Jurisprudence : CA Reims, 27-03-2013, n° 11/03717, Confirmation



Arrêt n°
du 27/03/2013
Affaire n° 11/03717
MC/FC
Formule exécutoire le à
COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE SOCIALE Arrêt du 27 mars 2013

APPELANT
d'un jugement rendu le 28 novembre 2011 par le Conseil de Prud'hommes de TROYES, section industrie (n° F 10/00402)
Monsieur Joseph Z

ROMILLY SUR SEINE
représenté par la SELARL BRUN, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉS
SCP X BARAULT MAIGROT, prise en la personne de Me X, mandataire liquidateur de la SAS OLYMPIA


TROYES CEDEX
représentée par la SELAS SCA, avocats au barreau de PARIS et Me Jean ..., avocat au barreau de PARIS
Maître Gérard V, administrateur judiciaire de la SAS OLYMPIA

PARIS
représenté par la SELAS SCA, avocats au barreau de PARIS
AGS et CGEA D'AMIENS
2 rue de l'Etoile
AMIENS CEDEX 3
représenté par Me Eric ..., substitué par Me Marianne SOMMIER, avocats au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré
Madame Martine CONTÉ, Président
Madame Patricia LEDRU, Conseiller
Mme Monique DOUXAMI, Conseiller
GREFFIER lors des débats
Madame Françoise CAMUS, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique du 4 février 2013, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 mars 2013
ARRÊT
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Martine CONTÉ, Président, et par Madame Françoise CAMUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *

Faits et procédure
La SAS OLYMPIA, qui avait pour activité la fabrication de chaussettes, dépendait du groupe JACQUEMARD composé d'une société Holding, la société FINANCIÈRE JACQUEMARD, et d'une filiale la Société de Droit Roumain ELCA.
Par jugement du 24 novembre 2009, le tribunal de commerce de TROYES ouvrait la procédure de redressement judiciaire de la SAS OLYMPIA, Maître V et Maître X étant respectivement désignés ès qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Le 27 avril 2010, le tribunal de commerce arrêtait le plan de cession totale de la SAS OLYMPIA à la SA TRICOTAGE DES VOSGES avec effet au 1er mai 2010, cette dernière reprenant 90 salariés sur le site de ROMILLY SUR SEINE (où la SAS OLYMPIA exerçait son activité) et offrant 22 emplois sur d'autres sites.
Par jugement du 7 juin 2010 était prononcée la liquidation judiciaire de la SAS OLYMPIA sans poursuite d'activité, à effet du 1er juin 2010 et Maître X était désigné ès qualités de liquidateur.
Antérieurement, par une ordonnance du 24 décembre 2009 devenue irrévocable le juge commissaire avait autorisé le licenciement pour motif économique de 102 salariés.
Le jugement du 27 avril 2010 autorisait le licenciement de 92 salariés non repris.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 mai 2010, Maître V ès qualités d'administrateur judiciaire notifiait son licenciement pour motif économique à Monsieur Joseph Z.

Après que Monsieur Joseph Z avait saisi le conseil de prud'hommes de TROYES d'une action aux fins de contestation de la légitimité de ce licenciement et fixation - en présence du CGEA - des créances indemnitaires consécutives, par jugement du 28 novembre 2011, toutes ses prétentions ont été rejetées et Maître V ès qualités, a été débouté de sa demande de mise hors de cause.

Monsieur Joseph Z a interjeté appel général de ce jugement.
Prétentions et moyens des parties
Pour un plus ample exposé la cour se réfère expressément aux écritures remises
- par l'appelant le 17 octobre 2012,
- par le CGEA le 4 février 2013,
- par Maître V le 30 janvier 2013,
- par Maître X et Maître V ès qualités le 22 janvier 2013,
et qui ont été oralement soutenues à l'audience.
Par voie d'infirmation du jugement entrepris l'appelant réitère ses prétentions initiales.
* * *
Les intimés ont sollicité la confirmation du jugement attaqué, sauf Maître V ès qualités d'administrateur judiciaire qui reprend sa demande de mise hors de cause.

MOTIFS
Attendu que Maître V fait à bon droit grief aux premiers juges d'avoir écarté sa demande de mise hors de cause ;
Qu'en effet si à l'instar de ce que relève le conseil de prud'hommes il est exact qu'en vertu du jugement du tribunal de commerce de TROYES, Maître V avait été autorisé à signer les actes jusqu'au 30 avril 2011, il est également patent qu'à compter de cette date il se trouvait dépourvu de tout pouvoir pour assister la SAS OLYMPIA placée antérieurement en liquidation judiciaire ;
Que c'est aussi à tort que les premiers juges - qui n'avaient aucun pouvoir pour connaître d'une éventuelle action en responsabilité de Maître V - ont cru devoir exclure sa mise hors de cause aux motifs qu'il devait répondre des actes exécutés pendant la durée de son mandat ;
Attendu qu'en réformant le jugement déféré, il convient de prononcer la mise hors de cause de Maître V ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS OLYMPIA ;
Attendu que s'agissant de la légitimité du licenciement litigieux, il est exactement rappelé par Maître X que celui-là, notifié en exécution du jugement du tribunal de commerce de TROYES du 27 avril 2010 ayant ordonné la cession totale de la SAS OLYMPIA à la société TRICOTAGE DES VOSGES, la réalité comme le sérieux de sa cause économique ne s'avère plus discutable, et du reste l'appelant n'en disconvient pas puisque ses moyens sont exclusivement tirés d'une inexécution prétendue de l'obligation de reclassement ;
Attendu qu'à cet égard doivent - à l'instar de ce qu'ont décidé les premiers juges - être écartés les arguments afférents aux lacunes alléguées de l'employeur quant aux recherches de reclassement externe prescrites par les accords professionnels des 10 février et 30 mai 1969 ;
Qu'ainsi il est justifié par la production des courriers de demande de la SAS OLYMPIA, et des réponses reçues, qu'ont été saisies sans succès les Commissions
Régionale et Nationale de l'Emploi par des courriers du 3 mai 2010, étant observé
que la réponse de l'UNIT 'CHAMPAGNE-ARDENNES' fait ressortir que la recherche s'étendait à toute la région et pas seulement à l'AUBE ;
Qu'il n'est pas établi que par voie conventionnelle la SAS OLYMPIA aurait été soumise à l'obligation d'autres investigations ;
Attendu que c'est également vainement que l'appelant argue de dérisoires toutes les mesures énoncées dans le Plan de Sauvegarde de l'Emploi du 6 mai 2010 ; qu'en effet y ont été prévues toutes les mesures de reclassement et accompagnement existantes (cellule de reclassement, aides à la formation, à la création d'entreprise, à la mobilité... ) et ceci de manière proportionnelle aux capacités financières dont disposait alors l'administrateur dans le cadre de la procédure collective ainsi que du délai légal de un mois qui lui était imparti pour mettre en oeuvre les licenciements, étant relevé qu'il a été procédé régulièrement à toutes les obligations d'information et de consultation ;
Qu'il apparaît également suffisamment du dossier - l'énumération des mesures ainsi que les comptes-rendus de la commission de suivi et du comité de pilotage de la cellule de reclassement - que ce sont pour des motifs étrangers à l'employeur que la totalité du budget du PSE n'a pas été utilisé ;
Attendu que l'appelant croit vainement pouvoir affirmer que la SAS OLYMPIA aurait pu consacrer des moyens bien supérieurs à son PSE en considération des ressources du groupe auquel elle appartenait ;
Qu'il sera constaté ci-après que l'ensemble des sociétés du groupe concerné se trouvait aussi dans une situation économique totalement compromise ;
Attendu qu'il est aussi justifié par la production des lettres toutes en date du 17 mai 2010 (pièce 101 de Me X) qu'alors même qu'aucune obligation légale ou conventionnelle ne le lui imposait, ont été interrogées par l'administrateur trente et une sociétés concurrentes exerçant la même activité que la SAS OLYMPIA aux fins de recherche de reclassement, mais que ce ne sont que des réponses négatives qui ont été émises ;
Attendu que par ailleurs il n'est pas indifférent de souligner - ce qui confirme de plus fort le souci de l'administrateur de respecter à chaque phase l'obligation de reclassement - qu'avant la mise en oeuvre les licenciements autorisés par le juge commissaire le 24 décembre 2009 la SAS OLYMPIA, avait loyalement, sérieusement, effectivement, avant la notification desdits licenciements tenté de reclasser les salariés concernés en interne ;
Que l'obligation de moyens qui pesait à cet égard sur la SAS OLYMPIA et son administrateur, a trouvé sa limite dans la situation économique catastrophique qui avait conduit non seulement celle-ci à la cessation de son activité, mais aussi les deux seules autres sociétés qui constituaient le groupe, lesdites activités s'avérant totalement dépendantes les unes des autres ;
Qu'en effet il mérite d'être rappelé que le rapport d'expertise SECAFI qui avait été déposé en décembre 2009 à la demande du comité d'entreprise avait mis en exergue l'inéluctable incidence de la situation de la SAS OLYMPIA sur celle de la SAS FINANCIÈRE JACQUEMARD qui avec ses huit salariés ne tirait ses ressources que des activités de la SAS OLYMPIA et de celles de la Société de Droit Roumain ELCA qu'elle détenait toutes deux à plus de 99 % ;
Qu'il en est de même de cette dernière société ELCA qui à l'instar de la SAS OLYMPIA produisait des articles textiles mais dépendait de celle-là pour ses approvisionnements par les fournisseurs ;
Qu'ainsi l'expert ... soulignait que consécutivement aux retards de paiement de ses fournisseurs accumulés par la SAS OLYMPIA du fait de sa trésorerie obérée, début décembre 2009 faute d'approvisionnement l'usine roumaine n'avait pu fonctionner qu'à 30 % de ses capacités ;
Que c'était dans ce contexte que la SAS OLYMPIA assistée de son administrateur judiciaire avait néanmoins adressé le 14 décembre 2009 à chacune de ces deux sociétés une lettre aux fins de s'enquérir des possibilités de reclassement des salariés concernés par les licenciements qui avaient été autorisés par le juge commissaire le 24 décembre 2009 ;
Mais attendu que la même obligation ne s'imposait plus à l'administrateur avant de procéder aux licenciements autorisés par le tribunal de commerce dans son jugement du 27 avril 2010 puisque le groupe dont avait dépendu la SAS OLYMPIA n'existait plus ;
Qu'ainsi alors que de première part la cession totale de la SAS OLYMPIA avait été ordonnée, le 1er juin 2010 le tribunal de commerce de TROYES prononçait la liquidation judiciaire de la SAS FINANCIÈRE JACQUEMARD, et le 31 mai 2010 le tribunal de PRAHAVA (Roumanie) ouvrait la procédure générale d'insolvabilité de la société ELCA en relevant que cette situation était consécutive à la procédure collective dont avait en France fait l'objet la SAS OLYMPIA ;
Que la production aux débats des états de fluctuation du personnel de la société ELCA pour les années 2009-2010 fait bien ressortir que les 393 personnes ont connu la rupture de leur contrat de travail ;
Que du reste, l'appelant ne soutient pas que son reclassement aurait dû être envisagé dans le périmètre du groupe JACQUEMARD sauf à relever que c'est à tort qu'il croit pouvoir inclure dans ce périmètre la société TRICOTAGE DES VOSGES ;
Attendu qu'en effet à l'instar de ce qu'a souligné le jugement - sauf à observer que ces mesures constituaient une tentative de reclassement externe et non interne - les reproches formulées à l'encontre de la SAS OLYMPIA et de son administrateur au sujet de la transmission aux salariés concernés de la proposition de la société TRICOTAGE DES VOSGES de 22 postes de reclassement au sein de son établissement situé à VAGNIER (88), ne s'avèrent pas pertinents ;
Qu'il ne s'agissait pas d'une recherche de reclassement opérée à l'intérieur d'un groupe dans la mesure où aucune relation juridique et financière de cette nature n'existait entre la société TRICOTAGE DES VOSGES et la SAS OLYMPIA, de sorte que l'employeur et l'administrateur ne se trouvaient pas soumis, en l'absence de dispositions conventionnelles en ce sens, à la rigueur des obligations applicables au périmètre d'un groupe ;
Que néanmoins - étant encore rappelé que l'administrateur devait agir dans le bref délai d'un mois - par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 11 mai 2010 tous les salariés visés par le licenciement étaient destinataires des offres de la société TRICOTAGE DES VOSGES, très précisément détaillées dans des fiches de postes et accompagnées de la description des mesures d'accompagnement ;
Qu'en considération de toutes les conditions ci-avant énumérées, ne s'avérait pas critiquable le choix de l'administrateur de n'exclure aucun salarié pour l'envoi de ces offres, ni le délai de réponse fixé au 25 mai 2010 ;
Attendu que l'ensemble de cette analyse, qui complétera la motivation du conseil de prud'hommes, commande de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement dont s'agit procédait d'une cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'argument de l'appelant tiré d'une affirmation selon laquelle le comité d'entreprise et les salariés n'auraient pas été informés des démarches accomplies par l'employeur en vue du reclassement s'avère inopérant ;
Que le caractère licite du licenciement ne se trouve pas subordonné à l'accomplissement d'une telle formalité ;
Qu'au surplus cette allégation est contredite par le fait que les représentants des salariés - et donc ceux-ci par le truchement de ces derniers - ont eu communication de tous les rapports d'expertise et de l'administrateur judiciaire ;
Que les intimés observent aussi exactement que les autorités administratives, et notamment l'Inspection du Travail, s'étaient abstenues d'émettre des critiques sur les procédures mises en oeuvre pour tenter de favoriser le reclassement des salariés concernés avant de leur notifier leur licenciement ;
Que la preuve d'un préjudice qui ouvrirait droit à l'indemnisation prévue à l'article L. 1235-12 du code du travail n'est pas valablement administrée ;
Attendu que l'appelant comme en première instance argue d'une violation de l'application des critères et partant d'une détermination critiquable de l'ordre des licenciements ;
Que toutefois il n'est excipé d'aucun moyen nouveau pour remettre en cause la pertinente motivation du conseil de prud'hommes qui a exactement retracé la procédure de détermination ainsi que d'application des critères, pour constater, ainsi que le font valoir les intimés, que tous les critères avaient bien été pris en
compte objectivement et individuellement, mais que celui constitué par les qualités
professionnelles - consécutivement à l'impossibilité de se référer pour tous les salariés à des éléments objectifs puisque l'entreprise ne disposait pas de comptes-rendus d'évaluation - avait été retenu avec le même coefficient pour tous, ce qui ne revenait pas à l'exclure mais seulement, au contraire d'autres critères, à ne pas le privilégier ;
Que pas plus qu'en première instance, il n'est démontré autrement que par voie d'affirmations insuffisamment probantes que ce choix aurait été moins favorable aux salariés ;
Attendu que c'est encore sans exciper de moyens nouveaux et utiles pour critiquer l'exacte appréciation des premiers juges, que l'appelant reprend que la procédure suivie devant le comité d'entreprise aurait été irrégulière ;
Que les projets d'ordre du jour signés par le secrétaire de cette instance sont versés aux débats et rien ne permet de les considérer comme faux ou apocryphes ;
Que le cabinet SECAFI qui a remis un rapport très détaille et complet, n'a jamais émis de critiques sur le délai qui lui avait été imparti pour oeuvrer, le contexte de la procédure collective ayant imposé son urgence ;
Que la présence du conseil de l'administrateur judiciaire aux réunions n'avait nullement été imposée aux membres du comité d'entreprise ;
Attendu qu'il appert du tout que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur Joseph Z de l'ensemble de ses prétentions ;
Que sa demande de frais irrépétibles d'appel sera rejetée ;
Que l'issue du litige justifie de le condamner aux entiers dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare Monsieur Joseph Z recevable en son appel,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté la demande de mise hors de cause de Maître V ès qualités,
Infirme le jugement de ce chef,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Déclare Maître V ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS OLYMPIA hors de cause,
Rejette la demande de frais irrépétibles de Monsieur Joseph Z et le condamne aux dépens d'appel.
Le greffier, Le président,

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