Jurisprudence : CE 2/7 SSR., 29-04-2013, n° 359472, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 2/7 SSR., 29-04-2013, n° 359472, mentionné aux tables du recueil Lebon

A0230KDU

Référence

CE 2/7 SSR., 29-04-2013, n° 359472, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8205494-ce-27-ssr-29042013-n-359472-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Dans un arrêt rendu le 29 avril 2013, le Conseil d'Etat a été amené à se prononcer sur la question de la légalité d'un décret du 16 mars 2012 autorisant M.



CONSEIL D'ÉTAT

Statuant au contentieux

N° 359472

M. F... A... et autres

M. Tristan Aureau, Rapporteur

Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public

Séance du 12 avril 2013

Lecture du 29 avril 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 mai et 16 août 2012, présentés pour M. F... A..., demeurant..., M. D... A..., demeurant..., M. E... A..., demeurant..., M. I... A..., demeurant..., M. C... A..., demeurant ... ; M. F... A... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 16 mars 2012 autorisant M. B... J... ainsi que M. G... J... et ses enfants O... J..., P... J... et R... J..., à substituer à leur nom patronymique celui de " J... d'Artagnan " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de MM. J... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 avril 2013, présentée pour M. F... A... et autres ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, Auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, avocat de M. F... A... et autres ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret " ; qu'aux termes de l'article 61-1 du même code : " Tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d'Etat au décret portant changement de nom dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal officiel. / Un décret portant changement de nom prend effet, s'il n'y a pas eu d'opposition, à l'expiration du délai pendant lequel l'opposition est recevable ou, dans le cas contraire, après le rejet de l'opposition " ;

2. Considérant que, par un décret du 16 mars 2012, M. B... J... d'une part, M. G... J... ainsi que ses enfants mineurs, O..., P... et R..., d'autre part, ont été autorisés à changer leur nom de " J... " en " J... d'Artagnan " ; que MM. F..., D..., E..., I... et C... A... ont formé opposition à ce décret ;

3. Considérant que le désistement de M. C... A... est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

4. Considérant que les écritures de M. G... J..., qui ont été présentées sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, bien que l'intéressé ait été informé de l'obligation de recourir à ce ministère, doivent être écartées des débats ;

S'agissant du décret en tant qu'il autorise M. B... J... à changer de nom :

Sur le moyen tiré de l'irrégularité des publications préalables :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom : " Préalablement à la demande, le requérant fait procéder à la publication au Journal officiel de la République française d'une insertion comportant son identité, son adresse et, le cas échéant, celles de ses enfants mineurs concernés et le ou les noms sollicités. S'il demeure en France, une publication est, en outre, effectuée dans un journal désigné pour les annonces légales de l'arrondissement où il réside " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " A peine d'irrecevabilité, la demande expose les motifs sur lesquels elle se fonde, indique le nom sollicité (...) ; elle est accompagnée des pièces suivantes : (...) 6° Un exemplaire des journaux contenant les inscriptions prescrites à l'article 3 (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " L'autorisation ou le refus de changement de nom ne peut intervenir que deux mois après la date à laquelle il a été procédé à la publicité prévue à l'article 3 " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne M. B... J..., l'obligation de publication préalable d'une insertion au Journal Officiel et dans un journal désigné pour les annonces légales de l'arrondissement où il réside a été respectée ; que la circonstance que la publication au Journal Officiel et dans l'édition du Gers du journal Sud Ouest ait été réalisée en octobre 2011, soit postérieurement à la date à laquelle la demande de changement de nom a été adressée au garde des sceaux, est sans incidence sur la légalité du décret attaqué, dès lors que cette publication est intervenue plus de deux mois avant l'intervention de l'autorisation ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, en ce qui concerne M. B... J..., que les dispositions des articles 3, 4 et 5 du décret du 20 janvier 1994 ont été méconnues ;

Sur le dossier de demande de changement de nom :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le moyen tiré du caractère incomplet de la demande de changement de nom manque en fait ;

Sur le bien-fondé du décret attaqué :

8. Considérant que la reprise d'un nom en raison de son illustration peut être demandée au titre de l'intérêt légitime mentionné au premier alinéa de l'article 61 du code civil ; que si ce nom doit avoir été porté dans la famille du demandeur par des personnes qui ont contribué à lui conférer une illustration certaine et durable, la reprise du nom n'est pas subordonnée à la condition que le demandeur soit leur seul descendant ;

9. Considérant que si les requérants font valoir qu'ils descendent en ligne directe de Charles de Batz-Castelmore, qui fut connu sous le nom de "d'Artagnan... ", porté par sa mère, en tant que capitaine des mousquetaires du roi, et dont la vie inspira le romancier Alexandre Dumas pour la rédaction des romans " Les trois mousquetaires ", " Vingt ans après " et " Le Vicomte de Bragelonne ", il résulte de l'instruction que ce nom a également été illustré par plusieurs membres de la famille J... qui ont porté le titre de comtes ou seigneurs d'Artagnan, et dont M. B... J... est descendant en ligne directe ou collatérale ; qu'ainsi le décret attaqué n'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts en ce qu'il accorde à M. B... J... l'autorisation d'adjoindre à son patronyme le nom de "d'Artagnan... " en vue de relever un nom illustré dans l'histoire par des membres de sa famille ; que M. B... J... pouvait se prévaloir d'un intérêt légitime pour demander l'autorisation de porter le nom de "d'Artagnan... " ; qu'enfin, les requérants, alors même qu'ils sont descendants de Charles de Batz-Castelmore d'Artagnan, ne justifient pas de ce que l'attribution, par le décret attaqué, du nom de " d'Artagnan " à M. B... J... leur causerait un préjudice de nature à en justifier l'annulation ;

S'agissant du décret en tant qu'il autorise M. G... J... et ses enfants mineurs O..., P... et R... à changer de nom :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

10. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ;

11. Considérant qu'il résulte des articles 2, 3 et 5 du décret du 20 janvier 1994 que la formalité de publication au Journal officiel et dans un journal d'annonces légales de l'arrondissement de résidence du demandeur est destinée à permettre à d'éventuelles oppositions de se manifester, dans le délai prévu par l'article 5, et ce, afin que l'autorité compétente puisse se prononcer en connaissance de cause sur le changement de nom sollicité ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en ce qui concerne M. G... J... et ses trois enfants, il n'a pas été procédé, avant le décret attaqué, à une publication régulière dans un journal d'annonces légales de l'arrondissement de résidence du demandeur, dans le XVIème arrondissement de Paris ; que la publication de la demande de changement de nom effectuée en novembre 2011 dans un journal d'annonces légales de Seine Saint-Denis n'a pu tenir lieu de la formalité prescrite par l'article 3 du décret du 20 janvier 1994 ; que cette irrégularité ne peut être regardée comme insusceptible d'avoir eu une incidence sur le sens de la décision prise ; qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions des articles 2, 3 et 5 du décret du 20 janvier 1994 ont été méconnues et à demander, pour ce motif, l'annulation du décret en tant qu'il autorise M. G... J... et ses enfants O..., P... et R... à changer leur nom en "J... d'Artagnan" ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM. F..., D..., E... et I... A... sont fondés à demander l'annulation du décret attaqué en tant seulement qu'il autorise M. G... J... et ses enfants O..., P... et R... à changer leur nom en "d'Artagnan... " ;

14. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. C... A....

Article 2 : Le décret du 16 mars 2012 est annulé en tant qu'il autorise M. G... J... et ses enfants O..., P... et R... à changer leur nom en "d'Artagnan... ".

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. F..., D..., E... et I... A... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à MM. F... A..., D... A..., E... A..., I... A..., C... A..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, à M. B... J... et à M. G... J....

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