Jurisprudence : CA Bordeaux, 25-04-2013, n° 11/04459, Confirmation partielle



COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE - SECTION B
ARRÊT DU 25 AVRIL 2013
(Rédacteur Monsieur Patrick ..., conseiller,)
N° de rôle 11/04459
LA S.A.R.L. MAISONS OMEGA
c/
Monsieur Jean Y
LA S.A. CGI BAT
Nature de la décision AU FOND
Grosse délivrée le
aux avocats
Décision déférée à la cour jugement rendu le 10 juin 2011 (R.G. 09/00774) par le Tribunal de Grande Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 11 juillet 2011,

APPELANTE
LA S.A.R.L. MAISONS OMEGA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, PERIGUEUX,
Représentée par la S.E.L.A.R.L. Patricia MATET-COMBEAUD, Avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Patrick MELMOUX, Avocat au barreau de MONTPELLIER,
INTIMÉS
1°/ Monsieur Jean Y, demeurant 1 Ratbo Place DUNFERMLINE KY11 4B11 4BQ UK (Royaume Uni),
Représentée par Maître Marie RAYSSAC, Avocat au barreau de BORDEAUX,
2°/ LA S.A. CGI BAT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, PARIS CEDEX 16,
Représentée par la S.C.P. Luc BOYREAU, Avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 3 décembre 2012 en audience publique, devant la cour composée de
Monsieur Louis-Marie CHEMINADE, Président,
Monsieur Patrick BOINOT, Conseiller,
Madame Caroline FAURE, Vice-Président placé,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats Madame Marceline LOISON
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Vu le jugement rendu le 10 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Bergerac, qui a donné acte à l'association d'aide au maître de l'ouvrage individuel et à la CGI Bat de leurs interventions volontaires à l'instance, qui a prononcé la résolution du contrat de construction conclu le 3 mars 2007 entre M. Jean Y et la société Maisons Omega, et, par conséquent, qui a condamné la société Maisons Omega à rembourser à M. Y les règlements jusque là effectués à concurrence de la somme de 221 349,37 euros, et au paiement de la somme de 1 euro au titre du préjudice moral et de celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et qui a rejeté tous les autres chefs de demande des parties ;

Vu la déclaration d'appel interjeté par la société Maisons Omega le 11 juillet 2011 ;
Vu les dernières conclusions de l'appelante, signifiées et déposées le 19 octobre 2012 ;
Vu les dernières conclusions de M. Y, signifiées et déposées le 14 novembre 2012 ;
Constaté le défaut de conclusions de la société CGI Bat ;
Vu l'ordonnance de clôture du 19 novembre 2012 ;
M. Jean Y, qui avait acquis une maison à usage d'habitation située à Bergerac (Dordogne) avec deux autres personnes, a conclu le 3 mars 2007, avec la société Maisons Omega, un contrat de construction de maison individuelle pour un montant arrêté, après plusieurs avenants, à la somme de 295 132,50 euros. Estimant avoir rempli ses obligations, la société Maisons Omega a présenté à M. Y un appel de fonds correspondant à la somme de 61 379,39 euros, que M. Y a refusée de payer, refusant en outre de réceptionner l'ouvrage. Elle l'a alors assigné pour que soit prononcée la réception judiciaire et que M. Y soit condamné à lui payer ladite somme.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère au jugement déféré qui en contient une relation précise et exacte.

MOTIFS
La société Maisons Omega affirme dans le dispositif de ses conclusions - mais ne justifie pas et n'explique pas - que la cour n'est tenue qu'en considération des prétentions et moyens développées dans les conclusions de M. Y du 7 mars 2012.
Sur la rétractation et la résolution du contrat de construction en application de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation
Aux termes des alinéas 1er et 2 de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation,
'Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.
Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.'
M. Y fait valoir qu'en l'espèce, le délai de rétractation n'a pas commencé à courir car le courrier du 14 mars 2007, quoiqu'envoyé en lettre recommandée avec avis de réception, ne porte pas mention qu'il faisait courir ce délai de rétractation et qu'il en constituait le point de départ.
Cependant, la société Maisons Omega fait exactement valoir que ce texte ne prévoit pas que le constructeur doive informer l'accédant à la propriété de son obligation d'exercer son droit de rétractation dans un délai de sept jours ; et, en revanche, que le contrat de construction souscrit par M. Y, stipule, en son article 5-2 in fine que 'A compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte, le maître de l'ouvrage dispose d'un délai de sept jours pour se rétracter. Passé ce délai, le contrat sera réputé définitif.'
Or, elle justifie que la lettre du 14 mars 2007 par laquelle elle a transmis à M. Y le contrat de construction est parvenue à celui-ci le 19 mars 2007 et que le délai de sept jours a commencé à courir le 20 mars 2007. Ainsi, M. Y, qui affirme de manière inopérante que la clause de rétractation insérée au contrat n'est pas lue, et qui reconnaît qu'il n'a pas exercé sa faculté de rétractation dans le délai de sept jours, était forclos à exercer son droit de rétractation au moment de la réception des travaux. Dès lors, il ne peut utilement prétendre que le droit de rétractation a pour conséquence la résolution du contrat et l'anéantissement rétroactif du contrat de construction.
Sur la nullité du contrat de construction en application des articles L. 231-2 et L. 231-9 du code de la construction et de l'habitation
Selon l'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation, Le contrat visé à l'article L. 231-1 doit comporter les énonciations suivantes ...
c) la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant tous les travaux d'adaptation au sol, les raccordements aux réseaux divers et tous les travaux d'équipement intérieur ou extérieur indispensables à l'implantation et à l'utilisation de l'immeuble ;
Et, aux termes de l'article L. 231-9 du même code, 'Une notice d'information conforme à un modèle type agréé par arrêté conjoint des ministres chargés de la construction et de la consommation est jointe au contrat qui est adressé par le constructeur au maître de l'ouvrage par lettre recommandée avec avis de réception.'
La société Maisons Omega, qui reconnaît ne pas avoir présenté, dans les plans, l'intégralité des travaux d'équipement et affirme, sans toutefois en justifier, avoir envoyé la notice d'information dans son courrier du 14 mars 2007, admet la nullité du contrat mais fait valoir que cette violation n'est sanctionnée que par une nullité relative couverte par voie de confirmation ultérieure.
M. Y, admettant la reconnaissance de cette nullité du contrat, affirme qu'il n'a pas renoncé à son bénéfice puisque sa confirmation, qui ne se présume pas, suppose la connaissance du vice et l'intention de le réparer, non rapportés en l'espèce. En ce sens, il ne conteste pas avoir eu connaissance, à réception des documents transmis par la société Maisons Omega, du non-respect des dispositions ci-dessus rappelées du code de la construction et de l'habitation, mais il fait valoir que, dans son courrier du 27 septembre 2011, rien n'indique son intention de réparer la nullité ou d'y renoncer.
Cependant, dans ce courrier, M. Y fait état de nouvelles malfaçons, indique son intention de demander l'intervention des assureurs des artisans et, pour ce faire, demande la justification des assurances décennales des artisans. Ainsi, il n'invoque pas la nullité du contrat. Et, surtout, il reconnaît, sur les modalités d'exécution du contrat, 'qu'il n'existe pas moins de treize avenants établis par la société Maisons Omega' ; or, en aucun de ces cas, il n'a remis en cause l'existence de ce contrat, manifestant par là-même le désir d'en poursuivre l'exécution jusqu'à son terme et donc de réparer le vice qui l'avait initialement entaché. Ainsi, la nullité qui entachait le contrat a ultérieurement été couverte et ne peut aujourd'hui être admise.
En conséquence, la cour, constatant qu'il n'y a lieu ni à résolution ni à annulation du contrat, infirme le jugement qui a prononcé la résolution du contrat de construction.
Sur l'exécution du contrat - réception du contrat
Par lettre recommandée datée du 12 mars 2009, reçue en version électronique le 13 mars 2009 et par voie postale le 17 mars 2009, la société Maisons Omega a invité M. Y à la visite de réception des travaux pour le 20 mars 2009 ou à toute autre date de son choix. M. Y, qui a, par lettre et courriel du 16 mars 2009, contesté le travail effectué, n'était pas présent sur les lieux à la date fixée. Ce jour-là, la société Maisons Omega a fait dresser procès-verbal par un huissier de justice qui a constaté l'état de l'ouvrage. Et, postérieurement, M. Y a pris possession des lieux.
Au vu de cette situation, la société Maisons Omega demande à la cour de prononcer, en application de l'article 1792-6 du code civil, la réception judiciaire des travaux à cette date sans réserve. Pour s'y opposer, M. Y objecte que les dispositions de l'article 1792-6 du code civil impose un débat contradictoire et qu"il est établi par les constats successifs... que l'immeuble n'était pas en état d'être reçu...'.
Cependant, l'article 1792-6 dispose que la réception 'intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement,. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.'
Dès lors que la société Maisons Omega a proposé à M. Y de procéder à cette réception, que celui-ci n'a pas donné de suite favorable à cette proposition et qu'il n'est pas contesté que, postérieurement, il a pris possession des lieux et y réside désormais, il convient, sans ordonner une expertise qui serait inutile, de prononcer la réception judiciaire des lieux sans réserve au 20 mars 2009.
Par ailleurs, la société Maisons Omega expose, dans sa lettre du 12 mars 2009, qu'en raison d'une interruption du chantier, la fin du délai contractuel avait été reportée au 20 mars 2009 ; et M. Y ne justifie pas d'une prolongation du délai jusqu'au 15 septembre 2011. Le versement d'aucune pénalité de retard n'est donc justifié.
- paiement du prix
La société Maisons Omega a établi, le 10 février 2009, une facture d'appel de fonds d'un montant de 61 379,39 euros. A défaut d'obtenir satisfaction, elle a fait adresser le 6 avril 2009, par son conseil, à M. Y une lettre de mise en demeure de payer cette somme, en lui rappelant son refus de prendre livraison de l'ouvrage et de participer à sa réception le 20 mars 2009. Conformément aux dispositions de l'article 3-5 des conditions générales, elle est donc bien fondée à obtenir le paiement de cette somme avec intérêts au taux contractuel à compter du 11 avril 2009, date de la lettre par laquelle M. Y reconnaît avoir reçu la lettre de mise en demeure du 6 avril 2009.
Sur le préjudice de M. Y
Puisque la réception judiciaire de l'ouvrage est prononcée au 20 mars 2009, et qu'il est condamné au paiement du prix demandé par la société Maisons Omega, M. Y n'est pas fondé à faire état d'un préjudice qui résulterait de la vente de sa maison en Ecosse, ni de l'évolution du taux de change. De même, il ne justifie ni du caractère 'inhabitable et dangereux' de la maison lors de la demande de paiement des 95 % du montant du prix, ni du fait qu'il n'a pu prendre que récemment possession de cette habitation, laissée à sa disposition depuis le 20 mars 2009, ou qu'il ait perdu trois années de recettes. Il ne démontre donc aucun préjudice de jouissance.
De plus, l'indemnisation du préjudice moral est celle qui est allouée en réparation de l'atteinte aux sentiments d'affection ou d'honneur. Or, il ne justifie d'aucun préjudice de cette nature.
En conséquence, ses chefs de demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral doivent être rejetés.
Sur les autres chefs de demande
M. Y qui succombe sur l'essentiel en ses prétentions, est condamné aux dépens. Il est également condamné au paiement d'une somme au profit de la société Maisons Omega en application de l'article 700 du code de procédure civile, comme il est dit au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement prononcé le 10 juin 2011 par le tribunal de grande instance de Bergerac, en ce qu'il donne acte à l'association d'aide au maître de l'ouvrage individuel et à la CGI Bat de leurs interventions volontaires à l'instance,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau
Rejette les demandes tendant à la résolution et à l'annulation du contrat de construction conclu le 3 mars 2007,
Prononce la réception judiciaire de l'ouvrage sans réserve à la date du 20 mars 2009,
Condamne M. Jean Y à payer à la société Maisons Omega la somme de 61 379,39 euros avec intérêts au taux légal de 1 % par mois à compter du 11 avril 2009,
Rejette tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt,
Condamne M. Jean Y à payer à la société Maisons Omega la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Louis-Marie ..., président, et par Madame Marceline ..., greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Agir sur cette sélection :

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.