Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 30-04-2013, n° 12/10196

CA Aix-en-Provence, 30-04-2013, n° 12/10196

A9041KCT

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CA Aix-en-Provence, 30-04-2013, n° 12/10196. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8203651-ca-aixenprovence-30042013-n-1210196
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Abstract

La procédure spéciale relative au contentieux de l'honoraire prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 permet, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur une éventuelle faute, d'écarter du droit à honoraires les diligences manifestement inutiles ou superfétatoires.



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 30 AVRIL 2013
N°2013/ 377

Rôle N° 12/10196 Al Anrab Z
C/
Christophe Y
Grosse délivrée
le
à
Me Flavia X
Me Caroline W
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de M. Christophe Y rendue le
10 Mai 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de MARSEILLE.
DEMANDEUR
Monsieur Al Anrab Z
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/012282 du 29/11/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
demeurant PARIS
représenté par Me Flavia HARRACH-CENTO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
DÉFENDEUR
Monsieur Christophe Y, avocat
demeurant MARSEILLE
représenté par Me Caroline PELTIER, avocat au barreau d'Aix-en-Provence
*-*-*-*-*

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2013
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***

EXPOSÉ

Vu le recours formé par Monsieur Al Anrab Z par lettre recommandée expédiée le 24 mai 2012 et enregistré au greffe le 05 juin 2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille, en date du 10 Mai 2012, notifiée le même jour, qui a fixé à la somme de 1.500 euros TTC les honoraires dus à Maître Christophe Y et constaté que ce dernier avait intégralement perçu cette somme ;
Vu ladite décision de taxe, rendue sur demande de Monsieur Al Anrab Z formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 28 septembre 2011, après recueil des observations des parties et prorogation du délai, par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, notamment la nature et la difficulté de l'affaire, l'intérêt du litige, les diligences de l'avocat, le temps consacré à l'étude du dossier, les usages de la profession et la notoriété de l'avocat ainsi que les frais de fonctionnement de son cabinet dans une affaire de divorce avec appel ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 06 mars 2013 par lesquelles Monsieur Al Anrab Z reproche à la décision contestée de ne pas avoir correctement apprécié le montant des honoraires versés qui se sont élevés à 2.600 euros et non à 1.500 euros et de ne pas avoir correctement apprécié la réalité des diligences effectuées par l'avocat qui se sont limitées, concernant la procédure en première instance, au dépôt, en mai 2007, d'une requête inutile puisqu'une ONC avait déjà été rendue à la demande de l'épouse, puis à un désistement d'instance par acte déposé en septembre 2007, soutient qu'après cette date, et en dépit d'un échange de correspondances avec le conseil de la partie adverse et la réception de provisions, Me Y n'a effectué aucune autre diligence en sorte que le jugement de divorce du 22 mai 2009 a été rendu par décision réputée contradictoire, prétend, s'agissant de la procédure d'appel, que si Me Y a chargé Me ... d'interjeter appel de la décision, - diligence pour laquelle il a reçu en espèce une provision de 200 euros pour l'avoué à qui ladite somme n'a pas été remise -, il n'a en revanche pas, malgré les courriers de l'avoué, déposé ses conclusions dans les délais légaux de sorte que l'affaire a été radiée, estime en conséquence que, sans mettre en jeu la responsabilité de l'avocat, force est de constater que les diligences accomplies ne sont pas en adéquation avec le montant des provisions versées et sollicite qu'en application des critères légaux les honoraires soient réduits à néant et que Maître Christophe Y soit condamné à lui restituer l'intégralité des 2.600 euros reçus et en outre à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 06 mars 2013 par lesquelles Maître Christophe Y rétorque que M. Al Anrab Z l'a saisi début 2007 de la défense de ses intérêts aux fins de poursuivre deux instances l'obtention d'un prolongement de son titre de séjour et une procédure de divorce, sans toutefois lui indiquer qu'une ordonnance de non-conciliation avait déjà été rendue le 4 juillet 2006 de sorte qu'il fallu solliciter la radiation de la requête déposée à sa demande, affirme qu'après réconciliation avec son épouse M. Z quitta Marseille pour Paris et s'est désintéressé de l'instance, sans lui donner plus de nouvelles jusqu'au mois d'avril 2009, date à laquelle il lui apprenait qu'une instance au fond avait été initiée plaidée et mise en délibéré, indique avoir alors demandé une copie du jugement de divorce qui précisait que l'épouse avait délivré citation, reçue par M. Z qui ne la lui a pas transmise, le 5 novembre 2008 soit 28 mois après l'ordonnance de non-conciliation, sur le fondement des dispositions de l'article 242 du Code Civil reprochant à son époux d'avoir négligé tout versement de contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi que tout exercice du droit de visite et soutenant que son intention n'était que d'obtenir une carte de séjour, soutient que son client lui a demandé d'interjeter appel de cette décision qui contrariait ses demandes de titre de séjour, qu'il a transmis à l'avoué la demande d'appel accompagnée du règlement provisionnel de 200 euros remis par M. Z lequel changeait de conseil et saisissait Me ... d'Evry, qu'il suspendait donc toute diligences mais apprenait que le nouveau conseil refusait de conclure et rédigeait donc lui-même des conclusions après radiation afin de garantir sa responsabilité professionnelle, déclare n'avoir aucune trace du paiement de la somme de 900 euros qui lui aurait été envoyée par mandat Cash, et sollicite en conséquence la confirmation de la décision querellée et l'allocation d'une somme de 2.000euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

SUR QUOI
- sur la recevabilité
Attendu que les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité du recours formé dans les délais et selon les formes prescrites par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 et qui sera en conséquence déclaré recevable.
- sur le fond
Attendu qu'après prorogation intervenue avant l'expiration du premier délai de quatre mois, le bâtonnier a rendu sa décision dans le délai de huit mois dont il disposait et après avoir recueilli préalablement les observations de l'avocat et de la partie ; que sa décision est dés lors régulière en la forme ;
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Que par ailleurs l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires .
Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque ;
Attendu enfin que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés plus ci-dessus ;
Qu'en revanche la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation ;
Que, de même, cette procédure permet, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur une éventuelle faute, d'écarter du droit à honoraires les diligences manifestement inutiles ou superfétatoires ;
Attendu qu'en l'espèce aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ;
Que Maître Christophe Y ne rapporte pas la preuve d'avoir informé son client des modalités de fixation de ses honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant ;
Attendu que si Maître Christophe Y affirme avoir été saisi par Monsieur Al Anrab Z de deux procédures distinctes, force est de constater qu'à l'exception d'une attestation en date du 03 septembre 2007 qu'il a lui même rédigée, il ne produit aucun document justificatif relatif au dossier d'obtention de titre de séjour que son client lui aurait confié ;
Que, dans ces conditions, aucune des provisions reçues ne saurait être imputée au dossier d'obtention de titre de séjour ;
Attendu, s'agissant desdites provisions, que Monsieur Al Anrab Z justifie, par la production de reçus établis par Maître Christophe Y les 11.06.2007, 03.09.2007 et 02.10.2007, avoir réglé à ce dernier la somme de 1.500 euros en trois versements de 500 euros, et par la production du récépissé d'envoi de mandat cash en date du 09 avril 2009 comportant bien le nom de Maître Christophe Y comme destinataire, lui avoir versé une nouvelle provision de 900 euros ;
Qu'au total c'est donc la somme de 2.400 euros qui a été réglée à Maître Christophe Y ;
Qu'il est par ailleurs établi par les écritures et déclarations des parties que Monsieur Al Anrab Z a également versé la somme de 200 euros à titre provisionnel à destination de l'avoué pour la procédure d'appel ; que par la production de la copie de son fax du 07.10.2009 à Me ..., avoué, Maître Christophe Y justifie avoir reversé à ce dernier la provision de 200 euros qui lui était destinée pour introduire l'appel ;
Attendu, qu'il convient de fixer les honoraires de Maître Christophe Y par application des critères légaux susvisés
Que, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client, par la production de ses avis d'imposition de 2009 à 2012 Monsieur Al Anrab Z justifie que depuis 2008 il n'est pas imposable ;
Que d'ailleurs, pour la présente instance il a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale;
Que, s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Christophe Y était un divorce, c'est-à-dire une affaire tout à fait classique et sans difficultés particulières ;
Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, ceux exposés par Maître Christophe Y ont été les suivants ouverture du dossier, frais de secrétariat pour la rédaction de lettres et de la requête en divorce et des conclusions, frais téléphonique, et frais de gestion de cabinet redevances d'abonnements ( EDF, Internet, banques de données juridiques ) ;
Que, s'agissant de la notoriété de Maître Christophe Y, rien n'est indiqué dans les écritures ou pièces des parties ; que son papier à en-tête ne mentionne pas de spécialisation ou de diplôme particulier mais la distinction de ' Lauréat de la Conférence ' ainsi que sa qualité de membre du Conseil de l'Ordre ; qu'il doit donc être considéré comme un professionnel distingué, notamment par la reconnaissance de ses pairs ;
Que, dans ces conditions, compte tenu de la situation de fortune du client analysée ci-dessus, le taux horaire à appliquer doit être fixé à 140 euros HT ;
Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies, elles ont été les suivantes et seront évaluées ainsi
- réception/consultation 1 h 140,00 euros
- forfait ouverture de dossier 150,00 euros
- rédaction de la requête en divorce 1/2 h 70,00 euros
- dépôt de l'acte de désistement 1/2 h 70,00 euros
- courriers divers ( client, avoué, confrères ) 50,00 euros
- conclusions d'appel 1 h 140,00 euros
TOTAL HT 620,00 euros
TVA 121,52 euros
TOTAL TTC 741,52 euros
Attendu que, contrairement aux affirmations de Monsieur Al Anrab Z, les diligences accomplies par Maître Christophe Y n'étaient pas inutiles ou superfétatoires dans la mesure où, s'agissant de la première instance, il a lui-même sollicité le dépôt d'une demande en divorce alors que son épouse en avait déjà fait de même et ne peut donc reprocher à son conseil d'avoir déposé cette demande puis d'avoir fait radier la procédure ainsi ouverte ;
Que, s'agissant de la procédure d'appel, les correspondances adressées par Maître Christophe Y à son confrère COURAGE et celles qu'il a échangées avec l'avoué montrent qu'après avoir demandé à Maître Christophe Y d'interjeter appel, Monsieur Al Anrab Z a décidé de changer de conseil, que le dossier a donc été envoyé à ce dernier mais que Maître Christophe Y, avisé par l'avoué de la nécessité de conclure après radiation afin d'éviter que l'appel ne soit irrévocablement considéré comme non soutenu, a tout de même rédigé des conclusions pour préserver les droits de son ancien client ;
Que c'est donc pour ces motifs que les diligences précisées ci-dessus ont été retenues ;
Attendu que Maître Christophe Y ayant reçu ( hors la provision de 200 euros destinée et versée à l'avoué comme il l'a été dit ci-dessus ), la somme de 2.400 euros à titre provisionnel, doit donc rembourser à Monsieur Al Anrab Z le trop perçu de [ 2.400 euros - 741,52 euros = ] 1.658,48 euros TTC ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens ;
Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante ;

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Monsieur Al Anrab Z,
Infirmant la décision rendue le 10 Mai 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille et statuant à nouveau,
Constatons que la provision de 200 euros destinée à l'avouée a été versée à ce dernier par Maître Christophe Y ;
Fixons à la somme de 620,00 euros HT soit 741,52 euros euros TTC le montant total des honoraires dus par Monsieur Al Anrab Z à Maître Christophe Y pour la procédure de divorce confiée à ce dernier, en première instance et en appel ;
Disons en conséquence qu'ayant reçu la somme de 2.400 euros à titre provisionnel, Maître Christophe Y doit rembourser à Monsieur Al Anrab Z un trop perçu de 1.658,48 euros TTC et, en tant que de besoin, le condamnons à payer cette somme à Monsieur Al Anrab Z ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamnons Maître Christophe Y qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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