Jurisprudence : CAA Bordeaux, 1ère, 07-03-2013, n° 12BX00409

CAA Bordeaux, 1ère, 07-03-2013, n° 12BX00409

A9158KAG

Référence

CAA Bordeaux, 1ère, 07-03-2013, n° 12BX00409. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8045843-caa-bordeaux-1ere-07032013-n-12bx00409
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Abstract

Les juridictions administratives sont compétentes pour tirer les conséquences d'une emprise irrégulière et statuer sur la demande d'injonction consécutive, indique la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt rendu le 7 mars 2013 (CAA Bordeaux, 1ère ch., 7 mars 2013, n° 12BX00409, inédit au recueil Lebon).



N° 12BX00409

M. et Mme Francis CHAMPIGNY

Mme Catherine Girault, Président
M. Didier Péano, Rapporteur
Mme Christine Mège, Rapporteur public

Audience du 7 février 2013

Lecture du 7 mars 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

La Cour administrative d'appel de Bordeaux


(1ère Chambre)


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2012, présentée pour M. Francis Champigny et Mme Annie Turmeau épouse Champigny, demeurant " Le Jeu " à Messemé (86200), par la SCP Lacoste-Plat-Maissin, avocats ;

M. et Mme Champigny demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102120 du 20 décembre 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Messemé de procéder au comblement, à hauteur de 500 m2, de la partie du fossé empiétant sur leur parcelle cadastrée section U n°116 située lieu-dit Champs de l'Hôpital sur le territoire de la commune ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Messemé une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- qu'il est définitivement jugé tant par le tribunal d'instance de Loudun que par la cour d'appel de Poitiers que le fossé creusé par la commune empiète sur leur parcelle ;

- que c'est à tort que le premier juge a considéré que la requête n'était dirigée contre aucune décision alors qu'ils avaient sollicité de la commune la remise en état des lieux par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 juillet 2011, à laquelle il n'a été apporté aucune réponse ; qu'au demeurant en matière de travaux publics, la juridiction administrative peut être saisie directement ;

- que la juridiction administrative est compétente pour demander à l'administration de détruire un ouvrage public mal placé ;

Vu l'ordonnance du 6 juin 2012 fixant la clôture de l'instruction au 2 juillet 2012 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 février 2013, présenté pour la commune de Messemé, par Me Wozniak, avocat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Me Lacoste, avocat de M. et Mme Champigny ;

1. Considérant que M. et Mme Champigny sont propriétaires de la parcelle cadastrée section U n°116 au lieu-dit Champs de l'Hôpital sur le territoire de la commune de Messemé ; que par jugement du 6 juillet 2006, le tribunal d'instance de Loudun, confirmé sur ce point par la cour d'appel de Poitiers le 6 janvier 2010, a constaté que le fossé aménagé par la commune de Messemé le long du chemin vicinal n° 3 empiète sur cette parcelle, d'environ 1,60 mètre en moyenne sur une longueur de 152,60 mètres ; que la cour d'appel ayant déclaré recevable l'exception d'incompétence soulevée par la commune s'agissant de la demande de M. et Mme Champigny tendant à la restitution des terrains ayant fait l'objet d'une emprise irrégulière, ces derniers ont adressé une lettre recommandée avec accusé de réception le 12 juillet 2011, distribuée le 15 juillet 2011, au maire de la commune pour lui demander de remettre les lieux en l'état en supprimant la partie de l'ouvrage public empiétant sur leur terrain, en procédant à son comblement au droit de la partie sur laquelle l'empiètement a été réalisé et en leur restituant la superficie indûment prélevée ; qu'en l'absence de réponse à cette lettre, ils ont saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Messemé de procéder au comblement, à hauteur de 500 mètres carrés, de la partie du fossé empiétant sur leur parcelle ; qu'ils relèvent appel de l'ordonnance n° 1102120 du 20 décembre 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens (...) " ;

3. Considérant que les juridictions administratives sont compétentes pour tirer les conséquences d'une emprise irrégulière et statuer sur la demande d'injonction consécutive ; que par suite c'est à tort que le premier juge a rejeté comme manifestement irrecevable la demande présentée par M. et Mme Champigny au motif que leurs conclusions ne se rattachaient à aucun des pouvoirs d'injonction conférés au juge administratif ; que de même le silence gardé par le maire de la commune sur la demande reçue le 15 juillet 2011 a fait naître une décision implicite de rejet susceptible de recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi les conclusions présentées par M. et Mme Champigny, qui devaient être regardées comme dirigées contre cette décision dès lors qu'ils soulignaient l'absence de réponse à leur demande, n'étaient pas entachées d'une irrecevabilité manifeste et n'entraient pas dans le champ d'application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'en conséquence, le président du tribunal administratif de Poitiers n'était pas compétent pour les rejeter et a entaché, de ce fait, son ordonnance d'irrégularité ; qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée, d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme Champigny devant le tribunal administratif ;

4. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre le refus de démolir un ouvrage public irrégulièrement édifié, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher d'abord si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible ; que, dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la voie communale n° 3 dessert d'autres parcelles que celle appartenant à M. et Mme Champigny et que le fossé que la commune a fait aménager le long d'une partie de cette voie est utile pour l'assainissement des propriétés qu'il longe ; qu'ainsi, le maintien de ce fossé présente un caractère d'intérêt général ; qu'il peut être obtenu par une procédure de déclaration d'utilité publique, sauf à ce que les intéressés engagent une procédure de cession par voie amiable de la partie du terrain supportant l'ouvrage ; que par suite une régularisation appropriée est possible sans impliquer nécessairement qu'il soit enjoint à la commune de Messemé de procéder au comblement de la partie du fossé empiétant sur la propriété des requérants ; qu'en tout état de cause, en l'absence de possibilité de déplacer l'ouvrage du fait de sa nécessaire continuité le long de la voie publique, sa démolition porterait une atteinte manifestement excessive à l'intérêt général ; que par suite les conclusions de M. et Mme Champigny tendant à l'annulation de la décision de refus de démolir cet ouvrage et à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la commune de Messemé de procéder au comblement de la partie du fossé empiétant sur leur parcelle doivent être rejetées ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Messemé, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. et Mme Champigny et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1102120 du 20 décembre 2011 du président du tribunal administratif de Poitiers est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme Champigny au tribunal administratif de Poitiers et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Francis Champigny, à Mme Annie Turmeau épouse Champigny et à la commune de Messemé.

Délibéré après l'audience du 7 février 2013 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Didier Péano, président-assesseur,

Mme Sabrina Ladoire, conseiller.

Lu en audience publique, le 7 mars 2013.

Le rapporteur,

Didier PEANO

Le président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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