Jurisprudence : CA Aix-en-Provence, 09-04-2013, n° 12/02906

CA Aix-en-Provence, 09-04-2013, n° 12/02906

A7984KBC

Référence

CA Aix-en-Provence, 09-04-2013, n° 12/02906. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8060577-ca-aixenprovence-09042013-n-1202906
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Abstract

Si le client qui a payé librement des honoraires après service rendu ne peut solliciter du juge de l'honoraire la mise en oeuvre de ses pouvoirs exorbitants du droit commun contractuel de réduction d'honoraires exagérés au regard du service rendu, ni réclamer la restitution partielle des sommes versées, c'est à la condition que ce paiement ait été effectué après information sincère et exhaustive par l'avocat bénéficiaire du paiement, notamment par l'émission d'une facturation détaillée.



COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 09 AVRIL 2013
N°2013/ 323

Rôle N° 12/02906 Pierre Z
C/
Jean-Claude Y
Grosse délivrée
le
à
Me Joël X
Me Frédéric W
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de M. Jean-Claude Y rendue le 18 Janvier 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de TOULON.
DEMANDEUR
Monsieur Pierre Z, tant en son nom personnel qu'es qualité d'ayant droit de feu Z Maurice son père
demeurant LE LUC
Représenté par Me Joël BATAILLE, avocat au barreau de MARSEILLE
DÉFENDEUR
Monsieur Jean-Claude Y, avocat
demeurant TOULON
Représenté par Me Frédéric CASANOVA, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
1

DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 20 Février 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats Mme Elsa FABRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2013
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 09 Avril 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***

EXPOSÉ

Vu le recours formé par Monsieur Pierre Z par lettre recommandée expédiée le 15 février 2012 et enregistré au greffe le 16 février 2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulon, en date du 18 Janvier 2012, notifiée le même jour, qui a fixé à la somme de 7.874 euros TTC les honoraires dus à Maître Jean-Claude Y ;
Vu ladite décision de taxe, rendue sur demande de Monsieur Pierre Z formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 22 septembre 2011, après recueil des observations des parties, par référence aux dispositions de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, c'est à dire, selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et de ses diligences dans une affaire de référé locatif devant le Tribunal d'Instance ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 20 février 2013 par lesquelles Monsieur Pierre Z déclare intervenir tant en son nom personnel qu'es qualité d'ayant droit de feu Z Maurice son père, précise les conditions dans lesquelles avec ce dernier ils avaient confié, courant 2010, leur défense à Maître Jean-Claude Y suite à la prise à bail d'appartements insalubres et à la réception d'un commandement d'avoir à justifier d'une assurance locative, indique que la citation a été délivrée tardivement en sorte qu'une décision ordonnant leur expulsion est intervenue, soutient que la décision du bâtonnier doit être réformée en ce qu'elle n'a pas appliqué les critères légaux, notamment celui tiré de la fortune du client, faisant observer que les revenus de lui même et ceux de son père sont particulièrement modestes, notamment encore celui tiré de la difficulté de l'affaire, soulignant que le dossier confié à Maître Y relève d'un contentieux d'habitude devant une juridiction sans représentation obligatoire où la procédure est orale, ne présentant donc aucune difficulté particulière, alors surtout que les diligences effectuées n'ont pas été satisfaisantes, notamment enfin le critère tiré de la notoriété de l'avocat qui a été retenu à tort, stigmatise la carence de Maître Jean-Claude Y dans son obligation d'information quant au montant des honoraires et à leur évolution prévisible, et sollicite en conséquence la réformation de la décision querellée et la réduction des honoraires litigieux à la somme de 2.500 euros
2

TT au maximum et la condamnation de Maître Jean-Claude Y à lui restituer la somme de 5.374 euros TTC ;
Vu, développées oralement, les conclusions en date du 20.02.2013 par lesquelles Maître Jean-Claude Y conteste cette argumentation, notamment quant à l'absence de production de pièces devant la juridiction alors que la décision du magistrat des référé constate cette production mais la tardiveté de la souscription d'un contrat d'assurance imputable aux seuls consorts Z, rappelle ses diligences ( 3 mois hors procédure et 6 mois de diligences procédurales ) dans le cadre d'un contentieux complexe pour lequel ses clients ne l'avaient pas parfaitement informé, particulièrement concernant l'absence de police d'assurance des risques locatifs et demande la confirmation de la décision critiquée du bâtonnier en se prévalant du principe de l'intangibilité du paiement après service rendu et en soulignant que Monsieur Pierre Z a réglé les honoraires aujourd'hui contestés après service rendu, sans se plaindre de la qualité du travail réalisé pour lui, et sollicite en outre 1.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

SUR QUOI
Attendu qu'il sera donné acte à Monsieur Pierre Z de son intervention tant en son nom personnel qu'es qualité d'ayant droit de feu Z Maurice son père ;
- sur la recevabilité
Attendu que les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité du recours formé dans les délais et selon les formes prescrites par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 et qui sera en conséquence déclaré recevable.
- sur le fond
Attendu que le bâtonnier a rendu sa décision dans le délai de quatre mois dont il disposait et après avoir recueilli préalablement les observations de l'avocat et de la partie ; que sa décision est dés lors régulière en la forme ;
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
Que par ailleurs l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires.
Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque ;
Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés plus ci-dessus ;
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Qu'en revanche la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation ;
Attendu enfin que si le client qui a payé librement des honoraires après service rendu ne peut solliciter du juge de l'honoraire la mise en oeuvre de ses pouvoirs exorbitants du droit commun contractuel de réduction d'honoraires exagérés au regard du service rendu, ni réclamer la restitution partielle des sommes versées, c'est à la condition que ce paiement ait été effectué après information sincère et exhaustive par l'avocat bénéficiaire du paiement, notamment par l'émission d'une facturation détaillée ;
Attendu qu'en l'espèce aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ;
Que, par ailleurs, la seule facture détaillée émise par Maître Jean-Claude Y est en date du 18 novembre 2011 et a donc été rédigée après la saisine du bâtonnier, intervenue le 22 septembre 2011, en sorte que Monsieur Pierre Z n'a réglé que des provisions sur honoraires, - comme le prouve d'ailleurs cette facture elle-même qui totalise 8.850,40 euros TTC alors que Monsieur Pierre Z n'a versé que 7.874 euros TTC -, et est donc parfaitement recevable en sa contestation sans que puisse lui être opposé le moyen tiré d'un paiement spontané après service rendu ;
Que, pour la même raison, et alors qu'aucun document n'a été remis à Monsieur Pierre Z au moment de la prise en charge du dossier, il ne peut être valablement allégué qu'une information préalable à l'intervention de l'avocat a été donnée au client sur le montant des honoraires prévisibles ;
Que les honoraires de Maître Jean-Claude Y doivent donc être fixés en application des critères légaux susvisés ;
Attendu, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client, que Monsieur Pierre Z a produit son avis d'impôt sur le revenu 2011 qui démontre que ses revenus sont modestes 11.000 euros annuels, soit 916,66 euros par mois, feu son père ayant quant à lui des revenus annuels de
29725 euros ;
Que s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à Maître Jean-Claude Y était relative à un litige locatif assez courant devant le Tribunal d'Instance puisqu'il s'agissait de locaux d'habitation non conformes aux prescriptions légales et à une absence de justification d'assurance couvrant les risques locatifs,
Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, ceux exposés par Maître Jean-Claude Y ont été les suivants ouverture du dossier, frais de secrétariat pour la rédaction de lettres et de l'assignation, frais téléphonique, et frais de gestion de cabinet redevances d'abonnements ( EDF, Internet, banques de données juridiques ) ;
Que, s'agissant de la notoriété de Maître Jean-Claude Y, que le bâtonnier souligne un exercice professionnel de 30 années et d'une notoriété établie ;
Que, dans ces conditions, eu égard à la modestie des revenus de ses clients et à la complexité peu importante de l'affaire pour un avocat aguerri, le taux horaire à appliquer ne saurait être fixé à plus de 180 euros HT euros ;
Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies, le bâtonnier indique que Maître Y justifie avoir établi une assignation en référé devant le Tribunal d'Instance, avoir rédigé des conclusions, avoir assuré une plaidoirie, outre six rendez-vous, l'analyse du dossier et le suivi des constats 4

d'huissier ; que l'ensemble représente donc 18 heures de travail à 180 euros HT, soit 3.240,00 euros HT et 3.875,04 euros TTC ;
Qu'ayant reçu 7.874 euros, Maître Jean-Claude Y doit donc restituer à Monsieur Pierre Z la somme de 3.998,96 euros TTC ;
Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Donnons acte à Monsieur Pierre Z de son intervention tant en son nom personnel qu'es qualité d'ayant droit de feu Z Maurice son père ;
Déclarons recevable le recours formé par Monsieur Pierre Z,
Infirmant la décision rendue le 18 Janvier 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Toulon et statuant à nouveau,
Fixons à la somme de 3.240,00 euros HT soit 3.875,04 euros le montant total des honoraires dus par Monsieur Pierre Z à Maître Jean-Claude Y ;
Disons en conséquence qu'ayant perçu la somme de 7.874,00 euros, Maître Jean-Claude Y doit restituer à Monsieur Pierre Z la somme de 3.998,96 euros TTC, et, en tant que de besoin le condamnons à rembourser cette somme ;
Condamnons Maître Jean-Claude Y aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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