N° V 12-83.372 F D N° 1194
CI 26 FÉVRIER 2013
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six février deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle BOULLOCHE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Philippe Z,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 27 mars 2012, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 3 000 euros d'amende, a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, R. 421-1, R. 421-14, L. 480-4, alinéa 1, L. 480-5 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, de l'article L. 111-4 du code pénal, des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Z coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et l'a condamné au paiement d'une amende de 3 000 euros, à la remise en état des lieux conformément au permis délivré dans un délai d'un an à compter de l'entrée en force de chose jugée de l'arrêt, sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé ce délai, et au paiement de 500 euros de dommages-intérêts à la commune ;
"aux motifs que le tribunal a justement relevé qu'il est reproché au prévenu la réalisation d'une maison d'habitation à la place de la construction d'un local de vernissage et d'un entrepôt à bois telle qu'autorisée par le permis de construire du 10 juillet 2006 ; que contrairement à ce que voudrait faire croire le prévenu, il ne lui est pas reproché un changement de destination du bâtiment litigieux, mais le non respect des obligations imposées par le permis de construire ; que les propres déclarations du prévenu confirment que la construction de l'extension a été achevée en mai 2007 et qu'à cette date il était déjà salarié d'une entreprise de bâtiment et avait cessé toute activité de menuiserie ; qu'il est donc établi que l'installation d'un local de vernissage et d'un entrepôt à bois n'a jamais été réalisée par le prévenu, lequel, dès 2007, a commencé à aménager les locaux pour y vivre avec sa famille en 2009 ; que, par suite, l'infraction visée à l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme est établie ; que le prévenu ne conteste pas la matérialité des faits reprochés ; qu'eu égard aux faits reprochés et à la personnalité du prévenu, jamais condamné, la cour estime équitable de confirmer l'amende de 3 000 euros et de confirmer la mesure de remise en état, laquelle devra être réalisée dans le délai d'un an à compter du jour où le présent arrêt sera définitif sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
"et aux motifs supposés adoptés qu'il n'est pas reproché au prévenu d'avoir procédé au changement de destination d'un bâtiment déjà existant, mais d'avoir réalisé une maison d'habitation et non la construction d'un local de vernissage et d'un entrepôt à bois, telle qu'autorisée par le permis de construire délivré le 10 juillet 2006, modifiant ainsi la destination de la construction initialement autorisée ;
qu'il n'est pas démontré que la construction a été achevée à la fin de l'année 2006, ni que le changement de destination ait été réalisé, d'une part, postérieurement à l'achèvement de la construction autorisée, d'autre part, postérieurement à la cessation d'activité d'artisan du prévenu, attestée le 10 octobre 2007 ; qu'il n'est donc pas reproché au prévenu un changement de destination ou d'affectation de la construction existante mais la réalisation d'une construction non conforme, dans sa destination, au permis initialement délivré en application notamment des dispositions du règlement du POS de la commune en vigueur à la date des faits, n'autorisant dans le secteur concerné (UZ) que les constructions à usage d'habitation liées au gardiennage et à la surveillance des installations admises dans la zone ;
"1) alors que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de sa culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en retenant M. Z dans les liens de la prévention d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, au motif qu'il n'était pas démontré que le changement de destination aurait eu lieu postérieurement à l'achèvement de la construction autorisée ou postérieurement à la cessation d'activité d'artisan du prévenu, alors qu'il appartenait à la partie poursuivante d'établir qu'à la date d'achèvement de la construction, soit dès le mois de mai 2007, celle-ci n'était pas conforme aux prescriptions du permis de construire, faute de quoi l'infraction n'était pas constituée, les juges du second degré ont fait peser la charge de la preuve sur le prévenu présumé innocent et ont, ainsi, violé les textes visés au moyen ;
"2) alors que ne constitue pas l'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire le changement de destination d'un local dont la construction est achevée ; que la cour d'appel a constaté, d'abord, que la construction de l'extension était achevée en mai 2007, puis que c'est à compter de cette date que le prévenu avait commencé les aménagements de celle-ci pour en modifier la destination afin d'y vivre avec sa famille en 2009, ce dont il résultait que seul un changement de destination des locaux était en cause ; qu'en retenant, néanmoins, M. Z coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir des motifs propres à le justifier ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que M. Z avait fait valoir que la condamnation prononcée à son encontre sous astreinte de procéder à la remise en état des locaux conformément au permis de construire avait pour effet de le contraindre à reprendre une activité professionnelle qu'il avait souhaité quitter ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 160-1, alinéa 1, L. 123-1 à L. 123-5, L. 123-19, L. 480-4, alinéa 1, L. 480-5, L. 480-7 du code de l'urbanisme, de l'article L. 111-4 du code pénal, des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Z coupable d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols et de l'avoir, pour ces faits, condamné au paiement d'une amende de 3 000 euros et à la remise en état des lieux conformément au permis délivré dans un délai d'un an à compter de l'arrêt, sous astreinte de 75 euros par jour de retard passé ce délai, et au paiement de 500 euros de dommages-intérêts à la commune ;
"aux motifs que le plan d'occupation des sols de la commune de La Brigue autorise en zone artisanale les constructions à usage d'habitation liées au gardiennage et à la surveillance des installations artisanales tout en précisant que les constructions à usage d'habitation ne peuvent excéder 100 m2 de SHON ; que cette superficie est déjà utilisée par l'habitation occupée par le père du prévenu qui se trouve à l'autre extrémité des bâtiments composant la menuiserie ; que, surtout, depuis 2007, aucune activité de menuiserie n'est exercée dans les locaux ; que le prévenu ne conteste pas la matérialité des faits reprochés ; que l'infraction est établie et c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré le prévenu coupable ; qu'eu égard aux faits reprochés et à la personnalité du prévenu, jamais condamné, la cour estime équitable, de confirmer l'amende de 3 000 euros et de confirmer la mesure de remise en état, laquelle devra être réalisée dans le délai d'un an à compter du jour où le présent arrêt sera définitif sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
"et aux motifs supposés adoptés que la réalisation d'une extension à usage d'habitation n'est pas compatible avec le règlement du POS de la commune de La Brigue, dès lors que l'activité du prévenu, attachée au local existant, avait cessé en 2007 ; que, de surcroît, le plafond de SHON autorisé était déjà atteint par les constructions existantes sur le terrain d'assiette du projet ; qu'ainsi, tant l'infraction de construction non conforme au permis de construire initialement délivré que l'infraction de violation du règlement du POS de la commune, apparaissent caractérisées ;
"1) alors que le changement de destination d'un local déjà achevé ne constitue pas la réalisation d'une construction à usage d'habitation ; que la cour d'appel, qui avait constaté que la construction était achevée en mai 2007 et que postérieurement, M. Z avait procédé à son aménagement en local d'habitation, n'a pas caractérisé la réalisation d'une construction à usage d'habitation non conforme au POS mais seulement le changement de destination d'un local ; qu'en retenant néanmoins M. Z dans les liens de la prévention, sans qu'il soit allégué que le POS prohibait les changements de destination des constructions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"2) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir des motifs propres à le justifier ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; que M. Z a fait valoir que la condamnation prononcée à son encontre sous astreinte de procéder à la remise en état des locaux conformément au permis de construire avait pour effet de le contraindre à reprendre une activité professionnelle qu'il avait souhaité quitter ; qu'en omettant de répondre à ce moyen la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation du principe de la réparation intégrale, de l'article 1382 du code civil, de l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme, des articles 2, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, violation de la loi ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z à payer à la commune de La Brigue la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 1 500 euros pour ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel ;
"aux motifs que c'est à bon droit que le tribunal a reçu la partie civile personnellement et directement victime de l'infraction commise par le prévenu en sa constitution ; que le tribunal n'a pas exactement apprécié le préjudice subi par la victime en lui allouant la somme de 1 euro ; qu'il y a lieu de réformer sur ce point les dispositions civiles du jugement déféré et d'allouer à la partie civile la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'il est équitable de lui accorder la somme de 1 500 euros au titre de l'article 475-1 pour ses frais exposés tant en première instance qu'en appel ;
"alors que la responsabilité civile a pour objet de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée en l'absence de survenance du dommage sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant à la commune, par ailleurs bénéficiaire par l'effet de la loi, des sommes perçues au titre de l'astreinte prononcée par le juge répressif, et bien que la remise en état des lieux ait été prescrite, une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, sans préciser en quoi elle subissait un préjudice distinct de celui découlant de la seule méconnaissance des prescriptions d'urbanisme, déjà réparé par la mesure de remise en état ordonnée par les juges du fond, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt et du jugement qu'il confirme mettent la cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans renverser la charge de la preuve, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'exécution de travaux sans permis de construire et d'infraction aux dispositions du plan d'occupation des sols, dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, dé l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. Z, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, Mme Mirguet conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;