Jurisprudence : CA Paris, 5, 1, 10-04-2013, n° 12/09125, Infirmation

CA Paris, 5, 1, 10-04-2013, n° 12/09125, Infirmation

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CA Paris, 5, 1, 10-04-2013, n° 12/09125, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8061617-ca-paris-5-1-10042013-n-1209125-infirmation
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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 10 AVRIL 2013 (n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 12/09125
Décision déférée à la Cour Jugement du 13 Mars 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/12426

APPELANTES
SAS GUCCI FRANCE
prise en la personne de son président

PARIS
Représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE (Me Jacques ...) (avocats au barreau de PARIS, toque L0018)
assistée de Me Grégoire TRIET de la AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI (avocat au barreau de PARIS, toque T03)
Société GUCCIO GUCCI SPA
prise en la personne de son président

FIRENZE (ITALIE)
Représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE (Me Jacques ...) (avocats au barreau de PARIS, toque L0018)
assistée de Me Grégoire TRIET de la AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI (avocat au barreau de PARIS, toque T03)
INTIMÉE
SARL CHAUSSURES ERAM
prise en la personne de ses représentants légaux
SAINT PIERRE MONTLIMART
Représentée par la AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG (Me Dominique ...) (avocats au barreau de PARIS, toque L0069)
assistée de Me Arnaud CASALONGA de la SAS CASALONGA (avocat au barreau de PARIS, toque K0177)

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

Vu le jugement contradictoire du 13 mars 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l'appel interjeté le 18 mai 2012 par la SAS GUCCI FRANCE (ci-après dite GUCCI) et la société de droit italien GUCCIO GUCCI SpA (ci-après dite GUCCIO GUCCI),
Vu les dernières conclusions du 5 février 2013 des sociétés appelantes,
Vu les dernières conclusions du 12 février 2013 de la société CHAUSSURES ERAM (ci-après dite ERAM), intimée et incidemment appelante,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 février 2013,

SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société GUCCIO GUCCI est titulaire de la marque française tridimensionnelle n° 93 466 769, déposée le 28 avril 1993 et renouvelée le 27 mars 2003 pour désigner notamment en classe 25 les chaussures, lesquelles seraient distribuées en France par la société GUCCI ;
Qu'ayant découvert l'offre en vente par la société ERAM, d'un modèle de sandale 'NU-PIED', selon elle, similaire à un modèle commercialisé par la société GUCCI et comportant une imitation de sa marque représentant un mors de cheval, la société GUCCIO GUCCI a fait procéder à un constat d'achat, suivant procès-verbal d'huissier de justice du 23 juin 2010, et, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société incriminée le 22 juillet 2010 ;
Considérant que, dans ces circonstances, les sociétés GUCCIO GUCCI et GUCCI, ont fait assigner le 20 août 2010 la société ERAM en contrefaçon de marque et concurrence déloyale ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, a pour l'essentiel
- déclaré nul l'enregistrement de la marque en cause pour désigner les chaussures, irrecevable la société GUCCIO GUCCI en ses demandes au titre de la contrefaçon et de l'atteinte à la marque renommée invoquée à titre subsidiaire, et recevable la société GUCCI, bénéficiaire d'un contrat de franchise, en ses demandes au titre de la concurrence déloyale,
- débouté les sociétés GUCCIO GUCCI et GUCCI de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitisme, et de publication judiciaire,
- débouté la société ERAM de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive mais condamné in solidum les sociétés GUCCIO GUCCI et GUCCI à lui payer 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que les premier juges ont, en particulier, retenu qu'en déposant la marque dont s'agit la société GUCCIO GUCCI <>, que la société GUCCI justifiait de sa qualité de distributeur en France des sandales en cause et qu'en commercialisant les sandales incriminées la société ERAM << a utilisé une forme banale de chaussure qu'elle a agrémentée d'une décoration banale>> ce qui ne serait pas de nature, alors qu'elles présentent des différences, à évoquer les sandales GUCCI, ni à démontrer l'existence d'actes de parasitisme ;
Considérant que les sociétés appelantes, poursuivant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, réitèrent leurs prétentions de première instance, demandant de
- dire que la société ERAM a, à titre principal, contrefait par imitation la marque française n° 93 466 769, à titre subsidiaire, porté atteinte à cette marque renommée, à titre plus subsidiaire, commis des agissements déloyaux et parasitaires au préjudice de la société GUCCIO GUCCI, et en toute hypothèse, de concurrence déloyale à l'égard de la société GUCCI FRANCE,
- condamner, en conséquence, la société ERAM à verser à la société GUCCIO GUCCI 60.000 euros au titre de la contrefaçon ou de l'atteinte à la renommée de sa marque, subsidiairement, 50.000 euros pour concurrence déloyale et parasitisme, outre, en toute hypothèse, 1.000.000 euros à la société GUCCI pour concurrence déloyale et parasitisme, et à chacune des deux sociétés 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- prononcer des mesures d'interdiction, de rappel et de destruction, sous astreinte, et de publication judiciaire ;
Que la société ERAM reprend quant à elle, au titre de son appel incident, ses demandes pour procédure abusive et frais irrépétibles, à hauteur de 50.000 euros chacune, et soutient à nouveau que la société GUCCI n'établirait pas son intérêt à agir, faisant valoir qu'aucun élément ne permettrait de prouver que cette société distribuerait en France les modèles de sandales invoqués, ou tout autre produit reproduisant la marque opposée ;
Sur la nullité de la marque
Considérant qu'il sera rappelé que le droit des marques étant un droit d'occupation, rien ne s'oppose à ce qu'un signe exempt d'originalité ou de nouveauté soit déposé à titre de marque, dès lors que ce signe est arbitraire au regard des produits ou services qu'il est appelé à désigner, et qu'il est, en conséquence, susceptible de permettre au consommateur d'identifier l'origine de ces produits ou services ;
Que la marque tridimensionnelle querellée, est constituée, selon la description, 'par la forme particulière d'un mors de cheval apposé sur les produits', dont les chaussures, et ainsi représentée dans le dépôt
Sur la fraude
Considérant que les premiers juges ont relevé que le signe aurait été déjà largement utilisé à titre d'ornement sur des chaussures par d'autres opérateurs économiques en France ce que la société GUCCIO GUCCI, qui ne prouverait pas réellement l'existence d'une exploitation antérieure de ce signe pour des chaussures, n'aurait pu ignorer ; qu'ils ont retenu que cette société ne prouverait pas avoir déposé la marque en cause pour conforter ses droits antérieurs, relevant notamment que les pièces produites seraient postérieures au dépôt, reprendraient ses déclarations, ne décriraient pas précisément le mors de cheval ou ne permettraient pas de vérifier son identité ;
Considérant que la société ERAM maintient que la société GUCCIO GUCCI ne démontrerait pas que la marque telle que déposée serait largement exploitée depuis les années 50 pour des chaussures, et que son dépôt caractériserait au contraire une intention de s'approprier un monopole sur un signe qui appartiendrait au fonds commun de la mode pour empêcher son exploitation en France par des concurrents ; qu'elle soutient qu'il s'agirait d'une marque 'de barrage', ce qui serait confortée par le fait que l'intéressée aurait attendu plus de 40 ans avant de déposer le signe opposé, après sa prétendue première exploitation, et aurait ensuite déposé d'autres formes de mors à titre de marques ;
Que la société GUCCIO GUCCI prétend, à l'inverse, que le signe revendiqué, représentant un mors à simple brisure, d'une forme spécifique de mors de type 'filet à olives', aurait fait l'objet d'une exploitation constante et intensive depuis les années 50, qu'il serait devenu distinctif et constituerait un élément majeur de reconnaissance de ses produits, ce qui serait établi notamment par de nouvelles pièces versées au débat en cause d'appel ;
Considérant que si tous les documents produits par la société GUCCIO GUCCI ne sont pas nécessairement pertinents ou probants, à raison notamment de leur date, origine ou qualité, il n'en demeure pas moins que des mocassins 'Gucci', présentant, sur leur empeigne, le mors tel que déposé, de façon suffisamment identifiable, apparaissent figurer, en particulier
- dans un magazine de 1955, même s'il est de langue anglaise,
- sur deux photographies, certes reproduites dans un livre de 2006 consacré à la maison GUCCI, mais extraites de films dont il est établi qu'ils ont été diffusés en France en 1957 et 1980, le détail de ces documents étant reproduit en pages 11 et 12 des écritures des appelantes ;
- dans les catalogues de la société GUCCIO GUCCI, en particulier dans ceux de 1976/1977, 1978 et1980/1981 ( pièces 8-1, 8-3, 8-4 et 8-7) mentionnant l'existence d'une boutique en France et ceux de 1978/1980, 1982/1983 et 1983/1984 (pièces 8-6, 8-8 et 8-9) mentionnant le nom de 'Paris', indications de nature à laisser sérieusement supposer une diffusion en France, même si ces catalogues ne sont pas en langue française, des extraits de magazines français de 1991 et 1992, reproduits en pages 19 et 20 des écritures des appelantes, confortant la réalité d'une diffusion en France, antérieure au dépôt litigieux ;
Considérant que le seul fait d'avoir déposé la marque en 1993, alors qu'une société française commercialisait en 1974 un accessoire de maroquinerie similaire et que des concurrents apparaissent avoir utilisé, antérieurement au dépôt, sur le marché de la chaussure des mors parfois proches, ainsi qu'il résulte de catalogues essentiellement en langue étrangère et, à compter de 1991, d'extraits de revues françaises produites par l'intimée, ne saurait suffire à caractériser une fraude ; qu'à cet égard, il n'est pas sans intérêt de relever qu'en fait les modèles de mors comparables déposés en France ou présentés dans les articles de presse français précités ne confèrent pas la même impression d'ensemble de forme que le mors revendiqué, utilisé par les appelantes, comme le démontre, en particulier, l'examen de la pièce 67 de la société ERAM qui présente aux côtés d'un mocassin 'Gucci' d'autres mocassins présentant des boucles distinctes, y compris pour celle représentant un mors filet à olives ;
Considérant que de telles exploitations ne sauraient démontrer une intention de nuire alors qu'il n'est pas démontré que le signe particulier déposé était effectivement largement utilisé par d'autres opérateurs économiques pour la catégorie de produits concernés, savoir les chaussures, et que les autres créations s'inspirant du mors de cheval 'filet à olive' présentent des formes variées, distinctes de celle déposée, y compris pour des boucles de maroquinerie, ainsi que le montrent notamment les pièces 25 et 75 de l'intimée ;
Que le dépôt le même jour d'un autre mors, de type à aiguilles, par la société GUCCIO GUCCI ne saurait pas plus prouver une volonté de s'approprier toutes les formes de mors existantes à titre de marques, alors qu'il est justifié de la grande diversité des formes existantes, y compris, comme ci-dessus rappelé, pour le type de 'filet à olives' ;
Que la mauvaise foi ne saurait enfin se déduire d'une attitude postérieure de la société GUCCIO GUCCI, à raison du dépôt à partir de 2004 de plusieurs formes de mors, non susceptibles d'exclure d'autres formes de mors, formes au surplus non nécessaires s'agissant de chaussures, ou de prétendues interruptions d'utilisation du signe de 1997 à 2005, en dépit de catalogues le représentant, ou en 2010/2011, interruption contredite par les extraits de presse produits, alors qu'en tout état de cause il n'est pas sérieusement contesté que le signe a été effectivement exploité en France après le dépôt et l'est encore;
Considérant, en définitive, qu'il n'est pas établi que la société GUCCIO GUCCI n'aurait eu pour but que de nuire à ses concurrents, ou de les priver fautivement d'un signe, qu'au contraire elle avait intérêt à assurer la protection de ce signe particulier, de reconnaissance, utilisé depuis de nombreuses années dans son activité commerciale pour des mocassins, alors que d'autres chaussures ou mocassins à boucles étaient depuis commercialisées, et sa démarche, dans un tel contexte, ne s'avère pas dénuée de logique, même si elle est intervenue de nombreuses années après la première exploitation ;
Que la société ERAM, qui ne dénie pas sérieusement qu'au moins 13 pièces établirait l'usage antérieur pour la période 1991/1993 par la société GUCCIO GUCCI du signe en cause, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'intention de fraude aux droits des tiers prêtée à cette société lors du dépôt litigieux, lequel s'avère, par contre, procéder d'une volonté légitime de protection tendant à conforter ou assurer des droits antérieurs, et à garantir au consommateur la provenance des produits concernés (les chaussures) comme revêtus du signe déposé, apposé de longue date sur ces produits ;
Que le jugement déféré ne peut, en conséquence, qu'être infirmé en ce qu'il a annulé la marque pour dépôt frauduleux ;
Sur le caractère distinctif
Considérant que la société ERAM prétend que le signe serait dénué d'un pouvoir attractif propre, ne pourrait être perçu que comme élément décoratif, et se distinguerait trop peu de formes largement utilisées sur le marché par d'autres opérateurs, qu'enfin il ne serait pas établi qu'il ait acquis par l'usage à la date des faits litigieux (2010) de caractère distinctif ;
Considérant, cependant, que les pièces produites par la société ERAM ne suffisent pas à démontrer que le signe serait effectivement devenu usuel dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;
Qu'à cet égard, si un mors de cheval 'filet à olive', à l'instar d'autres mors de cheval ou d'éléments figuratifs issus de l'univers équestre, ont pu être utilisés dans le domaine revendiqué, des chaussures, il ne saurait en être conclu qu'il constitue la désignation générique et nécessaire de ces produits, ou représente une forme imposée par la nature ou la fonction des dits produits ;
Qu'au contraire, le signe présente intrinsèquement un caractère distinctif au regard des produits visés à l'enregistrement, le mors de cheval, objet du dépôt, ne se confondant pas avec les chaussures, seules en cause, qu'il désigne, et pouvant revêtir, ainsi que précédemment rappelé, des formes diverses et variées sans nécessairement représenter le mors de cheval particulier déposé ;
Considérant qu'il en résulte que ce signe est pourvu du caractère distinctif qui le rend apte à satisfaire, pour la catégorie de produits concernés, à savoir les chaussures, la fonction d'indication d'origine de la marque ;
Qu'il n'apparaît pas que les usages de signes proches d'autres opérateurs excluront pour le public concerné l'évocation naturelle de produits 'GUCCI' pour des chaussures portant le signe déposé, alors que le public concerné est, de longue date, habitué à voir des mocassins de la société GUCCIO GUCCI présentant ce signe bien en évidence sur leur empeigne ; que le mors de cheval déposé, même s'il constitue également un élément décoratif de la chaussure, renverra à cette origine du produit, d'autant que l'usage par la société GUCCIO GUCCI qui a perduré n'a pu que renforcer cette association à la date des faits reprochés, entre la marque verbale connue 'GUCCI', généralement rappelée dans les articles de presse présentant les chaussures, et le mors particulier apposé sur celles-ci, immédiatement perceptible, de par son positionnement ;
Que la demande en nullité pour défaut de caractère distinctif de la marque revendiquée ne saurait, en conséquence, prospérer ;
Sur la contrefaçon
Considérant que la société GUCCIO GUCCI ne saurait se fonder sur ses droits de marque pour prétendre à un monopole d'exploitation, qui serait attentatoire tant à la liberté d'expression des créateurs qu'à la liberté du commerce et de l'industrie, de tout signe en forme de mors de cheval dans le domaine de la chaussure ;
Qu'en l'espèce, est incriminée au titre de la contrefaçon de marque par imitation l'utilisation d'une forme représentant un demi mors de cheval de type filet à olive sur l'empeigne de sandales, étant observé que si ces dernières ne sont pas portées la marque ERAM, apposée sur la semelle intérieure ouverte de cette chaussure, apparaît immédiatement visible, comme le décor incriminé apposé sur l'empeigne ;
Considérant que si ce décor évoque partie d'un mors du type filet à olive il se présente, à la différence du mors entier de la marque opposée un demi mors, son anneau ne produit pas avec le manchon la forme d'une sorte de 'D' majuscule du signe déposé et la tige soudée au manchon parait faire corps avec celui-ci et non s'y insérer comme dans la marque revendiquée ;
Qu'en fait le demi mors, incurvé pour adopter la forme de l'empeigne de la sandale incriminée, apparaît comme un élément décoratif, certes inspiré du monde équestre avec un canon pourvu d'un oeillet de petite taille, mais présentant des différences de structures sensibles, et non pas minimes, par rapport au mors entier déposé à titre de marque, exploité par la société GUCCIO GUCCI ;
Considérant que le demi mors litigieux, pris dans son ensemble, produit ainsi une impression générale distincte, exempte de tout risque de confusion, aux yeux du consommateur d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé de la catégorie de produits concernés, avec la marque connue invoquée ;
Qu'il ne saurait, en conséquence, être retenu que ce demi mors constitue une imitation illicite de la marque invoquée, étant par ailleurs observé que si la société GUCCIO GUCCI a pu elle-même apposer sur des sandales un demi mors décoratif il n'est pas établi que ce dernier, partiellement masqué, soit susceptible d'évoquer la forme particulière du signe déposé, qu'elle exploite habituellement ;
Qu'il s'ensuit que la contrefaçon de la marque n'est pas caractérisée et que les demandes de ce chef ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'atteinte à la renommée
Considérant que si la marque revendiquée s'avère connue il n'est pas pour tuant démontré qu'elle a un pouvoir attractif tel qu'elle constitue une marque renommée, laquelle suppose un certain degré de connaissance non démontré en l'espèce, même si cette marque a pu générer un chiffre d'affaires conséquent notamment pour la période 2002-2005, alors en particulier qu'aucun sondage n'est produit et que les appelantes utilisent d'autres marques figuratives, y compris pour des chaussures ;
Considérant qu'en tout état de cause, ainsi que précédemment rappelé, le demi mors représenté sur la sandale litigieuse ne saurait nécessairement faire penser à la société GUCCIO GUCCI, compte tenu de son aspect visuel global distinct qui ne permet pas de l'associer à la représentation du mors déposé à titre de marque figurant sur les chaussures 'GUCCI' ;
Que les demandes présentées, à titre subsidiaire, sur le fondement d'une atteinte à la renommé ne sauraient, en conséquence, prospérer et seront également rejetées ;
Sur les agissements déloyaux et parasitaires
Considérant que les appelantes soutiennent que si l'action fondée sur le droit des marques ne peut être admise et, partant, celle en concurrence déloyale du distributeur à raison d'atteintes à la marque, elles seraient néanmoins fondées à invoquer des agissements déloyaux et parasitaires à raison de la commercialisation par la société ERAM des sandales précitées, qui reprendraient, selon elles, quelques mois après, les caractéristiques de leurs sandales préexistantes ;
Considérant que la société ERAM maintient que la société GUCCI ne prouverait pas être le distributeur des sandales ainsi opposées ;
Mais considérant que les premiers juges ont à juste titre relevé que
- selon contrat de franchise de février 2007 la société GUCCIO GUCCI a accordé à la société GUCCI le droit exclusif d'exploiter en France, pour vendre au détail, des chaussures pour Femmes et Hommes, et qu'un avenant du 20 mars 2009 a prolongé la durée de ce contrat jusqu'au 31 décembre 2011,
- les attestations, factures, et extraits de catalogues produits démontrent que la société GUCCI commercialise les sandales objet de l'action en concurrence déloyale ;
Que la qualité de distributeur de la société GUCCI s'avère ainsi suffisamment établie, étant observé qu'il importe peu à cet égard que cette société exploite, ou non, le site internet 'gucci.com' ;
Considérant que le tribunal a exactement rappelé que
- le principe de la liberté du commerce implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant, notamment, à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, préjudiciable à l'exercice paisible et loyal du commerce,
- l'appréciation de la faute au regard du risque de confusion, doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, outre le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté, l'originalité et la notoriété du produit copié ;
Considérant qu'il a été précédemment relevé que le demi mors apposé sur les sandales 'GUCCI' n'apparaît visuellement pas correspondre à partie du mors entier, sur lequel la société GUCCIO GUCCI peut se prévaloir d'une monopole à raison du dépôt de marque précité ;
Qu'il ressort, par ailleurs, des constatations auxquelles la cour s'est livrée, que si la sandale incriminée présente un demi mors dans la même position sur l'empeigne (canon vers le bas), une telle présentation apparaît dictée par la nécessité d'affiner la partie généralement en V formant l'attache ou bride s'insérant entre les deux premiers orteils du pied, à la manière de 'Tong' ;
Qu'elle ne reproduit pas l'aspect recouvert de partie du demi mors des sandales de type nu-pied ou tong 'GUCCI' leur conférant une allure habillée, ni leur croisement visible de lanières, mis en évidence sur le dessus de l'empeigne, conférant une impression d'ensemble de sandales distinctes ;
Qu'il sera ajouté que si l'attache des brides sur l'anneau de la sandale 'ERAM', s'avère plus proche de celui adopté pour d'autres sandales 'GUCCI' présentant également un demi mors pour partie recouvert, l'effet d'ensemble élégant de ces chaussures, à haut talon et semelle compensée, s'avère sans rapport avec des sandales de type 'nu-pied' ou 'tong', et particulièrement avec la sandale incriminée ;
Qu'en réalité cette dernière se distingue suffisamment des sandales 'GUCCI' présentant un demi mors pour exclure tout risque de confusion, ou même d'association entre les modèles en cause ;
Considérant qu'il suit de ces éléments que les sociétés appelantes échouent à démontrer la volonté de la société ERAM à se placer dans leur sillage ou à entretenir une confusion avec les produits de la société GUCCIO GUCCI, qui par ailleurs n'utilise pas le même circuit de distribution, alors que la sandale incriminée n'apparaît pas en fait susceptible d'évoquer ses sandales dans l'esprit du public concerné ;
Que la décision entreprise sera, en conséquence approuvée en ce qu'elle a débouté les sociétés GUCCIO GUCCI et GUCCI de leurs demandes pour parasitisme et concurrence déloyale, et toutes les demandes de mesures complémentaires, en ce compris celle de publication judiciaire, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'abus de procédure
Considérant que le droit d'ester en justice n'est susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas en l'espèce démontrées par la société ERAM
à l'encontre des sociétés appelantes, même si celles -ci succombent en leur action en contrefaçon et concurrence déloyale ;
Que les demandes en dommages-intérêts formées de ce chef seront, en conséquence, par confirmation du jugement déféré, rejetées ;

PAR CES MOTIFS,
Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a déclaré la société GUCCI FRANCE recevable en ses demandes au titre de la concurrence déloyale, débouté les sociétés GUCCIO GUCCI SpA et GUCCI FRANCE de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitisme et de publication judiciaire, débouté la société CHAUSSURES ERAM de sa demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive, et condamné in solidum les sociétés GUCCIO GUCCI SpA et GUCCI FRANCE au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Dit n'y avoir lieu à nullité de la marque française tridimensionnelle n° 93 466 769 déposée le 28 avril 1993 par la société GUCCIO GUCCI SpA pour désigner les chaussures en classe 25 ;
Déclare la société GUCCIO GUCCI SpA recevable en ses demandes au titre de la contrefaçon et de l'atteinte à la marque de renommée, mais l'en déboute ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne in solidum les sociétés GUCCIO GUCCI SpA et GUCCI FRANCE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la société ERAM une somme complémentaire de 2.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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