Jurisprudence : CA Nancy, 31-05-2012, n° 12/01585, Infirmation partielle

CA Nancy, 31-05-2012, n° 12/01585, Infirmation partielle

A6878KAY

Référence

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ARRÊT N° PH
DU 22 MARS 2013
R.G 12/01585
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANCY
2011/999
31 mai 2012
COUR D'APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE

APPELANT
Monsieur Eric Z


NANCY
Représenté par Monsieur Yassin ..., délégué syndical ouvrier, régulièrement muni d'un pouvoir
INTIMÉE
SAS BERTOLANI & FILS, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
ZI Houdemont

HEILLECOURT
Représentée par Me Olivier BAUER, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, sans opposition des parties
Président Madame SCHMEITZKY
Siégeant en Conseiller rapporteur
Greffier Madame BARBIER (lors des débats)
Lors du délibéré,
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 01 Février 2013 tenue par Madame SCHMEITZKY, Président, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Madame SCHMEITZKY, Président, Monsieur ... et Monsieur ..., Conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 22 Mars 2013 ;
Le 22 Mars 2013, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit

FAITS ET PROCÉDURE
M. Z, né le 13 juin 1961, a été engagé à compter du 2 janvier 2001 par la société Bertolani et fils, en qualité de peintre professionnel, coefficient 185, à raison de 151,67 heures mensuelles complétée par une compensation de 17,33 heures.
L'intéressé soutient avoir fait l'objet d'un avertissement le 9 octobre 2010, ce qui est contesté par l'employeur.
Il a été convoqué le 12 octobre 2010 à un entretien préalable fixé au 25 octobre 2010 et entre-temps mis à pied à titre conservatoire le 15 octobre précédent.
Il a été licencié pour faute grave par lettre du 2 novembre 2010.
La moyenne de ses trois derniers mois de salaire à taux plein s'est élevée à 1.681,89 euros.
La société Bertolani et fils employait au moins onze salariés.
La relation de travail était régie par la convention collective du bâtiment.
Contestant la légitimité de son licenciement et critiquant l'absence de majoration de ses heures supplémentaires au delà du volume hebdomadaire de 35 heures, M. Z a saisi le 3 octobre 2011 le Conseil de prud'hommes de Nancy de demandes aux fins d'annulation de son avertissement, d'indemnités de rupture, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnités de déplacement, de dommages et intérêts pour absence de mention de son droit individuel à formation et de remise sous astreinte de documents sociaux rectifiés.
Il a été débouté de l'intégralité de ses demandes par jugement du 31 mai 2012 qui a cependant ordonné la rectification du certificat de travail devant comporter la mention du droit individuel à formation.

M. Z a régulièrement interjeté appel ; il conclut à l'infirmation du jugement, et sollicitant le maintien de ses demandes initiales, réclame l'annulation de son avertissement, outre
- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.210,98 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 3.210,97 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
- 768,27 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire,
- 726,65 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires,
- 980,61 euros à titre de rappel d'indemnités de déplacements,
- 1.098 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de mention du droit individuel à formation,
- 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Z sollicite également la remise sous astreinte de ses documents sociaux avec réserve par la cour du pouvoir de liquidation de cette astreinte.
La société Bertolani et fils conclut à la confirmation du jugement et au rejet des demandes de M. Z à l'encontre duquel elle sollicite 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 1er février 2013, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience.

MOTIVATION
- Sur l'annulation de l'avertissement
Le Conseil de prud'hommes a omis de statuer sur ce point.
M. Z sollicite l'annulation de l'avertissement notifié par lettre recommandée du 9 octobre 2010, ce que conteste la société Bertolani et fils au motif qu'il ne s'agit que d'un simple courrier de sensibilisation sur son comportement futur.
La lecture du courrier adressé le samedi 9 octobre 2010 par la société Bertolani et fils à M. Z fait effectivement apparaître que l'employeur rappelle au salarié qu'il doit être présent sur son lieu de travail le lundi suivant 11 octobre aux fins de se rendre sur le chantier de l'hôpital de Saint-Dié sans pourvoir exciper de quelque arrêt maladie que ce soit comme envisagé par ce dernier.
Un tel écrit dépourvu de toute mention sur une sanction décernée et visant au surplus une conduite future à respecter, et non un agissement déjà commis, ne peut être considéré comme une sanction d'avertissement.
M. Z sera donc débouté de sa demande d'annulation d'avertissement. - Sur le licenciement
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser notamment des faits et griefs matériellement vérifiables sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave, dont l'employeur doit rapporter la preuve, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La lettre de licenciement vise cinq griefs qu'il convient d'examiner successivement.
S'agissant du premier grief relatif à l'attitude dénigrante et irrespectueuse de M. Z envers l'entreprise, les attestations fournies se bornant à évoquer son incompétence et son refus de formation, sans rapporter de faits précis ne sauraient caractériser ce grief particulier.
Est ensuite visé le manque d'investissement de M. Z dans son poste de travail.
Sont produites les attestations de MM. ..., ... et ... relatant le comportement réitéré nonchalant de l'intéressé affecté sur des chantiers de faible qualité et prenant souvent des pauses pour se reposer.
Ces faits sont caractérisés.
S'agissant du troisième grief relatif aux refus d'obéissance notamment de se rendre sur le chantier de Saint-Dié à compter du 11 octobre 2010, la société Bertolani et fils fournit l'attestation circonstanciée de M. ... rapportant les propos de M. Z lui ayant indiqué qu'il se mettrait en maladie s'il devait être affecté au chantier de Saint-Dié à cette période et confirmant qu'il était reparti du lieu de travail pour être placé en arrêt maladie. Est produit à ce sujet l'avis d'arrêt maladie délivré par le docteur ... le 11 octobre 2010 jusqu'au 15 octobre suivant, sans motif précisé, alors que M. Z avait été examiné aux urgences le 6 octobre précédent pour une plaie superficielle de son bras droit nécessitant des soins jusqu'au 15 octobre suivant, sans cependant délivrance d'un arrêt maladie. A ce sujet, dans le courrier adressé le 20 octobre 2010 aux services de la CPAM de Meurthe- et- Moselle, la société Bertolani et fils indique que M. Z pouvait bénéficier de soins auprès de l'hôpital de Saint-Dié, chantier qui plus est sur lequel il devait intervenir.
Ce grief est à retenir.
Sont visés en quatrième lieu des vols commis par le salarié de marchandises appartenant à l'entreprise, ce que M. Z conteste alors que non titulaire d'un permis de conduire, il lui était matériellement impossible de transporter des marchandises hors de l'enceinte de l'entreprise.
Sont produites les attestations de MM. ..., ..., ... et ... affirmant avoir vu M. Z voler de la ferraille et de la peinture appartenant à son employeur. Pour autant, à défaut de la moindre datation de ces faits et de précisions sur les biens soustraits ne permettant pas à la Cour de déduire de la lettre de licenciement l'existence de faits matériellement vérifiables situés dans le temps, un tel grief énoncé de façon imprécise dans le courrier de licenciement ne saurait prospérer.
Est enfin reprochée à M. Z son attitude menaçante à l'égard de M. ..., responsable juridique et des relations humaines.
Bien que M. Z affirme avoir été au contraire victime de l'attitude intimidante de M. ... à son encontre, la société Bertolani et fils verse les attestations de MM. ... et ... témoins de la scène ayant opposé M. Z à M. ... et certifiant que ce dernier a fait l'objet de menaces de la part du salarié lui indiquant qu'il ne voulait pas se rendre sur le chantier de Saint-Dié et s'exprimant en ces termes 'qu'il lui réservait des chiens de sa chienne et qu'il ne savait pas de où il venait'sic .
Dans son attestation M. ... confirme avoir effectivement fait l'objet de menaces de la part de M. Z le 18 octobre 2010 devant l'ensemble du personnel en lui disant vouloir lui réserver les chiens de sa chienne et qu'il ne savait pas d'où il venait et ce dont il était capable. Ces faits sont corroborés par le dépôt de main-courante effectué par M. ... le jour même à 15h17 auprès des services de police de Nancy.
Ce grief est à retenir.
Il ressort de tous ces éléments que sur les cinq griefs reprochés à M. Z, trois sont constitués et révèlent sa persistance à ne pas respecter les directives de sa hiérarchie, allant jusqu'à la menacer en la personne de son représentant juridique, et ce, en présence d'autres salariés.
Il s'agit de manquements d'une gravité telle qu'ils ont rendu impossible le maintien de M. Z au sein de la société Bertolani et fils.
C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont dit que le licenciement de M. Z reposait sur une faute grave et l'ont débouté de ses demandes d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.
Le jugement mérite donc confirmation sur ces divers points. - Sur les heures supplémentaires
M. Z soutient avoir travaillé sur la base de 39 heures hebdomadaires et non de 35 heures telles que fixées contractuellement de sorte que l'indemnité compensatrice équivalente à 17,33 heures mensuelles devait être majorée.
La société Bertolani et fils conteste ce chef de réclamation en affirmant que M. Z travaillait 35 heures par semaine sans pouvoir prétendre à quelque majoration que ce soit.
Pour autant, la société Bertolani et fils ne remet aucun planning de travail permettant de se convaincre de la justesse de ses arguments alors que de son côté M. Z produit les attestations d'anciens collègues de travail, certes déjà utilisées dans le cadre d'un autre litige, mais affirmant unanimement que les salariés étaient soumis à un horaire hebdomadaire de 39 heures.
De plus, la société Bertolani et fils ne fournit aucune explication sur le fait qu'à compter du mois d'avril 2008, soit dans la prolongation d'un litige l'opposant à M. ... dans la procédure sus-indiquée, elle ait spontanément majoré au taux de 25 % l'indemnité correspondant au solde de 17,33 heures mensuelles.
Sur la base du tableau dûment dressé par M. Z, il sera fait droit à sa demande de rappel de majoration de 726,65 euros.
Le jugement sera infirmé en ce sens. - Sur les indemnités de panier
M. Z sollicite le paiement de la somme de 980,61 euros correspondant à un solde de paniers non perçus sur la période d'août 2006 à octobre 2010, indiquant que sur 445 paniers dus, il ne lui en a été versé que 329.
La société Bertolani et fils s'oppose à ce chef de demande, faute d'éléments probants.
Pour autant, à défaut de la moindre pièce fournie par la société Bertolani et fils venant en contradiction du tableau précis dressé par M. Z sur l'octroi insuffisant des indemnités de panier au regard du volume non contesté de jours travaillés, il sera fait droit à sa demande de paiement de 980,61 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
- Sur l'absence de mention du droit individuel à formation
M. Z affirme avoir été privé de l'information relative à ses droits sur le droit individuel à formation en l'absence de mention sur la lettre de licenciement et sur son certificat de travail.
Son représentant indique à l'audience que cette erreur a été réparée par suite du jugement. La société Bertolani et fils ne donne aucune explication sur ce point.
Il résulte de la combinaison des articles L.6323-19 et L.6323-21 du Code du travail que, sauf en cas de licenciement pour faute lourde, l'employeur doit mentionner dans la lettre de licenciement et sur le certificat de travail les droits acquis par le salarié au titre du droit individuel à formation, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.
Le préjudice nécessairement subi de ce fait par M. Z, privé d'une telle information et de la portabilité de ce droit, sera réparé par l'octroi d'une somme que la Cour est en mesure de fixer à 1.098 euros équivalent au montant des heures de formation.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
- Sur la remise de documents sociaux
Au vu de ce qui précède, il sera fait droit à la demande de remise d'un bulletin de paie récapitulatif et d'un certificat de travail rectifiés conformes aux termes du présent arrêt, et ce sans nécessité d'astreinte.
Le jugement sera réformé en ce sens.
- Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il n'y a pas lieu, en les circonstances de la cause, à application de l'article 700 du Code procédure civile.
- Sur les dépens
Les entiers dépens seront supportés par moitié entre les parties succombant chacune partiellement en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME PARTIELLEMENT le jugement déféré et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Bertolani et fils à payer à M. Z
- 726,65 euros (SEPT CENT VINGT-SIX EUROS ET SOIXANTE-CINQ CENTIMES) à titre de majoration des heures supplémentaires ;
- 980,61 euros (NEUF CENT QUATRE-VINGT EUROS ET SOIXANTE-ET-UN CENTIMES) au titre des indemnités de panier ;
- 1.098 euros (MILLE QUATRE-VINGT-DIX-HUIT EUROS) à titre de dommages et intérêts pour absence de mention sur son droit au droit individuel à formation ;
ORDONNE la remise par la société Bertolani et fils à M. Z d'un bulletin de paie récapitulatif et d'un certificat de travail rectifiés conformes aux termes du présent arrêt, et ce sans nécessité d'astreinte ;
CONFIRME pour le surplus le jugement déféré ;
Ajoutant,
DÉBOUTE M. Z de sa demande d'annulation d'avertissement ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNE par moitié M. Z et la société Bertolani et fils aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
Et signé par Madame ..., président, et par Madame ..., greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Minute en huit pages.

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