COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 30 AVRIL 2013
N°2013/ 375
Rôle N° 12/09279
Dominique Z
C/
Jacques Y
Grosse délivrée
le
à
Me X
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de M. Jacques Y rendue le
10 Avril 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de MARSEILLE.
DEMANDERESSE
Madame Dominique Z,
demeurant LA-SALLE-LES-ALPES
non comparante
DÉFENDEUR
Monsieur Jacques Y, avocat
demeurant MARSEILLE
représenté par Me Frédéric SANCHEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 06 Mars 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président.
Greffier lors des débats Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2013
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 30 Avril 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ
Vu le recours formé par Madame Dominique Z par lettre recommandée expédiée le 21 mai 2012 et enregistré au greffe le 22 mai 2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille, en date du 10 avril 2012, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 20.04.2012 et reçue le 27 avril 2012, qui a fixé à la somme de 897,00 euros TTC les honoraires dus à Maître Jacques Y ;
Vu ladite décision de taxe, rendue sur demande de Maître Jacques Y formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 16 décembre 2011 et après tentative de recueil des observations des parties à laquelle Madame Dominique Z n'a pas répondu, par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, notamment la nature et la difficulté de l'affaire, l'intérêt du litige, les diligences de l'avocat, le temps consacré à l'étude du dossier, les usages de la profession et la notoriété de l'avocat ainsi que les frais de fonctionnement de son cabinet dans une affaire de droit successoral ;
Vu la convocation adressée par le greffe à Madame Dominique Z pour l'audience du 12 décembre 2012, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception n° 2C 058 036 0869 9 postée le 04 octobre 2012 et reçue le 08 octobre 2012 ainsi qu'en atteste l'avis de réception revêtu de sa signature conforme à celle figurant au bas du recours et démontrant une réception en personne ;
Vu les demandes de report d'audience pour cause de santé formées par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date des 08 décembre 2012 et 02 mars 2013, la première demande ayant été acceptée par Maître Jacques Y et l'affaire reportée à l'audience du 06 mars 2013, la seconde ayant été refusée, Maître Jacques Y prenant ses avantages mais acceptant que les moyens exposés dans les écritures de l'appelante soient pris en compte ;
Vu lesdites écritures ( recours initial et pièces jointes et lettres des 08.12.2012 et 02.03.2013 ) par lesquelles Madame Dominique Z expose avoir consulté Maître Y pour un " envoi en possession ", suite à un testament olographe en sa faveur, pour des honoraires annoncés s'élevant à 600 euros qu'elle a payés, puis l'avoir à nouveau consulté lors de la contestation de son legs, mais avoir pris un deuxième rendez-vous le 15 Juin 2011 pour lui signifier son souhait de renoncer à cette succession faute de moyens financiers, précise s'être occupée seule des démarches de renonciation à succession et s'être présentée seule à l'audience du Tribunal le 26 septembre 2011, soutient qu'il ne saurait lui ' être reproché de ne plus avoir donné de nouvelles ' à Maître Y plutôt que s'être opposée expressément à la poursuite de son travail après lui avoir payé 600 euros d'honoraires dans la mesure où elle lui avait signifié son intention de ne pas aller plus loin, et sollicite donc l'infirmation de la décision querellée ;
Vu, développées oralement, les conclusions déposées à l'audience du 06 mars 2013 et communiquées par courriel du 06 décembre 2012, par lesquelles Maître Jacques Y affirme que Madame Dominique Z l'a saisi de la procédure en référé-rétractation suite à une ordonnance d'envoi en possession, qu'elle lui a remis divers documents utiles à sa défense dont notamment des pièces de comparaison de l'écriture du défunt afin de tenter d'établir la régularité du testament en sa faveur, précise que dès le premier rendez-vous, il a informé sa cliente du montant de la provision nécessaire pour assurer sa défense, que cette dernière a proposé un paiement " au résultat " qu'il a refusé, s'agissant d'un pacte de quota litis prohibé, et qu'ils ont donc convenu d'un règlement échelonné au fur et à mesure des possibilités de Mme Z, soutient avoir effectué toutes diligences et recherches nécessaires pour que l'affaire soit en état d'être plaidée, tenant Mme Z régulièrement informée des pièces et conclusions communiquées par la partie adverse et remaniant ses conclusions en fonction desdites pièces, prétend que la communication du 28 juillet 2011 ayant établi que le testament dont se prévalait Mme Z était un faux cette dernière a jugé plus prudent d'établir une renonciation mais sans le tenir informé de ses démarches, conteste lui avoir imposé ses services et sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance entreprise et sa condamnation au paiement d'une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
SUR QUOI
Attendu qu'en cause d'appel le seul fait que, dans une matière soumise à la procédure sans représentation obligatoire, l'appelant n'ait pas comparu ne suffit pas, en dépit de l'article 468 du Code de Procédure Civile, à rendre caduque la déclaration d'appel et la décision est réputée contradictoire si cet appelant a été convoqué ou cité à sa personne ;
Qu'en l'espèce Madame Dominique Z, défenderesse non comparante ayant été touchée à personne par la convocation, la présente décision sera donc réputée contradictoire en application des articles 473 alinéa 2 et 749 du Code de Procédure Civile et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
Attendu que selon les articles 4 et 446-1 du code de procédure civile l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et qu'en matière de procédure orale, les conclusions écrites d'une partie, saisissent valablement le juge lorsqu'elles sont réitérées verbalement à l'audience; qu'il résulte des articles 176 et 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la procédure de contestation du montant et du recouvrement des honoraires d'avocat est orale, d'où il suit que, dans le cadre de l'instance ouverte sur recours de la décision du bâtonnier, les conclusions écrites déposées avant la date fixée ne saisissent le premier président que si leur auteur est personnellement présent ou régulièrement représenté à l'audience ;
Attendu en l'espèce que les écritures et pièces déposées avant l'audience du 06 mars 2013 par Madame Dominique Z qui n'était présente ou représentée à cette audience pour les soutenir, n'étaient pas recevables, mais peuvent néanmoins être examinées puisque le défendeur a expressément accepté qu'elles soient dans le débat ;
- sur la recevabilité
Attendu que les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité du recours formé dans les délais et selon les formes prescrites par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 et qui sera en conséquence déclaré recevable ;
- sur le fond
Attendu que le bâtonnier a rendu sa décision dans le délai de quatre mois dont il disposait et après avoir tenté de recueilli préalablement les observations de l'avocat et de la partie ; que sa décision est dés lors régulière en la forme ;
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Que d'autre part l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires.
Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque ;
Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ;
Qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés plus ci-dessus ;
Que toutefois cette procédure permet, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur une éventuelle faute, d'écarter du droit à honoraires les diligences manifestement inutiles ou superfétatoires ;
Attendu qu'en l'espèce aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ;
Que, s'agissant de l'obligation d'information, il résulte des écritures des deux parties que Maître Jacques Y avait informé sa cliente du montant de ses honoraires ; que c'est précisément en raison de l'importance desdits honoraires que Madame Dominique Z soutient avoir renoncé à la succession objet de l'envoi en possession ;
Qu'il résulte également des pièces versées que Maître Jacques Y, qui était intervenu pour les formalités d'envoi en possession, a reçu de la part de Madame Dominique Z, pour cette première intervention, 600 euros d'honoraires qui n'ont pas été contestés et ne le sont pas ;
Attendu qu'il n'est pas douteux que Madame Dominique Z a consulté Maître Jacques Y lorsqu'elle a reçu l'assignation en référé du 1er juin 2011 ; qu'elle affirme, mais sans en apporter la preuve, s'être à nouveau rendue au cabinet de son conseil le 15 juin 2011 pour lui signifier son intention de renoncer au legs et de mettre un terme à la procédure ;
Qu'il est très étonnant que, ayant la conviction, comme elle l'affirme, que Maître Jacques Y ne souhaitait pas abandonner la procédure, elle ne lui ait pas signifié son dessaisissement par écrit alors surtout que par un courriel du 06 juillet 2011 ce dernier lui adressait les conclusions ' rectifiées ' qu'il avait rédigées dans ses intérêts ;
Que, selon les pièces qui sont produites, ce n'est que par courriel du 26 septembre 2011, et après avoir reçu une mise en demeure en date du 12 septembre 2011, d'avoir à payer la facture d'honoraires n° 2011 12 09 - 2 de 750 euros HT, qu'elle avisait son avocat de ses intentions dans les termes suivants [ reproduction par copier-coller ]
' ' Original Message '
From dominique guerin
To Avocat Y
Sent Monday, September26, 2011 946 AM
Subject SuccessionGUERIN CAIRE
Maître,
Comme je le pressentais, je n'ai pas les moyens financiers de m'engager dans des procédures longues et coûteuses contre la riche Société COUTOT-ROEHRIG malgré ses affirmations erronées voire mensongères et le caractère délirant du montage rétrospectif qu'elle réalise.
J'ai effectué seule les démarches de renonciation à la succession auprès du Tribunal afin de n'avoir pas à vous solliciter davantage pour une démarche qui ne vous emballait pas et alors que, comme vous le dîtes, je ne vous ai pas encore versé un centime concernant les travaux supplémentaires engagés par vous depuis l'envoi en possession.
Je ne vous ai pas répondu plus tôt à cause de mon manque d'argent immédiatement disponible et de mes hésitations subséquentes face à un " conseil " tel que vous bien décidé à aller plus loin.
J'ai apprécié votre compétence et votre diligence mais à mon grand regret je n'ai pas les moyens d'en profiter davantage et je me présenterais donc seule au Tribunal ce 26 septembre à mes risques et périls malheureusement. Je vous fais l'honneur de croire que vous voudrez bien ne pas m'en tenir rigueur et aussi que vous voudrez bien me laisser vous payer au fur et à mesure de mes possibilités comme nous en étions convenu oralement.
Dans cette attente, recevez, Maître, l'expression de ma gratitude .'
Attendu qu'il est donc clair que jusqu'au 26 septembre 2011 Madame Dominique Z n'avait pas dessaisi Maître Jacques Y et que les diligences effectuées par ce dernier jusqu'à cette date sont dues ;
Attendu qu'à défaut de convention d'honoraires, ces honoraires doivent être évalués par application des critères légaux sus-visés ;
Que, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client, les parties n'ont pas été très prolixes dans leurs écritures et à la barre, sur ce point ;
Que la lecture des pièces permet seulement d'apprendre que Madame Dominique Z exerçait en 2011 l'emploi de responsable de formation ; que cet exposé permet d'avoir une appréciation, certes non détaillée, mais suffisamment précise, de la situation de fortune du client ;
Que, s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Jacques Y portait sur la contestation d'un testament olographe et ne posait donc pas de difficultés juridiques très importantes même si elle nécessitait des vérification de jurisprudence ;
Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, ceux exposés par Maître Jacques Y ont été les suivants ouverture du dossier, frais de secrétariat pour la rédaction de lettres et de conclusions, et frais de gestion de cabinet redevances d'abonnements ( EDF, Internet, banques de données juridiques ) ;
Que, s'agissant de la notoriété de Maître Jacques Y, rien n'est indiqué dans les écritures ou pièces des parties ; que son papier à en-tête ne mentionne pas de spécialisation ou de diplôme particulier, qu'il doit donc être considéré comme un " bon professionnel " ( par référence au " bon père de famille " en matière civile ) ;
Que, dans ces conditions, compte tenu de la situation de fortune du client analysée ci-dessus, le taux horaire à appliquer doit être fixé à 130 euros HT ;
Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies, elles ont été les suivantes et seront, sur la base du tarif horaire qui vient d'être indiqué, évaluées ainsi
- réception/consultation 1/2 h 65,00 euros
( dossier déjà connu au moment de l'envoi en possession)
- forfait ouverture dossier 140,00 euros
- rédaction de conclusions 1h + 1/2h 195,00 euros
- courriers et courriels 1/2 h 65,00 euros
- recherches juridiques 1/2 h 65,00 euros
Total HT 530,00 euros
TVA 103,88 euros
TOTAL TTC 633,88 euros
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser chacune des parties supporter l'intégralité de ses frais non compris dans les dépens ;
Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Madame Dominique Z,
Infirmant partiellement la décision rendue le 10 avril 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Marseille et statuant à nouveau,
Fixons à la somme de 530,00 euros HT soit 633,88 euros TTC le montant total des honoraires dus par Madame Dominique Z à Maître Jacques Y ;
Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Condamnons Madame Dominique Z aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT