Décision AMF, 20-03-2013, A L'EGARD DE LA SOCIETE 123 VENTURE, sanction

Décision AMF, 20-03-2013, A L'EGARD DE LA SOCIETE 123 VENTURE, sanction

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L5084IW9



DECISION DE SANCTIONS

DU 20 MARS 2013

A L'EGARD DE LA SOCIETE 123 VENTURE

La 2ème section de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-2 et L. 621-15, d'une part, et L. 214-3 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er août 2011, L. 533-4 dans sa rédaction antérieure au 1er novembre 2007, L. 214-36, L.214-41-1, L. 533-10 et L.533-12 dans leur rédaction en vigueur à compter du 1er novembre 2007, d'autre part, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l'AMF, notamment ses articles 313-1, 313-18, 313-20, 314-3, 314-10, 314-11 et 313-54, dans leur rédaction applicable à compter du 1er novembre 2007 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 octobre 2011, et les articles 411-45 et 411-45-1 de ce règlement dans leur rédaction en vigueur à compter du 7 janvier 2008 et antérieure à l'arrêté du 3 octobre 2011 ;

Vu la notification de griefs adressée le 17 juin 2011 à la société 123 Venture ;

Vu la décision de la présidente de la Commission des sanctions du 28 juin 2011, désignant Mme Marie-Hélène Tric, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu la lettre du 6 juillet 2011 informant la personne mise en cause de ce qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour demander la récusation du rapporteur ;

Vu les observations écrites de Me Stéphane Puel, du cabinet Gide Loyrette Nouel, pour le compte de la société 123 Venture, transmises par courrier du 20 septembre 2011 ;

Vu le procès-verbal d'audition par le rapporteur de la société 123 Venture, représentée par son président directeur général, M. Oliver Goy, le 19 septembre 2012 ;

Vu les pièces complémentaires adressées par Mes Stéphane Puel, Emilie Rogey et Benjamin Delaunay, pour le compte de la société 123 Venture, le 27 septembre 2012 ;

Vu le rapport de Mme Marie-Hélène Tric daté du 24 octobre 2012 ;

Vu la lettre du 25 octobre 2012 portant convocation de la société mise en cause à la séance de la Commission des sanctions du 29 novembre 2012, à laquelle était annexé le rapport du rapporteur ;

Vu la lettre du 7 novembre 2012 informant la société mise en cause de la composition de la Commission des sanctions pour la séance et du délai de quinze jours dont elle disposait pour demander la récusation d'un ou plusieurs de ses membres ;

Vu les observations écrites de Mes Stéphane Puel, Benjamin Delaunay et Emilie Rogey, du cabinet Gide Loyrette Nouel, pour le compte de la société 123 Venture transmises par courrier le 16 novembre 2012, en réponse au rapport du rapporteur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 29 novembre 2012 :

- Mme le rapporteur en son rapport ;

- M. Pierre Chabrol, représentant le Directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler ;

- M. Alexandre Musnier, représentant le Collège de l'AMF ;

- La société 123 Venture, représentée par M. Olivier Goy, Président directeur général, assisté de M. […], Directeur général délégué ;

- Mes Stéphane Puel, Benjamin Delaunay et Emilie Rogey, conseils de la société 123 Venture ;

les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS ET PROCEDURE

La société 123 Venture est une société de gestion de portefeuille de type 2, agréée par la Commission des opérations de bourse (ci-après " COB "), le 28 juin 2001.

La société est aujourd'hui agréée pour la gestion individuelle de portefeuille pour le compte de tiers, la gestion collective et le conseil en investissement.

123 Venture gère une trentaine de fonds communs de placement à risques (ci-après " FCPR "), parmi lesquels des fonds d'investissement de proximité (ci-après " FIP ") et des fonds communs de placement dans l'innovation, pour un encours total de 505 millions d'euros, ainsi que trois holding ISF et 50 comptes sous mandat (pour un encours de 20 millions d'euros).

Le résultat net de la société de gestion était de 4,058 millions d'euros au 31 décembre 2008 et de 5,268 millions d'euros un an plus tard.

Le 3 février 2010, le Secrétaire général de l'AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par la société 123 Venture de ses obligations professionnelles.

Le Service du contrôle des prestataires et des infrastructures de marché a procédé à des travaux sur place et des entretiens en février et mars 2010, et a établi le 21 septembre 2010, un rapport de contrôle portant sur le " respect par la société 123 Venture de ses obligations professionnelles ".

La société 123 Venture a formulé des observations en réponse au rapport le 19 novembre 2010.

Après examen du rapport de contrôle, et des observations en réponse, la Commission spécialisée n°3 du Collège de l'AMF, constituée en application de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, a décidé le 26 mai 2011 de notifier des griefs à la société 123 Venture, pour de possibles manquements tirés notamment de l'absence de gestion au bénéfice exclusif des porteurs, du non-respect de l'obligation de délivrance d'une information exacte, claire et non trompeuse aux investisseurs, et de l'obligation de gérer les conflits d'intérêts. De manière générale, sont critiquées les conséquences des relations de la société 123 Venture avec des entités du groupe X, partenaires à divers titres de la société mise en cause, au regard des obligations législatives et réglementaires pesant sur cette dernière.

Par lettre du 17 juin 2011, le président de l'AMF a notifié à 123 Venture, prise en la personne de son président directeur général, M. Oliver Goy, les griefs qui lui étaient reprochés en l'informant, d'une part, de la transmission de la lettre de notification à la présidente de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d'un rapporteur et, d'autre part, du délai de deux mois dont elle disposait pour présenter des observations écrites en réponse aux griefs énoncés dans cette lettre, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de son choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l'AMF.

Par lettre du 17 juin 2011, le président de l'AMF, en application de l'article R. 621-38 du code monétaire et financier, a informé la présidente de la Commission des sanctions de la décision prise par la Commission spécialisée n°3 du Collège de l'AMF de procéder à la notification de griefs sur le fondement du rapport établi par le service de contrôle de l'AMF et des observations formulées en réponse.

Par décision du 28 juin 2011, Mme Marie-Hélène Tric a été désignée comme rapporteur, ce dont la société 123 Venture a été avertie par lettre du 5 juillet 2011, en lui rappelant la possibilité d'être entendue à sa demande en application du I de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettre recommandée du 6 juillet 2011, le secrétariat de la Commission des sanctions de l'AMF a informé 123 Venture qu'en application de l'article R. 621-39-2 du code monétaire et financier elle disposait d'un délai d'un mois pour demander la récusation du rapporteur dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

La société 123 Venture, par l'intermédiaire de son conseil, Me Stéphane Puel, a formulé des observations en réponse à la notification de griefs par courrier du 20 septembre 2011.

Invitée à se présenter en audition par courrier du 10 août 2012, la société 123 Venture a été entendue par le rapporteur le 19 septembre 2012.

La société 123 Venture a adressé des éléments complémentaires par courrier du 27 septembre 2012.

Le rapporteur a rendu son rapport le 24 octobre 2012.

La mise en cause, par lettre du 25 octobre 2012 à laquelle était joint le rapport du rapporteur, a été convoquée à la séance de la Commission des sanctions du 29 novembre 2012.

La société 123 Venture a été informée de la composition de la Commission des sanctions lors de la séance par une lettre du 7 novembre 2012 lui précisant qu'elle disposait de la faculté de demander la récusation d'un ou de plusieurs de ses membres.

La société 123 Venture, par l'intermédiaire de son conseil, Mes Stéphane Puel, Benjamin Delaunay et Emilie Rogey, du cabinet Gide Loyrette Nouel, a formulé des observations en réponse au rapport du rapporteur par courrier du 16 novembre 2012.

MOTIFS

I. Sur le respect des droits de la défense

Considérant qu'un certain nombre de critiques soulevées par la société mise en cause à l'encontre de la notification de griefs et du rapport de contrôle sont formulées explicitement ou implicitement en termes d'atteinte aux droits de la défense de la société 123 Venture ; que bien que la nullité de la procédure ne soit pas expressément invoquée, il convient de répondre à titre liminaire aux arguments invoqués ;

Considérant d'abord que si la notification de griefs fait état des dispositions de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier relatif - dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, aujourd'hui reprise à l'article L. 214-28 - à la composition de l'actif des FCPR, elle ne vise pas expressément celles de l'article L. 214-41-1 - ultérieurement abrogé, dont les dispositions ont été reprises avec de légères différences à l'article L. 214-31 - qui les rendaient applicables aux FIP, forme particulière de FCPR ; qu'il ne saurait toutefois être tiré argument de cette circonstance pour soutenir qu'il a été porté atteinte aux droits de la défense, non plus que de celle que les subdivisions de l'article L. 214-36 n'ont pas été spécifiquement visées, aucune d'elles n'ayant empêché la société mise en cause de prendre connaissance de l'ensemble des éléments nécessaires à la caractérisation des manquements qui lui ont été reprochés, soit, d'une part, les faits reprochés, en particulier ceux relatifs au respect des règles concernant les avances en compte courant et l'éligibilité des investissements opérés pour le compte des FIP de la gamme EN, d'autre part, les textes applicables ; que d'ailleurs, la société 123 Venture se réfère elle-même à l'article L. 214-41-1 dans ses écritures en réponse à la notification de griefs et a répondu à l'ensemble des griefs formulés ;

Considérant ensuite qu'il est tiré argument de ce que la notification de griefs indique sans autre précision que la société mise en cause aurait notamment méconnu les dispositions de l'article 313-54 du règlement général de l'AMF ; que cet article, qui contient des " exigences organisationnelles générales ", impose notamment à une société de gestion de disposer en permanence de moyens financiers, humains et matériels, qui soient adaptés et suffisants, ainsi que d'une organisation et de mécanismes de contrôle interne appropriés ; que la mention de cet article par la notification de griefs vient en conclusion de l'exposé d'un reproche clairement formulé par elle sur le manque d'indépendance de la société mise en cause par rapport au groupe X qui la conseille à raison de son expertise ; que l'absence de précisions supplémentaires à la suite de cette mention n'empêche pas la société de se défendre et de soutenir que le reproche n'est pas fondé, ce qu'au demeurant elle fait ; que de surcroît, le rapport de contrôle fait explicitement état de ce que le rôle incontournable de la société X1 pouvait poser des difficultés au regard de la règle selon laquelle une société de gestion de portefeuille doit utiliser " en permanence des moyens, notamment matériels, financiers et humains adaptés et suffisants " ; que la question de savoir si le manquement est caractérisé relève ensuite d'un examen du grief au fond ;

Considérant enfin que le fait que, selon la société mise en cause, la notification de griefs s'appuierait sur des éléments de fait incomplets dans la mesure où toutes les pièces nécessaires à la caractérisation des griefs ne figureraient pas en annexe au rapport de contrôle, n'emporte par lui-même aucune atteinte à la présomption d'innocence ; que cette critique ne saurait être prise éventuellement en compte que lors de l'examen des griefs au fond ; qu'en effet, dès lors que les griefs notifiés permettent de définir le champ de saisine de la Commission, il lui revient d'apprécier l'ensemble des éléments qui figurent au dossier, y compris ceux réunis à l'occasion de l'instruction de l'affaire, pour décider du bien-fondé des griefs notifiés ;

II. Sur les griefs notifiés

A. En ce qui concerne le respect du principe de gestion au bénéfice exclusif des porteurs de parts de FIP, et les obligations relatives aux ratios d'avances en compte courant et à l'indépendance dans la gestion

Considérant qu'il est reproché à la société 123 Venture d'avoir commis des manquements à ses obligations législatives et réglementaires en 2007, 2008 et 2009 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, " les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (…) et la société de gestion doivent agir au bénéfice exclusif des souscripteurs " et " de façon indépendante " ; que l'intérêt des porteurs de parts s'apprécie pour chaque fonds pris séparément ; que pour la période antérieure au 1er novembre 2007, la notification de griefs mentionne aussi l'article L. 533-4 du code monétaire et financier qui disposait que " Les prestataires de services d'investissement (…) sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations " et que " ces règles (…) établies par l'Autorité des marchés financiers " " obligent notamment à : 1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; 2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché " et, pour la période postérieure au 1er novembre 2007, l'article L. 533-1 du même code, aux termes duquel : " Les prestataires de services d'investissement agissent d'une manière loyale, honnête et professionnelle qui favorise l'intégrité du marché " ; que dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, l'article 314-3 du règlement général de l'AMF prévoit que " le prestataire de services d'investissement agit d'une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux l'intérêt des clients et favorise l'intégrité du marché " ;

Considérant qu'en application de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier alors en vigueur, auquel renvoyait, ainsi qu'il a été dit, l'article L. 214-41-1 du même code s'agissant des FIP, l'actif des FIP pouvait comprendre, dans la limite de 15 %, les avances en compte courant consenties pour la durée de l'investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le fonds détenait au moins 5 % du capital ; qu'aucune de ces dispositions n'a été modifiée dans un sens plus doux ;

1. Considérant que la société 123 Venture a notamment créé en 2006 le FCPR grand public dédié au secteur éolien " FIP Energies Nouvelles " (ci-après " FIP EN ") qui a vocation à investir dans des sociétés ayant le projet d'acquérir et d'exploiter des parcs éoliens situés en Champagne-Ardenne, Picardie et Lorraine ; qu'en 2007, elle a lancé le FIP Energies Nouvelles II (ci-après " FIP EN II ") et le FIP Energies Nouvelles Méditerranée (ci-après " FIP EN MED "), en 2008, les FIP Energies Nouvelles III (ci-après " FIP EN III ") et FIP Energies Nouvelles IV (ci-après " FIP EN IV ") ; que deux fonds dédiés à l'énergie solaire ont ensuite été agréés en 2009, l'ensemble de ces fonds constituant les FIP de la gamme EN ;

Considérant que les FIP sont une catégorie particulière de FCPR investis dans des entreprises régionales petites ou moyennes à hauteur d'au moins 60 % de leur actif ; qu'à l'issue de la période de souscription prévue par le règlement d'un tel fonds - qui peut en prévoir plusieurs - s'ouvre la période d'investissement, au cours de laquelle la société de gestion recherche des entreprises dans lesquelles elle souhaite faire investir le fonds, réalise les investissements dans les entreprises choisies et en assure le suivi pour le compte du fonds ; que pendant la durée de vie du fonds, définie par son règlement, les porteurs de parts du fonds ne peuvent en demander le rachat et que ce n'est qu'à l'occasion de sa liquidation que les plus-values éventuellement réalisées sont partagées entre les porteurs de parts ; que, sous réserve du respect de certaines règles d'investissement, la souscription à un FIP entraîne l'octroi de régimes fiscaux de faveur ;

Considérant qu'avant qu'une centrale éolienne puisse être exploitée et procurer des revenus par la vente de l'électricité produite, il s'écoule une période - qui, dans le contexte industriel et au cours de la période pendant laquelle ont été constitués les FIP de la gamme EN, est d'une durée probable de plusieurs années - consacrée successivement à la prospection de sites par un développeur, suivie de la construction du parc éolien ;

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'un site a été choisi, il est constitué une " société de projet " ayant pour seul actif le projet de centrale éolienne envisagé ; qu'après avoir obtenu les autorisations administratives nécessaires à l'exploitation ainsi que le permis de construire, et une fois ceux-ci devenus définitifs, la société de projet entreprend de trouver un repreneur pour financer le projet ainsi élaboré ; que c'est à ce stade que la société 123 Venture intervenait, en faisant acquérir les actions émises par la société de projet par un FIP de la gamme EN ; que les choix de la société de gestion ont été effectués sur les conseils du groupe X, soit, initialement, la société X, spécialisée dans la prospection, l'acquisition et le suivi des parcs éoliens puis, à partir de 2007, la société X1 (ci-après " X1 "), filiale à 100 % de la précédente, agréée par l'AMF en tant que société de gestion de portefeuille ; que les investissements dont il s'agit étaient réalisés conjointement avec le groupe X, dont une convention avec 123 Venture prévoyait qu'il investissait en même temps, directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'un fonds sous gestion du groupe ; que, lorsque l'activité de conseil à 123 Venture qu'exerçait la société X a été reprise par la société X1, la société mère a conservé son activité de gestion des parcs éoliens financés par certains FIP de la gamme EN ou figurant à leur actif ;

Considérant, en second lieu, que pendant la phase suivante, consacrée à la construction du parc éolien objet du projet, la direction de la société de projet est confiée à un représentant du groupe X, expert dans le domaine des énergies renouvelables, ayant vocation à rester dirigeant de la société pendant la durée de l'exploitation ; que cette phase exige la mobilisation d'importantes ressources financières pendant une période relativement longue par rapport à la durée de vie des fonds, au cours de laquelle ces fonds ne peuvent dégager aucune rentabilité ;

Considérant qu'afin de réduire la durée d'ensemble nécessaire pour que les investissements des FIP parviennent à maturité, la société 123 Venture a décidé de participer à des réservations de turbines à la fois anticipées et globales, ainsi qu'à un financement global de ces réservations, sans que puissent être déjà distingués les projets auxquels seraient affectées les turbines, une fois celles-ci livrées ; que ce caractère global est reproché par la notification de griefs - selon laquelle il a conduit à des opérations qui n'auraient pas été menées dans l'intérêt exclusif des porteurs - en ce qui concerne tant la somme de 654 920 euros versée par le FIP EN en 2007 dans le cadre de la réservation de turbines pour éoliennes que les avances en compte courant consenties à la société X2 par les FIP de la gamme EN en 2008 pour un montant de 8,7 millions d'euros ;

1.1. Considérant qu'en mars 2007, la société X a conclu avec la société Y, fabricant de turbines, une convention de réservation de 41 turbines ; que le 4 avril 2007, la SAS Z1 (filiale du FCPR Z géré par la société X1, appelée à investir aux côtés du FIP EN dans des projets de parcs éoliens), la société X et le FIP EN représenté par 123 Venture ont conclu " une convention d'investissement conjoint des acomptes du contrat cadre Y ", afin que le FIP EN participe au financement d'un acompte de 1,87 millions d'euros, au titre de la réservation de 11 turbines destinées à des projets figurant déjà à l'actif du FIP EN ou devant y figurer, et s'imputant sur la réservation totale de 41 turbines qui venait de faire l'objet d'un contrat cadre ; qu'en l'absence d'information quant à l'affectation définitive des turbines à des sociétés de projet dont certaines étaient encore en cours d'acquisition ou seulement en cours d'audit, il a été pris comme hypothèse, pour répartir le paiement de l'acompte, que le FIP EN prendrait une participation de 35 % dans chacune des sociétés de projet dans lesquelles il était appelé à investir et qui seraient attributaires ensemble des 11 turbines identiques dont il s'agit, aux côtés de la société W qui figurait déjà à l'actif du fonds, lequel en était actionnaire à hauteur de ce même pourcentage de 35 % ; qu'en conséquence, une somme de 654 920 euros, égale à 35 % de l'acompte de 1,87 millions d'euros, a été versée par le FIP EN, représentant 1,8 % de son actif net ;

Considérant qu'il est fait grief à 123 Venture de ne pas avoir agi au bénéfice exclusif des porteurs de parts du FIP EN en faisant supporter au FIP EN cette avance de manière arbitraire, alors qu'il n'existait aucune assurance que les turbines ainsi financées seraient en définitive affectées au projet de la société W dont les actions figuraient à l'actif du FIP EN ; que la société mise en cause n'aurait donc pas vérifié la conformité du paiement de l'acompte par le FIP EN à la réglementation applicable aux avances et que " ce montage a permis à la société X d'éviter le recours à un prêt bancaire pour financer l'acompte, alors que, [selon la société X], les financements bancaires [étaient] compliqués, ou d'en supporter seule la charge " ;

Considérant qu'en réponse, la société 123 Venture soutient que la participation du FIP EN au financement de l'acompte a été décidée au contraire dans le seul but de satisfaire les intérêts des porteurs de parts de ce fonds ; qu'il était en particulier nécessaire de globaliser et sécuriser les demandes en raison des lenteurs d'approvisionnement et des difficultés de financement et qu'il fallait anticiper l'acquisition de futurs parcs éoliens, pour une bonne gestion du FIP ; que la société mise en cause explique en outre que la contribution du FIP EN était conforme au taux de sa participation dans le projet W et que l'affectation au projet W était conforme aux stipulations de la convention d'investissement du 4 avril 2007 qui prévoyait bien, dès la commande, qu'une part des turbines serait destinée à l'un des projets dans lesquels le FIP EN avait investi ; que cette convention stipulait de surcroît une garantie de remboursement donnée par la société Z1 au FIP EN pour le cas où tout ou partie des 11 turbines dont il s'agit ne seraient pas affectées à une société de projet dans lequel le FIP détient une participation ; que c'est finalement 22 des 41 turbines commandées qui ont fait l'objet d'une telle affectation ; qu'ainsi, selon la société de gestion, " dès lors que les parcs éoliens financés par le FIP EN ont bien bénéficié des turbines financées, que les sociétés bénéficiaires ont bien remboursé ce financement au FIP EN et que ce financement, bien qu'affecté d'un aléa initial quant à la destination finale des turbines, n'avait été motivé que par la nécessité de sécuriser suffisamment en amont un approvisionnement nécessaire, la poursuite ne saurait estimer que cette décision de gestion aurait été faite au détriment des porteurs du FIP EN " ;

Considérant que n'est pas réalisé au bénéfice exclusif des souscripteurs, au sens de l'article L. 214-3 précité, tout investissement dont il est démontré qu'il a pris en compte un intérêt distinct de celui-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour dréduire la durée pendant laquelle les sommes souscrites par les porteurs de parts du FIP EN ne sont pas encore effectivement investies dans des projets éoliens, la société 123 Venture a procédé à des réservations anticipées de turbines destinées en partie à des projets non encore identifiés afin de s'inscrire à bonne place dans les carnets de commande des fabricants ; qu'en raison des spécificités du marché de la production d'électricité d'origine venteuse et du rôle qu'elle entendait y jouer au travers des fonds qu'elle gérait en participant à la construction de parcs éoliens dont le projet était déjà abouti au moment de son engagement, puis à leur mise en exploitation avant leur revente, chaque nouveau projet se traduisait par l'acquisition d'une nouvelle société de projet ; qu'en dépit d'apparences contraires, les acomptes directement consentis par le FIP EN avaient le même statut économique que s'il s'était agi - dans l'intérêt des porteurs de parts - de contribuer au financement d'un nouveau site de production d'une société dont le fonds était déjà actionnaire ; que d'ailleurs, les turbines une fois livrées ont bien été affectées à des sociétés de projet figurant à l'actif du fonds qui avait contribué au paiement de 35 % de l'acompte dont il s'agit, dans lesquelles le niveau de participation était bien lui-même de 35 % ; qu'il n'est en conséquence pas démontré en quoi les dispositions du a) du 2 de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits, n'auraient pas été respectées ; qu'en outre, les éléments du dossier ne suffisent pas à établir que le paiement effectué par le FIP EN au titre de la réservation de 11 turbines n'aurait pas été consenti dans l'intérêt exclusif des porteurs de ses parts ; qu'enfin, la circonstance qu'il était difficile à l'époque des faits d'accéder au financement bancaire nécessaire pour acquérir les éléments de parcs éoliens ne saurait être utilement invoquée pour contribuer à établir que le recours à un financement direct par le FIP EN résultait de la prise en compte d'un intérêt distinct de celui des porteurs de ses parts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le grief doit être écarté ;

1.2. Considérant que la société 123 Venture a créé en mars 2008 avec des sociétés du groupe X la société X2 ayant pour objet de financer des matériels dans le domaine des énergies renouvelables, et dans laquelle certains de ses FIP allaient investir ; qu'aux termes de la notification de griefs, cette société aurait été créée pour " s'exonérer des règles relatives aux avances en compte courant qui ne peuvent être accordées qu'aux sociétés financées " ; qu'il est reproché à la société 123 Venture d'avoir violé son obligation d'agir au bénéfice exclusif des porteurs de parts, dans la mesure où les financements ont été supportés de manière arbitraire par trois FIP de la gamme EN ; que la notification de griefs indique à ce propos que les FIP ont investi marginalement au capital de la société X2 à savoir pour 8 000 euros chacun (soit 20 % du capital de la société), " ce qui leur a permis de lui concéder des avances en compte courant pour un montant de 8,7 M euros " ; qu'il s'agit pour l'autorité de poursuite d'une " utilisation de la trésorerie de certains FIP gérés par 123 Venture au profit de l'ensemble des parcs éoliens gérés par la société X, sans discernement " ;

Considérant que pour sa défense, la société de gestion fait valoir que ces griefs reposent sur une lecture " partielle et biaisée " des faits ; qu'il est soutenu en particulier que la trésorerie n'a pas été mise à contribution sans discernement pour financer des turbines qui auraient bénéficié plus largement à l'ensemble des parcs éoliens gérés par la société X ; qu'elle ajoute qu'elle-même et la société X avaient organisé leurs co-investissements en respectant le principe d'alignement des intérêts ; que la société mise en cause fait encore valoir que la trésorerie des FIP de la gamme EN n'a jamais été mise à contribution afin de financer des turbines qui n'auraient en définitive pas été affectées à des sociétés de projet financées par ces FIP ; que la société de gestion explique que les avances en compte courant n'ont excédé que de 3 % l'estimation initiale du prix et ont rapporté 919 000 euros d'intérêts à 4,5 % alors qu'un placement alternatif n'aurait rapporté que 2 % ; que la société 123 Venture conclut ainsi que " chaque avance était, en soi, une opération dans l'intérêt des porteurs, rapportant un intérêt financier, permettant aux sociétés de projets de sécuriser les constructions des parcs éoliens et si les financements mis en place n'étaient pas finalement en proportion exacte des turbines obtenues par chaque FIP EN, le seul intérêt financier obtenu justifiait l'opération " ;

Considérant que ce montage financier ne se distingue de celui examiné au point 1.1 que par l'interposition de la société X2 et la participation de trois FIP et non d'un seul ; qu'à elles seules, ces circonstances ne sont pas de nature à établir qu'auraient été pris en compte d'autres intérêts que ceux des porteurs de parts, pas plus que le fait que les avances en compte courant dont il s'agit se sont trouvées légèrement excédentaires par rapport au prix définitif des turbines acquises ;

Considérant que le grief sera en conséquence écarté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il est reproché à la société 123 Venture d'avoir dépassé la limite réglementaire de 15 % pour les avances en compte courant puisque celles-ci ont représenté 18,1 % de l'actif net du FIP EN et 26,5 % de celui du FIP EN MED ; que, selon la notification de griefs, ces dépassements ont perduré pendant un an, jusqu'à la mise en place par la société X2 en mars 2009 d'obligations convertibles souscrites par certains FIP afin de réduire leur niveau d'avance en compte courant ;

Considérant que la société de gestion mise en cause fait valoir pour sa défense que le ratio ne devait respecter la limite de 15 % que dans un délai de deux exercices pleins à compter de la constitution des FIP, conformément à une lecture combinée des articles L. 214-41-1 et L. 214-36 du code monétaire et financier ; qu'elle souligne ensuite que les avances en compte courant ont été régularisées avant le commencement de la mission de contrôle par l'émission d'obligations convertibles par la société X2 pour procéder à leur remboursement ;

Considérant que le rapport des avances en compte courant à l'actif net des fonds doit respecter une limite maximale de 15 % en application des dispositions de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier, applicable aux FIP par renvoi de l'article L. 214-41-1 ; que la société ne conteste pas qu'à la date du 30 septembre 2008, le total des avances en compte courant consenties à la société X2 et à d'autres sociétés a représenté jusqu'à 18,1 % de l'actif net du FIP EN, et jusqu'à 26,5 % de l'actif du FIP EN MED ; que ces dépassements ont perduré jusqu'à la souscription, en mars 2009, d'obligations convertibles émises par la société X2 à titre de remboursement de ces avances ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la société 123 Venture en réponse à la notification de griefs, si la loi prévoit bien des tolérances pour le respect du quota de 60 % de l'actif du fonds, afin de prendre en compte les délais nécessaires tant pour investir les fonds recueillis que pour céder les participations détenues à l'approche de la fin de la durée de vie du fonds, le ratio de 15 % des avances en compte courant s'analyse comme un ratio de dispersion des risques instauré dans l'intérêt des porteurs et doit être respecté à tout moment de la durée de vie des fonds dont il s'agit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le manquement aux règles du a) du 2 de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier est objectivement caractérisé ;

Considérant, en second lieu, s'agissant de la souscription en mars 2009 par les FIP de la gamme EN (le FIP EN, le FIP EN II et le FIP EN MED) d'obligations convertibles en actions émises par la société X2, que la notification de griefs avance que ces investissements étaient incompatibles avec la préservation de l'intérêt des porteurs et ne sont pas conformes aux notices d'information des FIP de la gamme EN, " qui restreignent les investissements dans des sociétés oeuvrant dans le domaine de l'énergie " ;

Considérant que le comité d'investissement du 23 mars 2009 a approuvé la conversion du compte courant des FIP en obligations convertibles émises par la société X2; qu'il ressort des termes mêmes du procès-verbal de cette séance du comité d'investissement que cette conversion a été décidée pour " rééquilibrer la situation " née du caractère excessif des avances en compte courant consenties par certains FIP de la gamme EN ; que, pour les motifs retenus plus haut, le grief tiré de ce que cet investissement n'aurait pas été décidé dans l'intérêt exclusif des porteurs doit être écarté ;

Considérant en outre qu'il résulte de l'examen de la notice d'information du FIP EN ainsi que des notices d'information des fonds FIP EN II et FIP EN MED jointes en réponse à la notification de griefs, qu'elles exposent dans des termes identiques, à propos des investissements réalisables dans le quota de 60 % défini à l'article L. 214-41-1 du code monétaire et financier, que la politique d'investissement des fonds est " principalement " axée sur l'investissement dans les énergies renouvelables et " notamment " dans des sociétés de projet dont l'objet est d'acquérir et d'exploiter des parcs éoliens ; que la société mise en cause ajoute que la société X2 n'est pas étrangère à la réalisation de telles opérations ; qu'il pourrait cependant être relevé que le siège social de cette société est situé à Reims, dans la région Champagne-Ardenne, et que l'investissement dont il s'agit ne respectait pas, pour deux des fonds, le critère géographique exigé pour l'éligibilité au quota de 60 %, mais qu'en tout état de cause, en dépit des observations relevées plus haut de la notification de griefs, celle-ci n'a pas formulé le grief en ces termes sur un fondement juridique adéquat ;

3. Considérant que selon la notification de griefs, le rôle de la société X1 dans la gestion des FIP de la gamme EN gérés par 123 Venture va au-delà du conseil puisqu'aucun investissement sur la partie " quota " ne peut se faire sans une étude préalable de la société X et que les investissements de cette gamme ne comportent que des projets dont la société X est l'exploitant ; que la mission de contrôle a révélé " le rôle incontournable de la société X1 dans la sélection, l'investissement et la gestion des participations ", ce que la notification de griefs illustre notamment par des exemples tirés des communications des sociétés X et X1 et des courriels échangés entre 123 Venture et le président de la société X ; qu'il est ajouté, qu'en 2009, la société X1 a perçu 41 % des frais de gestion générés par la gamme EN contre 31 % pour 123 Venture, 28 % rémunérant le distributeur ; qu'il résulterait de l'ensemble des éléments relevés que la société 123 Venture aurait méconnu les dispositions des articles L. 214-3 du code monétaire et financier et 313-54 du règlement général de l'AMF ;

Considérant qu'en défense, la société 123 Venture fait valoir au fond qu'aucun des éléments sur lesquels s'appuie la notification de griefs pour établir que la société n'aurait pas assuré la gestion des FIP dans l'intérêt des porteurs par manque d'indépendance vis-à-vis du groupe X n'est fondé ; qu'elle insiste à cet égard sur la nécessité des études préalables de la société X, qui lui permettait de prendre ses décisions de manière indépendante ; qu'elle souligne que les investissements n'étaient que le résultat d'une collaboration étroite, conteste que la communication des sociétés X et X1 qu'elle a faite modifier, puisse lui être reprochée, et soutient que la rémunération de la société X1 correspond au service rendu ;

Considérant qu'il est établi qu'à compter du 18 décembre 2006 la société par actions simplifiée unipersonnelle X1 intervenait en tant qu'expert exclusif de la société de gestion, chargé de rechercher des opportunités d'investissement notamment dans les parcs éoliens et de fournir à la société de gestion des conseils techniques sur les investissements et désinvestissements du fonds ; que le comité de gestion de la société de gestion ne pouvait se prononcer sur un investissement non coté qu'après un exposé complet de l'opportunité d'investir réalisé par la société X1 ; " que lorsqu'123 Venture déciderait d'investir ses fonds dans une société de projet, ce groupe [X], directement ou indirectement via l'un des fonds sous gestion, investirait au même moment et à la même valorisation " ; qu'ainsi la société X donnait de manière exclusive des conseils sur l'opportunité des investissements dans des sociétés dont il n'est pas contesté que, de fait, un membre du groupe X prenait la direction ; qu'en revanche, le fait qu'en 2009 la société X1 ait perçu 41 % des frais de gestion générés par les FIP de la gamme EN, part supérieure à celle reçue par 123 Venture, ne saurait constituer un indice supplémentaire de ce que la gestion des FIP de la gamme EN n'était pas menée de façon indépendante ;

Considérant, au demeurant que la grande implication de la société que la société X1, qui a édité le rapport de gestion d'un FIP en y apposant son sigle alors qu'elle n'en est pas la société de gestion, ressort également des termes d'un courrier électronique du 7 décembre 2009 dans lequel le président directeur général de la société 123 Venture indiquait au président de la société X1, à la suite d'une intervention dans la presse de ce dernier, que " l'AMF risque de ne pas aimer (…) que la société X soit assimilée à la société de gestion " ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le rôle systématique et exclusif joué par la société X1 constitue une entrave à l'indépendance de la gestion en méconnaissance des dispositions de l'article L. 214-3 du code monétaire et financier ; que la notification de griefs vise également à l'appui du grief l'article 313-54 du règlement général qui fait notamment obligation aux sociétés de gestion d'être dotées des moyens adaptés et suffisants, mais sans y consacrer de développement spécifique ; que dès lors cet aspect du grief - qui ne saurait être seulement déduit, sans autre démonstration, de l'importance du rôle joué par la société X1 auprès de la société 123 Venture - sera écarté ; qu'il y a lieu de relever que la société123 Venture a indiqué avoir diversifié ses partenaires postérieurement aux faits visés par la lettre de griefs ;

B. En ce qui concerne la qualité de l'information communiquée par la société de gestion 123 Venture

Considérant que l'article L. 533-12 du code monétaire et financier prévoit, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er novembre 2007, que " I. - Toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées par un prestataire de services d'investissement à des clients, notamment des clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère promotionnel sont clairement identifiables en tant que telles. / II. - Les prestataires de services d'investissement communiquent à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et du type spécifique d'instrument financier proposé ainsi que les risques y afférents, afin que les clients soient en mesure de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause " ;

Considérant que cet article est précisé par les articles 314-10 et 314-11 du règlement général de l'AMF ; qu'en particulier, ce dernier article, applicable à l'information délivrée par un prestataire de services d'investissement à des clients non professionnels, précise notamment qu'aucune déclaration ou avertissement important ne saurait être occulté ;

Considérant que l'article 411-45 du même règlement, dans sa rédaction en vigueur à compter du 7 janvier 2008 et antérieure à l'arrêté du 3 octobre 2011, applicable aux FIP par renvoi de l'article 414-1 du règlement général de l'AMF, et qui n'a pas été remplacé par des dispositions plus douces, prévoyait que les informations que l'OPCVM est tenu de diffuser sont transparentes, complètes et claires ;

Considérant par ailleurs que la notification de griefs invoque " l'obligation plus générale d'agir de manière honnête, loyale et professionnelle pour servir au mieux l'intérêt des clients ", à laquelle elle rattache les exigences relatives à la qualité de l'information ; que si elle ne vise pas explicitement l'article 314-3 du règlement général de l'AMF, cet article en constitue le fondement pour les sociétés de gestion de portefeuille, pour la période à compter du 1er novembre 2007, rédaction légèrement modifiée par l'arrêté du 3 octobre 2011 ; que ce principe se dégageait pour la période antérieure de l'article L. 533-4 du code monétaire et financier ; que l'article prévoyait ainsi que " Les prestataires de services d'investissement (…) sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations " et que " ces règles (…) établies par l'Autorité des marchés financiers obligent notamment à : 1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché ; 2. Exercer leur activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent, au mieux des intérêts de leurs clients et de l'intégrité du marché " ;

Considérant en premier lieu, s'agissant des documents concernant le FIP EN, que sont en cause, d'une part, la notice d'information et un document commercial, d'autre part, le rapport de gestion au 31 mars 2008 ;

Considérant que l'ouverture de la procédure de contrôle, le 3 février 2010, jour de la signature de l'ordre de mission, a interrompu la prescription ; qu'en conséquence, le bien-fondé des griefs notifiés peut être apprécié en prenant en compte les faits qui se sont déroulés à compter du 3 février 2007 ;

Considérant que le prestataire de services d'investissement est le débiteur au premier chef de l'obligation de fournir une information présentant un contenu exact, clair et non trompeur, tant dans le prospectus que dans les plaquettes commerciales ultérieures, sans que ne puisse valablement être invoquée la circonstance que les fonds ont été agréés par l'AMF ou que les documents ont été revus par elle ;

Considérant que la société mise en cause tente de tirer argument du fait que l'instruction de la COB du 6 juin 2000 ne prévoyait la mention des partenaires de la société de gestion que pour le règlement du fonds et relève que l'instruction n° 2009-05 du 4 juin 2009, postérieure à la date de publication des documents en cause, étendait expressément cette obligation aux notices d'information, ce qui démontrerait, selon elle, que cette information n'avait pas à figurer dans les documents litigieux au moment des faits ;

Considérant toutefois que ces instructions - qui ne procédaient d'ailleurs pas à une énumération limitative des éléments à fournir dans les notices d'information - ne peuvent avoir pour objet ni pour effet de limiter la portée du principe énoncé selon lequel l'information délivrée devait présenter un contenu exact, clair et non trompeur ; qu'en l'espèce l'importance stratégique du groupe X dans la gestion du FIP par 123 Venture et le fait que l'ensemble des parcs éoliens lui soit systématiquement confié n'était aucunement mentionnée dans la notice ; que le document commercial figurant dans le rapport de contrôle ne fait référence qu'à une seule reprise à la société X, dans la présentation générale de la société 123 Venture, et à propos d'un autre fonds que le FIP EN ; qu'en conséquence, en s'abstenant de mentionner ces éléments, 123 Venture n'a pas communiqué une information présentant un contenu exact, clair et non trompeur permettant aux investisseurs de prendre leurs décisions d'investissement en connaissance de cause et a manqué à son obligation de se comporter avec loyauté et compétence, au mieux des intérêts de ses clients ;

Considérant en outre qu'il y a lieu de rechercher si l'information délivrée dans le rapport annuel au 31 mars 2008 du FIP EN présentait un caractère exact, clair et non trompeur au sens de l'article L. 533-12 et si l'information diffusée par les OPCVM était transparente, complète et claire au sens de l'article 445-1 du règlement général de l'AMF dans sa version applicable à compter du 7 janvier 2008 ; que, lors de la présentation sommaire de la société X2 dans ce rapport, il est indiqué, comme le relève la notification de griefs, qu' " à ce titre, le FIP EN a contribué à sécuriser l'approvisionnement des parcs à venir en contribuant au financement (8000 euros investis) de la société X2 " ; que la mention sans autre précision du montant de 8 000 euros ne laissait en rien augurer des montants importants qui avaient vocation à être procurés à la société X2 au titre d'avances en compte courant ; que la description ainsi faite dans le rapport de gestion du rôle du FIP EN ne satisfait donc pas aux exigences requises par les dispositions visées par la notification de griefs et alors applicables ; que ne sera en revanche pas retenu l'élément, relevé dans la notification de griefs, selon lequel aurait dû être mentionnée l'incertitude dans l'affectation des turbines à des sociétés de projets non encore entrées dans l'actif du fonds ;

Considérant en second lieu, s'agissant de l'information délivrée par les autres FIP de la gamme EN, que si la société 123 Venture fait valoir que la notification de griefs n'étaye pas sa démonstration au sujet de ceux-ci pour lesquels il y avait eu, selon elle, d'incontestables améliorations, tant dans les notices d'information, que dans les plaquettes commerciales jointes par 123 Venture à ses observations en réponse, il résulte de l'examen de la plaquette commerciale du FIP EN II jointes en réponse à la notification de griefs, que l'information fournie se limitait à préciser qu' " en partenariat avec la société X (spécialiste des énergies renouvelables), 123 Venture gère plus de 100 millions d'euros dédiés à l'énergie éolienne en Europe " sans décrire ni le rôle de la société X1 dans la sélection des investissements, ni celui de la société X dans la gestion des parcs ; qu'il est toutefois exact que les notices d'information des FIP Energie solaire 1 et Energie solaire 2, également jointes par la société de gestion à ses observations en réponse à la notification de griefs, comportaient l'identité de la société X1 en qualité de prestataire de conseils, et précisaient que les investissements étaient sélectionnés par cette société ; qu'une amélioration est donc notable s'agissant des FIP les plus récents de la gamme EN, même s'il n'est pas indiqué clairement que la gestion des parcs est ensuite confiée à la société X ;

Considérant, au total, que les faits relatifs à la qualité de l'information communiquée par la société de gestion dans la notice d'information et la plaquette commerciale du FIP EN, ainsi que dans le rapport de gestion au 31 mars 2008 de ce fonds, sont établis et caractérisent un manquement à l'obligation d'agir avec loyauté et compétence pour servir au mieux l'intérêt des clients ; que ces informations ne répondent pas aux différentes exigences législatives et réglementaires alors applicables et qu'à l'exception des FIP les plus récents de la gamme EN, les mêmes insuffisances sont constatées à propos des documents relatifs à d'autres fonds de la gamme EN ;

C. En ce qui concerne le respect des obligations relatives à la prévention, à la détection et à la gestion des conflits d'intérêts

Considérant que l'article L. 533-10 du code monétaire et financier prévoit notamment que le prestataire de services d'investissement doit mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect des dispositions qui leur sont applicables et prendre toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d'intérêts de porter atteinte aux intérêts de leurs clients ; que cet article est précisé par l'article 313-1 du règlement général de l'AMF dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er novembre 2007 qui prévoit que " Le prestataire de services d'investissement établit et maintient opérationnelles des politiques, procédures et mesures adéquates visant à détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles mentionnées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ainsi que les risques en découlant et à minimiser ces risques " ainsi que par les articles 313-18 et 313-20 du même règlement qui sont relatifs à l'adoption de mesures, de politiques et de procédures par les prestataires de services d'investissement pour la détection, la prévention et la gestion des conflits d'intérêts ; qu'en particulier, l'article 313-20 exige que la politique soit efficace et maintenue opérationnelle ;

Considérant qu'aux termes de la notification de griefs, les " fiches de déontologie ", que les gérants de 123 Venture remplissaient avant chaque opération d'investissement, montrent que les conflits d'intérêts potentiels en lien avec, d'une part, la présence dans l'actionnariat des sociétés de projet d'un salarié ou administrateur de la société mise en cause, d'un des délégataires des FIP et d'un souscripteur significatif d'un de ces FIP, et, d'autre part, les relations entre la société de projet et l'un des prestataires de services de 123 Venture, n'ont pas été mis au jour ; que selon la notification de griefs, ces " lacunes " se sont concrétisées par : - " les engagements pris par 123 Venture avec la société X et qui se sont traduits par des contraintes dans la gestion des fonds ; - la concentration des financements des turbines sur certains des FIP de 123 Venture " ;

Considérant que la société 123 Venture précise en réponse qu'elle disposait bien d'une telle politique, qu'elle pratiquait des contrôles de premier et second niveau et surtout que la société X n'avait pas d'intérêt à l'origine dans les projets financés par les FIP de la gamme EN qui investissent pari passu avec d'autres fonds gérés par 123 Venture ou la société X ; qu'aussi pour la société " il n'existe par conséquent aucun conflit d'intérêts mais bien au contraire des intérêts concordants à investir dans les sociétés de projet, et de nommer par la suite un représentant de la société X à leur direction, lequel dispose de la compétence technique pour construire le parc éolien et le mettre en exploitation. Partant, 123 Venture n'avait pas au cas d'espèce à détecter ou traiter un conflit d'intérêts susceptible de porter atteinte à l'intérêt des porteurs des fonds concernés, bien au contraire " ;

Considérant que la société de gestion 123 Venture a certes adopté une politique visant à prévenir et gérer les conflits d'intérêts ; que toutefois, l'existence de cette procédure, qui au demeurant est relativement sommaire, ne suffit pas à satisfaire aux exigences légales et réglementaires ; que la politique prévue doit être efficace et maintenue opérationnelle et qu'il y a donc lieu de vérifier l'effectivité de sa mise en oeuvre ;

Considérant d'abord que si le grief examiné ici revêt en apparence un caractère général, il est en fait limité à l'activité de la société mise en cause dans le seul domaine des énergies renouvelables ; que les questions posées par les fiches de déontologie, ou les réponses qui y ont été apportées - dont certaines, relatives à des hypothèses d'augmentation des participations dans des sociétés de projet déjà présidées par une personne du groupe X, étaient manifestement incohérentes - n'ont pas permis d'identifier le rôle de conseil de la société X1, la présence d'un membre du groupe X à la tête des sociétés de projet ou encore le fait qu'un fonds géré par une entité du groupe X investisse avec les FIP de la gamme EN ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que le rôle prépondérant joué par la société X était par lui-même susceptible d'engendrer des conflits d'intérêts qui n'ont pas été détectés, à de rares exceptions près, par la procédure mise en place par 123 Venture ; que si cette absence de détection résulte de ce que la société 123 Venture estimait que, les investissements de ses fonds ainsi que leurs désinvestissements se faisant en même temps et aux mêmes conditions que ceux, directs ou indirects, du groupe X, il ne pouvait naître de conflits d'intérêts avec ce dernier, elle a conduit à ignorer une situation structurelle de possibles conflits d'intérêts et elle suffit à démontrer l'absence de caractère opérationnel de la procédure mise en oeuvre ;

Considérant qu'en définitive, la société de gestion a méconnu les exigences des articles L. 533-10 du code monétaire et financier et 313-1, 313-18 et 313-20 du règlement général de l'AMF ;

SANCTION ET PUBLICATION DE LA DECISION

Considérant qu'en application de l'article L. 621-15 III a) du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 3 février 2007 au 6 août 2008, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés, est encourue en sus, ou à la place, d'un avertissement, d'un blâme ou d'une interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des services fournis ; que pour les faits postérieurs, et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de régulation bancaire et financière le 24 octobre 2010, le plafond de la somme forfaitaire est de 10 millions d'euros ;

Considérant que le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements ;

Considérant qu'il y a lieu de relever, d'une part, qu'aucun des manquements retenus par la présente décision ne porte sur l'ensemble de l'activité de la société mise en cause mais seulement sur l'activité qu'elle a développée dans le secteur innovant de l'électricité d'origine venteuse, d'autre part, qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'un quelconque préjudice aurait été subi par les porteurs des FIP de la gamme EN ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces manquements en prononçant une sanction pécuniaire limitée à 100 000 euros ;

Considérant que la publication de la présente décision n'est pas de nature à perturber gravement les marchés financiers ou à causer un préjudice disproportionné à la société sanctionnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Jean-Claude Hassan, par MM. Bernard Field, Guillaume Jalenques de Labeau et Joseph Thouvenel, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

- prononcer à l'encontre de la société 123 Venture une sanction pécuniaire de 100 000 € (cent mille euros) ;

- publier la présente décision sur le site Internet de l'Autorité des marchés financiers.

A Paris, le 20 mars 2013.

Le Secrétaire de séance, Marc-Pierre Janicot

Le Président, Jean-Claude Hassan


Cette décision peut faire l'objet d'un recours dans les conditions prévues à l'article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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