SOC. PRUD'HOMMES LG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 avril 2013
Cassation partielle
M. BLATMAN, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt no 713 F-D
Pourvoi no W 12-12.717
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Eric Z, domicilié Paris,
contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société 2020 Mobile FR, anciennement dénommée 2020 Logistics France, société à responsabilité limitée, dont le siège est Paris Aulnay-sous-Bois,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mars 2013, où étaient présents M. Blatman, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Mariette, conseiller référendaire rapporteur, Mme Goasguen, conseiller, M. Foerst, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mariette, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de M. Z, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société 2020 Mobile FR, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. Z a été engagé, suivant contrat à durée indéterminée du 12 août 2006, par la société 2020 Logistics France devenue la société 2020 Mobile France, en qualité de directeur des ventes avec une période d'essai de trois mois ; que le contrat prévoyait le versement d'une indemnité de 8 132 euros par an payée en douze mensualités au titre de "la politique d'indemnisation de la société en matière de véhicule de fonction", ainsi qu' une clause de non-concurrence pour une durée maximale de six mois et la possibilité pour l'employeur de renoncer à l'application de cette clause "conformément aux délais de renonciation prévus dans la convention collective en vigueur" ; que la société a, par lettre du 4 décembre 2006, mis fin aux relations contractuelles et a informé le salarié, le 19 décembre 2006 qu'elle renonçait à l'application de la clause de non-concurrence ; que M. Z a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes principalement à titre de remboursement de frais, d'indemnité pour application de la clause de non-concurrence ou encore de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai ;
Sur le troisième moyen
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié tendant au paiement d'un rappel d'indemnité au titre du véhicule de fonction, l'arrêt énonce que le salarié ne verse aux débats aucun justificatif établissant que les frais dont il demande le remboursement ont été effectivement engagés ; que le contrat de travail ne prévoit aucun remboursement forfaitaire ;
Qu'en statuant ainsi alors que le contrat de travail prévoyait le versement d'une indemnité de 8 132 euros par an payée en douze mensualités au titre de "la politique d'indemnisation de la société en matière de véhicule de fonction", la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt énonce, après avoir relevé que les relations contractuelles avaient été rompues le 4 décembre 2006, que la société a renoncé à son application par courrier du 19 décembre 2006 ; que cette renonciation était expressément prévue par l'article 11 du contrat de travail ; qu'il ne peut donc en être demandé la compensation puisqu'elle a été levée ;
Attendu cependant que le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler, en l'absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant valablement le délai de renonciation par l'employeur à la clause de non-concurrence, celui-ci ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de cette clause que s'il libère le salarié de son obligation de non-concurrence au moment où il rompt le contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre de l'indemnisation pour véhicule de fonction et au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 24 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société 2020 Mobile France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société 2020 Mobile France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté Monsieur Eric Z de ses demandes tendant à voir condamner son ex-employeur à lui payer diverses sommes à titre notamment de remboursement de frais professionnels ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE " le début de la relation contractuelle date du 6 septembre 2006 ; que la période d'essai a été interrompue le 4 décembre 2006 ; que la société LOGISTICS a donc respecté l'article 1 du contrat de travail signé entre les parties ; que par ailleurs, Monsieur Z n'établit pas qu'un abus de droit ait été commis par la société LOGISTICS à l'occasion de cette rupture ; que donc il ne peut être établi que cette rupture doive s'analyser en un licenciement abusif, s'agissant bien d'une rupture de la période d'essai ; qu'en ce qui concerne la clause de non concurrence, il est avéré que la société LOGISTICS a renoncé à son application par un courrier envoyé à Monsieur Z en date du 19 décembre 2006 ; que cette renonciation par la société était expressément prévue à l'article 11 du contrat de travail du demandeur, qu'il ne peut donc en être demandé la compensation puisqu'elle a été levée ; que le contrat de travail signé entre les parties ne comportait aucune mention du versement d'un bonus, qu'il ne peut donc être sollicité aucun règlement à ce titre ; qu'enfin le demandeur ne rapporte pas la preuve que le défendeur lui ait demandé d'effectuer des heures supplémentaires qui n'auraient pas ensuite été réglées " ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE " (...) Sur les demandes de remboursements de frais
Que Monsieur Eric Z soutient, à l'appui de son appel, qu'un certain nombre de frais consistant dans des indemnités kilométriques, des frais de facture de téléphone portable et des notes de frais divers ne lui ont pas été payés ;
Que la SARL 20 20 MOBILE France soutient qu'il n'est pas justifié de l'engagement effectif des frais dont il est demandé le remboursement ;
Que sur l'ensemble des frais dont il est sollicité le remboursement par le salarié, celui-ci ne verse aux débats aucun justificatif établissant qu'ils ont été effectivement engagés ; que le contrat de travail ne prévoit aucun remboursement forfaitaire ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Eric Z de ces chefs de demandes (...) " ;
ALORS QUE le contrat de travail prévoyait le versement, au profit du salarié, d'une allocation forfaitaire annuelle de 8.132 euros payée en 12 mensualités au titre de l'indemnisation en matière de voiture de fonction ; que Monsieur Z réclamait le paiement de trois mois d'indemnisation à ce titre correspondant à la durée de la période d'essai ; que pour débouter le salarié de sa demande, la Cour d'appel a retenu que le contrat de travail n'aurait prévu aucun remboursement forfaitaire ; qu'en jugeant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé le contrat de travail du 12 août 2006 en violation de l'article 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté Monsieur Eric Z de sa demande tendant à voir condamner son ex-employeur à lui payer diverses sommes à titre notamment d'indemnité pour clause de non concurrence ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE " le début de la relation contractuelle date du 6 septembre 2006 ; que la période d'essai a été interrompue le 4 décembre 2006 ; que la société LOGISTICS a donc respecté l'article 1 du contrat de travail signé entre les parties ; que par ailleurs, Monsieur Z n'établit pas qu'un abus de droit ait été commis par la société LOGISTICS à l'occasion de cette rupture ; que donc il ne peut être établi que cette rupture doive s'analyser en un licenciement abusif, s'agissant bien d'une rupture de la période d'essai ; qu'en ce qui concerne la clause de non concurrence, il est avéré que la société LOGISTICS a renoncé à son application par un courrier envoyé à Monsieur Z en date du 19 décembre 2006 ; que cette renonciation par la société était expressément prévue à l'article 11 du contrat de travail du demandeur, qu'il ne peut donc en être demandé la compensation puisqu'elle a été levée ; que le contrat de travail signé entre les parties ne comportait aucune mention du versement d'un bonus, qu'il ne peut donc être sollicité aucun règlement à ce titre ; qu'enfin le demandeur ne rapporte pas la preuve que le défendeur lui ait demandé d'effectuer des heures supplémentaires qui n'auraient pas ensuite été réglées " ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE " (...)
Sur la clause de non concurrence
Que, pour infirmation, Monsieur Eric Z soutient que l'employeur a renoncé tardivement à l'application de la clause de non concurrence prévue à l'article du contrat ; qu'il indique avoir respecté ladite clause jusqu'en mars 2007 ;
que cependant, ainsi que le soutient la SARL 20 20 MOBILE France, la rupture du contrat ayant été notifiée le 6 décembre 2006 au salarié et Monsieur Eric Z ayant été informé par courrier du 19 décembre 2006 de ce que l'employeur entendait renoncer à l'application de la clause de non concurrence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Eric Z de sa demande de dommages-intérêts faute de préjudice établi (...) " ;
ALORS QUE l'employeur ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière de la clause de non concurrence imposée au salarié que s'il libère ce dernier de son obligation de non concurrence au moment où il rompt les relations contractuelles ; que l'employeur doit donc exercer sa faculté de renonciation en même temps qu'il notifie la rupture de la période d'essai ; qu'en l'espèce, la société 20 20 a notifié à Monsieur Z la rupture de sa période d'essai le 4 décembre 2006 mais ne l'a libéré de sa clause de non concurrence que le 19 décembre suivant ; qu'en déboutant néanmoins le salarié de sa demande de dommages-intérêts, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient en violation de l'article L. 1221-1 du Code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté Monsieur Eric Z de ses demandes tendant à voir condamner son ex-employeur à lui payer diverses sommes à titre notamment de dommages-intérêts pour rupture abusive de la période d'essai ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE " le début de la relation contractuelle date du 6 septembre 2006 ; que la période d'essai a été interrompue le 4 décembre 2006 ; que la société LOGISTICS a donc respecté l'article 1 du contrat de travail signé entre les parties ; que par ailleurs, Monsieur Z n'établit pas qu'un abus de droit ait été commis par la société LOGISTICS à l'occasion de cette rupture ; que donc il ne peut être établi que cette rupture doive s'analyser en un licenciement abusif, s'agissant bien d'une rupture de la période d'essai ; qu'en ce qui concerne la clause de non concurrence, il est avéré que la société LOGISTICS a renoncé à son application par un courrier envoyé à Monsieur Z en date du 19 décembre 2006 ; que cette renonciation par la société était expressément prévue à l'article 11 du contrat de travail du demandeur, qu'il ne peut donc en être demandé la compensation puisqu'elle a été levée ; que le contrat de travail signé entre les parties ne comportait aucune mention du versement d'un bonus, qu'il ne peut donc être sollicité aucun règlement à ce titre ; qu'enfin le demandeur ne rapporte pas la preuve que le défendeur lui ait demandé d'effectuer des heures supplémentaires qui n'auraient pas ensuite été réglées " ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE " (...)
Sur la rupture du contrat de travail
Que, pour infirmation, Monsieur Eric Z soutient que le contrat de travail a été rompu abusivement, que l'employeur n'a pas réellement testé ses compétences et avait, en réalité renoncé à son implantation en France insuffisamment préparée ;
Que, cependant, ainsi que le soutient la SARL 20 20 MOBILE France aux termes de l'article L. 1231-1 du Code du travail les règles relatives à la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables à la période d'essai et que sauf abus de droit, chaque partie est libre de rompre le contrat de travail pendant la période d'essai sans donner de motif ;
Que Monsieur Eric Z n'établit pas le caractère abusif de la rupture ; qu'en tout état de cause, le moyen pris de ce que la société n'aurait pas été prête pour lancer son activité en France ne saurait, à supposer que tel soit le cas, caractériser un abus ; qu'il convient également de confirmer le jugement déféré sur ce chef de demande " ;
ALORS QUE chacune des parties peut rompre la période d'essai sans avoir à motiver cette décision ; que néanmoins la rupture de la période d'essai par l'employeur ne peut intervenir que pour un motif inhérent à la personne du salarié de sorte que la rupture qui interviendrait pour un motif non inhérent à la personne du salarié constituerait un abus de droit ; qu'en l'espèce, Monsieur Z avait soutenu que la société 2020 avait rompu sa période d'essai pour un motif économique tenant au fait que la société avait renoncé à son implantation en France en raison de sa préparation insuffisante ; qu'en excluant, par principe, qu'une telle motivation puisse caractériser un abus pour ne pas rechercher si Monsieur Z rapportait la preuve du caractère abusif de la rupture de sa période d'essai par la société 20 20, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-19 du Code du travail.