ARRÊT N°
R.G 11/04925
OT/CM
TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DU VAUCLUSE
du 29 septembre 2011
SA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DES PRODUITS RÉFRACTAIRES (SEPR)
C/
CPAM DU VAUCLUSE SERVICE JURIDIQUE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 07 MAI 2013
APPELANTE
SA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DES PRODUITS RÉFRACTAIRES (SEPR)
inscrite au RCS de NANTERRE sous le n° B 305756413
prise en la personne de son représentant légal en exercice
Les Miroirs de la Défense 3
COURBEVOIE
Représentée par Maître Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de Lyon
INTIMÉE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAUCLUSE SERVICE JURIDIQUE
7, rue François
AVIGNON CEDEX 9
Représentée par Madame Denise ..., dûment munie d'un pouvoir régulier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Il en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur Gilles ROLLAND, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Monsieur Philippe SOUBEYRAN, Conseiller
GREFFIER
Madame Fatima GRAOUCH, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS
A l'audience publique du 07 Mars 2013, où l'affaire a été mise en délibéré au 07 Mai 2013.
ARRÊT
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Gilles ROLLAND, Président, publiquement, le 07 Mai 2013, date indiquée à l'issue des débats.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur Maxime ..., ouvrier qualifié salarié de la société Européenne des Produits Réfractaires (SEPR) était victime d'un accident du travail le 4 juin 2002.
L'employeur a établi une déclaration d'accident du travail sur laquelle les circonstances de l'accident ont été rédigées ainsi qu'il suit "En voulant rentrer un bloc sur une palette, la pince servant à la préhension a tourné sur elle-même provoquant une douleur à la main droite de Monsieur ...".
À la réception de cette déclaration, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse diligentait une instruction destinée à apprécier le lien de causalité entre la lésion déclarée et l'activité professionnelle de l'assuré.
Le 9 juillet 2002, l'organisme de sécurité sociale informait la société SEPR de la nécessité de recourir à un délai complémentaire d'instruction.
Le 22 août 2002, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse avisait la société SEPR de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter les pièces du dossier, avant la décision sur le caractère professionnel de l'accident, qui interviendra à l'issue d'un délai de 10 jours à compter de l'établissement du courrier d'information.
Par correspondance du 30 août 2002, la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse refusait de reconnaître le caractère professionnel de l'accident au motif qu'"il n'est existe pas de preuve que l'accident invoqué se soit produit à l'occasion du travail, ni même de présomptions favorables précises et concordantes en cette faveur".
Le 10 janvier 2003, cette même caisse rendait une décision rectificative de prise en charge au titre de la législation professionnelle, de l'accident du 4 juin 2002, suite à la décision de la commission de recours amiable saisie par Monsieur ....
À la réception de ses relevés de comptes employeur, 2003 à 2005, la société SEPR constatait l'imputation de dépenses relatives à la prise en charge de l'accident du 4 juin 2002 déclaré par Monsieur ....
Elle formait alors, le 22 juin 2009, un recours amiable auprès de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, tendant à voir déclarer inopposable, à son égard, la décision de prise en charge de l'accident déclaré le 4 juin 2002.
Par une décision en date du 19 août 2009, la commission de recours amiable rejetait la demande de la société SEPR.
Celle-ci saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse, lequel, par jugement du 29 septembre 2011 confirmait la décision de la commission de recours amiable.
La société SEPR relevait appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions développées à l'audience, la partie appelante a conclu à l'infirmation de la décision déférée et demande à la Cour de juger que la décision de prise en charge de l'accident déclaré le 04juin 2002 par Monsieur ... est inopposable à la société SEPR.
Elle fait valoir que
- même si l'instruction de la demande de prise en charge de l'accident a abouti initialement à un refus de reconnaître le caractère professionnel, la caisse d'assurance maladie était quand même tenue de respecter les obligations mises à sa charge par les dispositions de l'ancien article R 441-11 du code de la sécurité sociale,
- La caisse primaire d'assurance-maladie a rendu sa décision avant l'expiration du délai de consultation qu'elle avait elle-même imparti à l'employeur, méconnaissant en cela le principe du contradictoire et l'obligation de loyauté qui lui incombe,
- le délai effectif de trois jours qui a été imparti à la société SEPR doit être considéré comme insuffisant pour permettre à l'employeur d'apprécier les suites à donner au dossier d'instruction,
- la décision de nature juridictionnelle de la commission de recours amiable du 18 décembre 2002 reconnaissant le caractère professionnel de l'accident survenu le 4 juin 2002 est intervenu sans respect du contradictoire en sorte que ladite reconnaissance n'est pas opposable à l'employeur
Aux termes de ses dernières conclusions développées à l'audience la caisse primaire d'assurance-maladie du Vaucluse a conclu à la confirmation du jugement déféré.
Elle soutient que la décision du 30 août 2002 concluant à l'absence d'accident de travail ne faisait nullement grief à l'employeur et que même si ce dernier avait disposé de deux jours supplémentaires de consultation cela n'aurait rien changé à la décision de rejet.
Elle ajoute qu'en cas de saisine de la commission de recours amiable par l'assuré, la caisse n'a pas à assurer l'information de l'employeur prévue à l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale.
MOTIFS
Il résulte de l'article R 441-11, alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à celle résultant du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, que la caisse primaire d'assurance-maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision, peu important le sens de cette décision.
Dès lors, pour apprécier si l'organisme de sécurité sociale a respecté à l'égard de l'employeur le principe du contradictoire lié à l'instruction du dossier, il importe peu, que la caisse primaire d'assurance-maladie ait, à l'issue de l'instruction, pris la décision de ne pas prendre en charge l'accident de travail déclaré.
Il s'ensuit que la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse devait bien informer l'employeur de la fin de la procédure des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief de la possibilité de consulter le dossier de la date à partir de laquelle elle prévoyait de prendre sa décision.
Par ailleurs, le principe du contradictoire lié à la procédure d'instruction n'est garanti que si la caisse primaire, préalablement à sa décision, laisse aux parties et, notamment à l'employeur, un délai suffisant pour consulter les pièces du dossier et faire valoir ses observations.
En outre, la caisse primaire d'assurance-maladie est tenue à l'égard de l'employeur d'une obligation de loyauté en sorte qu'elle a l'obligation d'attendre l'expiration du délai qu'elle a octroyé à l'employeur avant de prendre sa décision sur le caractère opposable ou non de l'accident du travail.
En l'espèce, il est manifeste que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse, en prenant sa décision le 30 août 2002, alors qu'elle avait accordé à la société SEPR par lettre du 22 août 2002 un délai de 10 jours, commençant à courir à compter de la lettre, n'a pas respecté son obligation de loyauté puisque sa décision est intervenue avant l'expiration du délai de 10 jours qui prenait fin le 01er septembre 2002.
En l'état du non-respect par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse de la disposition légale susvisée, la décision du 30 août 2002, aux termes de laquelle, la caisse primaire d'assurance maladie a rejeté la demande de prise en charge de l'accident de travail n'est pas opposable à l'employeur.
Cela étant, la partie appelante conteste nécessairement la décision de la commission de recours amiable en date du 18 décembre 2002 laquelle a décidé la prise en charge de l'accident de travail de Monsieur ....
Certes, les dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables devant la commission de recours amiable.
En effet, un employeur n'est pas recevable à invoquer l'irrégularité de la procédure administrative d'instruction d'une demande de prise en charge d'une maladie au titre d'un accident du travail lorsque la décision de reconnaissance du caractère professionnel de cet accident résulte d'une décision juridictionnelle rendue dans une procédure intentée par le salarié qui conteste la décision de refus opposé par la caisse, procédure dans laquelle l'employeur qui y a été appelé a pu faire valoir ses moyens de défense.
En l'espèce, la commission de recours amiable, saisie par le salarié d'un refus de reconnaissance d'accident du travail, a pris l'initiative de poursuivre l'instruction.
S'agissant d'une procédure à caractère juridictionnel, cette commission ne devait pas prendre sa décision avant d'avoir mis en mesure l'employeur de présenter ses observations.
Or, il est manifeste que, dans le cadre de la procédure diligentée par le salarié devant la commission de recours amiable, la société SEPR n'a pas été avisée de l'existence de ladite procédure et n'a donc pas été mis en mesure de faire valoir ses moyens de défense.
Dans ces conditions, la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse de l'accident de travail de Monsieur ..., survenu le 04 juin 2002, n'est pas opposable à la société Européenne de Produits Réfractaires.
Il convient dans ces conditions d'infirmer la décision déférée.
En application de l'article D 242-6-3 du code de la sécurité sociale, le taux de cotisation du au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles déterminé par les caisses régionales d'assurance-maladie peut être remis en cause par une décision de justice ultérieure qui en modifierait les éléments de calcul.
Il y a donc lieu d'ordonner le retrait d'imputation des prestations afférentes à l'accident avec rectification du taux de cotisation.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Déclare la décision de prise en charge de l'accident de Monsieur ... survenue le 04 juin 2002 inopposable à la Société Européenne des Produits Réfractaires,
Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Vaucluse devra faire procéder par la caisse régionale d'assurance-maladie au retrait des dépenses imputées à tort sur le compte employeur ainsi qu'au calcul rectificatif des taux de cotisations influencées par ce retrait.
Arrêt signé par Monsieur Gilles ..., Président, et par Madame Fatima ..., Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT