Jurisprudence : CE 3/8 SSR, 26-04-2013, n° 355509, mentionné aux tables du recueil Lebon



CONSEIL D'ETAT


Statuant au contentieux


355509


M. Frédéric CELLA


M. Christophe Pourreau, Rapporteur

Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, Rapporteur public


Séance du 10 avril 2013


Lecture du 26 avril 2013


REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux


Vu le pourvoi, enregistré le 3 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Frédéric Cella, demeurant 20, rue de la Glacière à Paris (75013) ; M. Cella demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX01913 du 8 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé le jugement n° 0900428 du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau avait annulé la décision du 23 décembre 2008 de la présidente de la communauté d'agglomération refusant de renouveler son contrat de chargé de mission informatique et condamné la communauté d'agglomération à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice causé par le non renouvellement de son contrat, n'a condamné la communauté d'agglomération à lui verser que la somme de 2 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions ;


2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;


3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;


Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;


Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988, modifié par le décret n° 2007-1829 du 24 décembre 2007 ;


Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,


- les observations de la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. Frédéric Cella et de Me Balat, avocat de la Communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées,


- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. Frédéric Cella et à Me Balat, avocat de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées ;


1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat de trois ans prenant effet à compter du 1er février 2003, renouvelé pour la même durée à compter du 1er février 2006, M. Frédéric Cella a été recruté par la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées en qualité de chargé de mission informatique pour piloter le projet " Pau Broadband Country " d'extension du réseau à très haut débit sur le territoire de l'agglomération ; que, par décision du 21 octobre 2008, confirmée sur recours gracieux le 23 décembre 2008, la présidente de la communauté d'agglomération lui a indiqué que son contrat ne serait pas renouvelé au-delà du 31 janvier 2009 ; que M. Cella se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 novembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 3 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau avait annulé la décision du 23 décembre 2008 et condamné la communauté d'agglomération à lui verser la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice causé par le non renouvellement de son contrat, a fixé à 2 500 euros le montant du préjudice causé par le défaut d'entretien préalable et a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'indemnité versée en réparation du préjudice causé par le non renouvellement de son contrat soit portée à 40 000 euros ;


2. Considérant qu'une irrégularité affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie ;


3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " (.)Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / (.)Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. " ; qu'en vertu de l'article 136 de la même loi, les agents non titulaires recrutés pour exercer les fonctions mentionnées à son article 3 bénéficient de règles de protection identiques à celles dont bénéficient les fonctionnaires territoriaux, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988, pris pour l'application de cet article, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : / (.) 4° Au début du troisième mois précédant le terme de l'engagement pour le contrat susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée. Dans ce cas, la notification de la décision doit être précédée d'un entretien. " ;


4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la décision d'une collectivité territoriale de ne pas renouveler le contrat d'un agent employé depuis six ans sous contrat à durée déterminée doit être précédée d'un entretien ; que, toutefois, hormis le cas où une telle décision aurait un caractère disciplinaire, l'accomplissement de cette formalité, s'il est l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire, ne constitue pas pour l'agent, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en ne jugeant pas que l'absence d'entretien préalable avait privé M. Cella d'une garantie ;


5. Considérant qu'en revanche, faute de rechercher, pour se prononcer sur la légalité de la décision de ne pas renouveler le contrat, si le défaut d'entretien préalable avait été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que M. Cella est fondé, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;


6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées la somme de 3 000 euros à verser à M. Cella au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. Cella, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;


D E C I D E :


Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 novembre 2011 est annulé.


Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.


Article 3 : La communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées versera à M. Cella une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Article 4 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Frédéric Cella et à la communauté d'agglomération de Pau-Pyrénées.


Délibéré dans la séance du 10 avril 2013 où siégeaient : M. Jacques Arrighi de Casanova, Président adjoint de la Section du Contentieux, présidant ; M. Gilles Bachelier, M. Jean Courtial, Présidents de sous-section ; M. Patrick Stefanini, Mme Marie-Hélène Mitjavile, Mme Caroline Martin, M. Stéphane Gervasoni, M. Régis Fraisse, Conseillers d'Etat et M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes-rapporteur.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.