Jurisprudence : Cass. crim., 06-03-2013, n° 12-87.810, F-P+B, Rejet



N° U 12-87.810 F P+B N° 1397
CI 6 MARS 2013
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le six mars deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ... ... ;

Statuant sur les pourvois formés par
- M. Fatah Z, - M. Omar Y,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 3e section, en date du 6 novembre 2012, qui, dans l'information suivie contre eux pour association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants, recels en bande organisée, détention en bande organisée d'un dépôt d'armes et de munitions prohibées, a prononcé sur leur demande d'annulation d'actes de la procédure ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 15 janvier 2013, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'ayant reçu début juillet 2011 un renseignement anonyme, corroboré par des locataires et le gardien des lieux, sur l'existence d'une activité intensive de trafic de stupéfiants et d'objets volés au sous -sol d'un parking d'une résidence, les policiers ont régulièrement pénétré, en présence du gardien, dans ce parking, accompagnés d'un chien spécialisé en matière de détection des stupéfiants; que l'animal ayant nettement marqué devant un box fermé, les policiers ont décidé de procéder à la perquisition en flagrance de ce local, en présence de deux témoins, en indiquant dans leur procès-verbal être dans l'impossibilité d'en identifier le propriétaire, un gardien de la paix étant chargé de se renseigner à ce sujet; que l'information sur l'identité du locataire du box, M. Z, n'est parvenue aux enquêteurs qu'à 12h30, la perquisition ayant commencé à 8h40; qu'elle a révélé la présence de trois kilogrammes de résine de cannabis, d'emballages servant au conditionnement de ces substances, de motocyclettes volées, d'autres à l'état d'épaves, de plus d'une centaine de cartons de parfum provenant d'un vol avec arme ainsi que d'un fusil d'assaut, d'un autre à pompe, d'une arme de poing, de munitions, d'un gilet pare- balles ; que l'exploitation de la vidéo-surveillance dont le propriétaire avait équipé le parking, a permis d'établir un lien avec un autre box, attribué à Mme ..., qui a fait également l'objet d 'une perquisition ayant révélé la présence de motocyclettes volées ; que les traces papillaires présentes dans le box de M. Z ainsi que les prélèvements biologiques opérés ont permis d'identifier, outre ce dernier, M. Sofiane ... et M. Y dont les fréquentes allers et venues, confirmées par le gardien, ont été constatées sur les bandes de vidéosurveillance communiquées aux policiers sur réquisition, prise en application de l'article 60-1 du code de procédure pénale ; que, dans le cadre de l'enquête préliminaire qui a suivi, les enquêteurs ont été autorisés par le juge des libertés et de la détention à procéder à des perquisitions aux domiciles des trois personnes précitées; que MM. Z, Y, ... et ... ... ont été interpellés le 12 décembre 2011; qu'après ouverture d'une information pour trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs en vue de la commission d'un trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un vol avec arme, détention en bande organisée d'un dépôt d'armes et munitions de première et quatrième catégories, recels en bande organisée de biens provenant de vols aggravés, MM. Z, Y et ... ... ont été mis en examen le 16 décembre 2011 des chefs précités ;
En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 57, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête tendant à l'annulation des perquisitions menées en présence de deux témoins ;
"aux motifs que l'article 57 du code de procédure pénale pose le principe de la présence de la personne au domicile de laquelle une perquisition est opérée en flagrance ; qu'en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire doit inviter la personne à désigner un représentant de son choix ; qu'à défaut, il choisira deux témoins requis à cet effet ; que, ces dispositions n'étant pas exclues du champ d'application de l'article 802 du même code, leur inobservation ne sauraient entraîner nullité lorsqu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense ; qu'il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier in concreto, sur le fondement d'éléments tenant au titulaire du domicile perquisitionné ou aux impératifs d'enquête dans lesquels un tel acte de police judiciaire s'est inscrit, si les enquêteurs pouvaient y procéder en présence de deux témoins ; qu'en l'espèce, les enquêteurs, après que ce local a été marqué par un chien dressé pour la recherche de stupéfiants, aux motifs qu'ils étaient "pour l'heure dans l'impossibilité de déterminer l'identité de son locataire, ont procédé le 4 juillet 2011 à partir de 8 h 40, en présence de deux témoins, à la perquisition en flagrance d'un box fermé no 5041 si tué au troisième sous-sol de la résidence " Plein Sud " au Kremlin-Bicêtre, y découvrant notamment des cosmétiques provenant d'un vol a main armée, une importante quantité de stupéfiants ainsi que des armes ; qu'agissant conformément aux instructions préalables du procureur de la République, les policiers, après s'être enquis le même jour de l'identité des locataires des boxes du parking, n'avaient constaté qu'a 12 h 30 la réception de ces informations expédiées par une télécopie mentionnant " 0 h 04 " ; que les enquêteurs, qui ne disposaient pas encore de l'identité du titulaire du box en cause, et alors que leur intervention s'inscrivait dans une logique d'urgence induite par un risque de disparition des preuves et de concertations frauduleuses, se trouvaient, au sens des prescriptions de l'article 57 précité, dans l'impossibilité d'opérer la perquisition en présence de la personne titulaire du box référencé 5041 ; qu'en effet, les nécessités de l'enquête imposaient d'y procéder en l'absence de celle-ci, des investigations complémentaires ayant d'ailleurs été nécessaires pour préciser les contours de l'association de malfaiteurs qui leur avait été formellement dénoncée de façon anonyme par plusieurs témoins craignant manifestement des représailles ; que la perquisition critiquée constituait donc une mesure nécessaire à la sécurité publique ainsi qu'à la prévention des infractions pénales au sens des dispositions conventionnelles précitées ; qu'il s'ensuit que la perquisition du box no 5041 loué par Kassa Z, dans un tel conte xte et alors que la présence de deux témoins en garantissant la loyauté préservait ses intérêts, a été réalisée régulièrement ; que, s'agissant de la perquisition opérée, postérieurement au recueil d'éléments sur son locataire, dans le box n) 5022 loué à Mme ..., que l'incertitude quant à la domiciliation de l'intéressée, combinée à l'urgence qu'il y avait à opérer sur le fondement des pièces à conviction dangereuses pour l'ordre et la sécurité publique - appréhendées dans le local no 5041, ainsi que les mêmes nécessités d'enquête, caractérisaient également l'impossibilité d'y procéder en présence de son titulaire ; que la perquisition critiquée constituait ainsi une mesure nécessaire à la sécurité publique ainsi qu'à la prévention des infractions pénales au sens des dispositions conventionnelles précitées ; qu'il s'ensuit que la perquisition du box no 5022, dans un tel contexte et alors que la présence de deux témoins en garantissant la loyauté préservait les intérêts de Mme ..., a été réalisée régulièrement ; que c'est à bon droit, dès lors que M. ..., était gravement blessé, dans un état de faiblesse relevé par procès-verbal, hospitalisé et immobilisé après avoir chuté en tentant d'échapper à son arrestation, que les enquêteurs ont pu procéder en son absence, le 15 décembre 2011, à la perquisition d'un box qu'il détenait à Villeneuve-le-Roi ; que cet acte d'enquête a donc été réalisé régulièrement ;
"1o) alors que, dans le cadre de l'enquête de flagrance, une perquisition ne peut avoir lieu en présence de deux témoins qu'à la condition que soient constatées et établies l'impossibilité d'y procéder en présence de l'occupant du local perquisitionné ainsi que l'impossibilité pour celui-ci de désigner un représentant ; que la seule constatation selon laquelle les enquêteurs avaient demandé l'identité de la personne locataire du box, qui leur avait été révélée par une télécopie expédiée deux heures après la perquisition, ne caractérise pas cette double impossibilité ;
"2o) alors que, de même, la circonstance selon laquelle la domiciliation de la locataire d'un box, dont l'identité est connue, soit incertaine, ne caractérise pas cette double impossibilité ;
"3o) alors que, enfin, la circonstance selon laquelle le locataire est blessé et a été hospitalisé ne caractérise par cette double impossibilité" ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen, qui établissent qu'en l'absence d'élément d'identification du locataire du box et au regard des nécessités de l'enquête de flagrance portant sur des infractions graves en cours de commission ou risquant de se commettre, il a été impossible aux policiers, malgré la recherche effectuée pour connaître l'identité et les coordonnées du titulaire du bail, de s'assurer la présence de M. Z ou d'un représentant, lors de la perquisition de son box, laquelle ne pouvait être différée, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, d'une part, irrecevable en ce qu'il est proposé pour M. Y et vise des perquisitions opérées dans les trois box dont M. Z, Mme ... et M. ... étaient respectivement locataires et sur lesquels il ne pouvait se prévaloir d'aucun droit, d'autre part, partiellement irrecevable en ce que, présenté pour M. Z, il vise également des perquisitions effectuées dans des locaux autres que celui dont il était locataire, doit être, pour le surplus, écarté;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 60-1, 706-96, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête tendant à l'annulation de l'exploitation des vidéo-surveillances du parking ;
"aux motifs que l'article 706-96 du code de procédure pénale régit les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire autorise les enquêteurs à " mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement " de paroles ou d'images d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé ; que ces dispositions ne sont pas applicables aux systèmes de vidéo surveillance installés à titre privé, sur le fondement de dispositions législatives distinctes, dans les parties communes d'un immeuble d'habitation, aux seules fins de sécurité des personnes et des biens ; que l'officier de police judiciaire agissant en flagrance tire de l'article 60-1 du code de procédure pénale la faculté, par tout moyen, de " requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressants l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents " ; qu'en l'espèce, aucune irrégularité ne résulte de l'exploitation, par les enquêteurs agissant en flagrance après la découverte de matériel volé, de stupéfiants, d'armes et de munitions dans un box de parking souterrain de la résidence " Plein Sud ", de données issues du dispositif de vidéo-surveillance mis en oeuvre à titre privé dans ses parties communes, éléments dont les services de police pouvaient régulièrement, par tout moyen, obtenir communication ; que, de surcroît, l'exploitation des données de vidéosurveillance critiquée constituait une mesure nécessaire à la sécurité publique ainsi qu'à la prévention des infractions pénales au sens de l'article 8 de la Cour européenne des droits de l'homme ;
"alors que le juge d'instruction n'avait pas autorisé la mise en place d'un système de captation d'images permettant son exploitation par les officiers de police judiciaire et le gardien du parking, personne privée, n'avait pas qualité pour y procéder" ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité, pris de l'irrégularité de l'exploitation par les policiers de la vidéo-surveillance du parking pour violation de l'article 706- 96 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, dès lors qu'un tel équipement, lorsqu'il est installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble, échappe aux dispositions légales dont la violation est alléguée et que l'article 60-1 du code de procédure pénale autorise les policiers à obtenir communication des enregistrements des caméras de surveillance, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 76, 591 et 593 du code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a rejeté la requête tendant à l'annulation de l'ordonnance de perquisition ;
"aux motifs que satisfait aux exigences légales la référence expresse du juge des libertés et de la détention aux éléments d'une requête motivant les raisons pour lesquelles des perquisitions, sans assentiment préalable, étaient sollicitées à trois adresses précisément définies ;
"alors que le juge des libertés doit motiver l'ordonnance par laquelle il autorise des perquisitions sans l'assentiment préalable des occupants des lieux ; que cette motivation ne peut être faite par voie de référence à un autre acte de la procédure" ;

Attendu qu'en prononçant par les motifs reproduits au moyen, et dès lors qu'aucune disposition légale ne fait obstacle à ce que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention se réfère expressément à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de perquisition, en application de l'article 76, alinéa 4, du code de procédure pénale, lorsque celle-ci comporte toutes les indications exigées par ce texte à peine de nullité, la chambre de l'instruction a justifié sa décision;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, Mme Caron conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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