Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 11-04-2013, n° 12/24261, Confirmation



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 11 AVRIL 2013
N°2013/407
Rôle N° 12/24261
Palmiro Z
C/
SELAFA MJA
CGEA AGS ILE DE FRANCE OUEST
Grosse délivrée le
à
Me Julie ..., avocat au barreau de MARSEILLE
Me Arnaud ..., avocat au barreau de PARIS
Me Michel ..., avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le
Décision déférée à la Cour
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 17 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/4498.

APPELANT
Monsieur Palmiro Z,
demeurant ALLAUCH
comparant en personne, assisté de Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
SELAFA MJA, prise en la personne de maître W, mandataire judiciaire de la société LA NORMED, demeurant PARIS CEDEX 10
représentée par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Coralie FRANC, avocat au barreau de PARIS
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
CGEA AGS ILE DE FRANCE OUEST,
demeurant LEVALLOIS-PERRET CEDEX
représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Arnaud ..., avocat au barreau de PARIS substitué par Me Coralie FRANC, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de
Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2013
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2013
Signé par Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président de Chambre et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Palmiro Z a travaillé sur le chantier naval de LA CIOTAT en qualité d"aide-charpentier-fer 'pour le compte de la Société des Chantiers Navals de La CIOTAT (CNC ) du 5 septembre 1977 au - septembre 1978, date à laquelle son contrat de travail a pris fin .
La société Les Chantiers du Nord et de la Méditerranée, ( LA NORMED), a été créée le 24 décembre 1982 à la suite du regroupement à travers la Société de Participation et de Constructions Navales (SPCN) des branches navales de trois autres sociétés, la Société Industrielle et Financières des Chantiers de France Dunkerque, la Société des Chantiers Navals de La Ciotat (CNC) et la Société des Constructions Navales et Industrielles de la Méditerranée (CNIM).
LA NORMED ayant été mise en redressement judiciaire, le 30 juin 1986, puis en liquidation judiciaire, le 27 février 1989, Maître W a été désigné mandataire liquidateur.
LA NORMED a été inscrite par arrêté du 7 juillet 2000 sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), dispositif auquel le salarié a été inscrit.
Invoquant une exposition à l'amiante dans l'exécution de son travail et, par ce fait, avoir subi un un préjudice d'anxiété et une perte dans son espérance de vie, le salarié a saisi, le 19 septembre 2011, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE aux fins d'obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement du 17 décembre 2012, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE l' a reçu en ses demandes mais l'en a débouté au fond.
C'est le jugement dont appel a été régulièrement interjeté par le salarié.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Monsieur Palmiro Z demande à la cour de
-infirmer la décision attaquée;
- constater qu'il a été exposé à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société NORMED et qu 'il doit être indemnisé de ses préjudices;
-en conséquence, fixer sa créance de dommages-intérêts au passif de la liquidation judiciaire de la société NORMED aux sommes de
*15000euros pour le préjudice d'anxiété;
*15000euros pour le préjudice lié au bouleversement dans ses conditions d'existence;
-dire que l'arrêt sera opposable à l'AGS- CGEA qui devra garantir et avancer les sommes susvisées.
Répliquant à l'exception d'incompétence, l'appelant fait valoir, pour l'essentiel, que la cour est compétente puisque ses prétentions ne portent que sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et non sur la reconnaissance d'une pathologie professionnelle ou de la faute inexcusable de l'employeur.
S'agissant de la fin de non recevoir tirée de la rupture antérieure de son contrat de travail, l'appelant soutient, au visa de l'article L 1224-1 du code du travail (ancien article L 122-12 du code du travail) et de l'article L236-3 du code de commerce, que l'ensemble du patrimoine relatif à la branche navale de la Société CNC ayant été cédé à LA NORMED, cette dernière, même en l'absence de mention de la clause de garantie du passif dans le traité de fusion; avait été de plein droit substituée dans l'ensemble des droits et obligations de la Société CNC concernant cette branche. Pour lui, le lien contractuel avec LA NORMED avait été préservé concernant son contrat de travail. D'ailleurs, il souligne que LA NORMED avait établi son certificat de travail en reprenant la période de travail accomplie avant 1982. Elle devra donc répondre du contrat de travail même rompu avant cette date. Il considère en outre que ses demandes ne sont pas prescrites.
Sur le fond, il soutient que pour la période considérée, ses fonctions l'avaient exposé à l'amiante, que d'ailleurs elles figurent sur l'arrêté du 7 juillet 2000, que l'employeur avait commis une faute en ne prenant pas les mesures suffisantes de protection prévues par le décret 17 août 1977, ce qui l'avait amené à inhaler des poussières d'amiante toxiques et susceptibles d'entraîner des maladies graves, incurables même après plusieurs années.
Il considère que cette faute avait eu pour conséquence, d'une part, de le plonger dans un état permanent d'anxiété face à la possibilité de voir la maladie se déclarer un jour, même si ce n'est pas le cas actuellement, peu important qu'il se soit ou non soumis à des examens médicaux de contrôle et, d'autre part, de perturber ses conditions d'existence en ce qu'il ne vivra pas la période de sa retraite sur le plan moral et affectif, comme il l'aurait espéré.
Me W, es qualités de liquidateur judiciaire de LA NORMED et l'AGS CGEA IDF OUEST demandent à la cour de
-in limine litis, se déclarer incompétente au profit du TASS des Bouches du Rhône et du FIVA pour toute demande ayant trait au montant de L'ACAATA, à l'indemnisation de préjudice découlant d'une contamination ou de préjudice physique ou de préjudice d'anxiété. Ils soutiennent, en effet, que de telles demandes relèvent de la compétence du TASS et du FIVA en application des articles 41-VI de la loi du 23 décembre 1998, 53, 53-I-2° et 53-II de la loi du 232 décembre 2000 dès lors que sont invoqués une contamination à l'amiante et ou un préjudice physique.
-dire les demandes irrecevables et les mettre hors de cause, l'appelant n'ayant jamais été le salarié de LA NORMED et, subsidiairement, constater que la prescription est acquise.
-à titre subsidiaire, débouter le demandeur de ses prétentions faute par lui d'avoir rapporté la preuve soit d'avoir été exposé à l'amiante, soit de la réalité de ses préjudices spécifiques d'anxiété, découlant notamment d'un suivi médical, et de bouleversement dans ses conditions d'existence.
-à titre encore subsidiaire, dire que la faute de l'employeur n'est pas établie dès lors que les préjudices allégués ne découlent pas de l'arrêté ACAATA ou de l'adhésion à ce dispositif, que ces préjudices ne sont pas liés à une obligation de sécurité de résultat, que l'article L 4121- 1 du code du travail n'était pas applicable à la date des faits, que la démonstration n' a pas été faite que le demandeur aurait subi individuellement une violation d'une règle de sécurité applicable à l'époque en relation directe avec les préjudices allégués.
-en tout état de cause, dire que la créance qui pourrait éventuellement être fixée ne serait pas opposable à l'AGS dès lors qu'il ne s'agirait pas d'une créance salariale et qu'elle ne serait pas née avant l'ouverture de la procédure collective .
* * *
Pour le surplus, la cour entend ici renvoyer pour plus amples développements des faits, de la procédure des moyens et arguments des parties aux conclusions déposées avant l'audience et expressément reprises par les parties au cours de celle-ci.

SUR QUOI
En la forme
Interjeté dans les formes et délais légaux, l'appel est régulier.
.../...
Au fond
Sur l'exception d'incompétence
L'article L. 1411-1 du code du travail, dispose que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti. La juridiction prud'homale est compétente dès lors que le litige est né du contrat de travail.
Au soutien de ses prétentions, le demandeur n'invoque comme fondement ni l'une des pathologies visées à l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2002, dont le constat vaut justification de l'exposition à l'amiante dans le cadre du FIVA, ni la notion de faute inexcusable de l'employeur.
Il fonde seulement ses prétentions sur les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat et donc sur l'exécution entre les parties du contrat de travail qui relève, comme rappelé plus haut, de la compétence de la juridiction prud'homale de sorte que les demandes indemnitaires présentées ne relèvent pas de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociales ni du FIVA. L'exception d'incompétence d'attribution doit être rejetée.
Sur l'irrecevabilié
Il est invoqué par les intimés la circonstance que pour certains salariés, dont Monsieur Palmiro Z, le contrat de travail ayant été rompu antérieurement aux traités d'apport conclus en novembre 19 82, La NORMED, créée le 24 décembre 1982, n'avait jamais été leur employeur, de sorte que les demandes dirigées contre elle seraient irrecevables et, en tout état de cause, que leur véritable employeur n'ayant pas été attrait dans la procédure, les demandes concernant la garantie de l'AGS-CGEA seraient aussi irrecevables.
En l'espèce, il résulte de l'article 11 du traité d'apport partiel d'actif que la SPCN (devenue LA NORMED) avait repris, sans recours contre la société apporteuse, les obligations contractées par cette dernière pour les seuls contrats de travail transférés à la SPCN (devenue la LA NORMED) dans les conditions prévues aux articles L 122-12 et L 132-7 du code du travail alors applicables. Le certificat de travail produit aux débats démontre que Monsieur Palmiro Z avait été embauché par la Société CNC, le 5 septembre 1977 et que la relation de travail avait définitivement pris fin le 6 septembre 1978. Dans ces conditions, LA NORMED n'avait pas pu poursuivre le contrat de travail rompu antérieurement à la reprise par elle de l'activité de la Société CNC. Les demandes dirigées contre LA NORMED s'avèrent dès lors irrecevables, cette dernière n'ayant jamais été l'employeur de l'appelant.
Au demeurant, en admettant, comme le soutient l'appelant, que LA NORMED serait tenue, même en l'absence d'une clause de garantie du passif, de répondre des contrats de travail rompus antérieurement à 1982, il en résulterait, compte tenu de la date de rupture du contrat de travail et de celle de la saisine du conseil de prud'hommes, que les demandes dirigées contre LA NORMED resteraient néanmoins irrecevables par l'effet de la prescription, plus de trente ans s'étant écoulés entre ces deux dates.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et réformé pour le surplus.
..../...

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,,
-Déclare l'appel recevable en la forme,
-Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille du 17 décembre 2011
en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence.
- Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau.
- Déclare Monsieur Palmiro Z irrecevable en ses demandes.
- Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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