
Attendu que les parties perdantes doivent supporter tous les dépens, à l'exception cependant de ceux afférents à l'intervention de la société CLERIS qui doivent être assumés par Monsieur Dominique W qui l'a attraite dans la cause ;
Qu'en équité il n'y a pas lieu de condamner M. et Mme YX au titre des frais non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau
MET hors de cause la société CUNNINGHAM LINDSEY EXPERTS RISQUES INDUSTRIELS ET SPECIAUX (la société CLERIS) ;
CONDAMNE Monsieur Dominique W aux dépens afférents à la mise en cause de celle-ci et à ses suites ;
DIT que la responsabilité de Monsieur Dominique W dans les pertes subies par M. et Mme YX sur les fonds confiés à la société PHOENIX Kapitaldienst GmbH n'est pas établie ;
En conséquence REJETTE toutes les demandes de M. Michel YX et Mme Denise YX, et toutes les demandes consécutives des autres parties ;
DIT n'y avoir lieu de prononcer une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Michel YX et Mme Denise YX aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception de ceux exposés par la société CLERIS qui doivent être supportés par Monsieur Dominique W.
Le greffier, Le président,

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