TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL
N° 1302355
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Z des référés
Mme Chantal Y. et M. Daniel X.
M. BoulangerJuge des référés
Ordonnance du 22 mars 2013
Vu la requête, enregistrée le 28 février 2013 sous le n° 1302355, présentée pour Mme Chantal Y., demeurant ... et M. Daniel X., demeurant ... Montreuil Sous Bois (93100), par Me W ; Mme Y. et M. X. demandent au Z des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 14 février 2013 par laquelle le maire Montreuil a accordé un permis de construire précaire à l'Office public de l'habitat Montreuillois (OPHM), en vue de l'implantation de logements modulaires sur un terrain situé Montreuil, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;
2°) d'enjoindre l'enlèvement des conteneurs installés sur les lieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Montreuil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il est fait valoir l'urgence, la mise en oeuvre extrêmement rapide de la décision et l'occupation imminente des logements visant à créer une situation irréversible, le caractère fallacieux des motifs allégués, leur généralité et la généralisation du recours à de tels permis, exclusive de tout caractère exceptionnel de l'autorisation accordée, le caractère fictif de la précarité de la décision, le détournement de pouvoir et de procédure ; que le terrain n'est pas adapté à une telle opération ; que les énonciations de la demande de permis de construire sont erronées ; que ce projet aggrave les conditions d'évacuation des eaux pluviales ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2013, présenté par la commune de Montreuil, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête ;
Il est fait valoir que le Z des référés sera mis en mesure d'apprécier, au jour de l'audience, que l'exécution du permis de construire se trouve " pour l'essentiel " achevée, au regard de l'économie générale du projet ; que l'urgence de la suspension n'est, dès lors, plus justifiée ; qu'à
N°1302355 2 supposer qu'elle doive l'être, la décision est parfaitement motivée par ses cinq considérants et les éléments du dossier ; qu'eu égard à la nature du projet, celui-ci peut relever du permis précaire, lequel n'est pas soumis au respect des normes d'urbanisme de fond ; que la réforme de ce type d'autorisation a d'ailleurs été réalisée afin de faciliter la mise en place de structures d'hébergement temporaire, destinées à lutter contre l'habitat insalubre ; que X'est à bon droit que le service instructeur, saisi en ce sens, est resté sous l'égide de cette procédure spécifique et a instruit favorablement la demande, notamment au regard du caractère non permanent des constructions envisagées et de la perspective de remise en état du terrain ; que l'opportunité du projet ou du choix du terrain ne sont pas des motifs de refus d'un permis de construire ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2013, présenté pour Mme Y. et M. X., qui persistent dans leurs conclusions et écritures et qui sollicitent en outre du Z des référés qu'il ordonne un transport sur place le jour de l'audience, qu'il assortisse sa décision d'une injonction de prendre tout arrêté d'interdiction de travaux et tout arrêté prescrivant la remise en état antérieur, dans les 24 heures de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, enfin, qui portent à 2 000 euros leur demande au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Il est fait valoir que l'urgence subsiste tant que les constructions ne sont pas terminées, réceptionnées et occupées, au regard d'un certificat de conformité ; que les " constructions " se limitent pour l'instant à l'empilement de 27 containers dont l'aménagement peut être aisément suspendu ; que cette urgence demeure, au regard des intérêts légitimes que poursuivent les requérants ; que l'opération est contraire aux articles UC3.1 a) et d), UC3.2, UC7.1 b), UC8.1, UC11.2 a) et UC12 du plan local d'urbanisme ; que les dispositions de l'article R. 421-5 du code de l'urbanisme auraient pu être utilisées pour la délivrance d'un permis provisoire d'un an ; que les quatre années employées à imposer cette solution " d'urgence " auraient permis de réaliser une opération durable sur des parcelles s'y prêtant ; que l'urgence du relogement ne peut être sérieusement invoquée puisqu'il s'agit prétendument de répondre à une situation née en 2008 ; que ce qui devient un mode habituel de contournement des règles d'utilisation du sol ne peut plus relever de la qualification d'exceptionnel au sens de l'article L. 433-1 ; que le permis a en réalité été délivré à la commune elle-même ; qu'est ainsi créée une rupture d'égalité des citoyens devant la charge publique ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2013, présenté pour l'Office public de l'habitat Montreuillois (OPHM), représenté par son président, par Me ..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de Mme Y. et de M. X., une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il est fait valoir que l'urgence n'est pas établie, les logements modulaires étant pour l'essentiel terminés ; qu'en outre, l'implantation de logements sociaux d'insertion sur le territoire de la commune de Montreuil présente un intérêt général de nature à justifier que la construction soit réalisée sans délai ; que la présomption d'urgence n'est pas avérée, s'agissant d'un permis précaire, la construction ne présentant pas un caractère irréversible ; que les requérants ne justifient pas d'une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts ; que la suspension de l'arrêté entraînerait pour la commune un coût financier important, au regard de la durée de dix ans de l'autorisation, du risque de caducité de la convention de subvention de la Région Ile-de-France et des conditions du marché ; qu'enfin, l'intérêt général résulte de la création de logements sociaux à destination des familles issues de site d'accueil et d'hébergement d'urgence de la M.O.U.S, dans une structure moderne et respectueuse de l'environnement ; que la commune est confrontée depuis plusieurs années à l'existence de bidonvilles et de squats, source de risque pour les populations ; qu'elle a ainsi recensé 338 personnes vivant dans des conditions précaires ; que l'information relative à la situation du terrain dans une ZAC n'est pas au nombre de celles devant figurer dans la demande de permis de
N°1302355 3 construire ; qu'une telle omission est en tout état de cause sans influence, alors surtout que la décision attaquée y fait référence ; que rien n'impose que la direction des eaux et de l'assainissement soit consultée à l'occasion d'une demande de permis de construire ; que d'ailleurs, l'arrêté en cause impose au pétitionnaire de se conformer à l'avis de cette direction ; qu'un permis de construire précaire n'a pas à être motivé, s'agissant d'une règle alternative à la règle générale posée par l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ; qu'en toute hypothèse, les motifs figurent dans l'acte et sont avérés ; que le détournement de pouvoir et de procédure ne sont nullement établis ; que l'avis rendu par le commissaire enquêteur dans le cadre de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme ne lie pas la commune ; que les logements ne sont pas destinés à perdurer ; que la décision revêt indéniablement un caractère exceptionnel, car il s'agit d'une opération à caractère d'urgence pour loger temporairement des familles vivant actuellement soit dans un immeuble insalubre soit dans des caravanes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la requête numéro 1302200 enregistrée le 25 février 2013 par laquelle Mme Y. et M. X. demandent l'annulation de la décision du 14 février 2013 ;
Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné M. ..., vice-président, pour statuer sur les demandes de référé ;
Après avoir convoqué à une audience publique :
- Me W, représentant Mme Y. et M. X.
- la commune de Montreuil - l'Office public de l'habitat Montreuillois (OPHM)
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 20 mars 2013 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- le rapport de M. ..., Z des référés ;
- Me W, représentant Mme Y. et M. X., qui renvoient à leurs écritures et les redéveloppent, et qui font valoir que les travaux ne sont pas achevés, s'agissant des abords, des aménagements intérieurs et des divers branchements ; qu'il s'agit de livrer des logements et non de simples conteneurs ; qu'un précédent est ainsi créé dont chacun pourra se prévaloir à l'avenir ; qu'il ne saurait être argué du coût d'enlèvement des modulaires, la commune étant seule responsable de cette situation ; que la durée retenue de dix ans empêche que le projet puisse être qualifié de précaire, alors surtout que la commune n'ordonnera jamais l'enlèvement des constructions au bout de dix ans ; que l'autorité de la chose jugée ne saurait être invoquée ; qu'il existe un risque sérieux que les services de lutte contre l'incendie, qui n'ont pas été consultés, ne puissent accéder au fond de parcelle ;
- la commune de Montreuil, par M. ...., qui renvoie à ses écritures et les redéveloppe, et qui soutient que les travaux sont achevés pour l'essentiel ; que ne restent que des aménagements intérieurs ; que les moyens relatifs au trouble de voisinage sont inopérants ; que le tribunal a déjà jugé que le caractère exceptionnel de l'autorisation était établi ; que la notion de permis précaire
N°1302355 4 n'est pas liée à la durée de l'autorisation ou au caractère précaire ou non du bâtiment ; qu'à supposer que le Z du référé retienne l'urgence et le doute sérieux, la suspension ne serait pas automatique, eu égard à l'intérêt supérieur que présente le projet ; que ce type de logement n'est pas réservé en définitive à une catégorie spécifique de population mais à toute population mal logée ; que saisi d'une demande de permis précaire, la commune se devait de l'examiner en ce sens ; que les mesures d'injonction sollicitées ne sont pas recevables ;
- l'Office public de l'habitat Montreuillois (OPHM), par Me ..., qui renvoie à ses écriture et les redéveloppe, et qui fait valoir qu'il ne reste plus que des travaux intérieurs de finition ; que la circonstance qu'une autre opération ait été réalisée à proximité, dans les mêmes conditions, est sans influence sur la régularité de l'acte en litige ; qu'aucun " système " de délivrance de permis de ce type n'est instauré à Montreuil ; que la notion de logement " durable " ne renvoie pas au caractère plus ou moins pérenne de ces logements ; que le code de l'urbanisme prévoit une obligation de remise en état des lieux qui s'imposera ; que le dispositif du permis provisoire constitue une procédure distincte de celle utilisée dans la présente opération ; que le moyen tiré de l'atteinte à la sécurité publique est inopérant ;
A l'issue de l'audience tenue en présence de Mme ..., greffier, la clôture d'instruction a été reportée au 21 mars 2013 à 17 heures, en application des dispositions de l'article R. 522-8 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 21 mars 2013, le procès-verbal de constat d'huissier établi le même jour, à la demande de l'Office public de l'habitat Montreuillois et de manière contradictoire entre les parties au litige, Mme Y. et M. X., en présence de leur conseil Me W, la commune de Montreuil, représentée par M. ..., et l'Office public de l'habitat Montreuillois, représenté par M. ....r, en présence du conseil de l'Office public, Me ... ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2013, présenté pour Mme Y. et M. X. ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le Z des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " et qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 522-1 de ce code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit (...) justifier de l'urgence de l'affaire " ;
2. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; que si, en règle générale, l'urgence s'apprécie compte tenu des justifications fournies par le demandeur quant au caractère suffisamment grave et immédiat de l'atteinte que porterait un acte administratif à sa situation ou aux intérêts qu'il entend défendre, il en va différemment de la demande de suspension d'un permis de construire pour laquelle, eu égard au caractère difficilement réversible de la construction d'un bâtiment, la condition d'urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés ; qu'il ne peut en aller
N°1302355 5 autrement que dans le cas où le pétitionnaire ou l'autorité qui a délivré le permis justifient de circonstances particulières, tenant, notamment, à l'intérêt s'attachant à ce que la construction soit édifiée sans délai ;
3. Considérant qu'il ressort d'un procès-verbal de constat, dressé à la demande de l'Office public de l'habitat Montreuillois par un huissier de justice le 14 mars 2013, qu'à cette date, le gros oeuvre était fini, avec la pose de 28 modules et que la toiture et les étanchéités étaient réalisées, le second oeuvre étant en cours avec la pose des cloisons et la réalisation des ouvertures ; que le second constat d'huissier versé aux débats, établi le 21 mars 2013, de manière contradictoire entre les parties au litige, lesquelles en ont été destinataires, fait apparaître que les travaux sont désormais terminés à 80% et que les modules dont l'implantation a été autorisée par le permis de construire critiqué sont hors air et hors eau, seuls des travaux de finition intérieur étant à terminer ainsi que des travaux extérieurs liés, notamment, à l'aménagement des abords du terrain et au raccordement à l'égout ; que ces constatations sont corroborées par les documents photographiques versés au dossier par les parties ; qu'une mesure de suspension n'aurait plus, dans ces conditions, d'effet que sur des travaux limités de finition ; que si ces travaux sont certes destinés à rendre les conteneurs définitivement habitables, ainsi que le soutiennent les requérants, l'objet principal du litige porte sur le principe même de l'implantation de ces modules ; que, dès lors, même si les conteneurs ne sont pas complètement terminés, réceptionnés, occupés et si un certificat de conformité n'a pas encore été délivré, les travaux autorisés par le permis de construire ont été, pour l'essentiel, menés à leur terme ; qu'en outre, l'affaire est susceptible d'être examinée au fond par une formation de jugement collégiale, dans un délai de l'ordre de trois mois ; que, dans ces circonstances, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; que, par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin de suspension et d'injonction, sous astreinte, sans qu'il soit besoin de rechercher si les moyens invoqués sont propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que, dès lors, sans qu'il soit utile de procéder à une visite des lieux, la présente requête, tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 14 février 2013 par lequel le maire de Montreuil a délivré un permis de construire précaire à l'Office public de l'habitat Montreuillois en vue de l'implantation de logements modulaires, sur un terrain situé Montreuil, ne peut qu'être rejetée ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions de Mme Y. et M. X. dirigées contre la commune de Montreuil qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme Y. et de M. X., la somme que réclame l'Office public de l'habitat Montreuillois sur le même fondement ;
ORDONNE
Article 1er : La requête de Mme Y. et de M. X. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office public de l'habitat Montreuillois, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Chantal Y., à M. Daniel X., à la
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commune de Montreuil et à l'Office public de l'habitat Montreuillois.
Fait à Montreuil, le 22 mars 2013
Le Z des référés, Le greffier,
Signé Signé
Ch. Boulanger L. ...
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.