TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE TOULOUSE
N°0804157 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
L'association Union Midi-Pyrénées Nature et
Environnement (UMINATE) AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Cherrier
Rapporteur Le Tribunal administratif de Toulouse
(3ème Chambre)
Mme Delbos
Rapporteur public
Audience du 28 février 2013
Lecture du 21 mars 2013
44-02-02-005-03
Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2008, présentée par l’association Union Midi-Pyrénées Nature et Environnement (UMINATE), dont le siège est 14, rue de Tivoli à Toulouse cedex (31068) ; l'association UMINATE demande au tribunal :
- d'annuler l’arrêté en date du 30 novembre 2007 du préfet du Tarn en tant qu’il a autorisé la société Occitanis, d’une part à augmenter le tonnage annuel reçu par le centre de traitement et de stockage de déchets dangereux existant au lieudit « Mariole », sur le territoire de la commune de Graulhet et, d'autre part, à inclure dans-la zone géographique de provenance-de déchets dangereux les régions Rhônes- Alpes et Provence Alpes Côte d’Azur ;
de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 € au titre de l’
article L 761-1 du code de justice administrative🏛 ;
Elle soutient que sa requête est recevable; que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l’
article L. 541-15 du code de l’environnement🏛 ; qu’il est en effet incompatible avec le plan régional d’élimination des déchets dangereux (PREDD) de Midi-Pyrénées ; qu’il méconnaît les principes de proximité et de priorité fixés par le PREDD ; qu’il méconnaît également les dispositions de l’
article L. 541-1, 2°, alinéa 1, du code de l’environnement🏛 ; qu’il est entaché d'erreur manifeste d’appréciation ;
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Vu le mémoire, enregistré le 3 mars 2009, présenté pour la société Occitanis, qui conclut au rejet de la requête ainsi qu’à la condamnation de l’association requérante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le principe de proximité énoncé à l’article L. 541-1 du code de l’environnement n’est pas applicable au traitement des déchets dangereux ; que l’extension de la capacité d'accueil du centre de traitement et de stockage de déchets litigieux n’est pas contraire au PREDD de Midi-Pyrénées ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2009, présenté par l’association UMINATE qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 septembre 2009, présenté pour la société Occitanis, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 décembre 2009, présenté par l’association France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées, venant aux droits de l’association UMINATE, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2010, présenté par le préfet du Tarn, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les PREDD n'ont pas vocation à fixer la provenance des déchets ; que l'arrêté attaqué n'est pas incompatible avec le PREDD de Midi- Pyrénées ; que le principe de proximité n'a pas été méconnu ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2011, présenté par l'association FNE Midi- Pyrénées, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2011, présenté pour la société Occitanis, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens et soutient en outre que les dispositions du PREDD de Midi-Pyrénées interdisant d'accueillir des déchets dangereux en provenance de régions non limitrophes sont illégales ; que ces dispositions, outre qu'elles contreviennent à l'esprit et à la lettre de la
loi n° 2009-526 du 12 mai 2009🏛, qui font du traitement des déchets dangereux ultimes une problématique nationale et non régionale, méconnaissent également le principe de liberté du commerce et de l'industrie ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2011, présenté par le préfet du Tarn, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;
janvier 2012 ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2013 :
- le rapport de Mme Aa ;
- les conclusions de Mme Delbos, rapporteur public ;
- et les observations de M.Hourcade, représentant FNE Midi-Pyrénées et de Mme
Ab, chef de centre, pour la société Occitanis ;
Et connaissance prise de la note en délibéré, enregistrée le 28 février 2013, présentée par l’association FNE Midi-Pyrénées, requérante ;
Sur la légalité de l’arrêté préfectoral du 30 novembre 2007 :
1. Considérant qu’aux termes de l’
article L. 541-13 du code de l’environnement🏛 : « Z - Chaque région est couverte par un plan régional ou interrégional de prévention et de gestion des déchets dangereux. / II.- Pour atteindre les objectifs visés à l'article L, 541-1, le plan comprend : / 1° Un inventaire prospectif à terme de six et douze ans des quantités de déchets à traiter selon leur origine, leur nature et leur composition ; / 2° Le recensement des installations existantes collectives et internes de traitement de ces déchets ; ! 3° La mention des installations qu'il apparaît nécessaire de créer afin de permettre d'atteindre les objectifs évoqués ci-dessus ; / 4° Les priorités à retenir pour atteindre ces objectifs, compte tenu notamment des évolutions économiques et technologiques prévisibles ; / 5° Les mesures permettant d'assurer la gestion des déchets dans des situations exceptionnelles, notamment celles susceptibles de perturber la collecte et le traitement des déchets, sans préjudice des dispositions relatives à la sécurité civile. / IML.-Le plan peut prévoir pour certains types de déchets dangereux spécifiques la possibilité pour les producteurs et les détenteurs de déchets de déroger à la hiérarchie des modes de traitement des déchets définie à l'article L. 541-1, en la justifiant compte tenu des effets sur l'environnement et la santé humaine, et des conditions techniques et économiques. / IV.-Le plan tient compte des besoins et des capacités des zones voisines hors de son périmètre d'application et des propositions de coopération intercommunale afin de prendre en compte les bassins industriels. / V.-Le projet de plan est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité du président du conseil régional, (…) » ;
2. Considérant par ailleurs que l’
article L. 541-1 du même code🏛 dispose que: « Les
prévenir et de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la conception, la fabrication et la distribution des substances et produits et en favorisant le réemploi, ainsi que de diminuer les incidences globales de l'utilisation des ressources et d'améliorer l'efficacité de leur utilisation ; ! 2° De mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets consistant à privilégier, dans l'ordre : / a) La préparation en vue de la réutilisation ; / b) Le recyclage ; / c) Toute autre valorisation, notamment la valorisation énergétique ; / d) L'élimination ; / 3° D'assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l'environnement, notamment sans créer de risque pour l'eau, l'air, le sol, la faune ou la flore, sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives et sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier ; / 4° D'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume ; / 5° D'assurer l'information du public sur les effets pour l'environnement et la santé publique des opérations de production et de gestion des déchets, sous réserve des règles de confidentialité prévues par la loi, ainsi que sur
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les mesures destinées à en prévenir ou à en compenser les effets préjudiciables. » ; qu’aux termes de l’article L. 541-15 dudit code : « Dans les zones où les plans visés aux articles L. 541- 11, L 541-11-1, L. 541-13, L. 541-14 et L. 541-14-1 sont applicables, les décisions prises par les personnes morales de droit public et leurs concessionnaires dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets et, notamment, les décisions prises en application du titre ler du présent livre doivent être compatibles avec ces plans, (…..) » ;
3. Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 541-13 du code de l’environnement imposent notamment aux plans régionaux ou interrégionaux de prévention et de gestion des déchets dangereux (PREDD), d’une part, de comprendre un inventaire prospectif à terme de six et douze ans des quantités de déchets à traiter selon leur origine, leur nature et leur composition, d’autre part, de définir les priorités à retenir pour atteindre les objectifs fixés à l’article L. 541-1 du même code, au nombre desquels figure notamment la limitation en distance et en volume du transport des déchets et, enfin, de tenir compte des besoins et des capacités des zones voisines hors de leur périmètre d'application et des propositions de coopération intercommunale afin de prendre en compte les bassins industriels ; qu’il en résulte que les PREDD peuvent légalement circonscrire les zones de provenance des déchets à traiter sur le territoire dès lors, notamment, que les limitations ainsi apportées ne sont pas discriminatoires et sont conformes aux principes fixés par les articles L. 541-1 et L. 541-13 du code de l’environnement ;
4. Considérant que le plan régional d’élimination des déchets dangereux pour la région Midi-Pyrénées, mis à jour le 30 mars 2007 et toujours applicable, indique notamment que les déchets industriels spéciaux ultimes doivent être traités dans un centre créé à cet effet sur le territoire de la commune de Graulhet, en application d’une autorisation délivrée par le préfet du Tarn le 22 juillet 1999 ; que ledit plan a par ailleurs prévu, pour la mise en œuvre des objectifs définis à l’article L. 5S41-1 du code de l’environnement, et plus particulièrement de l’objectif défini au 3° de cet article tenant à la limitation du transport des déchets en distance et en volume, que ce centre peut accueillir des déchets ultimes à hauteur de 30 000 tonnes par an et que, dans cette limite annuelle de 30 000 tonnes, les déchets traités et stockés peuvent provenir des régions françaises limitrophes ; que les « priorités » ainsi définies, au sens des dispositions précitées de l’article L. 541-13 du code de l’environnement, présentent un caractère normatif ;
5. Considérant que la société Occitanis soutient que ces « priorités » sont entachées d’illégalité dès lors, d’une part qu’elles méconnaissent les dispositions de la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures et, d’autre part, qu’elles contreviennent au principe de liberté du commerce et de l’industrie ; que toutefois, si la
- loi svsvisée du 17 mai 2009 à supprimé lahligation antérieprement faite aux PRERD de prévoir. parmi les priorités qu’ils retenaient, un centre de stockage des déchets industriels spéciaux, cette suppression n’a eu, en tant que telle, ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutient la société Occitanis, de rendre illégales les dispositions d’un PREDD limitant la provenance géographique des déchets dangereux pouvant être admis dans le centre de stockage qu’il a prévu ; que par ailleurs, et comme il a été dit plus haut, au considérant n° 3, il résulte des dispositions législatives précitées que le transport des déchets dangereux doit être limité en distance et en volume et que les PREDD doivent respecter cette contrainte ; que l'atteinte qu’un PREDD est ainsi susceptible de porter au principe de libre concurrence n’est pas disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi tenant à la protection de l’environnement, dès lors que les mesures mises en œuvre ne sont pas discriminatoires ; que la société Occitanis n’est, par suite, pas fondée à soutenir que les limitations de zonage et de tonnage fixées par le plan régional d’élimination des déchets dangereux pour la région Midi-Pyrénées sont entachées d’illégalité et que leur application doit être écartée ;
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6. Considérant que l'arrêté attaqué autorise notamment la société Occitanis à accueillir sur le site de Graulhet une quantité annuelle de déchets dangereux pouvant aller jusqu’à 50 000 tonnes ; qu’il l'autorise également à recevoir des déchets dangereux en provenance des Régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-D’azur, dans la limite de 10 000 tonnes par an ; que cet arrêté méconnaît ainsi de façon substantielle les dispositions du plan régional d’élimination des déchets dangereux tant en ce qui concerne les zones de provenance que le tonnage maximum annuel prévus ; qu’il n’est, par suite, pas compatible avec les dispositions précitées de ce plan en ce qu’il excède 30 000 tonnes pour ce qui concerne le traitement et le stockage des déchets dangereux et en tant qu’il étend la zone de provenance à des régions qui ne sont pas limitrophes de la région Midi-Pyrénées ;
7. Considérant que le juge de pleine juridiction, saisi en application de l’
article L. 514-6 du code de l’environnement🏛 d’un litige concernant la création ou le fonctionnement d’une installation classée pour la protection de l’environnement, a la faculté de prévoir toutes mesures expertales et d'instruction ainsi que toutes prescriptions complémentaires de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés à l’
article L. 512-1 du code de l’environnement🏛 ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de modifier l’arrêté préfectoral en litige, tout d’abord, à l’article 1”, en supprimant la mention « l’augmentation du tonnage annuel reçu sur le centre de traitement et de stockage de déchets dangereux existants », par ailleurs, à l’article 1.3 des prescriptions techniques qui lui sont annexées, en substituant à la mention «ne doit pas dépasser 50 000 tonnes », la mention ««ne doit pas dépasser 30 000 tonnes » et enfin, à l’article 1.4 de ces mêmes prescriptions, en supprimant la mention « ainsi que, dans la limite de 10 000 tonnes par an, des régions de Rhône-Alpes et Provence- Alpes-Côte-D’azur » ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administratif :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l’ensemble des conclusions présentées par les parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
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DECIDE:
Article ler : A l’
article 1” de l’arrêté du 30 novembre 2007🏛 les mots « l’augmentation du tonnage annuel reçu sur le centre de traitement et de stockage de déchets dangereux existant » sont supprimés.
Article 2: A l’article 1.3 des prescriptions techniques annexées à l’arrêté du 30 novembre 2007, la phrase « La quantité maximale annuelle de déchets dangereux (bruts ou directement admissibles en stockage) ne doit pas dépasser 50 000 tonnes. » est remplacée par la phrase « La quantité maximale annuelle de déchets dangereux (bruts ou directement admissibles en stockage) ne doit pas dépasser 30 000 tonnes. ».
Article 3: A l’article 1.4 des prescriptions techniques annexées à l'arrêté du 30 novembre 2007, les mots « ainsi que, dans la limite de 10 000 tonnes par an, des régions de Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-D’azur » sont supprimés.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administratif, sont rejetées.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l’association France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la société Occitanis.
- une copie sera adressée au préfet du Tarn
Délibéré après l'audience du 28 février 2013, à laquelle siégeaient :
M. Bachoffer, président,
Mme Cherrier, premier conseiller
Mme Simmonet, conseiller,
Lu en audience publique le 21 mars 2013.
Le rapporteur, Le président,
Le greffier,
M.ALRIC
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis
en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent
jugement.
Pour expédition conforme :