Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 13 MARS 2013
(n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 11/14616
Décision déférée à la Cour Jugement du 09 Juin 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/02722
APPELANTS
Monsieur Ronald Z
PARIS
Représenté par la ASS HOLLIER-LAROUSSE & Associés (Me Annette SION) (avocats au barreau de PARIS, toque P0362)
assisté de Me Annette SION (avocat au barreau de PARIS, toque P0362)
SARL N.R.H.
prise en la personne de son gérant
PARIS
Représentée par la ASS HOLLIER-LAROUSSE & Associés (Me Annette SION) (avocats au barreau de PARIS, toque P0362)
assistée de Me Annette SION (avocat au barreau de PARIS, toque P0362)
INTIMÉE
SAS HISTOIRE D'OR
prise en la personne de son représentant légal
PARIS
Représentée par la SELARL HJYH Avocats à la cour (Me Patricia ...) (avocats au barreau de PARIS, toque L0056)
assistée de Me Hélène HUET, Avocat au barreau de PARIS, toque R266
(SELARL M.P. ESCANDE)
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère, par suite d'un empêchement du Président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu l'appel interjeté le 2 août 2011 par Ronald Z et la société NRH, du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 9 juin 2011 ;
Vu les dernières conclusions des appelants, signifiées le 16 novembre 2012 ;
Vu les dernières conclusions de la société HISTOIRE D'OR (SAS), intimée, signifiées le 20 novembre 2012 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 18 décembre 2012 ; SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que Ronald Z, créateur de bijoux masculins commercialisés par la société NRH sous les marques ROCK STAR verbale n° 3 251 910 et semi-figurative n° 3 380 638 dont il est titulaire en classes 14 et 18, ayant découvert que la société HISTOIRE D'OR proposait à la vente, dans ses magasins de détail, des bijoux revêtus de la dénomination ROCK STAR, a fait procéder le 27 janvier 2010 à une saisie-contrefaçon et a fait assigner, avec la société NRH, suivant acte du 9 février 2010, la société HISTOIRE D'OR, aux griefs de contrefaçon de droits de marques et de concurrence déloyale ;
Que le tribunal de grande instance de Paris, par le jugement dont appel, a, pour l'essentiel, annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon, retenu le caractère distinctif des marques opposées, rejeté comme dénuée de fondement la demande en déchéance pour défaut d'exploitation sérieuse visant la marque verbale mais prononcé par contre, à compter du 19 septembre 2010 et pour l'ensemble des produits couverts par l'enregistrement, la déchéance des droits sur la marque semi-figurative, débouté des demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale, dit n' y avoir lieu à exécution provisoire, condamné in solidum les demandeurs à payer, au titre des frais irrépétibles, la somme de 8.000 euros à la société HISTOIRE D'OR dont la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive a été par ailleurs rejetée ;
Que la société NRH abandonne en cause d'appel ses demandes fondées sur la concurrence déloyale tandis que la société HISTOIRE D'OR renonce à poursuivre la nullité des marques pour défaut de caractère distinctif et à demander des dommages-intérêts pour procédure abusive, les parties maintenant le surplus de leurs prétentions telles que précédemment soutenues devant les premiers juges ;
Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon,
Considérant que la société HISTOIRE D'OR conclut à la nullité des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 27 janvier 2010 sur les lieux de son siège social au motif que l'huissier instrumentaire aurait outrepassé les pouvoirs conférés par l'ordonnance présidentielle en exhibant d'emblée au saisi les deux exemplaires de bijoux argués de contrefaçon précédemment achetés dans la boutique HISTOIRE D'OR de la rue de Rivoli ;
Considérant en effet que l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon, mesure dérogatoire au droit commun en ce qu'elle permet hors de tout débat contradictoire de pénétrer chez autrui, doit être interprétée strictement ;
Qu'il s'ensuit que l'huissier instrumentaire ne saurait se livrer à une mission générale d'investigation et ne doit opérer que dans le respect absolu des pouvoirs qui lui sont dévolus par l'autorisation de justice ;
Considérant qu'en l'espèce, les premiers juges ont exactement relevé à la lecture du procès-verbal de saisie-contrefaçon, que l'huissier instrumentaire a présenté les deux bijoux argués de contrefaçon immédiatement après avoir décliné son identité et notifié au saisi l'ordonnance sur requête, a présenté deux bijoux argués de contrefaçon et ont observé, encore avec raison, que l'ordonnance présidentielle du 18 janvier 2010 autorisait l'huissier à effectuer toutes recherches et constatations utiles afin de découvrir l'origine et l'étendue de la contrefaçon invoquée et notamment se faire produire (...) tous comptes, factures ou documents, (...) en s'abstenant d'interpellations autres que celles strictement nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;
Qu'ils ont pertinemment déduit de ces éléments, par de justes motifs que la Cour fait siens, qu'en l'absence de découverte préalable sur les lieux de la saisie d'objets argués de contrefaçon, l'huissier instrumentaire ne pouvait, sans y avoir été expressément et précisément autorisé, produire à la personne présente les objets argués de contrefaçon afin de recueillir ses déclarations spontanées quant aux actes incriminés et qu'en procédant ainsi, l'huissier instrumentaire a excédé les limites de sa mission ;
Que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a annulé le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 27 janvier 2010 ;
Considérant qu'il est toutefois constant que, nonobstant l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon, la matérialité des faits est établie au vu des deux exemplaires originaux de bijoux argués de contrefaçon, des factures d'achat de ces bijoux et des certificats d'authenticité délivrés par la société HISTOIRE D'OR lors de l'achat de ces bijoux ;
Sur la demande en déchéance des droits sur les marques ROCK STAR,
Considérant que Ronald Z est titulaire en classes 14 et 18 pour désigner notamment les produits de joaillerie, bijouterie, pierres précieuses des marques françaises
- verbale ROCK STAR n° 3251910, déposée le 17 octobre 2003,
- semi-figurative n°3380638, déposée le 19 septembre 2009, représentant la dénomination ROCK STAR en caractères gothiques ;
Qu'il est établi que la société NRH bénéficie sur les marques précitées d'une licence d'exploitation inscrite au Registre national des marques le 11 janvier 2010 ;
Considérant que la société HISTOIRE D'OR demande, pour l'ensemble des produits libellés, la déchéance des droits, pour défaut d'exploitation sérieuse, à compter du 9 mars 2006 pour la marque verbale et, par confirmation du jugement dont appel, à compter du 19 septembre 2010 pour la marque semi-figurative ;
Considérant, en vertu des dispositions de l'article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle, que le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dans l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans, encourt la déchéance de ses droits ; que la preuve de l'exploitation, qui peut être apportée par tous moyens, incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée ; que la déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans précédemment évoqué ;
Considérant, s'agissant de la marque verbale, que le tribunal a justement relevé que le catalogue PROFIL d'avril 2005, le magazine TO B UNIQUE de février 2005, les revues FASHION DAILY NEWS du 17 juin 2005 et du 16 décembre 2005, le catalogue HOMME EN VILLE d'octobre 2005, les magazine WAD de l'automne 2005 et BIEN DANS MA VIE de septembre 2005, présentent des bijoux (pendentifs, bagues) désignés sous la dénomination ROCK STAR ou font la promotion des collections de bijoux lancées par Ronald Z et signées ROCK STAR (FASHION DAILY NEWS du 16 décembre 2005) et que des factures ont été émises par la société NRH de 2007 à 2009 pour la fourniture à des clients en France de bijoux ROCK STAR et a exactement conclu de ces observations que l'usage sérieux du signe ROCK STAR à titre de marque pour identifier et distinguer des bijoux est établi sur la période de cinq ans précédant la demande en déchéance formalisée par des conclusions signifiées le 25 mai 2010;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a, en ce qui concerne la marque verbale, rejeté la demande en déchéance ;
Considérant que pour justifier de l'usage sérieux de la marque semi-figurative ROCK STAR, les appelants versent aux débats des extraits du site Internet www.rockstarparis.com, créé en janvier 2009 ainsi qu'en atteste la facture émise par la société BEWAI SARL, et montrant depuis sa création des bijoux revêtus du signe ROCK STAR en caractères gothiques, une photographie publiée dans le magazine BALTHAZAR d'octobre 2008 et dans le journal FRANCE DIMANCHE du 9 août 2009 de Johnny ... portant une bague ornée du signe ROCK STAR en lettres gothiques, un mail adressé par la société KDESIGN à Ronald Z le 21 février 2005 contenant des reproductions de ses bijoux sur lesquels est apposée la marque ROCK STAR en inscriptions gothiques, la facture en date du 9 janvier 2006 établissant la fourniture par la société MANDO à Ronald Z du fer à dorer utilisé pour l'apposition de la mention ROCK STAR en lettres gothiques sur les boîtes contenant les bijoux et sur les rubans en cuir et en tissu destinés à l'emballage des bijoux ;
Considérant que ces éléments suffisent à démontrer un usage sérieux de la marque semi-figurative opposée dans la période de cinq ans précédant la demande en déchéance formalisée par des conclusions du 9 mars 2011 ;
Que la demande en déchéance des droits sur la marque semi-figurative ROCK-STAR doit être en conséquence rejetée et le jugement déféré réformé sur ce point ;
Sur la demande en contrefaçon,
Considérant que les deux exemplaires de bijoux argués de contrefaçon sont respectivement, une bague et un pendentif, donnant à lire, en lettres stylisées qui ne relèvent pas du genre gothique, l'inscription 'ROCK STARS' au sein de laquelle l'élément ROCK surplombe l'élément STARS et occupe, par comparaison avec ce second élément, écrit en très petits caractères, un volume prédominant ;
Considérant que les marques opposées ROCK STAR associent quant à elles, sur un même alignement, deux éléments de taille identique ;
Considérant que selon les dispositions de l'article L 713-3 du même Code, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion, dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
Considérant que le risque de confusion est déterminé en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et notamment du degré de similitude entre les signes comparé au degré de similitude entre les produits désignés ;
Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ;
Considérant qu'il résulte des observations précédemment rapportées que les signes de comparaison présentent des différences visuelles dès lors que, au sein des marques opposées, les éléments ROCK et STAR sont d'égale importance tandis que, s'agissant des bijoux argués de contrefaçon, l'élément ROCK constitue l'élément dominant alors que l'élément STARS est à peine perceptible ;
Que ces différences se constatent également au plan intellectuel, dès lors que le signe attaqué confère aux éléments ROCK et STAR la même force d'attraction tandis que le signe attaqué attribue à l'élément ROCK une charge conceptuelle supérieure ;
Considérant qu'il doit être en outre relevé, à titre de facteur pertinent du cas d'espèce
Que les bijoux incriminés appartiennent à la collection MY CHARM'S, marque sous laquelle ils sont commercialisés ainsi qu'en attestent les factures de vente et les certificats d'authenticité remis au client à l'achat ;
Que seuls 4 modèles de bijoux de cette collection sont revêtus de la dénomination ROCK STARS ;
Que ces modèles de bijoux s'inscrivent dans une tendance de la mode qui met en vogue le style 'rock'n roll' et qui se traduit, ainsi que l'établissent les pièces versées aux débats, par l'apposition courante, à titre décoratif, des signes ROCK et ROCK STAR sur des articles vestimentaires tels que des tee-shirts et des blousons et des accessoires de mode tels que des sacs et des ceintures ;
Considérant qu'il s'infère de l'ensemble de ces éléments que le consommateur d'attention moyenne, normalement informé et raisonnablement averti percevra le signe ROCK STAR mentionné sur les bijoux de la collection MY CHARM'S comme un élément d'ornementation appelé à évoquer le style 'rock'n roll' et non pas comme un indicateur de l'origine économique du produit ;
Considérant, par voie de conséquence, que l'usage par la société HISTOIRE D'OR du signe ROCK STAR n'est pas susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance et que l'action en contrefaçon ne saurait prospérer ainsi qu'il a été pertinemment jugé par le tribunal ;
Sur la demande en concurrence déloyale,
Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que l'utilisation par la société HISTOIRE D'OR du signe ROCK STAR pour des bijoux est exclusive de tout risque de confusion avec les produits commercialisés par la société NRH sous les marques ROCK STAR ;
Qu'il s'ensuit que la société NRH est mal fondée à invoquer une faute attentatoire à un exercice paisible de la liberté du commerce et de l'industrie et constitutive de concurrence déloyale par la création d'un risque de confusion sur l'origine des produits ;
Que le jugement sera confirmé sur ce point ;
Sur les autres demandes,
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit en l'espèce aux demandes respectivement formées au fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme dans les limites de l'appel le jugement entrepris sauf en ce qu'il prononce la déchéance des droits de Ronald Z sur la marque française semi-figurative ROCK STAR n° 3380638 pour l'ensemble des produits visés lors de l'enregistrement à compter du 19 septembre 2010,
Statuant à nouveau du chef réformé,
Déboute la société HISTOIRE D'OR de sa demande en déchéance des droits sur la marque semi-figurative ROCK STAR n° 3380638 déposée par Ronald Z le 19 septembre 2005,
Déboute de toute demande contraire aux motifs de l'arrêt,
Condamne Ronald Z et la société NRH aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE