COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Opp. Taxes
ORDONNANCE SUR CONTESTATION
D'HONORAIRES D'AVOCATS
DU 19 MARS 2013
N°2013/ 229
Rôle N° 12/11918
Mohammed Z
C/
SCP X & ASSOCIÉS
Martine X
Grosse délivrée
le
à
Me Karine W
Maître Martine X
SCP X & ASSOCIÉS
Décision déférée au Premier Président de la Cour d'Appel
Décision fixant les honoraires de Me Martine X rendue le
18 Mai 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats d'AIX-EN-PROVENCE
DEMANDEUR
Monsieur Mohammed Z,
demeurant BERRE-L'ETANG
Représenté par Me Karine LAIGNEL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Benjamin CRESPY, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
DÉFENDEURS
SCP X & ASSOCIÉS
dont le siège social est au Les Patios de Forbin - 13 Place John Rewald - 13100
AIX-EN-PROVENCE
Non comparante
Maître Martine X,
demeurant AIX-EN-PROVENCE
Non comparant
*-*-*-*-*
DÉBATS ET DÉLIBÉRÉ
L'affaire a été débattue le 06 Février 2013 en audience publique devant
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller,
délégué par Ordonnance du Premier Président .
Greffier lors des débats Mme Elsa FABRE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2013
ORDONNANCE
Réputée contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2013
Signée par Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ
Vu le recours formé par Monsieur Mohammed Z par lettre recommandée expédiée le 26 juin 2012 et enregistré au greffe le 27 juin 2012, contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix en Provence, en date du 18 mai 2012, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 1er juin 2012, qui a dit n'y avoir lieu à fixation des honoraires de la SCP X & Associés ;
Vu ladite décision, rendue sur demande de Monsieur Mohammed Z formée par lettre reçue au secrétariat de l'ordre le 20 septembre 2011, après recueil des observations des parties et prorogation du délai par décision du 20 janvier 2012, et la rejetant aux motifs, d'une part,que les honoraires contestés ont été intégralement réglés par Monsieur Z après que son autorisation a été requise pour un prélèvement sur le compte CARPA et qu'en l'état de ce règlement après service rendu, il n'y a pas lieu à fixation des honoraires, et d'autre part que le défaut d'information relève de la responsabilité civile professionnelle qui échappe à la compétence du bâtonnier;
Vu, développées oralement, les conclusions déposées à l'audience du 06.02.2013 et régulièrement communiquées à la SCP X & Associés par télécopie du 1er février 2013, par lesquelles Monsieur Mohammed Z, qui rappelle que la SCP X a occupé pour lui dans le cadre d'un litige prud'homal qui s'était achevé par un arrêt favorable à ses intérêts rendu le 4 avril 2006 par la Chambre sociale de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et en exécution duquel le mandataire liquidateur a versé à Maître Martine X la somme de totale de 24 213,96 euros sur laquelle il n'a lui-même perçu que 8 268,79 euros par chèque du chèque du 5 janvier 2007, le surplus, soit 15 945,17 euros ayant été conservé par l'avocat qui lui a fait signer une autorisation de prélèvement le 27 novembre 2006, soutient qu'il y a eu, de la part du professionnel, manquement à l'obligation légale d'information et réticence dolosive afin de lui faire accepter de payer des honoraires d'un montant anormal et disproportionné, que cette perception d'honoraires dans des conditions anormales aurait dû conduire le bâtonnier à en apprécier le montant en tenant compte du défaut d'information préalable en matière d'honoraires et en appliquant les critères légaux, et sollicite en conséquence, sur la base d'une jurisprudence de la cour de cassation, la réformation de sa décision et, au visa des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971, L113-3 du Code de la Consommation, 1116, 1117,1135 et 1315 du code civil, la fixation des honoraires dus à la SCP X & associés et Maître Martine X à la somme de 2000,00 euros HT soit 2392,00 euros HT et la constatation d'un trop perçu de 13.553,17euros;
la SCP X & Associés et Maître Martine X n'ont pas comparu bien qu'ayant reçu la convocation pour l'audience du 06 février ainsi qu'en attestent les avis postaux des lettres recommandées avec demande d'avis de réception n°2C 058 097 1134 8 et 2C 058 097 1135 5 revêtus de leur signature à la date du 20 novembre 2012 ;
SUR QUOI
- sur la recevabilité
Attendu que les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité du recours formé dans les délais et selon les formes prescrites par l'article 176 du décret du 27 novembre 1991 et qui sera en conséquence déclaré recevable ; qu'en effet si la décision du bâtonnier et la lettre de notification sont datées du 18 mai 2012, le cachet de la poste porté sur l'enveloppe de notification montre que l'expédition a eu lieu le 1er juin 2012 en sorte que l'expédition du courrier de recours, remis à la poste le 26 juin 2012, est intervenue dans le mois de la réception de l'acte de notification ;
- sur le fond
Attendu qu'après prorogation intervenue avant l'expiration du premier délai de quatre mois, le bâtonnier a rendu sa décision dans le délai de huit mois dont il disposait et après avoir recueilli préalablement les observations de l'avocat et de la partie ; que sa décision est dés lors régulière en la forme ;
Attendu qu'il résulte des éléments produits aux débats que la SCP X a assisté Monsieur Z, ouvrier agricole, dans le cadre d'un litige prud'homal à l'encontre de l'EARL LES OLIVIERS et de M. ... tous deux en liquidation judiciaire représentés par Me ... ; que par arrêt du 4 avril 2006 la chambre sociale de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, statuant sur appel d'un jugement du conseil des prud'hommes d'Aix en Provence qui avait fixé les créances de ce salarié licencié à la somme globale de 23.387 euros outre 800 euros au titre des frais irrépétibles, a alloué à son tour diverses sommes pour un total de 24.421,70 euros outre 1.500 euros au titre des frais non répétibles ; qu'en exécution de cette décision le mandataire liquidateur a adréssé à la SCP X & Associés la somme de 24 213,96 euros ; Que le 27 novembre 2006 Monsieur Mohammed Z signait un accord de prélèvement de la somme de 15.945,17 euros TTC représentant le montant des honoraires de la SCP X & Associés ; que la facture d'honoraires n'était émise que le 4 décembre 2006, sans aucun détail ; qu'enfin le 22 décembre 2006 la SCP X & Associés tirait sur son compte CARPA un chèque de 8.263,79 euros au profit de Monsieur Z
Z ;
Que Monsieur Mohammed Z ne précise pas - et aucune des pièces qu'il produit ne fournit de précision à ce sujet -, s'il a versé des provisions à la SCP X & Associés ou à Maître Martine X et si les honoraires prélevés de 15.945,17 euros correspondaient à l'intégralité de la procédure prud'homale - 1ère instance et appel - ou seulement à l'instance d'appel ;
Attendu que si le client qui a payé librement des honoraires après service rendu ne peut solliciter du juge de l'honoraire la mise en oeuvre de ses pouvoirs exorbitants du droit commun contractuel de réduction d'honoraires exagérés au regard du service rendu, ni réclamer la restitution partielle des sommes versées, c'est à la condition que ce paiement ait été effectué hors toute pression ou contrainte, y compris celle née de sa situation économique, et après information sincère et exhaustive par l'avocat bénéficiaire du paiement ;
Attendu en l'espèce que la note d'honoraires n°060860 du 04 décembre 2006 n'est pas détaillée et a été émise après l'accord de prélèvement signé par Monsieur Mohammed Z le 27 novembre 2006 ; que, par ailleurs, cet accord de prélèvement de la somme de 15.945,17 euros - représentant plus de 65 % des sommes allouées par la juridiction - ne contient, dans son corps ou en annexe, aucun état détaillé des sommes allouées par la juridiction et de celles revenant au client, lequel, ouvrier agricole alors au chômage et dominant très mal la langue française, n'a pas reçu l'information sincère et exhaustive à laquelle il avait droit et n'a ainsi pas été en mesure de donner un consentement éclairé à l'acte qu'il signait ;
Que, dans ces conditions, c'est à juste titre que, nonobstant le paiement effectué après service rendu, Monsieur Mohammed Z sollicite la fixation des honoraires de la SCP X & Associés et Maître Martine X, et à tort que le bâtonnier a refusé de procéder à cette évaluation ;
Attendu qu'aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties ;
Attendu que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que les honoraires de consultation, d'assistance, de conseil, de rédaction d'actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client. A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci;
Que l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires .
Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats ; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés plus ci-dessus ;
Qu'en revanche la vérification du respect par l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressortit pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation ;
Attendu en l'espèce que c'est également à tort que le bâtonnier, invité à vérifier le respect par la SCP X & Associés et Maître Martine X de l'obligation d'information quant au montant des honoraires prévisibles a estimé qu'il s'agissait d'une question de responsabilité civile professionnelle et a décliné sa compétence ;
Attendu qu'il convient de fixer les honoraires dus par Monsieur Mohammed Z à la SCP X & Associés et Maître Martine X en application des critères légaux sus-visés pour une procédure prud'homale intégrale couvrant l'instance devant le juge du 1er degré et l'instance en appel puisqu'il n'a pas été indiqué que l'assistance se soit limitée à l'instance en appel ;
Que, s'agissant du critère tiré de la situation de fortune du client, la lecture des pièces permet d'apprendre que Monsieur Mohammed Z était ouvrier agricole au salaire mensuel de 1.600 euros et venait d'être licencié lorsqu'il a consulté Maître Martine X ;
Que, s'agissant de la difficulté de l'affaire, celle confiée à la SCP X & Associés était un licenciement pour motif économique prononcé successivement par le mandataire liquidateur en novembre 2001 puis par l'entrepreneur agricole lui-même en avril 2002 après 6 années d'ancienneté dont une partie exécutée
sans avoir été déclaré auprès des divers organismes sociaux ; qu'elle ne présentait donc pas de difficulté particulière ;
Que, s'agissant des frais exposés par l'avocat, en l'absence de comparution de la SCP X & Associés et Maître Martine X, leur évaluation ne peut être faite que par référence à un cabinet ' standard ' ouverture du dossier, frais de secrétariat pour la rédaction de lettres, frais téléphoniques, et frais de gestion de cabinet redevances d'abonnements ( EDF, internet, banques de données juridiques ) ;
Que, s'agissant de la notoriété de la SCP X & Associés rien n'est indiqué dans les écritures ou pièces des parties ; que ce cabinet d'avocats doit donc être considéré comme un " bon professionnel " ( par référence au " bon père de famille " en matière civile ) ;
Qu'en fonction des critères qui précèdent, le taux horaire à appliquer doit être fixé à 160 euros hors taxe ;
Qu'enfin, s'agissant des diligences accomplies, en l'absence de la SCP X & Associés et Maître Martine X, elles ne peuvent être que déduites des énonciations de l'arrêt de la Cour d'Appel et des autres pièces produites et seront donc évaluées ainsi
- frais de secrétariat ( forfait ) 150 euros
- réceptions client 1 h30 240 euros
- rédactions de conclusions devant le CPH 3 heures 480 euros
- audience CPH 3 heures ( bureau de jugement direct) 480 euros
- courriers divers 1 h30 240 euros
- appels téléphoniques 30 mn 80 euros
- conclusions en appel 2 heures 320 euros
- audience d'appel 3 heures 480 euros
- formalités diverses 1 h30 240 euros
TOTAL HT 2.710,00 euros
TVA 531,16 euros
TOTAL TTC 3.241,16 euros
Attendu qu'il ne peut être valablement allégué qu'une information préalable à l'intervention de l'avocat a été donnée au client sur le montant des honoraires prévisibles puisqu'il n'y a pas eu signature d'une convention d'honoraires ni de courriers explicatifs avant la facture, elle-même non détaillée ; qu'aucune autre somme ne peut donc être incluse dans les honoraires revenant à la SCP X & Associés et Maître Martine X, et notamment pas un honoraire de résultat ;
Qu'eu égard à la somme retenue par la SCP X & Associés et Maître Martine X, un trop perçu de
[ 15.945,17 euros - 3.241,16 euros = ] 12.704,01 euros TTC revient à Monsieur Mohammed Z ; Attendu que les dépens seront à la charge de la partie succombante .
Attendu que la SCP X & Associés et Maître Martine X, défendeurs non comparants ayant été touchés par la convocation, la présente décision sera réputée contradictoire en application des articles 473 alinéa 2 et 749 du Code de Procédure Civile et 277 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement en dernier ressort, par ordonnance réputée contradictoire, sur recours en matière de contestation d'honoraires,
Déclarons recevable le recours formé par Monsieur Mohammed Z,
Infirmant la décision rendue le 18 mai 2012 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau d'Aix en Provence et statuant à nouveau,
Fixons à la somme de 2.710,00 euros HT soit 3.241,16 euros TTC le montant total des honoraires dus par Monsieur Mohammed Z à la SCP X & Associés et Maître Martine X ;
Disons en conséquence que Monsieur Mohammed Z ayant payé la somme de 15.945,17 euros TTC, un trop perçu de 12.704,01 euros TTC doit lui être restitué et, en tant que de besoin Condamnons la SCP X & Associés et Maître Martine X au paiement de cette somme ;
Condamnons la SCP X & Associés et Maître Martine X aux dépens.
Ainsi prononcé par la mise à disposition de la présente décision au greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée ci-dessus dont les parties comparantes avaient été avisées à l'issue des débats.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT