Jurisprudence : Cass. crim., 14-05-2013, n° 11-86.626, FS-P+B, Cassation

Cass. crim., 14-05-2013, n° 11-86.626, FS-P+B, Cassation

A5105KDG

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Cass. crim., 14-05-2013, n° 11-86.626, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8212499-cass-crim-14052013-n-1186626-fsp-b-cassation
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Abstract

Aux termes d'un arrêt rendu le 14 mai 2013, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé, une fois encore, que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence, à défaut la cassation est encourue (Cass. crim., 14 mai 2013, n° 11-86.626, FS-P+B ; voir déjà, en ce sens, Cass. crim., 7 mars 2012, n° 11-88.739, F-P+B et cf. l’Ouvrage "Procédure pénale").



No M 11-86.626 FS P+B No 2370
GT 14 MAI 2013
CASSATION
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par
- Mme Martine Z, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de BORDEAUX, en date du 9 août 2011, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef de violation du secret de l'instruction, a prononcé l'annulation d'actes de la procédure et confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 avril 2013 où étaient présents M. Louvel président, M. Straehli conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Maziau, Barbier, Talabardon conseillers référendaires ;
Avocat général M. Berkani ;
Greffier de chambre Mme Couffrant ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BERKANI, l'avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;
Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-4 du code pénal, 56-2, 60-1, 99-3, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné l'annulation des cotes E 9, E 10, E 11 à E 14 (réquisitions adressées par les policiers aux opérateurs de téléphonie) et la cancellation subséquente de certains passages aux cotes E 5 et E 18 ;
"aux motifs que, par commission rogatoire du 12 novembre 2009, en exécution de l'arrêt de la chambre de céans du 22 octobre précédent ordonnant un supplément d'information, le juge d'instruction délégué a saisi l'inspection générale de la police nationale aux fins de requérir les différents opérateurs téléphoniques aux fins de déterminer de quelles lignes téléphoniques étaient titulaires MM. ... et ..., journalistes du quotidien Sud-Ouest, entre les 20 janvier et 5 février 2007, d'obtenir les facturations détaillées correspondant à ces numéros et de retranscrire les CD Roms des factures détaillées obtenues dans le cadre des commissions rogatoires précédentes ; que figurent au dossier de la procédure (cote E 9, annexe 8, et E 10, annexe 1 à 6) les procès-verbaux des 6 août 2010 et 11 août 2011 auxquels sont jointes les retranscriptions des appels émis et reçus par les journalistes pour la période du 22 janvier au 5 février 2007 ainsi que les diverses réquisitions adressées par les policiers aux opérateurs de téléphonie afin d'obtenir la facturation détaillée de lignes attribuées à ces journalistes (E 11 à E 14) ; que la loi du 4 janvier 2010 a tendu à renforcer la protection des sources des journalistes ; que l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 énonce à présent " il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi " ; qu'il sera rappelé que la Cour européenne des droits de l'homme, depuis longtemps et de manière constante, en soulignant que la liberté d'expression représente l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et que les garanties accordées à la presse revêtent une importance particulière, considère que la protection des sources journalistiques constitue l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse et que toute ingérence, toute atteinte ou toute limitation apportée à la confidentialité des sources des journalistes ne saurait se concilier avec l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, d'où résulte le droit pour un journaliste de ne pas révéler ses sources, que si elle se justifie par un impératif prépondérant d'intérêt public et qu'elle est nécessaire, que la restriction est proportionnelle au but légitime poursuivi (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume Uni, no39 et s.; 25 février 2003, Roemen et Schmit c/ Luxembourg, no46 à 60 ; 15 juillet 2003, Ernst c/ Belgique ; 27 février 2008 Tillack c/ Belgique, no53 à 68, Sonoma Uitgevers c/ Pays Bas, 14 septembre 2010 no 90 à 100) ; qu'ainsi que le rappelle également la Cour européenne, le droit des journalistes à taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui leur serait accordé en fonction de la licéité ou de l'illicéité des sources mais représente un véritable attribut du droit à l'information, à traiter avec la plus grande circonspection (Tillack c/ Belgique précité no 65) ; qu'elle ajoute que l'autorité publique doit démontrer que la balance des intérêts en présence, à savoir, d'une part, la protection des sources, pierre angulaire de la liberté de la presse dans une société démocratique, d'autre part, la prévention et la répression d'infractions, a été préservée (décisions précitées) ; que la méthode d'analyse dont a usé la Cour européenne des droits de l'homme, dans ses décisions précitées (Goodwin, § 45, Roemen § 58 précités), a consisté à déterminer avec une particulière circonspection si, in concreto, " la balance des intérêts en présence, à savoir, d'une part, la protection des sources et de l'autre, la prévention et la répression d'infractions, a été préservée", cette juridiction ajoutant que " les considérations dont les institutions de la Convention doivent tenir compte font pencher la balance des intérêts en présence en faveur de la défense de la liberté de la presse dans une société démocratique ; que le législateur, s'inspirant des principes énoncés par la Cour européenne, a entendu protéger les sources des journalistes des atteintes tant directes qu'indirectes, comme celles consistant pour un magistrat à rechercher l'origine des informations détenues par un journaliste en recourant à des réquisitions pour obtenir ses relevés téléphoniques mettant en évidence les personnes avec lesquelles il a été en contact et qui ont constitué de possibles sources ; que les travaux parlementaires ont abordé expressément l'utilisation de ce procédé qui ne peut être légitimement motivée que par un impératif prépondérant d'intérêt public et justifiée par la nécessité d'une telle mesure, ces deux conditions étant cumulatives ; que le législateur a entendu également faire figurer dans l'article 2 précitée in fine, l'interprétation qu'il entendait donner à ces exigences en précisant, qu'au cours d'une procédure pénale, il devait être tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte portée à la protection des sources, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigations envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ; qu'en outre, il a complété l'article 60-1 du code de procédure pénale d'une disposition sanctionnant par la nullité le versement au dossier des éléments obtenus par une réquisition qui serait prise en violation de l'article 2 de la loi sur la liberté de la presse ; qu'en l'espèce, l'instruction a été ouverte par le procureur de la République du chef de violation du secret de l'instruction à la suite de la plainte déposée par Mme Z, laquelle déduisait de l'examen comparatif de la chronologie de son placement en garde à vue et de celle des articles parus dans le journal Sud-Ouest que les informations publiées par les journalistes sur l'objet et le déroulement de l'enquête ne pouvaient provenir que de policiers ou de magistrats ; que les réquisitions, qui avaient pour objet de porter indirectement mais nécessairement une atteinte au droit éminent des journalistes concernés à ne pas révéler leurs sources, ont donc été délivrées dans le cadre d'une information ouverte à partir des seules conjectures d'une plainte invoquant des " fuites " d'informations relatives à un placement en garde à vue et au déroulement de l'enquête ; qu'à supposer que la répression d'une infraction pénale soit toujours considérée comme un but légitime, il convient de souligner qu'en l'espèce, les actes ont porté sur la dénonciation par un particulier de la simple probabilité de la commission d'un délit de violation du secret de l'instruction, déduite de la succession à délai très rapproché d'un placement en garde à vue et d'informations parues dans la presse ; que, dans un tel contexte, la première condition à la légalité d'une atteinte portée au secret des sources, telle que l'a fixée restrictivement le législateur, à savoir l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public qui la justifie, n'a pas été remplie ; qu'il sera surabondamment fait observer que, pour apprécier la proportionnalité des mesures envisagées au but légitime poursuivi, le législateur a également précisé qu'il devait être tenu compte, non seulement de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la prévention ou répression de cette infraction mais encore du fait que les mesures d'investigations envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité ; qu'en l'espèce, l'atteinte portée au droit fondamental à la protection des sources des journalistes, pierre angulaire de la liberté de la presse dans une société démocratique, apparaît en tout état de cause disproportionnée, dès lors qu'elle a été commise à partir de simples suppositions des parties civiles sur une violation du secret de l'instruction échafaudées sur la base des seuls éléments ci-dessus rapportés ; qu'elle ne répond pas à l'exigence de proportionnalité posée tant par la Cour européenne des droits de l'homme que par le législateur interne ; qu'en conséquence, les réquisitions visant à des investigations sur les téléphones des journalistes précités, qui ont été prises sans leur accord, en violation manifeste tant de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme que de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, doivent être annulées ; que l'annulation prononcée s'étendra à tous les éléments dont elles sont le support nécessaire ;
"1) alors que l'application immédiate de la loi nouvelle est sans effet sur la validité des actes accomplis conformément à la loi ancienne ; que l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, et les dispositions selon lesquelles "à peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition prise en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse", sont issues de la loi no 2010-1 du 4 janvier 2010 ; qu'en annulant les réquisitions adressées aux opérateurs de téléphonies, effectuées en exécution de commissions rogatoires des 29 mars 2007, 23 janvier 2008 et 12 novembre 2009, et les retranscriptions subséquentes, aux motifs que ces réquisitions avaient été prises en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 issu de la loi du 4 janvier 2010, et sans l'accord des journalistes, la chambre de l'instruction a violé l'article 112-4 du code de procédure pénale ;
"2) alors que s'agissant de réquisitions adressées non aux journalistes eux-mêmes, mais à des tiers non visés par les articles 56-1 à 56-3, l'accord de ces journalistes n'était pas requis ; qu'en se fondant sur le fait que les réquisitions adressées aux opérateurs de téléphonie avaient été prises sans l'accord des journalistes pour les annuler, la chambre de l'instruction a violé les articles 99-3, 60-1, alinéa 2, et 56-2 du code de procédure pénale ;
"3) alors que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs, que l'arrêt ne peut, sans se contredire, retenir que les réquisitions avaient été délivrées à partir de simples conjectures ou suppositions d'une violation du secret de l'instruction de la part de la partie civile tout en constatant qu'entre le début de la garde à vue le 22 janvier 2007 à 10h 05, et la fin de la garde à vue le 24 janvier à 10 heures, c'est-à-dire en un temps - qui était celui exclusivement visé par la plainte - où la procédure était confinée entre les mains des services de la police et des magistrats, le journal Sud-Ouest avait publié des éléments précis de l'enquête tels que la description du cadre de l'enquête, de la plainte initiale, de son auteur, le nom des personnes gardées à vue, l'évocation de la prolongation de la mesure de garde à vue et la mention de la longueur des auditions, puis, dans son édition du 25 janvier, de nouveaux éléments très précis (contenu d'écoutes téléphoniques, résultat des perquisitions, aveux de certains mis en causes, annonce du contenu des réquisitions tendant à la mise en examen et au placement en détention provisoire) ;
"4) alors que toute plainte est par essence conjecturale et doit être vérifiée par des mesures d'enquête ; qu'en l'espèce, la partie civile avait pris soin de circonscrire l'objet de sa plainte à la publication, dans plusieurs éditions, d'éléments précis de l'enquête en un temps où la procédure était confinée entre les mains des services de la police et des magistrats, de sorte qu'il ne s'agissait plus que d'identifier l'auteur de la fuite ; qu'en statuant par des motifs qui subordonnent en définitive l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public justifiant la délivrance des réquisitions litigieuses à la démonstration préalable, par la partie civile, de l'identité de l'auteur des faits dénoncés, la chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant ;
"5) alors que sont justifiées par un impératif prépondérant d'intérêt public tiré de la répression et de la prévention des infractions, de la protection de la présomption d'innocence et de l'impartialité du pouvoir judiciaire, et sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi, les réquisitions, limitées dans le temps, adressées à des opérateurs de téléphonie, à l'effet d'identifier les sources de journalistes, dès lors qu'elles ont été autorisées par un juge d'instruction, dans le cadre d'une plainte pour violation du secret de l'instruction dénonçant la divulgation par voie de presse, au fur et à mesure de sa progression, d'éléments précis de l'enquête en un temps parfaitement circonscrit - celui de la garde à vue - où la procédure était confinée entre les mains des services de la police sous le contrôle d'un juge d'instruction, et alors que les journalistes entendus s'étaient retranchés derrière le secret des sources, et que les auditions des policiers comme l'exploitation de la facture détaillée du standard téléphonique du commissariat n'avaient rien donné, de sorte que l'identification des auteurs de l'infraction passait nécessairement par cette mesure d'investigation ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble, à les supposer applicables, les dispositions de l'article 2 nouveau de la loi sur la liberté de la presse issues de la loi du 4 janvier 2010" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 22 janvier 2007, les services de police, agissant sur commission rogatoire d'un juge d'instruction saisi de faits de vol contre personne non dénommée, ont procédé, notamment, à des perquisitions au domicile et au cabinet de Mme ...- Boudard, avocat ; que celle-ci a été placée en garde à vue le 22 janvier 2007 à 10 h 05, puis déférée devant le juge d'instruction, qui l'a mise en examen, le 25 janvier 2007 ;
Attendu que, le 23 janvier 2007 au matin, le journal Sud-Ouest a publié un article intitulé "Trois notables en garde à vue" dans lequel Mme Z était désignée ; que, dans son édition du lendemain, puis dans celle du 25 janvier 2007, de nouvelles précisions ont été apportées concernant, notamment, le déroulement de sa garde à vue ;
Attendu que Mme Z a porté plainte auprès du procureur de la République du chef de violation du secret de l'instruction, en soutenant que des révélations avaient été faites par la presse à un moment où la procédure n'était connue que du juge d'instruction et des officiers de police judiciaire agissant sur sa délégation, toutes personnes soumises à ce secret ; que, le 20 février 2007, ce magistrat a ouvert une information visant la plainte de Mme Z, qui s'est constituée partie civile ;
Attendu que le juge d'instruction saisi a procédé ou fait procéder à de nombreux actes tendant à l'identification des auteurs d'une éventuelle violation du secret de l'instruction ; que, notamment, par commission rogatoire du 23 janvier 2008, il a ordonné que soient produites les facturations détaillées des numéros de téléphone communiqués par plusieurs journalistes concernés ou tout autre numéro qui leur était attribué pour la période comprise entre le 20 janvier et le 5 février 2007 et demandé que soient identifiés les titulaires des numéros entrants ou sortants ; que ce magistrat a donné mission au délégataire de déterminer si les journalistes avaient été en contact avec les fonctionnaires de police mis en cause par la partie civile au moment de la commission des faits ; que des réquisitions à cette fin ont été adressées aux opérateurs téléphoniques et qu'un cédérom crypté a été versé au dossier, comprenant les facturations détaillées des abonnements de quatre journalistes, rédacteurs des articles en cause ;
Attendu que, le 24 avril 2009, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, dont Mme Z a interjeté appel ; que, par arrêt du 22 octobre 2009, la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information, tendant notamment à la communication de relevés de factures détaillées des journalistes concernés et à la transcription des cédéroms déjà versés au dossier ; que les juges d'instruction commis ont délivré une commission rogatoire à cette fin, exécutée au mois d'août 2010, et ont procédé à différentes auditions avant de faire retour de la procédure à la chambre de l'instruction ;
Attendu que cette juridiction, après avoir prononcé l'annulation d'actes de la procédure effectués en exécution du supplément d'information, a confirmé l'ordonnance de non-lieu ;
Attendu que, pour annuler les réquisitions tendant à l'exécution d'investigations destinées à déterminer les lignes téléphoniques attribuées à des journalistes et les facturations détaillées correspondant à ces lignes, ainsi que les actes en étant le support nécessaire, l'arrêt retient que ces réquisitions ont été prises, sans l'accord des journalistes, en violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881, dans sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 2010 ; que les juges ajoutent que lesdites réquisitions, qui avaient pour objet de porter atteinte au droit des journalistes concernés de ne pas révéler leurs sources, ont eu pour origine la dénonciation, par un particulier, de la simple probabilité de la commission d'un délit de violation du secret de l'instruction déduite de la succession à délai très rapproché d'un placement en garde à vue et d'informations parues dans la presse ; qu'ils en concluent qu'en l'espèce, l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public n'était pas avérée et que l'atteinte portée au secret des sources, à partir de simples suppositions des parties civiles, était disproportionnée ;
Mais attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, d'une part, sans mieux s'expliquer sur l'absence d'un impératif prépondérant d'intérêt public alors que la violation du secret de l'instruction reprochée imposait de rechercher les auteurs de cette infraction ayant porté atteinte à la présomption d'innocence, d'autre part, sans caractériser plus précisément le défaut de nécessité et de proportionnalité des mesures portant atteinte au secret des sources des journalistes au regard du but légitime poursuivi, et enfin, en faisant à tort référence à l'obligation d'obtenir l'accord des journalistes pour procéder aux réquisitions litigieuses alors qu'un tel accord n'est nécessaire que si ces professionnels sont directement requis de fournir des informations, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 9 août 2011, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
10
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze mai deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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