COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
15ème chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 AVRIL 2013
R.G. N° 12/01989
AFFAIRE
SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT
C/
James HITCHCOCK
Décision déférée à la cour Jugement rendu(e) le 03 Avril 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Chartres
Section Industrie
N° RG F 11/00441
Copies exécutoires délivrées à
Me Myriam ... ...
Me Sandra ...
Copies certifiées conformes délivrées à
SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT
James HITCHCOCK
le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE TREIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre
SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT
Ozoir La Ferriere
représentée par Me Myriam AZOT BENARROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire C2378 - N° du dossier 110554-3
APPELANTE
****************
Monsieur James Y
Ponthevrard
comparant en personne,
assisté de Me Sandra RENDA de la SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET, avocat au barreau de CHARTRES
INTIMÉ
****************
Composition de la cour
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de
Madame Patricia RICHET, Présidente,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Madame Véronique JACOB-DESJARDINS, Vice-Présidente placée,
Greffier, lors des débats Mme Françoise DUCAMIN,
M. Y a été embauché par la société SOLUTION SERVICES, aux droits de laquelle est venue la société SOLUTION ÉQUIPEMENT, en qualité de monteur poseur par contrat de travail à durée déterminée en date du 29 novembre 2007 avec effet au 03 décembre. Ce contrat a été prorogé à son terme par un avenant du 03 mars 2008 jusqu'au 03 juin 2008. Un contrat à durée indéterminée a été conclu entre les parties le 04 juin.
Par lettre datée du 04 juillet 2009, M. Y a adressé à M. ... alors Directeur des deux sociétés, les revendications suivantes
' Je vous rappelle que vous avez reconnu nous devoir 833 euros brut lors de l'entretien préalable à licenciement et augmenter mon salaire à 1 700 euros brut dès avril 2009. Vous n'avez pas contesté ce fait.
Il y a également mes heures supplémentaires 2 009 qui ne sont pas payées à ce jour ainsi que mes heures supplémentaires 2008.
J'attends ma participation au bénéfice avec prime d'intéressement mais aussi les primes qui figurent dans mon contrat de travail, une somme qui m'a été retirée de ma fiche de paye sans me prévenir depuis deux mois.
De plus, je refuse de partir en déplacement en raison des modifications du système de frais de grands déplacements car cela ne me permet pas de manger convenablement ainsi que dormir dans de bonnes conditions.
Je vous demande le paiement dans les plus brefs délais'.
Deux de ses collègues, M. ... et M. ..., ont également adressé à la même date une lettre ayant également pour objet des revendications professionnelles remettant en cause le forfait hébergement instauré sans leur accord le 03 juin 2009, et demandant le paiement d'heures supplémentaires ainsi que la réévaluation des tickets restaurants.
Le 06 juillet 2009,les trois salariés se sont présentés sur leur lieu de travail à 07 h 30 mais ont refusé de reprendre leur poste.
Des échanges téléphoniques ont eu lieu entre M. ... et eux-mêmes.
Les trois salariés ont signé et envoyé à celui-ci, à 11 h 28, une télécopie libellée en ces termes
'Les salariés de la société SOLUTION SERVICES sont en grève pour non respect de nos droits par l'employeur.
Nous exigeons
- la rémunération contractuelle ( prime chantier, déplacement etc...) correspond aux contraintes professionnelles prévues par les contrats de travail.
- paiement des heures supplémentaires;
- respect des engagements de rembourser le dernier versement 2008 des heures supplémentaires;
- payer les heures supplémentaires 2008 en respectant les majorations;
- respecter l'accord d'augmentation des salaires 2008 pour 2009;
- nous vous demandons de cesser de nous harceler, menacer et d'exiger la restitution de nos outils de travail pour des prétextes fallacieux;
- également nous vous demandons conformément à la loi de nous payer ces journées de grève compte tenu du fait que vous êtes à l'origine de ce conflit'.
MM Y, ... et ... ont également cosigné et envoyé un courrier au préfet d'Eure et Loir non daté demandant à celui-ci d'intervenir pour les soutenir et les aider dans la résolution de ce conflit qui a pour origine le non respect de leurs droits par l'employeur.
Le 07 juillet 2009, ils adressaient un courrier recommandé à la société SOLUTION SERVICES pour rappeler qu'ils étaient en grève depuis le 06 juillet 08 heures et qu'ils avaient envoyé un fax et avisé verbalement le responsable local de leurs intentions dès le début du mouvement.
Par courriers recommandés du 08 juillet 2009, M. Y a été convoqué successivement à un entretien préalable en vue de son licenciement pour faute grave puis pour faute lourde.
L'entretien a eu lieu le 20 juillet.
Il a été licencié pour faute lourde par courrier recommandé du 23 juillet 2009 dont les principaux extraits sont rapportés ci-après
' Le 06 juillet, vous avez refusé de prendre votre poste de travail à 07 h 30 conformément aux instructions qui vous avaient été données le vendredi 3 juillet.
Vous nous avez informé par fax reçu le même jour à 11 h de revendications et avez alors signalé que vous étiez en grève.
( ... ) Outre que je considère qu'il peut y avoir dans votre position un abus du droit de grève, je considère que votre attitude dans votre mouvement inopiné a profondément désorganisé notre société.
Cette désorganisation s'est manifestée à plusieurs titres
- absence de personnel sur les chantiers ( celui de Coquelles en tête pour lequel nous avions un délai d'achèvement des travaux extrêmement court, celui de Marmande sur lequel vous deviez personnellement vous rendre d'autre part).
- d'autre part, obligation de suppléer votre absence sur le chantier par une équipe de sous traitants à des forts coûts pénalisants pour l'entreprise car gérés dans l'urgence.
- de plus, en agissant dans l'extrême urgence, nous n'avons guère eu le choix dans le panel de sous-traitants disponibles.
(...) Ainsi et pour conclure, je pense que votre comportement consistant dans un premier temps en un refus de travailler non valablement justifié puis d'enclencher un mouvement de grève après le constat de votre refus de travailler pourrait être un abus de droit mais est constitutif d'une faute lourde par le fait qu'il a désorganisé totalement notre entreprise avec une volonté affirmée de lui nuire financière'.
Contestant le bien fondé de son licenciement, M. Y a saisi le Conseil de Prud'hommes de Chartres de demandes tendant à voir condamner la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT venant aux droits de la SARL SOLUTION SERVICES au paiement, avec intérêts légaux, des sommes de
- 25 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 3 035,77 euros à titre d'indemnité de licenciement;
- 1 999,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
- 199,92 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de son Droit Individuel à la Formation;
- 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit de grève;
- 1 687,87 euros en paiement des heures supplémentaires effectuées en 2008 et 2009;
- 168,78 euros au titre des congés payés y afférents;
- 2 479,06 euros en paiement des heures de nuit;
- 247,90 euros au titre des congés payés y afférents;
- 2 000,00 euros à titre de requalification du contrat initial en contrat de travail à durée indéterminée;
- 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a également demandé la remise d'un certificat de travail portant mention du préavis et d'une attestation ASSEDIC rectifiée sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard.
La SARL SOLUTION EQUIPEMENTS a demandé reconventionnellement la condamnation du salarié au paiement des sommes de
- 23 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit de grève;
- 4 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 03 avril 2012, le Conseil de Prud'hommes a jugé le licenciement dépouvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT au paiement des sommes de
- 3 035,77 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement;
- 1 971,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis;
- 197,13 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 2 000,00 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée;
- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit de grève;
- 100,00 euros à titre de dommages et intérêts au titre du DIF;
- 1 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a également fait droit à la demande de délivrance d'un certificat de travail et d'une attestation ASSEDIC rectifiés sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification du jugement.
La SARL SOLUTION EQUIPEMENTS a été déboutée de ses demandes reconventionnelles.
Les juges prud'homaux ont estimé que les trois salariés grévistes avaient informé leur responsable d'atelier du fait que leurs revendications n'avaient pas été prises en compte par le chef d'entreprise lequel n'a pas contesté, lors de l'entretien préalable, devoir certaines sommes au titre des salaires, accessoires de salaire et des heures supplémentaires; que ces réclamations ont été confirmées par le fax envoyé à l'employeur par les salariés, que la grève était donc licite et ne pouvait justifier le licenciement; que les heures supplémentaires ont été prises en compte dans les bulletins de salaire et que le salarié n'a pas rapporté la preuve de la réalisation de travaux de nuit.
La SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT a régulièrement relevé appel de cette décision. DEVANT LA COUR
Par conclusions déposées le 30 janvier 2013 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT a demandé à la Cour de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. Y de ses demandes relatives aux heures supplémentaires et aux heures de nuit, de l'infirmer pour le surplus, de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner, pour non respect du droit de grève, au paiement d'une somme dont le montant sera laissé à l'appréciation de la Cour, ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 30 janvier 2013 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, M. Y a demandé la confirmation partielle de la décision attaquée et le bénéfice de ses demandes de première instance, sauf à ramener à 1971,30 euros l'indemnité compensatrice de préavis et à 5 000,00 euros le montant des dommages et intérêts réparant l'atteinte au droit de grève ainsi que la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 3 000,00 euros en dédommagement des frais irrépétibles de l'appel. Il a également demandé la capitalisation des intérêts légaux.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le requalification du contrat initial
M. Y fonde cette demande sur l'absence de toute mention expliquant le recours à un contrat de ce type.
La société SOLUTION ÉQUIPEMENT réplique que ce contrat, comme le contrat à durée indéterminée qui l'a suivi, a été conclu à l'époque où la société SOLUTION SERVICES appartenait à la société NDM avant d'être cédée au groupe SD2M et de prendre le nom de SOLUTION ÉQUIPEMENT et que l'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée pèse sur l'employeur qui l'a conclu et n'est pas transférée au repreneur.
Il n'en demeure pas moins que le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification. Ainsi le salarié est-t-il fondé à demander au nouvel employeur le paiement d'une indemnité de requalification au titre du contrat de travail à durée déterminée conclu avec l'ancien employeur sauf à exercer un recours contre ce dernier.
L'absence de mention concernant le recours à un contrat à durée déterminée constitue une irrégularité justifiant l'indemnisation du salarié nonobstant le fait que le contrat à durée déterminée s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée.
Lorsque le Conseil de Prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
La somme de 2 000,00 euros, accordée par le Conseil de Prud'hommes répare suffisamment ce préjudice.
Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les demandes de rappel de salaires concernant les heures supplémentaires et les heures de nuit
M.YY étaye ses demandes de ce chef sur des fiches horaires établies chaque semaine dont la plupart sont signées par l'employeur et sur un récapitulatif de ces fiches mois par mois de janvier 2008 à juillet 2009.
La SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT ne fournit aucun décompte et s'en rapporte sur ce point à la motivation du jugement prud'homal, alléguant que la Cour ne pourra que déduire de cette motivation le caractère illégitime des prétendues revendications du salarié dans la mesure où ses collègues ont fait la même demande et en ont été déboutés dans les mêmes termes par le conseil de prud'hommes.
Aux termes de l'article L 3171-4 du Code du travail, ' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réclamés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles'.
A défaut d'autres éléments produits par l'employeur, il convient de se référer, en application du texte susrappelé, au tableau récapitulatif produit par le salarié qui est concordant avec les fiches, nonobstant le fait que certaines d'entre elles n'ont pas été signées par l'employeur.
Il résulte de cette pièce que M. Y a effectué de janvier 2008 à juillet 2009 188 heures supplémentaires au delà de 35 heures hebdomadaires payées 125% du taux de base soit 13, 186 euros de l'heure et 82 heures au delà de 45 heures hebdomadaires payées 150 % de ce même taux soit 15,823 euros de l'heure et que l'employeur ne lui a réglé que 128 heures supplémentaires à 125%, ce qui est vérifié par l'examen des bulletins de salaire de la période.
La SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT est donc redevable à M. Y des sommes de
- 60 hx 13,186 euros = 791,16 euros en ce qui concerne les heures à 125 %,
- 82 hx 15, 823 euros = 1297,48 euros en ce qui concerne les heures à 150 %
soit un total de 2 088,64 euros.
Il convient toutefois de déduire de cette sommes les régularisations opérées par l'employeur sur les bulletins de salaires de février et mars 2009 à hauteur de 833x 2= 1666 euros.
La SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT reste donc devoir à son salarié au titre des heures supplémentaires la somme de
2 088,64 ' 1666,00 = 422,64 euros, à laquelle il convient d'ajouter les congés
payés y afférents pour 42,26 euros.
S'agissant des heures de nuit dont le nombre total ressort à 96 sur le tableau et pour lesquelles aucune majoration n'a été versée par l'employeur lequel ne conteste pas le principe de la majoration conventionnelle de 20 % réclamée par le salarié, il convient d'observer que ces heures ont déjà été incluses dans le décompte général et ne s'ajoutent pas aux 1775 heures effectuées dans la période de sorte que seules peuvent être réclamées les majorations de 20 % afférentes à ces heures à savoir la somme de
96h x 10,549 x 20 % = 202,54 euros, à laquelle s'ajoute celle de 20,25 euros montant des congés payés y afférents.
Sur le licenciement
M. Y invoque la nullité de son licenciement sur le fondement des articles L1132-2 et L 1132-4 du Code du travail s'agissant d'une sanction prononcée en raison de l'exercice normal du droit de grève.
Il est établi que les trois salariés se sont présentés sur leur lieu de travail le 06 juillet 2009 à 07 heures 30 et ont refusé de travailler; que des échanges téléphoniques ont eu lieu entre eux et M. ... et qu'ils ont formulé leurs revendications dans un courriel envoyé à ce dernier à 11 h 28 soit près de 4heures après la cessation du travail.
M. ... déclare avoir reçu les trois courriers de revendication des salariés portant la date du 04 juillet dans la journée du 06 juillet sans préciser à quelle heure.
Si la preuve de l'envoi de ces courriers en recommandé avec accusé de réception n'a pas été rapportée par les salariés, ce qui ne permet pas de savoir précisément à quel moment leur destinataire en a pris connaissance, cet aveu de l'employeur montre à tout le moins qu'au moment de la cessation du travail MM. ..., ... et Y avaient des revendications professionnelles communes à présenter et aucun autre but que la satisfaction de ces revendications ne peut expliquer leur cessation concertée du travail.
Les salariés soutiennent qu'ils ont avisé immédiatement le responsable d'atelier, seul représentant de la hiérarchie sur les lieux, du motif de leur refus de prendre leur poste.
L'employeur soutient quant à lui que ' M. ... a refusé de prendre son poste sans aucune explication auprès du Directeur d'exploitation ou de M. ...', ce qui n'exclut nullement qu'il ait exposé les motifs de son attitude au responsable d'atelier en l'absence du directeur d'exploitation et de M. .... Il était loisible à l'employeur de produire le témoignage dudit responsable pour contredire, le cas échéant, les allégations des salariés sur ce point.
La société SOLUTION ÉQUIPEMENT ne conteste pas que des échanges téléphoniques ont eu lieu entre les salariés et M. ... avant que ceux-ci ne lui adressent une télécopie formalisant leurs revendications communes puisqu'elle déclare à ce sujet que 'ce n'est qu'à la suite de différentes remarques de la Direction sur leur attitude qu'ils l'ont légitimée en prétendant être en grève'.
Cependant, compte tenu du fait que les salariés avaient déjà à ce moment envoyé à M. ... des courriers de revendication professionnelle, il ne peut être sérieusement contesté, même à supposer que ce dernier ne les ait pas encore reçus, que le but de la cessation du travail ait été évoqué et discuté immédiatement et non pas suite aux remarques de la direction sur leur attitude dans la crainte de sanctions.
Si comme le soutient la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT, les revendications professionnelles doivent être connues de l'employeur au moment du déclenchement de la grève, cette communication peut être effectuée par tout moyen et notamment de façon verbale ou même par téléphone lorsque, comme en l'espèce, les dirigeants de l'entreprise sont éloignés de l'établissement. Il importe seulement, pour que la grève soit licite, que le salarié établisse qu'il a avisé l'employeur en temps utile des motifs professionnels de la cessation du travail.
Il résulte suffisamment des éléments de l'espèce que les salariés ont refusé de travailler pour faire aboutir des revendications professionnelles et qu'ils en ont avisé immédiatement le responsable d'atelier puis, aussitôt que possible, le chef d'entreprise par téléphone avant de formuler leurs revendications communes dans une télécopie.
Leur cessation concertée du travail doit donc être considérée comme une grève licite et non pas comme une manifestation d'insubordination légitimée a posteriori par sa transformation en mouvement de grève plusieurs heures après son début à la seule fin d' échapper aux sanctions.
La SARL SOLUTIONS ÉQUIPEMENT ne pouvait ainsi licencier M. ... pour avoir refusé d'effectuer son travail dès lors que ce refus s'inscrit dans l'exercice de son droit de grève et celui-ci se trouve donc fondé à demander l'annulation de cette mesure.
Dès lors sont fondées en leur principe les demandes de M. ... tendant au paiement des indemnités de préavis et de licenciement ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement nul.
L'employeur ne discute pas le montant des sommes réclamées par M....... au titre des indemnités de préavis, congés payés sur préavis et de licenciement.
S'agissant du montant des dommages et intérêts afférents à la rupture du contrat de travail, il convient de relever que, s'agissant d'un licenciement dont la nullité a été prononcée, ce montant ne peut être inférieur aux salaires des 6 derniers mois.
Par ailleurs, M. ... allègue qu'il n'a pas retrouvé à ce jour de situation stable et produit des copies de contrats temporaires conclus par l'intermédiaire de la société MANPOWER avec la société GEODIS LOGISTIC sur la période du 21 septembre au 21 décembre 2009 moyennant un salaire mensuel de 1342,28 euros. Toutefois, il ne verse pas au dossier de documents tel que des avis d'imposition permettant de déterminer l'évolution de ses revenus et le préjudice financier causé par son licenciement.
Le salarié n'a pas justifié d'un préjudice supérieur à la somme de 12 000,00 euros allouée de ce chef par le conseil de prud'hommes.
Il convient de confirmer également le jugement déféré sur ce point. Sur le Droit Individuel à la Formation
M. ... est également fondé à demander indemnisation de la perte de chance de bénéficier du Droit Individuel à la Formation qu'il a acquis pendant la durée du contrat du fait de son licenciement pour faute lourde.
Le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation de ce préjudice et la décision sera encore confirmée sur ce point.
Sur l'atteinte au droit de grève
L'attitude de l'employeur confronté à un usage normal du droit de grève et les tracas qu'elle a occasionnés au salarié ont causé à celui-ci un préjudice certain ouvrant droit à réparation. La somme accordée de ce chef par les premiers juges n'a pas été discutée par l'employeur. Il convient, à défaut d'autres éléments, de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle liée à l'abus du droit de grève
Par ailleurs, il y a lieu de confirmer également la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par l'employeur sur le fondement de l'abus du droit de grève.
Sur la délivrance des documents de rupture du contrat
Il convient également d'enjoindre la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT de remettre à M. Y dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire, en l'état de décerner astreinte à cette fin.
Sur la capitalisation des intérêts
Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts des sommes ci-dessus allouées par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens
Il convient en outre de dédommager M. ... de ses frais non compris dans les dépens à hauteur de 1 500,00 euros.
Les dépens seront à la charge de la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT.
PAR CES MOTIFS,
la Cour, statuant publiquement et contradictoirement
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié relatives aux heures supplémentaires et aux heures de nuit ainsi qu'aux congés payés afférents à ces demandes;
Statuant à nouveau
Condamne la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT à verser à M. ... les sommes de
- 422,64 euros au titre des heures supplémentaires;
- 42,26 euros au titre des congés payés y afférents;
- 202,54 euros au titre des heures de nuit;
- 20,25 euros au titre des congés payés y afférents;
Confirme le jugement déféré pour le surplus;
AJOUTANT
Dit que les intérêts légaux des sommes allouées seront capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil;
Fait injonction à la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT de remettre à M. Y dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt;
Condamne la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT à verser à M. ... la somme de 1 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles par lui exposés en cause d'appel;
Condamne la SARL SOLUTION ÉQUIPEMENT aux dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia ..., Présidente et par Monsieur Mohamed ... ..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,