Jurisprudence : CE 1/6 SSR., 15-05-2013, n° 356054, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 1/6 SSR., 15-05-2013, n° 356054, mentionné aux tables du recueil Lebon

A3188KDG

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CE 1/6 SSR., 15-05-2013, n° 356054, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8210105-ce-16-ssr-15052013-n-356054-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


356054


SOCIETE ALTERNATIVE LEADERS FRANCE


M. Marc Pichon de Vendeuil, Rapporteur

M. Xavier de Lesquen, Rapporteur public


Séance du 22 avril 2013


Lecture du 15 mai 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Alternative Leaders France, dont le siège est 43, avenue Marceau à Paris (75116) ; la société Alternative Leaders France demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler la décision du 21 octobre 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire de 150 000 euros ;


2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu le code monétaire et financier ;


Vu la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ;


Vu l'ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011 ;


Vu le décret n° 2011-922 du 1er août 2011 ;


Vu l'arrêté du 18 mars 2008 portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;


Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, Maître des Requêtes en service extraordinaire,


- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;


La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Copper-Royer, avocat de la société Alternative Leaders France, et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;




1. Considérant que, par la décision du 21 octobre 2011 dont la Société Alternative Leaders France (ALF) demande l'annulation, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a infligé à cette dernière une sanction pécuniaire de 150 000 euros pour avoir fait preuve d'un défaut de diligence et de professionnalisme dans le contrôle des risques liés aux investissements dans deux fonds sous-jacents et pour n'avoir pas respecté les conditions auxquelles était subordonnée la délivrance de son agrément ; qu'elle a également décidé que sa décision serait publiée sur le site internet de l'AMF et dans le recueil des décisions de la commission des sanctions ;


Sur la régularité de la procédure et de la décision attaquée :


2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier : " Afin d'assurer l'exécution de sa mission, l'Autorité des marchés financiers effectue des contrôles et des enquêtes (.) " ; qu'en vertu de l'article L. 621-9-1 du même code : " Lorsque le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers décide de procéder à des enquêtes, il habilite les enquêteurs selon des modalités fixées par le règlement général. / Les personnes susceptibles d'être habilitées répondent à des conditions d'exercice définies par décret en Conseil d'Etat " ; que l'article L. 621-10 précise que : " Les enquêteurs peuvent, pour les nécessités de l'enquête, se faire communiquer tous documents, quel qu'en soit le support (.) et en obtenir la copie. Ils peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils peuvent accéder aux locaux à usage professionnel " ; que l'article L. 621-11 dispose : " Toute personne convoquée a le droit de se faire assister d'un conseil de son choix. Les modalités de cette convocation et les conditions dans lesquelles est assuré l'exercice de ce droit sont déterminées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes du I de l'article L. 621-15 : " Le collège examine le rapport d'enquête ou de contrôle établi par les services de l'Autorité des marchés financiers (.) / S'il décide de l'ouverture d'une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres (.) " ; qu'aux termes du IV de l'article R. 631-32 du même code : " Les ordres de mission sont établis par le secrétaire général qui précise leur objet et les personnes qui en sont chargées " ; que l'article R. 621-34 du même code précise que : " Dans le cadre de ses investigations, l'enquêteur présente son ordre de mission en réponse à toute demande " ; que l'article R. 621-35 du même code prévoit que : " Les enquêteurs peuvent convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. / La convocation est adressée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, remise en main propre contre récépissé ou acte d'huissier, huit jours au moins avant la date de convocation. Elle fait référence à l'ordre de mission nominatif de l'enquêteur établi par le secrétaire général ou son délégataire. Elle rappelle à la personne convoquée qu'elle est en droit de se faire assister d'un conseil de son choix (.) " ;


3. Considérant que le titre IV du livre Ier du règlement général de l'AMF est relatif aux contrôles et enquêtes de l'AMF ; que son chapitre 3, relatif aux contrôles des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, comporte les articles 143-1 à 143-3 qui précisent les conditions de déroulement de tels contrôles ; qu'aux termes de l'article 143-1 : " Pour s'assurer du bon fonctionnement du marché et de la conformité de l'activité des entités ou personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier aux obligations professionnelles résultant des lois, des règlements et des règles professionnelles qu'elle a approuvées, l'AMF effectue des contrôles sur pièces et sur place dans les locaux à usage professionnel de ces entités ou personnes " ; que l'article 143-3 prévoit que : " Lorsque le contrôle est effectué sur place, le secrétaire général délivre un ordre de mission aux personnes qu'il charge du contrôle. / L'ordre de mission indique notamment l'entité ou la personne à contrôler, l'identité du chef de mission et l'objet de la mission. Le chef de mission informe la personne concernée de l'identité des autres agents ou enquêteurs associés à la mission. / Les personnes chargées de la mission de contrôle indiquent à l'entité ou à la personne contrôlée la nature des renseignements, documents et justifications dont la communication est demandée (.) " ;


4. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que l'irrégularité du déroulement du contrôle administratif effectué par l'AMF préalablement à la saisine de la commission des sanctions a entaché d'illégalité la décision de sanction prise à l'issue de ce contrôle ; que, toutefois, si, lorsqu'elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code monétaire et financier, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le principe des droits de la défense, rappelé tant par l'article 6 § 1 de cette convention et précisé par son article 6 § 3 que par l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, s'applique seulement à la procédure de sanction ouverte par la notification de griefs par le collège de l'Autorité des marchés financiers et par la saisine de la commission des sanctions, et non à la phase préalable des enquêtes réalisées par les agents de l'Autorité des marchés financiers ; que, cependant, il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 2 et 3 que les enquêtes réalisées par les agents de l'Autorité des marchés financiers, ou par toute personne habilitée par elle, doivent se dérouler dans des conditions garantissant qu'il ne soit pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes auxquelles des griefs sont ensuite notifiés ; que, dans ces conditions et dès lors que la personne contrôlée peut, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte par la notification des griefs, consulter l'entier dossier de la procédure et faire valoir ses observations en réponse, le moyen tiré de ce que la procédure suivie a méconnu le principe du respect des droits de la défense ne peut qu'être écarté ;


5. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que le contrôle sur place dans les locaux à usage professionnel des entités ou personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier effectué par les enquêteurs de l'AMF soit précédé d'une information de la personne contrôlée ; que, dans ces conditions et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le caractère inopiné du contrôle aurait porté à la société en cause une atteinte irrémédiable aux droits de la défense dont elle a bénéficié à compter de la notification des griefs retenus à son encontre, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le contrôle décidé le 23 mars 2009 par le secrétaire général de l'AMF et opéré le lendemain 24 mars dans ses locaux professionnels serait irrégulier faute d'avoir été précédé d'une information préalable ; que la société n'est, par ailleurs, pas fondée à soutenir que la procédure prévue par l'article L. 621-12 du même code aurait dû être mise en œuvre ;


6. Considérant que la circonstance que la phase de contrôle se soit achevée par une réunion avec les dirigeants de la société ALF sans que ces derniers aient été informés du caractère final de cette réunion, et que les observations adressées par la société ALF en réponse au contrôle aient été seulement annexées au rapport de contrôle des agents de l'AMF, n'est pas non plus de nature à entacher d'irrégularité la procédure, les dispositions de l'article R. 621-36 du code monétaire et financier et de l'article 143-5 du règlement général de l'AMF, qui prévoient seulement une communication du rapport de contrôle à l'entité contrôlée et la possibilité donnée à cette dernière de présenter des observations en réponse à ce rapport, ayant été respectées ;


7. Considérant, en deuxième lieu, que, selon le I de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, en cas d'ouverture d'une procédure de sanction, le collège de l'Autorité des marchés financiers " notifie les griefs aux personnes concernées " et " transmet la notification des griefs à la commission des sanctions " ; que, dès lors que la notification des griefs émane d'un organe distinct de la commission des sanctions, il ne saurait être utilement soutenu, à l'appui d'une demande d'annulation de la décision de sanction prise par cette dernière, qu'en tenant pour établis les faits dont elle faisait état et en prenant parti sur leur qualification, cette notification aurait constitué un pré-jugement de l'affaire entachant la décision de sanction de méconnaissance du principe d'impartialité rappelé au premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du I de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier : " Le président de la commission des sanctions attribue l'affaire soit à cette dernière soit à l'une de ses sections. Il désigne le rapporteur. Celui-ci procède à toutes diligences utiles. Il peut s'adjoindre le concours des services de l'Autorité des marchés financiers. La personne mise en cause et le membre du collège mentionné au troisième alinéa du I de l'article L. 621-15 (.) peuvent être entendus par le rapporteur à leur demande ou si celui-ci l'estime utile. Le rapporteur peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile " ; que lorsqu'un membre de la commission des sanctions, désigné en qualité de rapporteur par le président de la commission des sanctions, est remplacé par un autre membre de la commission après avoir été appelé à d'autres fonctions, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'impose au nouveau rapporteur de reprendre l'instruction de l'affaire depuis l'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les droits de la société ALF auraient été méconnus lors de la phase d'instruction du dossier du fait de la désignation d'un nouveau rapporteur en cours d'instruction ne peut qu'être écarté, alors, au surplus, que la société ALF a, en l'espèce, été informée de la nomination du nouveau rapporteur et de la faculté de demander à être à nouveau entendue par lui, ce qu'elle s'est abstenue de faire ;


9. Considérant, en quatrième lieu, que si la société requérante soutient qu'un membre de la commission des sanctions avait avec elle un lien tel qu'il faisait obstacle à ce qu'il pût participer à la délibération par laquelle la commission des sanctions a apprécié la responsabilité de la société au regard des faits qui lui étaient reprochés, elle n'apporte pas d'élément de nature à étayer cette allégation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité doit être écarté ;


Sur le bien-fondé de la décision attaquée :


En ce qui concerne les manquements reprochés :


10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : " La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; / b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 " ;


11. Considérant que l'activité dite de " multigestion alternative " exercée par la société sanctionnée a pour finalité, dans le cadre de stratégies de gestion d'actifs, de rechercher une performance " décorrélée " des indices de marché ; qu'elle consiste à créer puis à gérer des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) qui investissent dans des fonds sous-jacents, connus sous la dénomination " hedge funds ", dont la gestion déroge aux principes classiques de répartition des risques ;

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