IC/YR
4° chambre sociale
ARRÊT DU 15 Mai 2013
Numéro d'inscription au répertoire général 11/07387
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour Jugement du 19 OCTOBRE 2011 TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE
N° RG11/172
APPELANT
Monsieur Houmad Z
SETE
Représenté par Maître SARRAZIN Jean-Noël de la SCP TEISSEDRE SARRAZIN (avocat au barreau de MONTPELLIER)
INTIMÉS
Monsieur Serge Y Y
FRONTIGNAN
Représenté par Maître PORTE Alain substituant Maître ... avocat au barreau de MONTPELLIER
INTERVENANT VOLONTAIRE
Syndicat FORCE OUVRIÈRE DES MARINS PECHEURSDE MEDITERRANEE pris en la personne de son représentant légal
SETE
Ni comparant ; ni représenté
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 MARS 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Mme Françoise CARRACHA, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Madame Isabelle CONSTANT
ARRÊT
- réputé contradictoire à l'égard de tous ;
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
M. Hoummad Z, matelot de catégorie 04 et de nationalité marocaine, a embarqué successivement
· Sur le thonier 'Anne Antoine ...' dont le patron armateur est M. Serge Di Y,
· en 2005 12 mois,
· en 2006 4 mois 4 jours,
· Sur le navire 'Safa', en 2006 2 mois 24 jours ;
· Sur le thonier 'Anne ... II",
· en 2006 4 mois 15 jours supplémentaires ;
· en 2007 9 mois 26 jours ;
· en 2008 6 mois 9 jours ;
· en 2009 5 mois 10 jours ;
· en 2010 25 jours.
Par lettre recommandée AR du 3 janvier 2011, M. Z mettait M. Di Y en demeure de faire droit à ses demandes puis saisissait l'administrateur du quartier des affaires maritimes de Sète qui constatait, aux termes d'un procès-verbal dressé le 9 février 2011, la non-conciliation des parties.
M. Z saisissait alors le tribunal d'instance de Sète qui, par jugement rendu le 19 octobre 2011, le déboutait de l'intégralité de ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 27/10/2011,
M. Z interjetait appel de cette décision.
M. Z conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour, statuant à nouveau de condamner M. Di Y à
· Lui délivrer les bulletins de salaires et documents salariaux pour les années 2006, 2007,2008,2009,2010,
· Déclarer à l'Enim la totalité des services pour les périodes travaillées et lui enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de payer les cotisations correspondantes savoir
- 2007 début d'activité le 1er mars et non le 3 avril,
- 2008 début d'activité le 1er mars et non le 28 mars,
- 2009 début d'activité le 1er mars et non le 23 avril,
· Lui payer la somme de 9646,20 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur la base de six mois de SMIC maritime,
· Lui payer les salaires sur la base du SMIC maritime pour la période du 1er mars 2008 au 26 juillet 2008, soit 7 896 eurossous déduction d'un l'acompte de 3 442 euros, outre l'indemnité compensatrice de congés payés de 789 euros pour 2008 et le règlement de l'indemnité de congés payés sur la base de trois jours par mois de service pour les années 2005 à 2010,
· Sauf pour M. Di Y de communiquer, en application des dispositions de l'article 33 du code du travail maritime, tout justificatif du calcul de la rémunération à la part à savoir outre l'ensemble de sa comptabilité pour les années 2007-2008-2009-2010, d'avoir à produire toutes les factures de frais allégué et l'ensemble des justificatifs de recettes (T2m) et quotas du navire, subventions reçues, indemnités compensatrices de carburant ou autres indemnités ou recettes liées aux campagnes de pêche 2007 à 2010 inclus, avec la totalité de ses relevés bancaires sur les comptes bancaires en France et à l'étranger, le condamner à lui payer à titre de 'complément de part' les sommes suivantes
· 2008 28'207 euros
· 2009 8 871 euros
· 2010 8 696 euros,
· Vu les ruptures abusives du contrat de travail, condamner M. Di Y à lui payer
· 3158,40 euros de préavis
· 30'000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
· 1600 euros de dommages-intérêts pour non respect de la procédure,
· Lui payer 2000 euros dont Me ... pourra poursuivre personnellement le
recouvrement en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir principalement à l'appui de ses demandes qu'il a été engagé sans détermination de durée, que l'employeur ne lui a jamais remis de bulletin de salaire alors qu'en aucun cas les attestations de salaire forfaitaire ne peuvent s'y substituer ce qui justifie la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, que le paiement à la part n'exclut pas l'application du minimum garanti qui constitue un plancher de rémunération et qu'il a été licencié sans motif.
M. Di Y conclut à la confirmation du jugement déféré sauf à préciser la prescription des demandes pour la période antérieure au 12 mars 2006, à l'absence de travail dissimulé et de contrat à durée indéterminée, au débouté des demandes en rappel de salaires en l'état des services du marin établis, signés et validés par le contrôleur des affaires maritimes en fonction des saisons effectivement travaillées sur le thonier, les déclarations de revenus étant faites sur le seul montant forfaitaire de sa catégorie sans considération du montant de la part dont il bénéficiait, au débouté de l'ensemble des demandes et à la condamnation de l'appelant à lui payer 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Le syndicat FO des marins pêcheurs de Méditerranée ne comparaît pas ni personne pour lui bien qu'il ait eu régulièrement connaissance de la lettre de convocation adressée par le greffe.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur la prescription.
Il est constant que la saisine de l'administrateur des affaires maritimes n'est pas interruptive de prescription et que seule la citation du 10 mars 2011 l'est, ce qui entraîne l'irrecevabilité des demandes pour les périodes antérieures au 11 mars 2006.
Sur les relations contractuelles.
M. Z soutient qu'il était embauché en contrat à durée indéterminée au vu d'un " Contrat d'engagement maritime à la part " daté du 11/04/05 signé par les deux parties et qui indique notamment "L'armateur engage le marin à partir du 10/03/2005, pour servir à bord Anne Antoine ... pour une durée indéterminée".
L'employeur fait valoir qu'il a délivré ce document à la demande du salarié dans le cadre d'une demande de regroupement familial mais qu'il ne correspond pas à la situation réelle des parties.
Le premier juge relève exactement que la clause figurant dans ce premier contrat d'engagement maritime est contredite tant par les conditions d'exécution du contrat que par la pratique constante de la profession.
En effet M. Z n'établit pas l'exécution d'une prestation de travail pendant les périodes intermédiaires entre les campagnes de pêches successives durant lesquelles il a bénéficié d'indemnités de chômage.
Il est constant en outre que la pêche au thon rouge, activité unique du navire ' Anne Antoine ...' armé par l'intimé, est une activité saisonnière encadrée par une réglementation stricte et impérative fixant de manière précise les dates de début et de fin de campagne et imposant des quantités limitées de prises, pour laquelle il est d'usage de ne pas recourir à des contrats de travail à durée indéterminée.
En dépit de la mention figurant sur le contrat d'embarquement du 11/4/2005, auquel l'engagement le 5 mai 2006 sur un navire dépendant d'un armateur différent a en toute hypothèse mis fin, les relations contractuelles entre les parties se sont en conséquence poursuivies dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée correspondant aux périodes réglementaires de pêche dont le refus de renouvellement ne peut être assimilé à un licenciement, alors que M. Di Y a fait l'objet, par décision du ministre de l'agriculture et de la pêche du 30 avril 2008, d'un retrait du permis spécial pour la pêche au thon rouge.
Sur la rémunération.
Il est constant que les relevés d'embarquement attestent des périodes travaillées, lesquelles sont reportées sur le livret du marin que chaque matelot doit faire mettre à jour auprès de l'administration des affaires maritimes.
Le livret du marin précisant les services réalisés d'une part et le rôle d'équipage tenu par l'administration des affaires maritimes d'autre part suffisent pour le calcul des cotisations et la liquidation des droits notamment à la retraite qui s'effectue dans tous les cas sur la base d'un salaire forfaitaire fixé pour chaque catégorie par décret, quel que soit le montant des revenus effectifs.
M. Z produit les attestations de salaires qui lui ont été remises, qui sont conformes aux relevés des affaires maritimes et n'ont fait l'objet d'aucune discussion avant l'immobilisation du navire.
Il ne justifie pas avoir travaillé en dehors des périodes mentionnées sur son livret maritime, validé par le contrôleur des affaires maritimes, et ne prouve ni n'offre de prouver que les rémunérations qu'il a reçues et qui n'ont fait l'objet d'aucune contestation lors du calcul et de l'attribution des parts à son profit ne correspondait pas au travail effectué ou correspondait à une rémunération inférieure au SMIC maritime.
En l'absence de commencement de preuve du bien-fondé de ses demandes en rappel de salaires, il n'est pas fondé à solliciter la communication de la comptabilité de l'entreprise sur plusieurs années alors même que les bilans communiqués confirment les chiffres produits par l'employeur, une mesure d'instruction ne pouvant être ordonnée dans le seul but de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.
Sur le travail dissimulé.
La dissimulation d'emploi salarié prévu par l'article L8221-5, 2° du code du travail n'est caractérisé que s'il est établi que l'employeur s'est, de manière intentionnelle, soustrait à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L3243-2 du code du travail relatif à la délivrance d'un bulletin de paie.
D'évidence la réglementation spécifique applicable aux conditions d'embarquement et de débarquement des marins sous le contrôle de l'administration des affaires maritimes, à laquelle il est établi que l'employeur a satisfait, lui permettait légitimement de penser qu'il avait satisfait à ses obligations en l'absence de toute demande de délivrance de bulletins de salaire de la part du salarié.
Il y a lieu en conséquence, confirmant en cela le jugement déféré, de débouter M. Z de l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour ;
Confirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal d'instance de Sète le 19 octobre 2011, sauf à préciser que les demandes antérieures au 11 mars 2006 sont irrecevables du fait de la prescription ;
Rejette les demandes principales et incidentes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. Z aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,